Albus Conseil
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Pour bien intégrer vos nouvelles recrues, arrêtez de draguer !

Pour bien intégrer vos nouvelles recrues, arrêtez de draguer !
Pour bien intégrer vos nouvelles recrues, arrêtez de draguer !

/Améliorer la gestion des Hommes

La période d’intégration est aujourd’hui devenue un incontournable dans les entreprises… Il ne faut plus juste accueillir et informer, mais plaire et séduire le nouvel arrivant. Est-ce vraiment cela, bien intégrer ?

 

Souvent le réflexe quand on intègre, c’est d’abord de chercher à plaire 


Dans la plupart des entreprises aujourd'hui, l'intégration est un moment savamment orchestré : de la semaine d'intégration au véritable "parcours collaborateur", la période d'intégration est de plus en plus prise au sérieux. Et pour cause, l'enjeu est important : montrer au nouvel arrivant qu'il ne s'est pas trompé dans son choix, s'assurer qu'il corresponde aux valeurs de l’entreprise, bref, lui donner envie de rester. Pour plaire tous les moyens semblent bons, l’intégration devient la danse du paon. 

Là où il y a encore quelques années, l'intégration était synonyme d'un déjeuner avec son équipe pour faire connaissance, aujourd'hui elle tend à devenir une période initiatique qui s'étale sur plusieurs jours. On retrouve ainsi, dans ces périodes "d'onboarding" une mise en scène étudiée : des intervenants clés (les parrains ou marraines), des rituels prédéfinis (la tournée de l'open space, le verre en fin de journée, les cafés de présentation), et puis, de plus en plus, ces fameux « welcome kit », où au fond d'un sac se côtoient goodies, plaquette sur les valeurs et mémo sur l’engagement social et environnemental de l’entreprise. L’intégration semble gouvernée par un seul but : en mettre plein la vue. 

Pourtant, cela fausse la relation dès le départ 

Si l'on gratte un peu le vernis de toute cette mise en scène, on se demande pourquoi il existe une telle inflation d'énergie et de moyens mis au service de l'intégration. Évidemment, l'effort d'accueil réservé aux nouveaux au sein d'une entreprise est louable, mais intégrer n'est pas juste accueillir. Intégrer c’est absorber un élément extérieur, ce qui suppose une période de friction. On se découvre, on se jauge, on s’agace parfois, en somme on apprend à fonctionner ensemble. 
 
Or tout semble fait pour éviter une quelconque friction pendant l’intégration ! Cette période s'apparente bien plus à un sas doucereux où l'on évite que la réalité des choses soit exposée de manière trop brutale au nouvel arrivant. On ne parle surtout pas de la santé économique de l'entreprise, des problèmes de communication ou de relations entre équipes, des dossiers laissés vacants depuis plusieurs mois...

Cette période s'apparente bien plus à un sas doucereux où l'on évite que la réalité des choses soit exposée

Le problème, c’est qu’en cherchant à ne pas bousculer le nouvel arrivant, on le laisse dans une posture d'enfant à qui l'on refuse de faire voir la réalité en face. Et ça, c’est exactement Tinder : une belle image qui tente surtout de cacher ce qu’il y a derrière. 


En réalité, on essaye surtout de se protéger  
 

Si l'on y regarde de plus près, cette période de transition ouatée, qui protège-t-elle vraiment ? Pourquoi tant de précautions ? 
 
Cette mise en scène protège en fait davantage les managers et les équipes que le nouvel arrivant. Le décorum occulte la vraie vie de l'entreprise, pétrie de choses qui fonctionnent mais aussi qui dysfonctionnent. Le nouvel arrivant, par définition, dispose d'un œil neuf sur les choses, sur votre manière de vous organiser, de travailler, de décider en commun et ce regard neuf peut parfois s'avérer cinglant, ou du moins agaçant. Intégrer suppose s’exposer, et donc prendre le temps d’accueillir et de répondre aux remarques, incompréhensions voire critiques. C’est également accepter de lever le voile des illusions qu’entretiennent si bien les plaquettes d’entreprises et les sites web reluisants. Car ce décor confortable maintient aussi les interrogations du nouvel arrivant à distance : tais-toi et regarde. Il est plus facile de créer un décor policé pour quelques jours que d’accepter dès le départ de se frotter aux réactions qui dérangent et renvoient aux limites de l’organisation. Or l’intégration ce n‘est pas juste un spectacle, mais une rencontre entre deux mondes avec la période d’ajustement et de friction nécessaire.  On confond aujourd'hui intégration avec le petit déjeuner de bienvenue : il y a un moment pour être festif et accueillir, un moment pour partager et intégrer. 


Pour bien intégrer, il faut accepter de mettre en danger 


Soyons clairs :  mettre en danger ne signifie pas mettre en péril la relation dès le départ ou créer une sorte de semaine « test » pour voir comment le nouvel arrivant s’en sort. Pour bien intégrer, il va de soi qu’être transparent sur les attentes, la réalité de la santé de l'entreprise et les informations clés est essentiel. Mais alors, pourquoi « mettre en danger » ?

C’est l’inconfort qui permet de faire tomber les masques, aussi bien celui de l’entreprise et du manager que celui du nouvel arrivant. Mettre en danger permet d’aller droit à l’essentiel : moins d’images et de discours policés, plus de relation directe et simple.  Comment alors mettre en danger, sans infantiliser, et sans risque inutile ? 

Plusieurs idées me viennent en tête : 

Tout d’abord arrêter de vouloir protéger, donc arrêter de téléguider les tâches du nouvel arrivant. À vous manager, je ne crois pas que votre rôle ni même, dans la plupart des cas, votre envie profonde, soit d’ajouter à votre charge de travail celle de votre nouvelle recrue. Laissez-le tester des choses, faire en solo certaines réunions, sans vous poser comme indispensable (aussi parce que, avouons-le, ça nous rassure), soyez une abondante source d’informations et de conseils, mais pas d’actions. Oui cela signifie sans doute que les tâches confiées seront réalisées en davantage de temps, mais, au fond, qui croit vraiment à ce mythe du nouveau qui serait parfaitement opérationnel dès le jour 1 ? 

Intégrer prend du temps, et c’est sans doute pour cela qu’il s’agit d’un exercice bien plus difficile qu’il n’y paraît : en entreprise le temps long est souvent évincé.  Et si l’on pense à intégrer une personne, on oublie souvent que la personne elle aussi, a à intégrer. La mise en danger est donc double : la vôtre, puisque vous acceptez de ne pas faire, et que vous prenez le risque du temps perdu ou des erreurs malvenues, mais aussi celle du nouveau, car vous lui refusez un sas rassurant et protecteur où les premières erreurs et les « questions qui tuent » sont évitées. 

Une autre idée de mise en danger peut être d’inviter le nouvel arrivant à questionner les habitudes et modes de fonctionnement de votre équipe ou entreprise. Cela revient, comme il a été dit précédemment, à volontairement vous exposer. Il est aujourd’hui fréquent de lire comme conseil pour « réussir son intégration », qu’il faille observer les comportements et codes implicites de son équipe pour s’y conformer. Je pense au contraire qu’une confrontation de points de vue est bien plus fructueuse qu’un conformisme passif. Inviter votre nouvel arrivant à bousculer les codes que l’on ne questionne plus car bien souvent on ne les voit plus, est une mise en danger qui vous permettra sans doute de vous améliorer et progresser en tant qu’équipe. 

Une confrontation de points de vue est bien plus fructueuse qu’un conformisme passif

Enfin, osez vous mettre en danger … en faisant simple. Aujourd’hui on cherche souvent à en faire trop, à alourdir de rituels creux et pompeux les premiers instants avec le nouvel arrivant, alors qu’en réalité un bon déjeuner et du temps sanctuarisé suffisent bien davantage pour mettre à l’aise et découvrir les nouveaux. Votre disponibilité et votre confiance sur le temps long sont infiniment plus précieuses que tous les artifices que l’on peut voir fleurir.  

Finalement, ne serait-elle pas là, la vraie mise en danger : faire tomber les masques, accepter de ne pas chercher à plaire ou téléguider pour davantage se rendre disponible à l’autre ? C’est en somme laisser du temps et de l’espace pour qu’une vraie relation se construise. Et si l’on vous dit d’arrêter la drague c’est parce qu’elle s’impose plus qu’elle ne lie, mais en revanche rien ne vous empêche d’opter pour une approche bien plus subtile et viable : prendre du temps, être à l’écoute, se montrer disponible sans rien forcer, en un mot se faire fin séducteur plus que pesant dragueur. 
 
 
 

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