Albus Conseil
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L’opposition en entreprise : une vertu diabolisée !

L’opposition en entreprise : une vertu diabolisée !
L’opposition en entreprise : une vertu diabolisée !

/Gérer les relations

« J’accepte le sens critique bien sûr, mais à la fin de la réunion il faut que tout le monde aille dans le même sens ! » : voilà le niveau d’acceptation le plus fort de l’opposition par les managers. Une opposition brève, suivie d’un ralliement rapide. Et si on re-questionnait la place de l’opposition et ses vertus ?

 

On met dans le même sac l’opposition du but et l’opposition sur les moyens

Petit préambule pour préciser que nous ne parlons pas ici des syndicats, qui ont un rôle de contre-pouvoir par mandat et dont nous avons déjà parlé dans d’autres articles.

Derrière le thème d’opposant, on assimile deux choses qui n’ont rien à voir. L’opposition sur le but de votre projet (une vision d’entreprise, un projet de cession, un changement d’activité ? etc.) et l’opposition sur les moyens (le temps, la répartition des rôles, la priorisation).

Et là, vous nous voyez venir, on va vous dire que l’opposition est acceptable quand elle se situe sur les moyens et pas sur la finalité. Et bien non ! Disons plutôt que les deux sont très différentes mais aussi utile l’une que l’autre.

  • L’opposition sur les moyens, c’est la vigilance. Elle questionne sur les éléments du projet pour s’assurer que le chemin imaginé est robuste. Elle permet l’appropriation et le ralliement des indécis si le leader est prêt à quelques concessions sur les modalités. Bref ça solidifie le projet et ça fédère les équipes. C’est l’opposition qui peut devenir stérile quand elle se prolonge (« ok, tu n’étais pas d’accord sur les priorités mais maintenant qu’on est parti, ce n’est plus constructif »)
  • L’opposition sur le but, c’est l’adversité. Et l’adversaire, c’est ce qui permet le dépassement et le questionnement fondamental. Vous n’avez qu’à regarder : Jobs et Gates, Nadal et Federer, Astérix et César, Français et Anglais, etc. Bien sûr que ce n’est pas agréable de devoir gérer un opposant, notamment dans son équipe. Mais son apport est fondamental pour créer un déséquilibre qui permet le renouvellement et l’avancée. L’opposition n’est pas la traîtrise si l’intérêt vital de l’entreprise ou du projet reste un bien commun (« je ne suis pas d’accord avec ton projet mais je ne coulerai pas la boîte pour te prouver que j’ai raison »). Cette stimulation apportée par l’opposition est une façon de canaliser sa tension vers une confrontation connue et énergisante. C’est parfois pénible mais indubitablement précieux

 

Sans opposant, votre management ressemble à un despotisme aveugle

En tant que leader, nous sommes sûrs que nos opposants (sur le but du projet) sont contre-productifs puisque l’on pense logiquement avoir choisi le bon objectif. Mais en tant que consultant, nous voyons un problème bien plus régulier et problématique que la présence d’opposants. C’est l’absence d’opposition exprimée.

C’est d’abord compliqué pour le leader lui-même, car l’absence d’opposition se traduit souvent par un grand sentiment de solitude. Personne pour renvoyer un effet miroir par son opposition, pas de confrontation stimulante, pas de test de robustesse sur le projet. On a parfois l’impression que, si le projet allait dans le mur, personne ne le dirait. Et ça ce n’est pas du tout rassurant.

C’est compliqué pour le projet aussi. Une opposition marquée permet de voir l’autre côté de la pièce et permet d’évaluer plus complètement la situation (« mon projet n’est peut-être pas parfait, mais le projet concurrent a moins de chance de résoudre mon problème »). Difficile de distinguer la différence entre un ralliement de conviction et un ralliement de confort. L’opposition au moins, c’est clair !

 

Tout est question d'équilibre... et d'animation ! 

Nous avons tendance, en bons enfants de la socio-dynamique, de dire qu’un projet ne meure pas de la présence d’opposants mais de l’absence d’alliés. Nous y croyons toujours autant sauf que nous pourrions ajouter qu’un projet de meure pas de la présence d’opposants, mais qu’il peut mourir de n’en avoir aucun.

C’est donc une question d’équilibre. Si le sujet à traiter est sensible, vital, un projet sans opposant est un projet qui n’est pas suffisamment ambitieux, pas suffisamment clair ou adressé à un public qui n’est pas suffisamment compétent ou en confiance pour exprimer son avis. Trop d’opposants, évidemment, c’est un problème car le projet est soit mal pensé, soit il sera mal mis en œuvre. Donc, on doit obtenir un point d’équilibre, ça paraît évident.
 
Mais ça ne suffit pas. 

Souvent, le leader anime très mal l’opposition.

Au début, il ne la laisse pas s’exprimer suffisamment. C’est le moment où il présente le projet : il est dans ses petits souliers, il voudrait obtenir une adhésion rapide et il montre, verbalement ou non, que l’opposition serait malvenue. C’est dommage parce que l’opposition a souvent besoin d’être exprimée pour que l’adhésion se développe (l’énergie d’opposition est plus spontanée, celle de l’adhésion se construit plus lentement). De plus, une opposition non exprimée ne disparaît pas, au contraire, moins elle est exposée plus elle gonfle.

Ensuite, en revanche, on lui donne souvent trop d’importance. Le leader a une fâcheuse tendance à se sur-adapter à l’opposition car il s’en méfie. Les arguments deviennent des plaidoyers, les moments de construction sont de plus en plus cadrés, etc. Il suffit parfois de regarder les yeux d’un leader pour savoir qui sont les opposants à son projet. Ça ne donne pas forcément envie de se rallier et ça peut même questionner sur la solidité du projet.

Rien n’empêche, au contraire, de bien exposer l’opposition, de la rendre connue de tous et de lui garder une juste place : à certains moments c’est ok de l’exprimer, à d’autres non. C’est évidemment plus simple à dire qu’à faire mais profiter de l’intérêt de l’opposition est à ce prix.

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