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Ne demandez pas aux managers intermédiaires de porter vos décisions

Ne demandez pas aux managers intermédiaires de porter vos décisions
Ne demandez pas aux managers intermédiaires de porter vos décisions

/Interroger sa posture managériale

Pas une boite où les managers intermédiaires ne soient « coincés entre le marteau et l’enclume ». Difficultés à tenir la position, trop souvent « du côté du terrain », tiraillés entre leur loyauté à la hiérarchie et celle à leurs équipes, les managers de terrain sont presque toujours le maillon faible des organisations. Mais pourquoi est-ce si systématique ? Depuis si longtemps ? A-t-on les bonnes attentes vis à vis d’eux ?

Vous voulez débattre de cet article ? Critiquer ou abonder ? Rejoignez-nous le vendredi 19 mars de 13h à 14h sur Zoom.

 

L’héritage du contremaître...

Il parait si loin le contremaître des fabriques d’autrefois. Cet homme avec un petit h, au choix autoritaire ou paternaliste est sans ambiguïté aucune la courroie de transmission entre un patron, le juge, le bienfaiteur et le tortionnaire, et les ouvriers exécutants. 
Les frontières se sont brouillées et des subtilités sont apparues dans cette pyramide. Les ouvriers sont moins nombreux et plus qualifiés (en Europe occidental) ; le tertiaire a pris une place considérable, les patrons sont en moyenne plus éclairés. Les organisations sont moins pyramidales, plus ou moins matricielles, et les discours sont plus ouverts. Le chef est de plus en plus souvent une cheffe.

Mais le manager intermédiaire, malgré tous ces changements, me semble garder beaucoup de points communs avec notre contremaître :

  • il est supposé avoir voix au chapitre mais en réalité, on sait peu l’écouter et tenir compte de ses avis;
  • il est supposé faire preuve de leadership mais en réalité, il a peu de marge de manœuvre, et s’il en a en théorie, la pression sur les résultats et la logique de « best practice » tend à uniformiser leurs actions.

 

... Mais les attentes d’un entrepreneur

Sauf que nous lui demandons de porter les projets, de tenir la posture du manager, de ne pas tomber dans le copinage, de savoir sanctionner, d’être un véritable manager d’équipe et pas un simple leader technique….

Et on s’étonne, presque partout que le manager intermédiaire tienne mal son rôle. D’autant plus qu’il est souvent issu du rang, promu pour ses résultats d’opérationnel et pas ses qualités managériales.

À bien y réfléchir, je ne suis pas surpris que ces managers soient si rarement les leaders dont nous rêvons : il y a une contradiction fondamentale entre le rôle qu’ils doivent tenir dans des organisations qui cherchent à sécuriser les processus, à normaliser les résultats, à prévoir, à piloter, et le rôle que l’on espère désespérément d’eux autour de la créativité, de l’initiative et de la contradiction (constructive) permanente. Comme si vous demandiez à votre enfant de 4 ans d’inventer sa propre façon de traverser la route à condition qu’il reste dans les clous, passe au bonhomme vert et tienne la main.

Le paroxysme de ce rêve éveillé, c’est l’injonction à l’entrepreneuriat, à raisonner comme si c’était votre entreprise. Mais non. Ce n’est pas leur entreprise. Même avec quelques actions. Ils ne sont pas chez eux, ne soyons pas hypocrites.

 

Les solutions en noir et blanc

Alors évidemment, on peut échapper au paradoxe en assumant un modèle, ou l’autre.

Le modèle où on est vraiment leader se trouve parfois dans les entreprises libérées, dans les coopératives d’indépendants. Mais surtout, ce qui est très flagrant c’est que la seule vraie façon d’être entrepreuner est d’entreprendre. Avec le temps je me rend compte qu’il n’y a aucun moyen de proposer à un entrepreneur véritable une place durable dans une organisation. Un entrepreneur entreprend. Il n’est pas salarié, il n’est pas dans vos équipes, ou ne va pas y rester.

Le modèle franchement hiérarchique existe aussi, mais il est de moins en moins affirmé. Disons qu’il se trouve dans des orchestres, des cuisines de chefs, sur des navires, dans l’armée ou chez les pompiers. Il n’est pas nécessairement synonyme d’autoritarisme et de maltraitance et doit probablement marcher au moins un temps s’il est profondément choisi par tous et qu’il est générateur d’excellence.

Sauf que la plupart des entreprises n’ont les moyens ni de l’un ni de l’autre :

  • le modèle tous leaders est objectivement impossible quand la production nécessite la coordination de centaines voire de milliers de personnes, et que les équipes sont constituées d’individus aux attentes extrêmement diverses, issues de personnalités et d’histoires quasi infinies;
  • le modèle hiérarchique est passé de mode dans la plupart des secteurs, et il ne correspond plus aux besoins d’agilité et de réactivité dont la centralisation est l’ennemi.

Alors que faire ? Qu’attendre de nos managers intermédiaires ?

 

La solution en couleurs 

Avec tout ça, je pense que c’est un tort de vouloir leur faire porter les décisions qu’ils n’ont pas décidées. Par porter je veux dire défendre, répondre aux objections. C’est une chose qu’ils peuvent faire bien entendu. Mais imaginer qu’ils doivent TOUS le faire n’est pas pertinent. Vous serez déçus : ça serait moins bien fait que par vous même, ils se sentiront mal à l’aise, et vos équipes recevront un message sans enthousiasme quand il ne sera pas transformé ou même tout simplement oublié.

Non. Assumons.

C’est votre décision ? C’est à vous de la défendre.
Vous l’avez vraiment co-construite avec votre codir ? Tout le codir peut la défendre.
Vous voulez qu’un ou plusieurs managers défendent une décision ? Alors ça sera la leur et il faut laisser de grandes libertés !
Un de vos managers est si convaincu qu’il veut bien porter la décision ? Ok mais n’étendez pas aux autres.

Et si vous voulez changer ce rôle de courroie de transmission ?

Eh bien, raisonnez temps long et abordez le sujet autrement :

=> D’abord, ne vous attaquez pas au sujet à un moment où vous avez besoin de vos managers. Si vous voulez les repositionner, faites-en le coeur de la transformation et pas une modalité d’un projet plus grand. Ça évitera (un peu) le procès en manipulation.

=> Ensuite, avant de leur faire faire des tas de nouvelles choses, commencez à votre niveau : ne leur faites pas porter vos décisions, faites le vous-mêmes. Ne vendez pas la co-construction quand l’essentiel est déjà décidé, etc.

=> Enfin, offrez une liberté claire, concrète, dont l’usage sera fréquent, éventuellement demandée par eux depuis longtemps, et qui rend leur action « dangeureuse »… Oui, dangereuse. Tant que vous ne confiez que des décisions sans grands enjeux, vous passez de la pommade. Et autour de cette nouvelle liberté, bâtissez votre mobilisation ! Une quête spéciale et enthousiasmante, périlleuse mais patiente, inédite mais outillée.

La mobilisation d’un groupe ne peut être un processus aussi réglé qu’une chaine industrielle : il faut respecter l’humain et ses temps d’appropriation. Pour vous rapprocher de vos managers intermédiaires, cessez de leur demander d’être vous.

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