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Sortir le dialogue social des tranchées

Sortir le dialogue social des tranchées
Sortir le dialogue social des tranchées

/Gérer les relations

Dans l’industrie, les transports publics, à l’Education Nationale ou les grands ports maritimes, dans la pétrochimie, presque partout en France les entreprises souffrent de leurs rapports avec leurs syndicats. Et si on prenait du recul pour trouver des solutions au blocage ?

Il faut dire que l’on aime pointer du doigt notre syndicalisme contre-productif, que l’on parle longuement de Goodyear à Amiens Nord en oubliant qu’à Amiens-Sud, la CGT n’a pas fait d’entrave au changement et que le site se porte aujourd’hui très bien. 

Il faut dire aussi que la situation actuelle ne satisfait personne. Du côté des syndicats, le combat social se marginalise : il y a de moins en moins de personnes syndiquées en France, et surtout de moins en moins de personnes qui croient à l’efficacité de leurs actions pour protéger les salariés. Du côté des managers, le climat social est délétère et les directions ont beaucoup de mal à embarquer, ou parfois simplement à dialoguer avec le terrain. 

 

Pourquoi le dialogue social est si compliqué en France ?

Si le modèle économique allemand est aujourd’hui déifié en général, il l’est tout particulièrement quand il s’agit de dialogue social. L’organisation en « cogestion » fait des envieux chez nos représentants syndicaux, l’ouverture au dialogue fait rêver les patrons des entreprises implantées en France. 

La cause racine est historique. En Allemagne, le syndicalisme est le fruit d’un travail d’unification dépolitisé (donc des positions moins idéologiques) et d’institutionnalisation (encadrement du droit de grève en échange de pouvoirs décisionnaires dans l’entreprise). Le résultat, c’est un syndicalisme plus fort (26% des salariés) et qui évolue constamment. 

En France, le syndicat s’est construit dans la méfiance. Méfiance des syndicats à la Révolution, quand la loi Le Chapelier interdira le corporatisme ; méfiance inverse un siècle plus tard, avec la loi Waldeck-Rousseau qui les autorisera ; méfiance des syndicats entre eux, puisque la plupart des confédérations se sont créées par des divisions intestines et des scissions. 

Cette méfiance, elle s’est cristallisée dans le dialogue social. En 130 ans, les syndicats français ont gagné des libertés mais pas de responsabilités. Les patrons se méfient de la capacité de pouvoir et de l’aveuglement idéologique de certains mouvements extrémistes. Les syndicats, eux, ont le sentiment que rien ne leur sera donné qu’ils ne seront allés obtenir par la confrontation. La cogestion, on en est très loin… Entre les deux, vous avez Goodyear à Amiens Nord, la SNCM, etc.

 

On ne renie pas son histoire…

Evidemment, il n’existe pas de solution miracle qui permettrait de balayer d’un revers de manche les défauts de construction du discours syndical. Le problème est tellement macroscopique que la solution aussi devrait l’être : proposer et déployer au niveau national un nouveau contrat social qui, en échange de responsabilités plus grandes au sein des organes de décisions de l’entreprise ou des administrations, diminuerait la capacité de blocage en toute impunité des IRP (instances représentatives du personnel) tout en augmentant leur pouvoir de contrôle sur les excès des dirigeants.

Autant dire que ce n’est pas pour demain…

 

Que fait-on aujourd’hui ? 

Les dirigeants aujourd’hui, les DRH aussi, tentent de s’en sortir au mieux dans cet antagonisme structurel. Si les intentions sont rarement condamnables, la mise en œuvre donne souvent l'impression d’une partie d’échec : 

  • On cherche les petites victoires tactiques.
  • On se réjouit de l’erreur de « l’adversaire » et on essaye d’en profiter.
  • On joue l’influence des uns contre l’intransigeance des autres.
  • On monte volontiers les syndicats les uns contre les autres quand c’est possible (et on s’en félicite).

 

En retour, les représentants syndicaux ne sont pas des victimes dociles :

  • On cherche les petites victoires également.
  • On ne se prive pas, si on peut, d'avoir la peau du DRH.
  • On joue le pouvoir national contre les dirigeants locaux.
  • On saute sur la moindre erreur de communication pour démontrer les vilaines intentions des dirigeants. 

Cette bataille est une guerre de tranchée digne de 1914 : les gains sont minimes des 2 côtés et obtenus au prix de douloureux efforts, parfois de sacrifices et toujours de vexations mutuelles… et cet enlisement peut durer jusqu’à l’arrivée des Américains… autrement dit la survenue d’un événement extraordinaire qui déséquilibre tellement le jeu que les lignes bougent brusquement… mais pas sans pertes.

 

Comment faire mieux ?

Il n’existe aucune martingale à effet immédiat. Pas de moyen de renverser localement 130 ans d’histoire en quelques actions bien senties.

Pourtant, une autre philosophie d’action, initiée par l’une ou l’autre des parties (idéalement les 2), permet de regagner de la confiance. Il s’agit des principes du Jeu de Go, ou dit autrement, de l’application de systèmes relationnels asiatiques pour voir la situation avec des lunettes différentes.

pieces de jeu de go

Voir ici les règles du jeu de Go

Traiter le sujet du dialogue social en joueur de Go, c’est admettre une bonne fois pour toute et sincèrement que les forces managériales et syndicales peuvent non seulement coexister mais surtout que leurs intérêts sont communs : 

  • Le management a intérêt au bien-être et à la bonne santé des collaborateurs parce qu’il en tirera de la productivité, de la qualité, de la créativité. 
  • Les syndicats ont intérêt à la bonne marche de l’entreprise parce qu’ils en tireront de la pérennité pour les emplois et une possibilité de rémunération plus élevée.

 

Concrètement jouer au go, c’est en finir avec la logique de petites victoires à court terme et :

  • Eviter les manœuvres sous-terraines manipulatoires des 2 côtés.
  • Ne pas pousser son avantage quand la victoire diminuera le partenaire, le vexera.
  • Chercher les points d’accord avant tout.

C’est aussi mettre en place un véritable travail de fond sur le terrain pour faire avancer les causes communes, à commencer par la fierté des collaborateurs, leur plaisir à être compétitifs.

 

Evidemment c’est un travail à long terme, parfois difficile à tenir dans la durée avec la valse des cadres. Mais que les impatients se fassent une raison : rien n’a été obtenu en 20 ans sur le sujet ; on peut bien prendre 5 ans pour faire bouger les lignes.

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