Albus Conseil
 LE MAGAZINE

Stop à la rémunération variable individuelle

Stop à la rémunération variable individuelle
Stop à la rémunération variable individuelle

/Améliorer la gestion des Hommes

Voilà sûrement la plus mauvaise des bonnes idées de ces dernières années ! Instaurer une rémunération au mérite individuel pour récompenser les meilleurs semble logique, mais on a tout faux. Non seulement c’est difficile à faire accepter aux partenaires sociaux, mais une fois en place c’est absurde, pervers, et finalement contre productif.

Nous profitons du fait qu’une entreprise du CAC 40 ( LVMH, excusez du peu) vienne de supprimer cette mesure pour partager notre joie, et expliquer ce qui nous semble être une excellente décision.


Trop beau pour être vrai

L’argumentaire de la rémunération au mérite est huilé et semble tomber sous le sens :

  • Elle permet de différencier les collaborateurs les plus méritants, et de reconnaître leur compétence et leur engagement.
  • Elle envoie un message à ceux qui trainent la patte.
  • Elle permet de distribuer la sur-performance à ceux qui en sont le plus responsable. 

En plus, les opposants à ce type de mesure sont faciles à contrer :

  • Ils veulent défendre ceux qui ne travaillent pas.
  • Ils refuse la notion même de performance et donc la pérennité de l’entreprise.

Alors évidemment, ceux qui luttent contre ces principes sont souvent maladroits ou dogmatiques, et ne servent pas vraiment une cause pourtant parfaitement légitime. 


C’est absurde

Ce type de rémunération est absurde à plusieurs titres ; en bref :

  • D’abord, elle dévalorise le contenu du salaire fixe, en laissant entendre que la performance ne fait pas partie des attendus du poste. J’exagère un peu mais à cause de ça, on vous répond « combien ? » quand vous demandez une action nouvelle pour s’adapter à un nouvel élément du contexte.
  • Ensuite, elle instaure par définition une hiérarchie des collaborateurs. Or cette hiérarchie nie un élément primordial de la réussite de 95% des entreprises : ce qui fait la performance d’une entreprise, c’est pas les exploits de 10% de « superstars », mais les actions justes et renouvelées de 90% des collaborateurs, incluant donc tous ceux qui ont une performance « normale ». Privilégier les talents est une absurdité RH parce qu’elle vous coupe de la masse de vos équipes, comme s’il suffisait d’un attaquant pour gagner un match, et qu’on pouvait se passer d’un milieu récupérateur, d’un gardien, d’un remplaçant ou d’un préparateur physique. 
  • Enfin, elle va contre l’évidence qu’une entreprise est une chaîne d’actions, et qu’il est IMPOSSIBLE d’attribuer avec certitude une performance quelle qu’elle soit à 1 seul. Même un vendeur sur le terrain, même un designer de génie. 


C’est pervers

Et comme c’est absurde, et bien c’est pervers.

Le salaire n’a plus de sens.

Dans une enseigne d’électroménager, une prime venait au vendeur quand il vendait un appareil plutôt qu’un autre… Résultat, beaucoup refusaient de vendre les autres appareils ! Mais du coup, le salaire fixe correspond à quoi ?

Le lien entre une prime individuelle et un résultat nécessite un choix d’indicateurs précis pour être crédible. On se retrouve donc à pointer certaines actions en laissant entendre que les autres actions ne sont pas utiles. Des collaborateurs deviennent du coup impossibles à manager puisque toute demande devra se faire avec une négociation de prime… Et là, vous vous mettez dans une situation de dépendance comparable à la drogue. Vous arrêtez la prime, vous mettez l’organisation en état de manque. Il faut donc renouveler et souvent augmenter les doses…

Pervers !

Les équipiers sont hiérarchisés.

Comme la rémunération au mérite individuel classe les collaborateurs, il y a donc les bons et les pas bons. Rapidement vous observerez que, année après année, les classements se reproduisent grosso modo, et que rares sont les « meilleurs » qui deviennent « les nuls » ou inversement. La rémunération au mérite qui aurait comme vertu de motiver, devient en fait un outil qui fracture votre équipe. 

Si votre système est mal fait évidemment, on finit par avoir une petite minorité qui fait « le boulot des autres » et revendique toujours plus de reconnaissance ; alors que les autres se sentent exclus et se tournent vers les extrêmes pour être défendus.

Mais même s’il est bien fait, on aura toujours une frustration d’une majorité (qui pensait mériter plus) et dont la démotivation est loin d’être compensée par celle de ceux qui s’estiment bien lotis.

Pervers !

Les fonctions sont silotées.

Peu d’organisations ne constatent pas de silos et vantent la transversalité de leur fonctionnement. Eh bien la rémunération variable individuelle est une belle occasion de geler les silos. Parce qu’un collaborateur ne voudra pas d’une prime sur un objectif qu’il ne maîtrise pas, vous allez saucissonner votre activité et pousser les individus à se concentrer à 100% sur leurs actions en négligeant celles des autres.

Or la vérité d’un système complexe, c’est qu’il faut parfois (souvent) arbitrer entre différents éléments du système pour atteindre l’optimal global. Et cet arbitrage peut amener à diminuer la performance locale. Donc, soit vous n’avez pas d’arbitrage global et vous ne serez pas à l’optimum ; soit vous faites des arbitrages globaux et vous nuirez aux performances et donc aux primes de certains… Je ne donne pas cher de la motivation des personnes concernées.

Pervers !


C’est inefficace

Et donc contrairement à l’argumentation un peu trop simple de la rémunération variable individualisée, vous êtes sûrement très en dessous de votre optimum de vente, de marge, de qualité, de sécurité, ou de tel ou tel autre de vos objectifs vitaux… C’est dommage, non ?

En résumé, ce paradoxe est l’effet d’une erreur d’appréciation : présentée comme un outil de plus pour manager et reconnaitre, ce genre de système est en fait un outil qui tue les autres leviers de management, et finit même par s’effondrer lui-même sous son coût social et financier.


Bâtir un système de variable 100% collectif, c’est se donner les moyens de manager

Pour un système vertueux, qui protège l’entreprise et traite avec justice les salariés, il faut renoncer totalement à ces primes.

Préférez les augmentations annuelles pour la reconnaissance individuelle financière parce qu’elle permet de globaliser l’évaluation, et d’inclure le lien avec les autres, la transversalité, le quoi et le comment, et de faire un point sur l’acquisition de compétence (VA à long terme) sans être aveuglé sur les gains du quotidien (VA de court terme).

Et mettez en place des reconnaissances variables collectives. 

Pour les mettre en place, vous pourrez faire du participatif pour mettre en évidence l’intérêt collectif et les contributions locales. Vous aurez donc une discussion sur la VA de votre entreprise pour vos clients, et de comment on l’optimise tous ensemble. Vous parlerez client, coeur de métier, collaboration.

Et puis, ensuite, vous valoriserez l’entraide et l’aide. Ainsi, au lieu de mettre 10% en avant, vous rendrez compte du travail de 90% des équipes. Et, oui, il y aura toujours quelques passagers clandestins qui profitent du système mais, d’une part la régulation collective jouera, et d’autre part c’est un coût minime par rapport au bénéfice de mobiliser une majorité.`

Récemment au PSG, le capitaine (qui traditionnellement gère avec ses collègues la répartition des primes de l’année) a demandé à récompenser Ben Arfa qui n’a pas joué de l’année mais était « exemplaire à l’entrainement et dans le vestiaire » ! Même dans ce monde d’hyper performance, la collectivisation des primes est vertueuse. 

Enfin, vous protégez mieux la santé de votre entreprise parce que vous êtes sûr que les critères d’attribution des variables dépendent de la santé réelle du système complet. Vous évitez donc de verser une mega prime à un commercial qui a fait un exploit alors que la boîte est dans le rouge.

Autrement dit, vous (re)commencerez à manager, et supprimerez les primes au mérite !

 

 

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