Albus Conseil
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Lean, attention à l'idéologie !

Lean, attention à l'idéologie !
Lean, attention à l'idéologie !

/Questionner les outils et concepts

Plus que jamais, le LEAN inonde toutes les entreprises. Il existe depuis un moment, mais le phénomène s’amplifie et tout groupe qui se respecte a son programme LEAN.

Ce système, qui est la plus grande mutation des systèmes de production depuis Taylor, est-il à la hauteur des espérances ?

Nous pensons OUI sur le papier, et NON dans les faits.


Le lean, du bon sens 

Ne laissez pas les spécialistes vous embrouiller. Le lean, c’est d’abord du bon sens.

A peu de choses près, c’est le système de production Toyota, mis à la sauce américaine et dans lequel on a même gardé des mots en japonais (pour faire plus authentique)… 

Mais de quoi s’agit-il ? 

Le lean est une philosophie de production, comme le taylorisme. Taylor misait sur la standardisation, la massification et le partage des tâches pour réduire les coûts. Le lean propose une autre porte d’entrée : concentrer le maximum de notre énergie et de notre argent sur ce qui a le plus de valeur pour le client, et réduire l’effort sur ce qui n’en n’a pas… Du bon sens !

Le 5S, lean ou pas lean, c’est plus simple de faire bien quand les choses sont triées, propres et organisées… c'est surtout du bon sens.

Pour faire du lean, il faut se projeter à long terme parce qu’ainsi, on pourra améliorer les fonctionnements dans la durée, et utiliser les gains sur des projets innovants, qui assureront l’avenir de l’entreprise… Du bon sens !

Pour faire du lean, il ne faut pas changer d’avis tout le temps mais essayer de stabiliser les choses pour les comprendre, et pouvoir les améliorer petit à petit…. Du bon sens !

Enfin pour faire du lean, il faut ne faut pas avoir peur des problèmes, mais se réjouir de pouvoir les résoudre… Du bon sens !


C’est imparable

Les cadors du lean font des calculs savants et arrivent à des prévisions de gains à faire pâlir d’envie n’importe quel chef d’entreprise…. 30, 40% de productivité dans les projections AT Kearney, ce n’est pas rare. 

Et les calculs sont justes : ils reposent sur le constat que l’usine ou le service étudié n’est pas parfait (ce qui est toujours le cas, évidemment), et formulent des gains potentiels qui sont la différence entre cette imperfection et une situation idéale, qui respecte les principes du lean. Nous sommes tout disposés à croire que des organisations complexes ont facilement 30% de productivité perdue. 

C’est comme si on vous disait que dans votre journée, nous allons supprimer le temps perdu : attente à la Poste, à la gare, bouchons… jusqu’à la pub à la télé ! On va aboutir à des temps considérables, et qui ne serait pas intéressé ?

C’est ce qui se passe chez Sanofi, L’Oreal et ailleurs : les gains promis sont tels que l’opposition et même les doutes sont interdits… reste à savoir si la méthode est bonne.

 

C’est faux

Mais évidemment ça ne marche pas, la réalité n’est jamais aussi parfaite que les projections sur papier. Par exemple, dans notre vie de consultants nomades, nous avons remplacé l’avion par le train ; il va moins vite mais le temps de trajet est productif à 80%, contre pas plus de 20% pour l’avion ; c’est du lean, ça marche, mais la productivité à 100% est encore loin.

Dans les entreprises c’est pareil ; à un moment, on se heurte à la réalité des compétences, au plan du site, aux habitudes, etc. 

On visait 30%, on a eu 10%. C’est moins, mais c’est génial quand même… Si vous voulez 30%, revenons au bon sens

A l’extrême, nous avons vu, dans un laboratoire pharmaceutique, un plan qui prévoyait des gains énormes mais calculés uniquement avec les chiffres d'ETP (Equivalent Temps Plein) et pas les personnes… Il aurait fallu couper les individus pour mettre les bonnes compétences aux bons endroits sans gaspi. Ils ne sont pas allés jusque-là.

Les opérations Lean apportent toujours des résultats, ce qui réduit considérablement le regard critique sur ce qui a été fait. En gros, on visait 30%, on a eu 10%. C’est moins, mais c’est génial quand même…

N’imaginons d’ailleurs pas un instant que ceux qui chiffrent ça y croient ; la stratégie est de faire envie en visant haut, et si on n'obtient que la moitié de l’objectif, c’est déjà énorme. Les managers ne sont pas dupes : ils savent que l’objectif est irréaliste, qu’il est là pour motiver, mais du coup ils ne le visent même pas.

  

C’est surtout mal fait 

Nous pensons que les 30% de productivité visés sont possibles, mais en faisant du vrai Lean, c’est à dire du bon sens.

Aujourd’hui, on diagnostique froidement un processus de l’extérieur avec une calculatrice et on revient en annonçant que les gens sont improductifs 30 à 40% du temps. On décide alors d’une série d’actions pour combler l’écart, s’appuyant sur un alignement d’outils sacrés qu’il serait très mal vu de critiquer.

D’abord, c’est pas facile à avaler. On peut trouver ça stupide, mais les gens n’aiment pas trop que des « monsieur-je-sais-tout » viennent leur expliquer comment faire leur boulot ; c’est logique.

Ensuite, il faudrait être fou pour jouer le jeu parce que si je me donne à fond, et qu’on gagne 30%... qui me dit que je ne vais pas le payer par la suppression de mon poste ? Non, c’est trop risqué. L’attitude la plus rationnelle est d’aller chercher 10% max, comme ça on a la paix et les emplois sont préservés. 

Avant toute chose, il faut dire à quoi seront utilisés les 30 % en question : innover, conquérir de nouveaux marchés, améliorer les conditions de travail. Chez Toyota, on innove, on crée la Prius, première voiture hybride, on part à la conquête du leadership mondial, et on ne diminue pas les effectifs…

  • Si vous ne dites pas à quoi servira la productivité, les gens n’iront pas. 

Evidemment, cela veut dire avoir une stratégie de long terme, stable et bien expliquée… Ca peut paraître fou dans notre monde mais ceux qui réussissent en ont une : Toyota bien sûr, Google, Apple, Décathlon, Hermes, les meilleurs en général.

  • Si vous n’avez pas de stratégie long terme, ne faites pas de lean.

Ensuite, pour que les gens cherchent des gains de productivité dans leur métier, un consultant peut aider (oui c’est ça le bon verbe !) mais il faut surtout des équipes à qui l’on fait confiance, qui peuvent travailler dans la sérénité, proposer.

  • Le lean, c’est un nouveau pacte managérial. Je vous donne des libertés, je vous dis où on va, et je vous laisse autonome pour avancer. 

Quand vous aurez mis cela en place, vous verrez que vos équipes auront des besoins, des problèmes à résoudre, et alors les outils pourront aider : PDCA, 5Pourquoi, 5S, Hoshin… ce ne sont que des outils, et il y en a d’autres, en dehors du lean. L’important c’est la philosophie.

Et la philosophie du lean est long terme ; ceux qui veulent du lean pour des ROI courts n’ont rien compris. Ceux qui oseront le long terme seront les gagnants. 

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