Albus Conseil
 LE MAGAZINE

Et si vous n'étiez pas si mauvais au fond?

Et si vous n'étiez pas si mauvais au fond?
Et si vous n'étiez pas si mauvais au fond?

/Interroger sa posture managériale

Peut-être est-ce l’indolence due aux vacances qui approchent, peut-être est-ce parce que nous voyons partout des managers inquiets et sous tension, nous avons envie de positivisme. Ce n’est pas seulement de l’optimisme ou de la méthode Coué, c’est aussi un état d’esprit nécessaire à la réussite des projets et des dynamiques d’équipe.


Le négativisme, une épidémie qui se propage

Dans les entreprises où nous travaillons, qui sont dans tous les secteurs et de presque toutes les tailles, la tendance est la même. Les managers sont durs avec eux-mêmes et avec leurs équipes. Ou, pour être plus précis, ils sont souvent satisfaits des actions qu’ils mènent mais insatisfaits des résultats qu’ils en obtiennent. Cela est vrai quels que soient les résultats : Un super projet a été décroché ? Oui mais le CA global n’est pas bon ; CA en progression à deux chiffres ? Oui mais on n’est pas assez rentable ; rentabilité de 30% ? oui mais on aurait pu faire 35% ; Année surperformée ? Oui mais on va se planter l’année prochaine… C’est sans fin.

Nous voyons deux raisons principales à ce rabaissement permanent. D’abord, ce n’est pas bien vu d’être content de soi ou de son équipe. On a peur de paraître louche. Et puis, on ne veut pas donner le bâton pour se faire battre, notamment vis-à-vis du haut de la hiérarchie. Du coup, on veut être ni trop content, ni trop défaitiste, alors on nuance en permanence et tant pis si personne n’y comprend rien :

  • « Vous avez très bien réussi cette année ! »
  • « Oh, je ne dirai pas cela, notre qualité et notre sécurité sont à la dérive… »
  • « Ah oui, alors la qualité et la sécurité ont été des échecs cette année ? »
  • « Oh, je ne dirai pas cela, nous avons agi tous ensemble et les résultats ont bien remonté en fin d’année ! »

La deuxième raison, c’est que l’on veut garder les équipes sous tension. Et que dans l’esprit de beaucoup, on ne motive jamais autant que quand il faut « redresser », « reprendre la main », « sortir de la crise ». Ça maintient la pression et ça peut permettre de faciliter l’adoption de mesures socialement compliquées. D’ailleurs, dire qu’une année est réussie risque d’ouvrir la boîte de Pandore des revendications syndicales, non merci !

C’est ainsi que, un peu comme les agriculteurs souvent brocardés pour leurs insatisfactions permanentes sur les conditions météorologiques, les managers rivalisent d’ingéniosité pour montrer que l’année est difficile. Leurs chefs iront souvent, plus tard, dire l’inverse à leurs actionnaires, mais rares sont ceux qui assistent aux deux exercices de style.


Sauf que le levier du challenge permanent est usé, cassé

Bien sûr, le pessimisme est une posture qui peut être salutaire, pour anticiper les problèmes, mais au bout d’un moment ça devient du négativisme omniprésent.

Nous croyons plus, en tant que Gaulois assumés, au rythme d’Astérix et Obélix qui ont besoin d’un banquet à chaque fin d’épisode et d’une sérénité retrouvée avant de pouvoir replonger dans une autre aventure.

Pour les équipes, ce ressort est cassé. Que toutes les fins de projet ou d’année aboutissent au même constat (« pas nul, mais doit mieux faire »), cela engendre une double mésentente. On n’entend plus dans le sens où on n’écoute plus, car c’est toujours un peu la même chose, et on n’entend plus dans le sens où on ne comprend plus, car c’est difficile de savoir comment aboutir à une année réussie étant donné que les résultats obtenus ne suffisent jamais.

L’image qui nous vient est évidemment celle de l’enfant qui criait au loup. En abusant du levier de l’insatisfaction sur l’année passée ou du danger de l’avenir, on inhibe totalement la capacité de réaction de l’équipe. Si le danger c’est tous les ans, alors soit il n’existe pas, soit nous sommes tellement forts que nous survivons à chaque fois. Dans les deux cas, l’équipe  développe un sentiment d’immortalité possiblement fatale le jour où la mobilisation générale est vraiment nécessaire.

Nous avons souvent l’impression que les managers se croient dans 24h Chrono, la série avec Kiefer Sutherland, avec la nécessité de trouver, après un danger écarté, un danger encore plus fort alors même que le héros n’a pas eu le temps de se reposer. Nous croyons plus, en tant que Gaulois assumés, au rythme d’Astérix et Obélix qui ont besoin d’un banquet à chaque fin d’épisode et d’une sérénité retrouvée avant de pouvoir replonger dans une autre aventure. Ce moment de sérénité est indispensable, pour apprendre, prendre du recul, analyser, ou tout simplement reprendre des forces. Ainsi, la force de réaction sera plus forte pour le prochain danger.


La prophétie autoréalisatrice

La conséquence la plus destructrice du « négativisme », c’est évidemment sa capacité à influer négativement sur les résultats réels. Dans le cadre d’un projet de changement notamment, si la transformation est difficile, il y a toujours un moment délicat où les efforts ont été fournis depuis plusieurs semaines et où les résultats sont encore embryonnaires. A ce moment précis, celui que nous appelons le creux de la courbe du changement, la croyance du manager est indispensable. Soit il est positif, valorise les petites avancées et pousse les collaborateurs à y croire encore, et le projet s’emballe, soit il doute, critique l’efficacité de son équipe et martèle son exigence sans regarder les efforts et il éteint les quelques braises qui commençaient à apparaître.

Il faut combattre cette certitude de plus en plus ancrée qui consiste à croire qu’un manager courageux et exigeant est un manager insatisfait, challengeant en permanence. Un manager courageux sait dire à son équipe qu’une année a été une grande année, simplement et sans nuance. Un manager exigeant sait challenger son équipe quand c’est nécessaire, et mobilise aussi son équipe par son optimisme et sa satisfaction dans les moments de doute. 

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