Albus Conseil
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Ne copiez pas Steve Jobs

Ne copiez pas Steve Jobs
Ne copiez pas Steve Jobs

/Interroger sa posture managériale

Que l’on aime Steve Jobs ou pas, que l’on aime Apple et Pixar ou pas, force est de constater que les 2 entreprises qu’il a dirigées sont parmi les plus grands succès industriels de ces 50 dernières années, au point qu’on le compare volontiers à Ford. Il a d’ailleurs fait l’objet d’un film, ce qui n’est pas si fréquent pour un patron d’entreprise.


Des résultats qui font rêver

Avec un tel succès, beaucoup de dirigeants dans le monde se demandent quel est son secret pour avoir eux aussi une réussite de cet ordre.

Un de nos clients, patron et propriétaire d’une grande entreprise le cite régulièrement et en fait un modèle. Alexandre de Juniac aussi, PDG d’Air France le convoque explicitement pour justifier sa méthode de management. La biographie de Jobs, écrite par Walter Isaacson, est le livre de chevet de nombreux managers grisés par le succès d’Apple, qui rêvent de devenir un peu meilleurs en lisant ces pages.

  

Oui mais voilà… Steve Jobs était fou !

Indubitablement, Steve Jobs n’est pas un bon manager, comme en rêvent les employés. Il était colérique, manipulateur, insultant parfois, volontiers cruel comme son biographe (pourtant officiel) le montre.

Il faut pourtant bien expliquer le succès de ses entreprises, malgré sa folie.

Il était aussi totalement hermétique à ses actionnaires, ses financiers et ses partenaires, au point d’ailleurs de se faire sortir d’Apple en 1985, avant d’y revenir en 1997.

Steve Jobs avait d’énormes défauts, insupportables aux dires de ses proches eux-mêmes, qu’il compensait par quelques qualités hors du commun. Steve Jobs était un génie ; pas un modèle. Comme d’autres génies tels Churchill, Dali ou Eugène Schueller (fondateur de L’Oréal), Steve Jobs n’est pas duplicable. 

Il faut pourtant bien expliquer le succès de ses entreprises, malgré sa folie.

Il a ainsi construit un dispositif complet, de la philosophie à la mise en œuvre en passant par le management comme l’ont fait Ford et Toyota avant lui.

De sa maniaquerie est née la cohérence

Jobs ne faisant confiance à personne, il a très tôt voulu tout contrôler (cela se retrouve dans la philosophie de ses produits : fermés) et a bâti, seul, un système cohérent de A à Z. Il a ainsi construit un dispositif complet, de la philosophie à la mise en œuvre en passant par le management comme l’ont fait Ford et Toyota avant lui.

Dans l’histoire, les entreprises qui ont eu le plus de succès ont adopté des principes simples, souvent en rupture, et les ont poussés le plus loin possible, le plus longtemps possible. C’est le cas d’Apple dont le système entier repose sur la simplicité, la confrontation des idées, et la préoccupation du client ; mais c’est aussi celui de son alter ego, Microsoft, qui a n’a jamais bougé ses stratégies d’un iota jusqu’au départ de Bill Gates ; c’est le cas de Zara, qui a fait de son patron l’homme le plus riche du monde en construisant un système global pour changer le rapport à la mode ; c’est le cas d’Hermès qui contrôle plus que tout autre sa production et ses canaux de vente, de Porsche ou de Lego qui développent de véritables mythes en s’appuyant sur un système complet de production et de commercialisation très cohérent.

Il est d’ailleurs intéressant de voir que lorsque ces systèmes sont partiellement copiés, les résultats sont très inférieurs au modèle : c’est le cas de Renault qui copiait le système de production de Ford mais sans développer son pendant social (et donc sa future clientèle).

Jobs a toujours œuvré pour son graal, quitte à se séparer violemment de tous ceux qui ne partageaient pas sa vision ou ne lui paraissaient pas à la hauteur.

De sa vanité est née l’ambition

Jobs n’a jamais eu la moindre gêne à affirmer qu’il ne travaillait que pour CHANGER LE MONDE, pas moins. Les produits Apple sont faits pour les gens différents, qui pensent différemment : « Think different ». Il n’a pas toujours réussi, mais n’a jamais fait de compromis avec cette ambition.

On retrouve un graal fort, permanent et absolu dans toutes les entreprises gagnantes sur le long terme : DHL qui veut rapprocher les Hommes, Michelin avec son management et sa philosophie si particulière faite d’humilité extrême et de culture technique. Les principes de la famille Mulliez, ont permis de créer un leader mondial de la distribution et au moins 3 enseignes majeures en Europe (Auchan, Décathlon, Leroy Merlin).

Jobs a toujours œuvré pour son graal, quitte à se séparer violemment de tous ceux qui ne partageaient pas sa vision ou ne lui paraissaient pas à la hauteur.

Au contraire, les groupes préoccupés d’abord par leur rentabilité mais sans raison d’être ont souvent échoué : Vivendi, GM depuis les 80’s, etc.

  

De son aveuglement maladif est né l’indépendance 

Puisqu’il voulait changer le monde, en changeant les habitudes des gens, il ne voulait entendre qu’une seule chose : l’expérience client avec le produit. Il n’a jamais accepté que quiconque négocie avec cette obsession du client. Il insultait ouvertement les gens qui le contredisaient sur ce point.

Steve Jobs ne faisait pas d’étude clients, n’écoutait pas ses contrôleurs de gestion qui s’inquiétaient du coût des produits, refusait de copier ceux qui avaient du succès. Cette particularité (aux frontières de l’aveuglement) a préservé l’intégrité de son projet, et de sa promesse client. Et il a résisté grâce à cet entêtement.

Il est frappant de voir que les entreprises qui ont de grands succès sur la durée ne sacrifient pas tout à la rentabilité immédiate mais à leur stratégie : Toyota est devenu le n°1 mondial en travaillant les produits, la qualité, plutôt qu’en recherchant la rentabilité à tout prix. Décathlon écrase le marché du sport en cherchant la technicité et le meilleur prix (mais pas le plus bas), et rapatrie sa production de vélos en France pour mieux la contrôler.

Mais aujourd’hui, combien sont les patrons qui sont prêts à sacrifier leur rentabilité immédiate ou à refuser les modes pour garantir l’intégrité de leur projet ? Toutes les entreprises veulent « remettre le client au centre » … Mais sont-elles vraiment prêtes à en assumer les conséquences ? C’est pourtant la clef des succès d’Apple et Pixar.

Il n’y a donc pas à copier Jobs lui-même, génie excessif et inimitable, qui a réussi à mettre ses pathologies au service d’un extraordinaire projet d’entreprise. C’est le projet qu’il faut copier, pas l’instigateur : il est indispensable d’avoir de l’ambition, de la cohérence et de l’indépendance pour réussir… l’idéal serait d’y arriver sans être vaniteux, égocentrique et maniaque dans son management.

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