Albus Conseil
 LE MAGAZINE

Qui ne dit mot…. Ne consent pas

Qui ne dit mot…. Ne consent pas
Qui ne dit mot…. Ne consent pas

/Interroger sa posture managériale

On a coutume de louer, au moins en théorie, la diversité, la richesse des avis divergents, la force du débat. C’est important bien sûr. Mais dans nos entreprises, on est aussi très souvent exposés au silence de ceux qui sont d’accord. On observe que les accords sont très souvent tacites, que l’on ne ressent pas le besoin de s’exprimer quand son avis a été donné par quelqu’un d’autre… Quel dommage !


L’opposition s’exprime naturellement, pas l’accord

Ce vieil adage de sociodynamique semble être une réalité profonde des projets : « l’opposition s’organise et s’exprime naturellement, pas les alliés » Pour les retraites, l’opposition s’organise et prend la parole, infiniment plus que ceux qui sont d’accord, pourtant nombreux. A l’exception notable du mariage pour tous, je ne me souviens pas de manifestation « pour » ; ou alors d’une ampleur totalement anecdotique par rapport à l’opposition.

Cette tendance n’est pas que française. Il y a probablement chez l’humain un instinct de conservation qui le pousse à réagir quand il sent qu’un de ses acquis est menacé. Il veut sauver un état dans lequel il a ses habitudes et qui, même s’il est passablement inconfortable, le rassure. En revanche, si le projet, l’idée émise va dans le sens de ses attentes ou de son avis, son instinct de survie reste au repos et il laisse d’autres défendre le mouvement pour lui.

Cette description est un peu caricaturale sûrement mais il me semble qu’elle correspond à ce que nous pouvons voir dans le management : vous avez sans doute vécu ce sentiment de solitude quand vous avez fait face au silence d’une assemblée que vous savez majoritairement favorable à votre idée mais qui ne le dit pas et laisse une opposition isolée prendre la parole, parfois avec force.


Et puis, la mode s’en mêle

En plus, depuis quelques années, le consensus est de plus en plus vécu comme quelque chose de mou. Les idées modérées sont moquées pour leur tiédeur. La capacité à trancher est louée.Nous sommes les premiers à valoriser les opinions différentes et minoritaires, parce qu’elles portent sûrement les innovations, les pas de côté qui vous donneront de l’avance sur vos concurrents. Ok.


Mais le consensus, c’est quand même vachement bien

Philosophiquement déjà : accorder plusieurs avis, éventuellement des centaines, c’est une noble quête. Si le processus a été ouvert, l’accord est une destination souhaitable.

De nombreux projet échouent parce que les gens d’accord n’ont pas dit qu’ils l’étaient.

Mais plus pragmatiquement, il faut bien dire qu’avec toutes ses considérations, on oublie qu’un avis positif c’est quand même un avis ; que si tu penses comme moi et que tu le dis, on sera donc 2 à le dire, et l’idée n’aura pas le même poids. Mieux, dans un collectif qui vise la co-construction et l’écoute des différentes opinions, il est indispensable, vital, que les opinions identiques s’expriment, y compris en se répétant. Non pas pour faire valoir la majorité mais pour que les opinions ne s’opposent pas sur la seule force de leur rhétorique mais qu’elles aient le poids du nombre de personnes qui la portent. 

Quelques années en arrière, quand a été construite la LGV Lyon Marseille, elle a rencontré une opposition tout à fait estimable d’exploitants agricoles de la vallée du Rhône. Respectable et digne de considération bien sûr, mais lorsqu’on a entendu l’envie de ceux qui parmi le million d’habitants de la région marseillaise voulaient être à 1h de Lyon et 3h de Paris, il a bien fallu traiter cette opinion comme la première, avec le poids que lui confère le nombre.

De nombreux projet échouent parce que les gens d’accord n’ont pas dit qu’ils l’étaient.


En management, il faut favoriser l’expression de toutes les opinions

La clé d’un débat équilibré et d’une décision saine qui engagent ceux qui la prennent, c’est pouvoir connaitre et entendre TOUTES les opinions :

  • La proposition, le constat et l’intuition initiale bien sûr ;
  • Les détracteurs, les idées concurrentes, les nuances, les désaccords profonds et superficiels ;
  • Les accords, enthousiasmes, ajouts qui appuient le projet, les validations profondes ou superficielles.

Autrement dit, il vaut infiniment mieux que tout soit exprimé clairement que de se contenter de 2/3 opinions caricaturales et difficiles à concilier. D’autant qu’en ayant toutes les opinions, plutôt que d’avoir la sensation de camps (les pours et les contres), vous avez toutes les chances de voir apparaitre une continuité, des nuances qui permettront de faire émerger un consensus sain.


Et pour ça, allez-y franco !

Mais du coup, comment obtenir ça alors que ce n’est pas naturel ? Je vous propose d’éviter la finesse : en cherchant finement à donner la parole à celui qui est d’accord avec vous, vous pouvez donner l’impression de manipuler les gens à votre profit. C’est faux en réalité puisque vous ne cherchez qu’à faire s’exprimer une opinion qui existe déjà. 

Ne prenez pas ce risque : Il est bien plus simple et efficace de présenter votre idée et de demander explicitement à toutes les opinions de s’exprimer : par exemple, vous présenterez un tableau diviser en 2 parties : « les raisons qui vous font espérer ce changement » et « les raisons qui vous font craindre ce changement ». Ce type de présentation permet de faire s’exprimer toutes les opinions sans caricature puisque chacun pourra exprimer ses 2 tendances. Et vous vous retrouverez avec les peurs mais aussi les espoirs. 

Ce n’est qu’un exemple, très animation de réunion, et il existe bien d’autres solutions, globales ou pour un moment donné. Elles passent souvent par l’écrit qui permet de différer le débat et de prendre la hauteur. A l’oral, le collectif aura souvent tendance à débattre de la première remarque (souvent négative). En procédant en 2 temps, le collectif pourra prendre conscience du tableau global et s’exprimer par rapport à cette représentation plus complète plutôt que de se concentrer sur les instincts et les réactions les plus spontanées.

Ce passage par le tableau complet ne prend pas tant de temps que ça, quand on imagine tous les non dits et frustrations qu’il évite. Investissez donc dans le temps de l’opinion libre et calme, sans polémique, et puis comptez sur l’intelligence pour traiter l’information ainsi obtenue…. 

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