« Bojack Horseman » c’est l’histoire d’un con. Un con irascible, dépressif, arrogant, millionnaire et condescendant. Difficile de s’identifier à lui ou de faire preuve d’une quelconque bienveillance à prime abord. On le découvre en étant jugeur, critique et peu empathique. Cette série vient s’ajouter à la longue liste des plaidoyers sur le bénéfice du doute. Sans échapper à la règle, elle mettra en scène un changement chez le héros de manière pointue et satirique. Et quand le rideau final se baisse, on a l’impression d’avoir vécu une expérience aussi introspective qu’instructive. On connaît Bojack et on le comprend mieux. Peut-être qu’on se comprend et qu’on se connait mieux.
Alors oui, le crédit d’intention, supposer que les intentions d’autrui sont bonnes et positives, on connaît. On nous l’a martelé. On peut avoir de « mauvais comportement » sans vouloir faire le mal. L’arrogance peut cacher la peur de l’incompétence. L’hyper-contrôle renferme parfois la peur de l’inutilité. Et la condescendance est bien souvent révélatrice d’insécurité. Ainsi de suite. Garder ça à l’esprit devrait nous aider à être plus empathique. À cesser d’étiqueter les autres en considérant leurs comportements comme immuables. Nous sommes souvent d’excellents avocats pour nous et de très bons juges pour les autres. Nous devrions tâcher d’être de bons avocats pour tout le monde.
On le sait, pourtant ça reste dur. C’est dur parce que, parfois, « X agit comme un vrai con ». Parfois Bojack dépasse les bornes peu importe ses raisons. C’est dur parce que quand on y arrive, on s’attend à ce que ce soit réciproque. Ça l’est rarement. Quelqu’un de condescendant ne fera pas toujours l’effort de vous rendre la pareille, d’être votre avocat. Mais souvent, on n’a pas le choix, on doit quand même créer la relation. Notamment quand on doit manager, ou pire, se faire manager par un « Bojack ». Alors qu’est-ce qu’on peut faire dans ce cas ?
On peut l’étudier. On peut l’étudier sans rien attendre en retour ou, en tout cas, pas de bienveillance immédiate. Dans cette série, le personnage le plus important pour Bojack est une autrice nommée Diane. Diane, plus ou moins contre son gré, a pour mission initiale d’écrire la biographie du héros. Elle n’a pas le choix et ne peut pas se permettre de l’étiqueter. Ni de résumer son livre en une phrase : « Voilà un piètre être-humain ». Alors elle va essayer de le comprendre. Elle va se forcer à le comprendre, sans attendre de réciprocité. Elle va se forcer à le connaitre. Et elle va lui permettre de s’ouvrir. N’ayant rien d’autre à donner en retour que son temps, il finira par lui offrir de l’honnêteté. Puis de la confiance. Et là seulement, la relation se crée. Là seulement, nous devenons témoins des tentatives de changement chez cet anti-héros. Là seulement, Diane va permettre à Bojack de se sentir compris et d’essayer de comprendre les autres, de devenir ce fameux avocat. On se mettra alors à le juger plus justement, à le soutenir plus fréquemment. À l’encourager dans ses défaites et à le féliciter dans ses victoires. Et là seulement, on peut retirer l’étiquette de « vieux con » et la remplacer par « Bojack Horseman ».