Aujourd’hui le mode projet est roi dans les grandes entreprises. C’est logique, le temps s’accélère, et il faut s’adapter de plus en plus vite aux nouvelles données du contexte, en impliquant tous les services. Et pour piloter tous ces projets, il faut des chefs de projet, qui se trouvent donc en situation de manager en transversal.
Déjà que manager une équipe dans le cadre de relations hiérarchiques n’est pas forcément évident, là, le management transverse amène des contraintes supplémentaires, ce qui le rend d’autant plus délicat… mais aussi enthousiasmant !
Quand on gère un projet impliquant des collaborateurs de différents services, ça peut être coton !
C’est sûr que pour les personnes contributrices à votre projet, l’engagement qu’on leur demande en plus de leur opérationnel cœur de métier, c’est du temps en plus qu’ils n’ont déjà pas. En gros, ils peuvent se dire qu’ils ont autre chose à faire… Et ils ont droit de le penser en plus !
Sans compter que parfois, les résultats liés à ce projet ne font pas toujours partie de leurs objectifs annuels… donc quel serait leur intérêt de se mobiliser particulièrement pour votre projet ?
Un intérêt d'autant plus difficile à susciter en l’absence de lien hiérarchique entre le chef de projet et les contributeurs. Eh oui, inconsciemment, les demandes émanant de quelqu’un qui n’est pas directement dans la ligne hiérarchique ont moins de poids, et les actions sont parfois effectuées après « tout le reste », tardivement.
Cette absence de lien hiérarchique, ça veut aussi dire que chacun de vos contributeurs a lui aussi un manager... Complexe, car il faut aussi gérer les relations avec ces managers … et ils sont parfois nombreux ! Ce co-management informel est générateur de quiproquos et de tensions, et il paraît inconcevable de prévoir un temps avec chaque manager pour se caler.
Là, on a simplement regardé les problématiques de relations individuelles, mais si on prend l’angle de vue du collectif, c’est manager une équipe dont les membres ont des objectifs et des besoins différents, voire contradictoires. Si par exemple vous demandez leurs avis à une personne du commercial et à une personne du SAV, il est évident que leurs enjeux sont presque opposés sur certains sujets, et il sera compliqué d’arriver à un consensus. Aïe! Ça semble bien mal parti !
Et face à tous ces pièges… en général on n’utilise qu’un nombre très limité de solutions
Au début, pour tenter de « séduire » les contributeurs, on essaie de minimiser le temps que ça va prendre, la difficulté que ça représente. En gros, on n’est pas très honnête et on essaie d’occulter le fait que participer à ce projet amène des contraintes.
Ça, ça ne peut durer qu’un temps, parce qu’au bout d’un moment, les gens se rendent bien compte que ça pèse dans leur agenda, et que c’est parfois compliqué… Et comme on leur a dit le contraire, ils se sentent un peu floués, et la confiance s’érode.
Du coup, une fois que les relations sont un peu tendues, il est difficile de mobiliser et de donner envie de contribuer aux projets. Donc souvent, dans ces cas-là, le manager du projet sollicite la hiérarchie pour faire agir les gens… Soit quelqu’un du top management soit le manager du contributeur pour obtenir ce dont il a besoin. On finit par imposer, et c’est dommage, parce qu’on tue d’un coup toute possibilité de créer de l’envie et de la motivation pour le projet !
Mais comment sortir du réflexe de faire appel à la hiérarchie ? Créer les conditions de la motivation plutôt que stimuler !
La première bonne pratique à mettre en place quand on sait qu’on va devoir demander quelque chose à quelqu’un, c’est d’inverser la logique ! Au lieu de se dire « ils devraient faire ça pour moi » c’est se poser plutôt la question « qu’est-ce que je peux faire pour eux ? ». Ça implique de se mettre à la place des contributeurs et d’imaginer ce qui pourrait leur être utile. Car si vous voulez faire d’une équipe votre alliée, vous devez commencer par devenir son allié. Et attention, être allié ça ne signifie pas être sympa, ça signifie poser des actes concrets en faveur du projet de la personne.
Faites des difficultés du projet une source de motivation. En effet, on a tendance à croire que minimiser les difficultés est une bonne idée, alors que ce dont les gens ont besoin, c’est de vivre de vraies victoires et d’être fiers de ce qu’ils accomplissent. Alors valorisez ce qui est complexe et difficile dans ce projet, et surtout, pensez à célébrer ensemble les réussites au fur et à mesure de l’avancement du projet.
Soyez clairs sur les moyens mis à disposition pour débloquer les situations. Évidemment, valoriser les difficultés ne suffit pas… Pensez à mettre en place un dispositif clair pour aider les personnes qui peuvent se retrouver bloquées à une étape du projet. Communiquez régulièrement sur ce dispositif, car demander de l’aide n’est pas toujours un réflexe pour tout le monde, et peut même être coûteux pour certains.
Utilisez les avantages du mode projet. On l’a vu, le mode projet pose de nombreuses contraintes, mais il comporte aussi des aspects positifs qui donnent l’opportunité de donner envie. Oui, car un projet transverse, ça permet de décloisonner les services et d’échanger avec des collègues qu’on ne connaît pas. C’est aussi un espace où on peut bosser différemment. Pensez à proposer des façons novatrices et stimulantes de travailler ensemble au sein de votre équipe projet, comme le co-développement par exemple.
Votre rôle de manager transverse, comme celui de tout manager, c’est aussi de donner du feedback. On oublie trop souvent que les collaborateurs aiment savoir se situer et être rassurés d'être dans la bonne direction. C’est agréable de travailler avec quelqu’un qui s’intéresse à votre progression, non ?
De manière générale, dans votre façon de fonctionner avec votre équipe projet, il sera plus efficace de solliciter l’engagement des contributeurs que d’imposer une marche à suivre.
On constate que les solutions ne manquent pas pour simplifier et fluidifier le management transverse… on constate également que toutes ces solutions sont aussi celles qu’on recommande dans le cadre d’un management classique et hiérarchique. Ce type de management apparaît finalement comme le plus vertueux de tous, car en l’absence de lien hiérarchique, il incite à se demander « comment je peux faire pour donner envie et offrir un cadre de travail motivant au collaborateur ? ». Ce qui est finalement la question clé que tout manager devrait se poser en premier.
Le management transverse est le plus noble, c’est celui qui fait grandir, celui qui permet au manager d’être adulte et autonome dans ses relations avec son équipe, sans s’appuyer sur la soi-disant autorité de quelqu’un d’autre. Celui qui demande du courage.
Alors, que vous ayez un lien hiérarchique ou non avec vos collaborateurs, faites comme si vous n’en aviez pas, ça vous poussera à être un meilleur manager !