Albus Conseil
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Le courageux, le lâche et l’opportuniste

Le courageux, le lâche et l’opportuniste
Le courageux, le lâche et l’opportuniste

/Interroger sa posture managériale

Dans l’enfer du management post confinement, le monde est sans pitié. les crieurs du monde d’après s’égosillent sur les réseaux sociaux, mais dans leurs entreprises et organisations, 3 managers tentent de survivre avec la réalité, aride et inhospitalière. Ils portent en bandoulière les mêmes objectifs, les mêmes techniques, mais au fond d’eux, des feux différents brûlent : ils s’appellent le courageux, le lâche et l’opportuniste…. 


Le lâche

Il porte des tenues soignées, est prompt à l’analyse globale. Il sait. Il a vu la crise s’accentuer, il en veut à ceux qui ont sur-réagi et à l’Etat qui a failli. Il est à la tête d’une équipe qui a souffert et souffre encore. Il va peut-être devoir lancer un PSE, mais il a la conscience tranquille, parce que la crise a balayé tous les efforts. Ils vont peut être mourir. Ils seraient peut-être mort de toutes façons, mais maintenant c’est ok, il ne se sentira plus responsable. Il sera une des victimes du COVID et de l’incompétence des autres. Presque un martyre.


L’opportuniste

Il est dynamique, ambitieux. Il aime sa boîte et il veut la faire avancer depuis des lustres. Il voit que les discours changent. Il voit que les annonces difficiles passent mieux, qu’on commence à s’habituer aux mauvaises nouvelles. Il voit qu’une de plus ne changera pas le monde. Il sent que le monde d’après est une lubie trop théorique pour tenir. Mais il sent aussi qu’il peut en profiter pour aller plus loin, accentuer son plan d’économie sans passer pour un salaud. Il sent que le COVID va l’aider à enfin casser le plafond de verre. Le héros c’est lui, il le sait, il le sent. Un héros Churchillien, qui promettra du sang et des larmes, même si dans son cas ce n’est pas totalement nécessaire.


Le courageux

Il le sait, il va falloir y aller maintenant. Il ne fait pas le fier. Il a un peu peur, même. La mauvaise nouvelle approche, elle est presque là. Il voit la vague s’abattre sur lui. Il sent la tension du monde et des partenaires. Il entend les loups tout proches, les excuses toutes faites, ces tentatrices qui proposent des justifications faciles et pas cher. Mais il a un doute, une intuition. C’est étrange de se dédouaner sur un président, un virus ou BFM TV. Ne doit-on pas prendre notre part de responsabilité ? Le courageux ne fait pas d’humanitaire. Il croit que l’on trouvera la sortie en se prenant en main. Il se dit que c’est le moment de lancer un projet de long terme. Pour le court terme, il assumera. Il est ok pour intégrer les enseignements de la crise à sa stratégie, mais pas plus. 


Premier combat

L’opportuniste est déjà parti, très vite. Il a déjà décidé de ne garder que la moitié des locaux après la fusion, et d’encourager le télétravail à fond. Ça a si bien marché ! Il décide vite lui, il est en avance, il a vu l’humanité prendre le virage et ne sera pas le dernier. Il sait que ceux qui attendent pour décider sont des peureux et que l’avenir appartient aux audacieux. Le lâche est son allié en ce moment, qui lui conseille d’accentuer la communication sur ce qui se passe à l’extérieur. Il connait une boite qui a déjà lancé sa restructuration sans que le terrain s’en offusque. C’est le moment ou jamais. Il veut aussi que les équipes se recentrent à fond sur le quotidien et les basiques ! Le temps n’est pas à la philosophie mais à l’action sèche et pragmatique. Ils se moquent du courageux, qui cherche à comprendre, qui questionne ses équipes. Des bons sentiments, des rêves mais peu d’action ! Le courageux lui, il s’étonne que l’on décide sur la base d’un confinement totalement hors du temps. Mais il a son idée, depuis longtemps, de gagner en efficacité en engageant les équipes. Il se dit qu’avec ce qu’on a vécu avec les gilets jaunes, c’est sûrement maintenant qu’il faut changer les rapports au travail ; avant que la crise n’accentue les fractures et que la société devienne franchement ingérable.


Grande bataille

Ils sont sur les routes, cheveux au vent. Le COVID est presque oublié, même si il repart de plus belle loin de chez nous… On travaille à la réalisation des projets. Le temps presse. Le lâche est contesté par la base, mais il ne fait qu’appliquer les ordres, que répondre aux injonctions du marché. Pensez-vous, la récession est énorme et généralisée ! Il ne peut pas faire autrement. On lui fait remarquer que le précédent plan était lié à la baisse du produit star, celle d’avant à la concurrence, mais jamais à notre stratégie. On lui dit, mais il a quitté la pièce. La crise demande d’aller vite, on réfléchira plus tard, on ne vit pas dans le passé. L’opportuniste est en plein dans son grand plan. Le terrain commence à le contester fortement, mais c’est la tragédie des leaders visionnaires, des incompris. Il sait qu’il est en train de sauver la boîte. Les clients se plaignent aussi, mais ça va passer. Et puis, si tout le monde se relevait les manches comme lui, on aurait de meilleurs résultats. Quant au courageux, il a pris du retard sur le papier. Son projet est un peu moqué par l’opportuniste, qui le trouve "fleur bleue" et déconnecté des réalités. Mais ce projet commence à être mieux compris des équipes, qui se disent qu’il y a de belles choses à faire, même si les prochains mois seront durs. Petit à petit, les élus commencent à suivre le mouvement. 


Duel final

Retrouvailles dans les tristes collines, des mois après le confinement. Fatigués, poussiéreux, les trois managers se retrouvent dans la fournaise. Gros plan sur les yeux, ils ont vaincu tous les 3. 3 projets, 3 succès. L’opportuniste a rétabli la rentabilité, le plus dur est passé. Le lâche aussi. Les climats sociaux sont durs, mais il fallait passer par là, impossible d’y échapper. Ils attendent leur prochains postes. L’opportuniste a des propositions pour mener des projets avec de gros plans sociaux. Quelques fermetures aussi. Le lâche est un peu déçu parce qu’on ne lui propose que des postes de Siège un peu vaseux. Mais c’est le système qui est comme ça et qui ne sait pas reconnaitre les talents. Le courageux n’a pas très envie de quitter son poste. Il veut aller au bout du projet.

Dans la société les contestations sont encore fortes : le cynisme des dirigeants reste pointé du doigt. L’opportuniste ne se sent pas concerné, le lâche non plus. Le courageux est toujours un peu inquiet, mais chez lui ça va. Les gens se parlent et se respectent.

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