Albus Conseil
 LE MAGAZINE

Le long terme, c’est ceux qui en parlent le plus…

Le long terme, c’est ceux qui en parlent le plus…
Le long terme, c’est ceux qui en parlent le plus…

/Penser le long terme

A bas la dictature du court terme ! Le slogan est en vogue. Linkedin fourmille de citations emphatiques sur la nécessité du temps long : vous savez, le char qu’il faut accrocher à une étoile.

Le long terme est une sorte d’Eldorado perdu dans les entreprises… Tout le monde le souhaite, mais on ne le trouve jamais.

Pourquoi est-ce si dur ? Comment y arriver enfin ?


L’intérêt du temps long

Est-il besoin de défendre l’intérêt du long terme ?

Mais alors c’est un mystère : pourquoi une alternative si évidente aboutit si souvent à la réalité la moins vertueuse : le court terme qui bouffe tout ?

On se rend bien compte chaque jour des défauts du court terme : les décisions contredisent le bon sens des opérationnels ; on fait et on défait ; on ne tient pas compte de la nécessité de préserver des savoir-faire ; on multiplie les injonctions contradictoires (« innovez mais ne dépensez pas ») ; on brûle une énergie énorme à réduire le petit budget voyage ; etc.

Alors qu’avec le long terme, tout roule : on a le temps de former et d’organiser la transmission des savoirs ; les décisions sont cohérentes dans la durée ; on peut faire confiance aux objectifs d’une transformation.

Mais alors c’est un mystère : pourquoi une alternative si évidente aboutit si souvent à la réalité la moins vertueuse : le court terme qui bouffe tout ?


Pourquoi c’est si dur de ne pas être happé par le court terme ?

 

C’est structurel

L’explication la plus évidente est que le court terme change tout le temps et demande des réponses réflexes. Imaginez que vous avez décidé une politique de long terme qui privilégie les services, et que votre concurrent lance une campagne sur des super services, moins chers que les vôtres… C’est tentant de réagir dans l’urgence.

Autrement dit, la magie de notre monde c’est que des milliers de choses changent chaque jour sans vous demander votre avis… Et donc vous êtes soumis à un feu nourri de sollicitations qui vous amènent à vous adapter en permanence et donc à vivre dans le court terme.


Ça nourrit l’ego

Au delà de la nature même des actions, il se trouve que les événements du court terme ont un atout, c’est qu’ils nourrissent l’ego, le besoin de prouver sa légitimité à soi-même et aux autres, c’est l’effet pompier : les catastrophes du quotidien créent des héros alors que la prévention aura des effets supérieurs mais qu’on ne verra jamais vraiment. Le long terme ne brille pas. C’est d’ailleurs ce qui piège nos élus politiques : ils veulent être décorés et honorés maintenant (pour être réélus) alors que raisonner long terme, c’est anticiper des catastrophes avant qu’elles n’arrivent, et donc sans gloire. On ne se souvient des généraux qu’en temps de guerre, des pompiers un 11 septembre à New York… en gérant le long terme, on sombre dans l’oubli. Poincaré, quasi inconnu aujourd’hui, a évité l’hyperinflation en France (la même qui a conduit au nazisme en Allemagne), pendant que Churchill, le chef de guerre, est une figure que les enfants connaissent encore. 


Et parce que la méchante finance rôde

Mais enfin, s’extraire du court terme est difficile parce que notre monde semble régi par les loi d’une finance devenu folle qui « trade » à la vitesse de la lumière et exige des rentabilités dingues sans se demander de quel business model on parle, ou si une utilité sociale se cache derrière le cours de bourse.

Je dis « semble régi », non par aveuglement, mais parce que si nous constatons fréquemment que les actionnaires ne se soucient pas du réel, il ne faut pas caricaturer. Le fameux monde de la finance n’est pas univoque : tous les comportements existent même les plus vertueux. Bref cette explication, si elle est réelle, ne doit pas être exagérée, et surtout ne pas servir d’alibi.

 

Comment résister efficacement ?

Evidemment, la martingale n’existe pas. Pour autant, nous constatons que dans une même entreprise, il peut y avoir des écarts immenses entre des managers qui sont submergés par le court-terme, et d’autres, à des postes comparables, qui semblent faire exister le long-terme dix fois plus. Quels sont leurs secrets ?


D’abord en étant productif

Il faut, en premier lieu, tordre le cou à une erreur très commune : la productivité n’est pas une préoccupation de court-termistes ; ni la maîtrise des coûts.

Au contraire. La productivité crédibilise le long terme. Elle permet de concentrer l’énergie sur l’essentiel. Elle crédibilise aussi vos demandes de budget ou de moyens en général : sans elle, on sait que vous donner 100 €, c’est en fait vous en donner 40 ou 50 efficaces. Si le collègue est plus productif, il attirera les investissements. Bien utiliser chaque euro dont on dispose, c’est permettre le long terme.


Ensuite en poursuivant des buts qui dépassent le contexte

C’est l’enseignement des philosophies asiatiques : on peut résister aux aléas du monde, non pas en cherchant à les prévoir mais en choisissant des buts qui sont peu ou pas du tout impactés par les aléas.

Les réflexes en Europe c’est d’être proactif, en essayant de prévoir les problèmes du lendemain… Mais on échoue (de plus en plus) face à l’ampleur de la tâche.

Le réflexe en Asie c’est d’être stable, en essayant de rester fidèle à ses buts ultimes.

  • Des buts perso : Quelles sont vos convictions ? Comment pensez-vous qu’il faille manager les humains ? Quelle trace souhaitez-vous laisser ? Quel manager voulez-vous être ?
  • Des buts business : Quelle finalité a votre activité ? Quels besoins fondamentaux auront encore vos clients dans 10 ans ?

Paradoxalement, le monde à 10 ans est souvent plus facile à appréhender que le monde à 3 ans… Parce que vos clients sont nombreux, agissent indépendamment de vous et prennent des décisions à court-terme… Mais à 10 ans leurs besoins sont prévisibles : si vous travaillez dans la pharma, tout peut arriver dans les 3 ans à venir (être vendu, fusionner, se réorganiser) mais à 10 ans on sait que les patients seront toujours là et voudront les meilleurs soins ; on sait que les états voudront toujours contrôler les dépenses, etc.

En management aussi. A court terme, vous ne pouvez pas connaître les besoins de vos équipes. Mais à long terme, ils auront besoin d’être reconnus, d’être fiers, de réaliser des exploits, de mieux vivre au travail et à la maison, etc.

Pour faire exister le long terme, visez ce type de but et partagez-le avec vos équipes. A la fin vous aurez avancé dans la bonne direction, peut-être pas aussi vite que prévu, malgré d’innombrables aléas.


Et puis se mettre en danger, parfois.

Défendre une stratégie à long terme implique parfois d’être à contre-courant pour défendre vos convictions et à tenir malgré les demandes venues d’en haut. C’est un risque mais ne vaut-il pas mieux être sanctionné pour avoir tenu bon qu’être félicité pour avoir tout lâché ?

Le mouvement actuel est que les salariés réclament plus de sens, sous l’impulsion des jeunes générations bien relayées par les plus anciennes… Il faut écouter cette aspiration. Et si les grandes entreprises détenues par des actionnaires borgnes perdent les éléments les plus dynamiques et entrepreneurs… tant pis pour elles.

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