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Les mots qui s'usent

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Les mots qui s'usent

/Communiquer différemment

 Dans Caméra Café, The Office, et dans les autres pastiches de la vie professionnelle, on se moque du vocabulaire, souvent abscons de l’entreprise.
Il peut être ridiculement anglicisé, truffé d’acronymes, voire les 2 ensemble si l’on considère par exemple le très courant ASAP !
Mais les mots peuvent être aussi tout simplement usés à force d’être utilisés : EXEMPLARITÉ par exemple.
En management, il est essentiel d’avoir conscience de l’importance des mots choisis. Faisons le point.

Le cycle de vie du mot

Nous avons tous joué, enfants, à répéter très vite le même mot banal pour se rendre compte qu’il finissait par perdre sa substance. Il reste le son mais le sens, lui, a disparu.

En management, c’est pareil et on se rend compte que les mots suivent des cycles…

  1. Ils sont incongrus ou décalés quand ils apparaissent,
  2. Puis ils sont à la mode et ont un sens fort,
  3. IIs deviennent de plus en plus creux en se généralisant, 
  4. Enfin ils finissent par être des mots valises sans intérêt, ou par disparaître.

Selon nous, le mot QUALITÉ est entre les stades 3 et 4. L’EXEMPLARITÉ idem. L’expression GAGNANT/GAGNANT est clairement au stade 4. La notion de BONHEUR AU TRAVAIL est au stade 2, mais s’use vite. Parfois, ce cycle de vie du mot semble guider celui de l’action. Par exemple, en RH, il y a quelques années, on ne parlait que de HARCÈLEMENT MORAL, maintenant on craint les RISQUES PSYCHO-SOCIAUX. Je ne suis pas sûr qu’il y ait de réelle différence entre ces 2 risques dans la réalité. Les mots ont changé.
Il y a des exceptions, comme le mot VISION qui n’a pas l’air de prendre d’âge, alors qu’il est très utilisé. Peut-être parce qu’il est associé à des éléments très positifs.

 

Les mots marqués


En plus des mots usés, il y a des mots marqués. C’est à dire qu’en plus de leur sens littéral, ils ont pris une connotation (souvent péjorative) et sont souvent associés à une profession. Entre nous, nous plaisantons du mot ASSERTIVITÉ à la mode dans certains cercles et marqueur infaillible du fait que vous vous adressez à un coach. CO-CONSTRUCTION est un bon mot de consultant, il nous brûle parfois les lèvres...

Plus courant, la notion de PRODUCTIVITÉ est devenue synonyme de perte d’emplois, et donc porte une charge très négative, alors que c’est initialement une notion mathématique neutre qui signifie un rapport entre effort et résultat, qu’il serait donc logique de vouloir l'optimiser sans cesse (certains en font même le moteur de l’histoire). Dans le même style vous trouverez SANCTION et CRITIQUE, notions neutres en français, devenues nettement négatives.


Pourquoi c’est un problème

Evidemment, il y a d’innombrables exemples. Chaque profession à les siens, chaque entreprise a usé certains mots et d’autres moins. Dans certaines, vous ne pouvez plus employer le mot AMBITION, dans d’autres, sa simple évocation est un soulagement. Ce n’est ni bien ni mal, c’est l’histoire des organisations qui a besoin de se raconter. Il est logique que des moments-clés fassent émerger des mots (le changement commence par là) puis que le temps les rende obsolètes.

Vous pouvez perdre toute crédibilité parce que vous avez employé des mots usés, des phrases "Corporate" répétées avec la régularité du métronome

Mais au quotidien, pour le manager, cette usure est gênante parce qu’elle nuit fortement à sa communication. En effet, lorsque vous employez un mot usé, votre public n’écoute plus ce que vous dites car l'attention dévie sur le mot lui-même :
Soit parce qu’il en connait le sens d’usage dans l’organisation et se dispense donc d’écouter avec précision.
Soit parce qu’il se dit qu’il a entendu ça 1000 fois et abandonne immédiatement toute écoute.

Bref, vous pouvez perdre toute crédibilité parce que vous avez employé des mots usés, des phrases "Corporate" répétées avec la régularité du métronome. « LA SÉCURITÉ EST L’AFFAIRE DE TOUS » est une de ces expressions qui décrédibilisent le discours.


Les actions simples


Les remèdes anti-mots usés sont simples mais demandent de l’attention… Il suffit de les identifier et de les éviter.

Pour vous aider, vous pouvez vous fixer quelques règles :

Parlez simplement et en Français
D’abord parce que les anglicismes s’usent très vite. Par exemple, RÉUNION s’use moins que MEETING.
Plus largement, préférez les expressions communes aux expressions très marquées Business. Préférez par exemple SE METTRE D’ACCORD à CONVERGER. Si votre mot a le même sens partout et qu'il est utilisé fréquemment dans la rue, il est plus solide que s’il est spécifique à un univers.


Changez de champs lexical
Les entreprises et les secteurs développent leurs propres champs lexicaux. Pour surprendre votre interlocuteur et éveiller l’attention, vous pouvez en sortir.
Piochez dans le vocabulaire de l’industrie quand vous êtes dans la distribution et vice versa. Par exemple la notion de QUALITÉ est usée jusqu’à la corde dans l’industrie mais n’a pas dit son dernier mot dans les services.
Vous pouvez aller plus loin en piochant dans le sport, dans l’art, dans la politique. Mais attention, le rugby  par exemple a des références elles-mêmes très convenues.


Ce que ça va changer de plus profond
On peut avoir le sentiment de faire de la cuisine en choisissant ses mots mais souvenez-vous des points suivants :

  • D’abord, un orateur a la responsabilité de se faire comprendre et de maintenir l’attention. Il doit avoir conscience des doubles sens de ce qu’il dit, ou de l’absence de sens.
  • Ensuite, en cherchant vos mots, vous devez vous imaginer votre interlocuteur et vous intéresser à lui. Il est probable qu’en plus d’être mieux compris, vous soyez plus intéressant sur le fond.
  • Enfin, et surtout, en changeant de mots vous changerez peut-être des éléments plus profonds. Parce que derrière des mots nouveaux, vous trouverez certainement de nouvelles actions… 

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