Albus Conseil
 LE MAGAZINE

Quand on fait un PSE, on perd les meilleurs, et c’est mieux pour tout le monde

Quand on fait un PSE, on perd les meilleurs, et c’est mieux pour tout le monde
Quand on fait un PSE, on perd les meilleurs, et c’est mieux pour tout le monde

/Manager le changement

Souvent quand un patron prépare un PSE (Plan de Sauvegarde de l’Emploi), il me demande : comment garder les meilleurs (et donc faire partir les moins bons) ? En cette période où les PSE risquent de se multiplier malheureusement, je veux répondre clairement et publiquement : vous allez perdre les meilleurs, et c’est très bien comme ça, et même pour vous. Vous voulez savoir pourquoi ? Lisez cet article.

 

Vous n’aurez pas le beurre et l’argent du beurre

Un PSE est parfois nécessaire, COVID ou non. C’est un moment de la vie des entreprises, ne le diabolisons pas. Bien fait, il permet de préserver une activité pour un collectif et accompagne ceux qui partent jusqu’à ce qu’ils retrouvent un emploi. Bien fait, il porte parfaitement son nom. Il sauvegarde l’emploi.

Mais un PSE c’est quand même un moment où l’entreprise va se séparer de collaborateurs pour se réorganiser et adapter sa production à ses besoins d’avenir. Des collaborateurs vont partir, et vous y gagnerez des marges de manoeuvre pour travailler autrement. Alors il faut assumer. Parce que si vous êtes sincèrement préoccupés par les enjeux de reclassement, par l’avenir individuel des collaborateurs, alors ce sont les meilleurs qui vont vous quitter. Ceux qui sont les plus demandés sur le marché du travail vont trouver un autre projet où exercer leurs talents. Si vous voulez les garder, ne faites pas de PSE.

Ceux que l’on considère comme talents, le sont pour beaucoup d’autres. Et d’ailleurs, ils sont conscients de leurs possibilités sur le marché de l’emploi et vont immanquablement plus regarder ailleurs que ceux qui se sentent en danger, qui vont avoir tendance à serrer les fesses pour ne pas faire partie du plan.

Bref, il est logique que dans un PSE, les meilleurs partent :

  • Parce qu’ils sont les plus facilement reclassables.
  • Parce qu’ils seront les plus enclins à regarder ailleurs.

Autrement dit, vous n'aurez pas le beurre et l'argent du beurre. 

 

En plus souhaiter garder les bons, c’est vouloir se séparer des plus fragiles.

En voulant garder les meilleurs vous poussez mécaniquement ceux qui sont plus fragiles dehors. Vous vous donnerez bonne conscience avec vos mesures chères et spectaculaires, mais franchement, si vous êtes humanistes comme vous le dites, plutôt que de dépenser des fortunes pour compenser le fait d’avoir viré les faibles, gardez-les.

Clairement c’est cette attitude très répandue qui rend certains PSE totalement détestables. On cherche à multiplier les catégories professionnelles par exemple, pour cibler au maximum celui dont on ne veut plus, pendant que les élus veulent les agrandir pour protéger les plus faibles. C'est eux qui ont raison. Bien sûr, les catégories ne sont pas à proscrire mais acceptez qu’elles soient plutôt larges. Que vous sépariez les comptables des techniciens d’accord, mais trouver toutes les subtilités à l’intérieur de vos techniciens pour pouvoir enlever pile celui qui n’en peut plus, non.

 

Vous aussi, vous avez tout à gagner à perdre les meilleurs

Je le comprends le raisonnement de prime abord : comment vais-je garder mon niveau de performance si, en plus de réduire les effectifs, je perds les meilleurs éléments ? Logique.

Mais c’est en fait un mauvais calcul pour 3 raisons :

  • Ça va tendre les relations sociales puisque c’est le point d’attention majeur de la plupart des élus (à juste titre selon moi).
  • Ça va renvoyer de vous une image très utilitariste, et casser durablement la confiance. Vous êtes celui qui tire sur les ambulances.
  • Enfin ça montre que la transformation va rebattre les cartes et qu’elle est l’occasion pour ceux qui étaient à la peine de se relancer

Aussi, je vous encourage vivement à faire votre PSE sans chercher à garder ceux que vous estimez être les bons.

Votre réorganisation doit être motivée par le passage d’une époque à une autre. Vos efforts ne doivent pas être orientés vers le passé (comment je garde ceux qui ont réussi jusque là ?) mais vers l’avenir (comment je crée les meilleures conditions pour réussir demain ?).

Cet effort, nécessaire pour le projet globalement, vous conduira également à revoir votre jugement sur vos équipes. Ou plutôt, il vous conduira à éteindre le jugement pendant cette période : puisque beaucoup de choses vont changer, il vous faudra accepter que les gens aient des moments de doute, voire de colère, mais aussi qu’après la tourmente de nouveaux héros émergeront. Parfois les mêmes, souvent des nouveaux.

Concrètement, le discours forcément pessimiste du PSE (il faut justifier d’une difficulté actuelle ou à venir pour que les autorités valident votre plan) va être doublé d’un projet optimiste sur les Hommes, collectivement et surtout individuellement. En montrant à ceux qui sont en difficulté que vous comptez sur eux et que vous ne cherchez pas à vous en débarrasser, vous aurez énormément de bonnes surprises. Ces bonnes surprises seront plus nombreuses encore avec le départ de plusieurs de vos « stars » : ils libèreront des places importantes, mais surtout, ils libéreront de la lumière, du temps de parole, de la reconnaissance. Ne raisonnez donc pas de manière statique alors que tout change. 

Le beau PSE est donc possible à partir du moment où il n’est pas cynique, où il comprend que la sauvegarde de l’emploi n’est pas une vaine expression.

Bien sûr, les élus ne vont pas vous tomber dans les bras. Mais si vous êtes honnêtes dans votre démarche et que vous demandez à vos conseils de travailler dans cet esprit, vous verrez qu’ils seront moins agressifs.

Si les PSE sont si delétaires, ce n’est pas génétiquement lié à leur objet. C’est parce qu’on fait des PSE cyniques qui disent l’élitisme dont vous faites preuve, qui montrent clairement les chouchous et cantonnent ceux que vous considérez comme cancres dans une position de parias.

Un PSE c’est une nouvelle étape de vie pour l’organisation. Il est le début d’une aventure différente dont les héros seront différents de ceux des aventures précédentes. Les anciens héros vogueront souvent ailleurs vers d’autres horizons, et vous trouverez chez vous les talents cachés jusque là dans l’ombre de ceux qui étaient vus comme des stars.

Alors assumez de faire un PSE, n’ayez pas peur. Et faites le bien.

 

Mobiliser dans un PSE

Une fois n’est pas coutume, je vous propose 7 nouvelles règles à respecter pour que les PSE soient positifs :   

  1. Ne pas avoir peur du conflit dans un PSE. Ils sont souvent durs parce qu’ils sont souvent cyniques.
  2. Parlez ouvertement de la transformation comme d’un changement d’époque et assumez que les cartes seront rebattues.
  3. Misez sur la maturité des équipes et leur capacité à comprendre plutôt que de tout cacher et de vous réfugier derrière un dossier béton.
  4. Acceptez d’emblée que de très bons éléments profiteront du plan, et tant mieux.
  5. Donnez le défi à vos managers de dénicher de nouveaux talents chez ceux auxquels on ne croyait plus.
  6. Demandez à vos conseils de modérer leurs ardeurs pour les catégories ou autres : on ne veut pas garder les forts à tous prix nous.
  7. Rédigez un projet qui s’appuie sur ceux qui restent, sur ceux qui peinent et faites leur confiance. Parce qu’il ne veulent pas partir eux. Ils n’ont rien demandé.
     

 

Rechercher dans le Magazine et les Podcasts

Recherche par #TAG
Recherche par Thèmes