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Après le 11 janvier, mobilisation : mode d'emploi

Après le 11 janvier, mobilisation : mode d'emploi
Après le 11 janvier, mobilisation : mode d'emploi

/Manager le changement

Près d’un mois après l’immense marche du 11 janvier, et l’émotion retombant doucement, le temps est venu de l’analyse et des actes qui changeront ou non la France et l’Occident. Amoureux que nous sommes des Hommes, de leurs libertés, de la vie en communauté et en particulier dans l’entreprise, nous avons envie de mettre notre petite pierre au débat en nous demandant comment et pourquoi on mobilise, mais aussi qu’en faire.


C’est beau, mobiliser

Quand nous avons créé notre cabinet voilà 3 ans, nous avons choisi la mobilisation comme notion centrale ; un peu pour nous singulariser mais aussi parce qu’on aimait bien l’idée sans vraiment en mesurer la valeur… jusqu’à ce mois de janvier 2015.

Il est martial ce mot : mobilisation !

Mais il est surtout purement humain parce que nous sommes une espèce sociale si complexe et si diverse que la prouesse de réunir les consciences est forcément un événement crucial. Certes, d’autres ont mobilisé pour diviser, tuer ou humilier mais n’oublions pas que l’Homme se mobilise aussi pour créer. En tous cas, quand il s’élève, c’est souvent en collectif.

  • 11 janvier bien sûr, pour la liberté d’expression.
  • Haïti, 12 janvier 2006, et la mobilisation pour aider après l’horreur
  • Louisiane, 25 aout 2005, après l’ouragan Katrina.

Mais aussi 

  • La grande marche menée par Martin Luther King, 28 août 1963, « I have a dream »
  • Les obsèques de Victor Hugo, 1er juin 1885.
  • La libération de Paris le 25 août 1944

Voire même

  • Coupe du monde de Football, 12 juillet 1998.

Mobiliser est donc une véritable cause, qui permet de surmonter les immenses défis auxquels la société actuelle nous confronte.

  

La terreur, ça ne mobilise pas, ça émeut

Ne nous y trompons pas. Ce n’est pas parce que plusieurs catastrophes ou événements horribles ont réuni les humains, que l’on peut dire qu’ils sont mobilisés. Mobiliser implique une volonté commune ; pas seulement un cri. 

On l’a vu après le 11 septembre 2001, le recueillement mondial a été suivi d’un renfermement paranoïaque du pouvoir américain et de beaucoup de citoyens.

La preuve, c’est qu’une tuerie bien plus violente que celle de Charlie Hebdo, comme celle de Norvège en 2011 (77 morts, 151 blessés) a soulevé une émotion considérable et mondiale, mais pas de mobilisation. C’est surprenant mais explicable : cette attaque était un acte de folie isolé, horrible mais qui n’a pas de sens. 

La terreur seule indigne mais elle ne suffit pas à mobiliser. D’ailleurs, après le recueillement des premiers temps, l’horreur a la vilaine habitude de diviser, de renfermer sur soi, de pousser au mensonge ou d’opposer. On l’a vu après le 11 septembre 2001, le recueillement mondial a été suivi d’un renfermement paranoïaque du pouvoir américain et de beaucoup de citoyens. Idem pour l’assassinat de Kennedy en novembre 1963, ou l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand en 1914.

A toute autre échelle, en entreprise, certains managers sont tentés de brandir la menace en espérant qu’elle mobilise : non. Elle attire l’attention et génère de l’émotion, mais tout reste à faire pour mobiliser. Si vous comptez sur elle seule, vous avez toutes les chances de diviser.

  

Ce sont les ambitions et l’histoire qui mobilisent  

En plus d’un élément déclencheur, il faut donc une cause. Les plus grandes nous sont données par les ambitions nationales et par l’histoire ; ces 2 notions étant d’ailleurs tout à fait mêlées.

L’ambition c’est la raison fondamentale qu’a un peuple de vivre ensemble. Souvent c’est le territoire. Parfois, il existe une ambition plus forte et alors on parlera de Nation comme le dit Ernest Renan dans son fameux discours en 1882. 

Les ambitions génèrent de la mobilisation parce qu’elles nous rattachent à une idée si haute qu’elle nous dépasse de beaucoup et pousse au courage et à l’abnégation plutôt qu’à l’égoïsme et la lâcheté.

L’ambition d’une nation peut se résumer par quelques mots (Liberté Egalité Fraternité), dans un texte plus long (constitution américaine) ou encore dans une maxime énigmatique (Honni soit qui mal y pense pour l’Angleterre). Les ambitions génèrent de la mobilisation parce qu’elles nous rattachent à une idée si haute qu’elle nous dépasse de beaucoup et pousse au courage et à l’abnégation plutôt qu’à l’égoïsme et la lâcheté.

D’ailleurs, elles sont des concepts mouvants mais se traduisent périodiquement en actes héroïques : les décisions effroyablement coûteuses du conseil de la résistance (retraites, sécu), au moment où le pays est ruiné, sont motivées par la devise française. La résistance incroyable du Royaume-Uni en 1940 alors qu’ils sont encore seuls face aux forces de l’axe est une résurgence de la chevalerie et de l’honneur. La conquête de la lune en moins de 10 ans et l’élection d’un noir à la maison blanche à peine 50 ans après la fin de la ségrégation légale, tout cela relève de l’esprit pionnier américain.

Ces ambitions se combinent à l’histoire pour mobiliser. En France, on aime les rassemblements, la lutte, la contestation, et on s’y met très jeune. Dès lors, le peuple est plus à même de se soulever que d’autres qui ont des habitudes plus discrètes, comme nos amis allemands.

Managers, en plus de la menace, il vous faudra donc animer cette haute idée qui fait que votre métier est noble et pas simplement un ensemble de tâches qui se combinent en un résultat.

 

Aujourd’hui, la mobilisation est embryonnaire

Aujourd’hui en France, nous pouvons parler d’un embryon de mobilisation puisqu’en plus de l’émotion, il y a une cause, celle de la liberté d'expression. D’accord, elle ne rassemble pas à 100%. Il y a quelques opposants (infiniment peu même si on les entend beaucoup) et des sceptiques, mais elle permet de mobiliser. 


Et elle risque de s’étioler…

Évidemment, on craint le feu de paille après un espoir : c’est le syndrome du Grenelle de l’Environnement, lancé par Nicolas Sarkozy en 2007, qui semblait faire date après les signatures de tous les candidats de 2007 sur les enjeux du réchauffement climatique à l’initiative de Nicolas Hulot, et qui finalement a accouché d’une souris.

D’ailleurs, tout le monde dit déjà « Il faut qu’il se passe quelque chose ! Il ne faut pas que le 11 janvier ne débouche sur rien ! ». Et comme cette crainte est tout à fait improductive et largement auto-réalisatrice, on dira bientôt : « Je l’avais bien dit ! C’était sûr depuis le début ».

Manager, vous le voyez bien : au lancement d’un projet, il y a toujours des tas de gens pour vous dire que « ça n’aboutira à rien » et plus tard que « je l’avais bien dit ».


Pour éviter l'inaction, abandonnez la maîtrise 

La mobilisation est, par définition, la rassemblement de personnes engagées, qui ont choisi de se battre pour une cause.

Celui qui répond à l’appel du roi Arthur et qui se met à son service autour de la table ronde, ne le fait pas pour lui rendre service ou par gentillesse. Il le fait pas conviction et accompagne son engagement de vœux contraignants (adoubement).

Dans le cas de la mobilisation du 11 janvier, c'est cela qui manque : les actes contraignants qui renforcent l'engagement des "marcheurs". 

Quand la cause est forte, la mobilisation n’a pas besoin de chef.

Pour un leader, entretenir une mobilisation, c’est d’abord admettre de ne pas tout faire soi-même. Vous ne pouvez pas vouloir mobiliser et vouloir en même temps garder la main sur le projet. Vous donnez des libertés, assumez-le !

Pour les marcheurs, vous ne pouvez pas vous mobiliser et attendre qu’un leader (politique ou autre) garantisse les suites de la mobilisation. Vous prenez un engagement, assumez-le !

C’est le grand enseignement des printemps arabes de 2011. Quand la cause est forte, la mobilisation n’a pas besoin de chef.

  

Manager une mobilisation, c’est piloter un Raft 

Avec une mobilisation en poche, vous êtes 100 fois plus fort qu’avec toute autre méthode, sauf que vous partagez le pouvoir. Comme dans un raft, le courant dicte sa loi, et votre rôle de manager n'est pas de pousser le bateau mais de lui faire éviter les plus gros obstacles.

Concrètement il faut d’urgence "mouiller" les mobilisés, leur demander, au porte-à-porte s’il le faut, ce qu’il sont prêts à faire. Comme Yunus et son micro crédit au Bangladesh, on ne fait JAMAIS à la place de ceux qui s’investissent. Dans un raft, tout le monde doit ramer.

La mobilisation de grande ampleur n’est pas un aplanissement des opinions, mais un moment où l’ambition les transcende.

Concrètement, il faut fixer des rendez-vous à moyen terme pour que les mobilisés s’y retrouvent, des étapes. Comme Lincoln qui a renoncé à donner les mêmes droits aux noirs et aux blancs pour garantir la fin de l’esclavage mais donc faire avancer la cause. Dans un raft, il faut éviter à tout prix les premiers rochers, sinon on n’aura jamais à affronter les suivants. 

Concrètement, il faudra accepter les chemins sinueux. La mobilisation de grande ampleur n’est pas un aplanissement des opinions, mais un moment où l’ambition les transcende. Passer le temps de l’émotion, il faudra donc écouter les contradicteurs, les voies discordantes ; pas les terroristes bien sûr, ni les censeurs décomplexés, mais toutes les sensibilités, y compris celles qui nous heurtent. Comme Merkel concède aux Verts l’arrêt du Nucléaire pour que l’Allemagne soit gouvernable. Dans un raft, on choisi un passage, et on abandonne les intérêts des autres.

La mobilisation du 11 janvier, comme toutes celles que les managers recherchent au service de leurs projets, est une arme puissante mais difficile à maîtriser. C'est ce qui rend le métier de manager si utile et si passionnant. 

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