Auteur/autrice : charlie

La noblesse du management transverse

Aujourd’hui le mode projet est roi dans les grandes entreprises. C’est logique, le temps s’accélère, et il faut s’adapter de plus en plus vite aux nouvelles données du contexte, en impliquant tous les services. Et pour piloter tous ces projets, il faut des chefs de projet, qui se trouvent donc en situation de manager en transversal.

Déjà que manager une équipe dans le cadre de relations hiérarchiques n’est pas forcément évident, là, le management transverse amène des contraintes supplémentaires, ce qui le rend d’autant plus délicat… mais aussi enthousiasmant !

 

Quand on gère un projet impliquant des collaborateurs de différents services, ça peut être coton !

C’est sûr que pour les personnes contributrices à votre projet, l’engagement qu’on leur demande en plus de leur opérationnel cœur de métier, c’est du temps en plus qu’ils n’ont déjà pas. En gros, ils peuvent se dire qu’ils ont autre chose à faire… Et ils ont droit de le penser en plus !

Sans compter que parfois, les résultats liés à ce projet ne font pas toujours partie de leurs objectifs annuels… donc quel serait leur intérêt de se mobiliser particulièrement pour votre projet ?

Un intérêt d’autant plus difficile à susciter en l’absence de lien hiérarchique entre le chef de projet et les contributeurs. Eh oui, inconsciemment, les demandes émanant de quelqu’un qui n’est pas directement dans la ligne hiérarchique ont moins de poids, et les actions sont parfois effectuées après « tout le reste », tardivement.

Cette absence de lien hiérarchique, ça veut aussi dire que chacun de vos contributeurs a lui aussi un manager… Complexe, car il faut aussi gérer les relations avec ces managers … et ils sont parfois nombreux ! Ce co-management informel est générateur de quiproquos et de tensions, et il paraît inconcevable de prévoir un temps avec chaque manager pour se caler. 

Là, on a simplement regardé les problématiques de relations individuelles, mais si on prend l’angle de vue du collectif, c’est manager une équipe dont les membres ont des objectifs et des besoins différents, voire contradictoires. Si par exemple vous demandez leurs avis à une personne du commercial et à une personne du SAV, il est évident que leurs enjeux sont presque opposés sur certains sujets, et il sera compliqué d’arriver à un consensus. Aïe! Ça semble bien mal parti !

Et face à tous ces pièges… en général on n’utilise qu’un nombre très limité de solutions

Au début, pour tenter de « séduire » les contributeurs, on essaie de minimiser le temps que ça va prendre, la difficulté que ça représente. En gros, on n’est pas très honnête et on essaie d’occulter le fait que participer à ce projet amène des contraintes.

Ça, ça ne peut durer qu’un temps, parce qu’au bout d’un moment, les gens se rendent bien compte que ça pèse dans leur agenda, et que c’est parfois compliqué… Et comme on leur a dit le contraire, ils se sentent un peu floués, et la confiance s’érode.

Du coup, une fois que les relations sont un peu tendues, il est difficile de mobiliser et de donner envie de contribuer aux projets. Donc souvent, dans ces cas-là, le manager du projet sollicite la hiérarchie pour faire agir les gens… Soit quelqu’un du top management soit le manager du contributeur pour obtenir ce dont il a besoin. On finit par imposer, et c’est dommage, parce qu’on tue d’un coup toute possibilité de créer de l’envie et de la motivation pour le projet ! 


Mais comment sortir du réflexe de faire appel à la hiérarchie ? Créer les conditions de la motivation plutôt que stimuler !

La première bonne pratique à mettre en place quand on sait qu’on va devoir demander quelque chose à quelqu’un, c’est d’inverser la logique ! Au lieu de se dire « ils devraient faire ça pour moi » c’est se poser plutôt la question « qu’est-ce que je peux faire pour eux ? ». Ça implique de se mettre à la place des contributeurs et d’imaginer ce qui pourrait leur être utile. Car si vous voulez faire d’une équipe votre alliée, vous devez commencer par devenir son allié. Et attention, être allié ça ne signifie pas être sympa, ça signifie poser des actes concrets en faveur du projet de la personne. 

Faites des difficultés du projet une source de motivation. En effet, on a tendance à croire que minimiser les difficultés est une bonne idée, alors que ce dont les gens ont besoin, c’est de vivre de vraies victoires et d’être fiers de ce qu’ils accomplissent. Alors valorisez ce qui est complexe et difficile dans ce projet, et surtout, pensez à célébrer ensemble les réussites au fur et à mesure de l’avancement du projet.

Soyez clairs sur les moyens mis à disposition pour débloquer les situations. Évidemment, valoriser les difficultés ne suffit pas… Pensez à mettre en place un dispositif clair pour aider les personnes qui peuvent se retrouver bloquées à une étape du projet. Communiquez régulièrement sur ce dispositif, car demander de l’aide n’est pas toujours un réflexe pour tout le monde, et peut même être coûteux pour certains.

Utilisez les avantages du mode projet. On l’a vu, le mode projet pose de nombreuses contraintes, mais il comporte aussi des aspects positifs qui donnent l’opportunité de donner envie. Oui, car un projet transverse, ça permet de décloisonner les services et d’échanger avec des collègues qu’on ne connaît pas. C’est aussi un espace où on peut bosser différemment. Pensez à proposer des façons novatrices et stimulantes de travailler ensemble au sein de votre équipe projet, comme le co-développement par exemple.

Votre rôle de manager transverse, comme celui de tout manager, c’est aussi de donner du feedback. On oublie trop souvent que les collaborateurs aiment savoir se situer et être rassurés d’être dans la bonne direction. C’est agréable de travailler avec quelqu’un qui s’intéresse à votre progression, non ?

De manière générale, dans votre façon de fonctionner avec votre équipe projet, il sera plus efficace de solliciter l’engagement des contributeurs que d’imposer une marche à suivre.

On constate que les solutions ne manquent pas pour simplifier et fluidifier le management transverse… on constate également que toutes ces solutions sont aussi celles qu’on recommande dans le cadre d’un management classique et hiérarchique. Ce type de management apparaît finalement comme le plus vertueux de tous, car en l’absence de lien hiérarchique, il incite à se demander « comment je peux faire pour donner envie et offrir un cadre de travail motivant au collaborateur ? ». Ce qui est finalement la question clé que tout manager devrait se poser en premier.

Le management transverse est le plus noble, c’est celui qui fait grandir, celui qui permet au manager d’être adulte et autonome dans ses relations avec son équipe, sans s’appuyer sur la soi-disant autorité de quelqu’un d’autre. Celui qui demande du courage.

Alors, que vous ayez un lien hiérarchique ou non avec vos collaborateurs, faites comme si vous n’en aviez pas, ça vous poussera à être un meilleur manager !

Managers, DRH, écoutez ou ré-écoutez Les Mains d’Or

Le DRH est en train de devenir un personnage de fiction, le symbole du capitalisme un peu aveugle : « Merci Patron » brulot politique, Ressources Humaines (Benjamin Biolay) sur le discours un peu lénifiant du licenciement, The Office (version anglaise surtout) sur l’absurdité managériale… Et puis il y a « Les mains d’Or », sublime ballade de Lavilliers…

Ouvertement à gauche et militant, Lavilliers ne prétend pas à l’objectivité, certes ; mais dans cette chanson, il n’analyse pas, ou ne règle pas ses comptes. C’est une vision subjective d’un ouvrier qui voit son usine fermer….

L’émotion est assez intense, et une déclaration d’amour au travail de l’ouvrier : « J’voudrais travailler encore, forger l’acier rouge avec mes mains d’or »

Et pour ceux qui parfois pilotent des PSE, voire des fermetures, il raconte le sentiment de perte d’une partie de soi, de reconnaissance pure…. Ce sentiment qui explique en grande partie les réactions désespérées, irrationnelles, parfois contre leur propre intérêt « Je sers plus à rien moi, y’a plus rien à faire, quand je fais plus rien moi, je coûte moins cher que quand j’travaillais moi, d’après les experts ».

Je ne dis pas qu’il ne faut jamais fermer de site, ni faire de PSE, mais soyons conscients que les compensations financières, les mesures d’accompagnement, la bienveillance de votre posture n’enlève rien à un fait têtu : on enlève quelque chose d’important à quelqu’un… « j’ai passé ma vie là dans ce laminoir, mes poumons mon sang et mes colères noires ».  

 

Les opposants, la grande peur

Que vous managiez une petite ou une grande équipe, depuis la semaine dernière ou plus de vingt ans, au sein d’une start-up, d’une PME ou d’une multinationale, vous le savez, manager, c’est difficile, engageant, déstabilisant mais aussi terriblement enthousiasmant…si tant est que l’on ait quelques clés !

Sous forme d’une conversation libre et aussi décomplexée que possible, nous tentons de décortiquer quelques grandes questions managériales pour vous armer. Nous partageons des constats et des outils pour que vous puissiez tous les jours conjuguer plaisir et efficacité dans votre mission de manager !

* Pour aller plus loin *

// A lire //
Gérer des contradictions
La stratégie des alliés

// A voir //
12 hommes en colère de Sidney Lumet

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil
Au micro : Camille Riou et Patrick Bois.
A la réalisation : Laëtitia Peyre

Ne faites plus de passation pour les collaborateurs !

Les encadrants dans les grands groupes dansent une valse à 3 temps : récupérer une équipe, la manager, la passer à un autre, récupérer une équipe, etc…

Dans cette ronde, un passage presque obligé, se passer les dossiers, et un drame : ne pas avoir de période de recouvrement suffisante pour tout se dire… Et bien, gagnons un peu de temps et cessons de faire des passations pour les collaborateurs… Complètement !


Tempo accelerando

A force de l’écrire chaque mois, ça finit par devenir un poncif : tout s’accélère, et il faut danser vite, très vite. Alors dans les changements de poste, on se dit que pour démarrer du bon pied, il faut qu’on en sache le plus possible sur les dossiers, les projets, les clients, et les membres de l’équipe. Alors on organise, souvent à la va vite, une réunion où le prédécesseur, parfois la tête déjà ailleurs, vous explique fissa qu’un tel est un pilier, que l’autre sait faire ci et pas ça, et que le dernier est un poison, toujours prêt à réduire vos efforts à la portion congrue….

Et on sort de cette revue d’effectif soulagé : « heureusement qu’on a pris cette heure ! Que de temps gagné ! »

Que neni, vous n’avez pas gagné 1 minute, et vous vous êtes tendu un joli petit piège…. Allez vous tomber dedans ?


Prophéties autoréalisatrices

Pourtant les infos que vous a donné le prédécesseur vous ont bien servies, et se sont révélées très justes ? Effectivement qu’elles sont vraies. Sauf que vous ne vous rendez pas compte qu’elles sont vraies surtout parce qu’on vous les as dites.

Il est tellement difficile d’ignorer une remarque bien présentée et étayée. Et du coup, on reproduit les situations à chaque tour de valse. 

Autrement dit, 

Quand on va vous vanter le pilier de l’équipe, la pépite qui fait vite, bien et sans râler, comment allez-vous regarder cette personne à la première rencontre ? En plus, en pleine bourre, elle vous abordera conquérante pour présenter les sujets en cours ! Et la danse collée serrée risque de se prolonger.

Pas trop grave vous me direz ? Sauf que c’est vrai pour les gens en difficulté :

Quand on va vous inciter à vous méfier de tel collègue, fourbe et jamais content, qui dit qu’il fait et ne fait jamais, comment allez-vous regarder cette personne à la première rencontre ? En plus, méfiante et peu confiante, elle risque de fuir un peu et aura peu de sujets pour vous séduire ! Et il ou elle risque de continuer à regarder le bal en attendant qu’on l’invite. Rappelez vous Carrie (Brian de Palma), ou voyez-le pour rappeler à quel point le regard de la foule peut créer ses propres légendes, et engendrer des monstres. Elle était belle pourtant Carrie, avant d’être humiliée….

Je caricature peut être un peu, mais un peu seulement. Il est tellement difficile d’ignorer une remarque bien présentée et étayée. Et du coup, on reproduit les situations à chaque tour de valse. 


Et la caricature finit par être plus vraie que nature 

Parce que quand vous avez passé 10 ans, et 3 chefs, à être regardé comme le danger, que faire ? La confiance est au plus bas. Vous estimez que le monde est hostile, et de fait, il l’est. Vous vous pensez menacé, et de fait, vous l’êtes. Alors, l’instinct dit de se protéger de cette agressivité. Et il vous recommande de garder vos idées pour ne pas qu’on vous les vole, de vous lier à ceux qui semblent vouloir vous protéger, d’être agressif avec les autres avant qu’on le soit avec vous.

En écoutant ces briefings de passation, vous prenez le risque d’aggraver la situation ; et si vous n’en tenez pas compte, parfait, mais alors pourquoi perdre votre temps ?


Chaque chaussure a son pied

Poser ce postulat ce n’est pas estimer que tous les prédécesseurs sont partiaux et veulent consciemment pousser le bon et écarter le mauvais ; la plupart du temps il veut votre bien et témoigne seulement de son expérience.

Sauf qu’en management, la virginité prime. Parce que votre prédécesseur a ses méthodes et son caractère, vous les vôtres, et votre successeur les siennes.

Pour faire le lien avec un précédent article sur la prise de poste, la meilleure tactique s’agissant des collaborateurs, c’est donc de prendre le temps de rencontrer l’équipe, sans préjugé, surtout pas négatif. 

Il est possible que celui qui est coincé dans la relation avec son manager actuel puisse se révéler avec vous, ou que celui qui est en difficulté avec vous, se libère avec votre successeur. Sauf que pour que ces belles histoires arrivent, il faut y croire, et pour y croire, il est plus facile de ne pas avoir dans la tête la musique lancinante dans films d’horreur. N’oubliez pas, comme dans Carrie, Cendrillon, Rocky, que la laideur est très sociale et qu’en manageant sans écouter la foule, vous révèlerez parfois la beauté.

Pour faire le lien avec un précédent article sur la prise de poste, la meilleure tactique s’agissant des collaborateurs, c’est donc de prendre le temps de rencontrer l’équipe, sans préjugé, surtout pas négatif. En vous présentant positif et plein d’espoir, vous avez une chance que les personnes coincées se débloquent rapidement juste parce qu’elles entrevoient la lumière. Nous le voyons souvent.

Dans mon quotidien de consultant d’ailleurs, je rechigne de plus en plus à être briefé par le manager sur son équipe

Et quand vous partez, inutile de plomber la carrière de votre collaborateur, même si les relations ont été extrêmement difficiles. Si ça se trouve, votre part de tort n’était pas si faible que ça. Alors, évitons de transférer les problèmes et restons-en au factuel : il occupe ce poste, elle fait ça, ils sont sur tel projet.

Dans mon quotidien de consultant d’ailleurs, je rechigne de plus en plus à être briefé par le manager sur son équipe ; ça le rassure lui, mais c’est clair que j’ai du mal à ne pas en tenir compte dans le feu de l’action, et à rester neutre… Pourtant je connais le mécanisme…

Gardez votre temps pour évoquer les projets (ça c’est utile !), et partager les visions, les grands messages managériaux répétés depuis des mois (ça c’est indispensable pour ne pas repartir de 0).

Et la passation pour les collaborateurs, et bien faites là avec les collaborateurs eux mêmes : quelles sont vos envies, vos craintes ?

Mais pour danser, laisser parler l’instinct, l’envie et l’authenticité.

Le super héros, le pire des managers

Bien sûr, le courage, la capacité à prendre des décisions, la proximité, sont des qualités très appréciées dans les entreprises. A trop les solliciter cependant, on se transforme en « super-héros » qui empêche les équipes de grandir et de développer leur propre héroïsme. Ce n’est pas que dommage, c’est parfois un danger. 

 

A trop confondre le manager et le leader…

On est souvent mécontent des managers que l’on a. Chaque génération critique un profil managérial typique de son époque et fustige ses erreurs : nous avions le manager paternaliste qui confondait ses employés et ses enfants (dans les années 80, même s’il en reste encore çà et là), le manager distant et déconnecté (celui qui ne disait pas bonjour le matin), le manager super technicien mais pas vraiment manager, le manager toujours en réunion et qui ne s’intéresse qu’aux chiffres, époque pas si lointaine où les indicateurs étaient le graal du management. 

Depuis peu, on a un profil qui prend de l’ampleur, le manager super-héros. Produit attirant, cet archétype est un super leader. C’est normal, puisque Linkedin nous dit à longueur de posts qu’un bon manager est un leader et non un boss, on se tourne naturellement vers ces profils. Donc il est courageux, il est assertif car un coach lui a appris à contrôler et assumer ses convictions, il a un comportement d’entrepreneur car les entreprises ne veulent plus d’exécutants dociles dans ce monde si changeant et complexe. 

Bref, une personne qui performe, un cador. Et elle grimpe vite dans l’organisation. Et c’est bien normal. Nous en croisons quelques-unes dans nos missions, quelle puissance et quel plaisir de travailler pour eux

Mais quel est leur bilan de manager ? 

L’équipe est prise de vitesse, étouffée

Vu les résultats de la dernière coupe du monde, on a bien envie de faire des analogies avec le football à tout bout de champ. On a beaucoup parlé de la Neymar-dépendance du Brésil, de la Messi-dépendance de l’Argentine, idem pour le Portugal. Leur bilan est mauvais, alors que les équipes plus équilibrées (France, Belgique, Angleterre, Croatie) ont mieux performé. Même si ce n’est pas aussi binaire, il est logique de penser qu’on se dépasse plus facilement quand il n’y a pas quelqu’un pour réussir à notre place. 

Un manager super-héros, malgré ses qualités, pèse souvent sur le collectif. D’abord il imprime un rythme très soutenu, car il est rapide mais aussi impatient (besoin de réalisation très fort). A ce rythme, l’équipe peut éventuellement suivre mais pas devancer. Et difficile de prendre des initiatives en position de suiveur…

 Ce n’est pas un manque de délégation ou de l’omniprésence, c’est plus fin de ça. C’est juste que son aura pèse sur toutes les actions et décisions. 

Les équipes qui sont dirigées par ces managers se ressemblent les unes les autres : très fidèles, presque militantes de leur chef, en surinvestissement, n’imaginant même pas qu’il ou elle puisse faire fausse route (et n’ayant de toutes façons pas le temps d’y penser). Elles ressemblent un peu aux forces de police dans les films de super-héros : un peu en retard, essoufflées mais de bonne volonté et admiratives du travail (déjà fini) du vrai héros.

Cela génère donc des comportements de suiveurs, une perte de confiance de l’équipe dans ses propres capacités. Bref, managérialement, le bilan n’est pas top.

On peut aussi parler du syndrome du chevalier blanc. Imaginons qu’il y ait un conflit dans l’équipe. Le manager super héros va intervenir dans la relation pour faire le médiateur, dépassionner le problème et ouvrir la porte à l’apaisement. A court terme c’est super, plus de conflit, mais les personnes concernées tireront très peu d’enseignements de cet épisode (qui pourra donc se répéter). Le chevalier blanc, par ses intentions louables, rend vivable une situation qui ne devrait pas l’être et annihile l’apprentissage. 

In fine, le manager super-héros installe souvent autour de lui un fonctionnement en étoile, donc il est le centre. Tout passe par lui. Ce n’est pas un manque de délégation ou de l’omniprésence, c’est plus fin de ça. C’est juste que son aura pèse sur toutes les actions et décisions. Cela génère donc des comportements de suiveurs, une perte de confiance de l’équipe dans ses propres capacités. Bref, managérialement, le bilan n’est pas top.

La solution : déséquilibre et déplacement

Parfois dans nos missions, nous obligeons un manager super-héros à faire des actions qui ne lui sont pas naturelles : laisser faire son équipe, ne rien dire, quitter la réunion au moment le plus stratégique. C’est difficile à accepter pour lui mais il apprend ainsi que son équipe se surpasse quand il n’est pas là, et que le résultat est qualitativement comparable. 

 C’est ainsi qu’un ancien DG de Décathlon a quitté son poste temporairement pour s’occuper du développement de l’Asie. Quand il est revenu, son équipe était terriblement montée en puissance. 

Plus globalement, le manager super-héros doit créer un déséquilibre pour laisser respirer son équipe. Plusieurs possibilités pour cela : accepter une mission complémentaire qui va lui prendre beaucoup de temps et donner plus de place à son équipe qui sera d’abord mal à l’aise mais qui finira par développer des qualités et des compétences nouvelles, accepter d’en faire moins aussi en terme d’horaires (finir une heure plus tôt, c’est parfois un bol d’air excellent pour l’équipe), etc.  

Cela peut aussi prendre la forme d’un déplacement. C’est ainsi qu’un ancien DG de Décathlon a quitté son poste temporairement pour s’occuper du développement de l’Asie. Quand il est revenu, son équipe était terriblement montée en puissance. 

Sans être aussi radical, nous conseillons parfois à ces managers de se fixer des objectifs annexes, c’est-à-dire loin de la stratégie, de l’organisation ou de la performance globale. Par exemple, aller coacher personnellement les 3 personnes les plus faibles de son équipe. Une action utile, prenante et qui déplacera suffisamment son moteur d’action pour laisser les autres prendre des initiatives, résoudre seuls certains conflits, explorer. 

Et comme les managers super-héros évoluent vite, c’est aussi une façon de préparer leurs départs avec des équipes qui sauront déjà faire sans eux. 

La petite poule rousse

Il y a 2 histoires qui portent le même nom ; celle qui nous intéresse aujourd’hui est la suivante : c’est une petite poule rousse qui trouve un grain de blé et qui propose à ses amis le canard, le cochon et le renard de l’aider à les semer. Mais ses amis ne veulent pas venir l’aider car ils sont tous très occupés… Alors elle se débrouille toute seule, et lorsqu’elle a planté, récolté, moulu, pétrit et cuit son pain, ses amis se présentent pour le manger, elle refuse alors et garde le pain pour elle seule.

Toute ressemblance avec un chef de projet qui veut faire agir ses collaborateurs n’est pas si fortuite que ça !

Si nous faisions du conseil pour animaux, nous pourrions expliquer à La Petite Poule Rousse qu’elle a fait 2 erreurs de management :

D’abord pour chaque étape besogneuse de transformation du blé, elle demande aux animaux de l’aider et tous refusent à chaque fois. Mais elle ne leur explique jamais ce que ce grain de blé pourrait devenir. Elle gagnerait sûrement des supporters en essayant de les faire rêver : la vision d’un bon pain bien chaud qu’ils dégusteraient tous ensemble…

Ensuite à la fin de l’histoire elle veut leur donner une leçon en refusant de partager son pain avec les autres animaux. Mais c’est une vision un peu court-termiste des choses car la sanction qui tombe ne va pas forcément donner envie aux animaux d’aider la fois suivante. Elle gagnerait sûrement sur le long terme en faisant vivre aux animaux un bon repas qu’elle pourra leur rappeler la prochaine fois qu’elle demandera de l’aide. 

Nous pourrions donc proposer une autre version de La Petite Poule Rousse : c’est une petite poule rousse qui trouve un grain de blé.

Elle réunit le canard, le cochon et le renard et leur demande leur avis sur l’ambiance de la ferme ; ils échangent sur le fait que c’est de plus en plus « chacun pour soi » et que l’hiver approchant il faudrait penser à faire des réserves. La Petite Poule Rousse explique alors son projet : lancer un cours de cuisine sur le thème « savoir faire son pain » ; le cochon et le canard sont emballés. Trois rendez-vous sont pris : un 1er le lendemain pour le cours de cuisine, un 2ème le jour suivant pour la dégustation, un 3ème à la fin de la semaine pour imaginer d’autres ingrédients à cuisiner, rendez-vous auquel se joint finalement le renard. Et devinez quoi : au printemps suivant ils ouvraient tous les 4 un restaurant.

Sentez-vous libre de lire cette version de l’histoire à vos enfants pour leur apprendre à être de futurs managers astucieux !

Perdez la mémoire pour mieux manager !

A l’époque où on parle de droit à l’oubli numérique, c’est-à-dire qu’on demande à des machines d’oublier ce qu’elles savent sur des personnes, il serait peut-être temps d’évoquer le droit à l’oubli pour les managers !

Et même bien plus que le droit, car c’est finalement une question d’hygiène managériale que d’oublier ce qui n’est pas utile à l’efficacité collective ou à l’accomplissement de sa vision.

Dans un contexte de surabondance d’informations et de psychose de la traçabilité, il paraît nécessaire sinon vital de prendre le temps d’oublier.


Mais prenons d’abord le temps d’examiner ce phénomène… 

Ce qu’il y a, c’est que deux facteurs viennent se combiner à cette surabondance d’informations, et ils complexifient la problématique. 

Déjà, on baigne au quotidien dans l’injonction à la performance : « Il y a plus d’infos à traiter ? Eh bien traitons-en plus ! »

Et puisque cette abondance d’informations est un changement dans notre environnement, il faut suivre le mouvement, vu qu’aujourd’hui, si on refuse de s’adapter au changement, on meurt ou on passe pour un vieux con !

Alors, pour être au top, que faire ?

Apprendre à tout retenir, tracer et traiter de peur de louper l’information qui fera la différence, qui permettra de prendre la meilleure décision possible ?

Ça paraît délirant, mais le danger c’est qu’aujourd’hui nous sommes dans une époque où ça paraît possible. 

Quelles données sont vraiment utiles, et quelles décisions je vais prendre selon quels critères après avoir consulté tout ça ? 

Avec le big data par exemple, on stocke un nombre de données incalculable. On a tous des tas d’applis qui nous permettent de tracer ce qu’on mange, ce qu’on dort, ce qu’on bouge, le nombre de calories prises, dépensées… Aussi ce qu’on a à faire, les idées qu’on a, les trouvailles de restos, de bon vin, ou paramétrer les sujets sur lesquels on veut recevoir des informations, des mises à jour… Bref, on pourrait enregistrer l’intégralité de notre vie aujourd’hui si on le voulait ! ou encore passer notre temps à nous informer avec toutes les données disponibles en open source. 

Ça paraît séduisant, comme ça, sauf que pendant qu’on fait ça, on ne vit pas, et une fois qu’on a fait ça, si on veut que ça serve à quelque chose, il faut prendre le temps de revenir sur ces données et en faire quelque chose ! C’est bien ça le problème. C’est que pour « manager » toutes ces données, ça prend du temps et de la réflexion en plus. Quelles données sont vraiment utiles, et quelles décisions je vais prendre selon quels critères après avoir consulté tout ça ? 

C’est d’autant plus problématique qu’aujourd’hui la frustration n’est plus à la mode, tant nous baignons depuis des années dans une culture de l’illimité, qui ne nous oblige plus tellement à nous mettre des limites.

J’assistais l’autre jour à une conférence débat sur le big data et j’étais stupéfaite des échanges entre les responsables IT pour la plupart de grands groupes… Pas stupéfaite d’entendre qu’ils étaient très rôdés sur la collecte de données, que tout était tracé, qu’ils ne perdaient aucune des infos auxquelles ils pouvaient accéder… Mais vraiment stupéfaite d’entendre toutes leurs questions sur le : que fait-on de ces données ? Comment on choisit les données à exploiter et comment les exploiter ? ça donnait l’impression que les entreprises avaient investi des sommes astronomiques sans idée claire de ce qu’elles allaient faire de toutes les données stockées ! Sans stratégie, comme si c’était juste la course de celui qui a le plus de données ! 

C’est comme avoir accès à la mine d’or et ne pas avoir de piolet pour en extraire les pépites… 

Cette volonté de conserver l’exhaustivité des données, ou d’utiliser cet accès illimité aux informations on le voit, mène très facilement à la noyade. 

En effet, on est tellement submergé par la quantité qu’on n’arrive plus à prendre le recul nécessaire pour faire de la qualité. C’est d’autant plus problématique qu’aujourd’hui la frustration n’est plus à la mode, tant nous baignons depuis des années dans une culture de l’illimité, qui ne nous oblige plus tellement à nous mettre des limites. Donc, savoir se frustrer et choisir les données ou informations qui nous ont vraiment importantes devient quasiment impossible. 

C’est comme avoir accès à la mine d’or et ne pas avoir de piolet pour en extraire les pépites… 

Dommage.

Si on élargit la réflexion au fait de vouloir garder en mémoire au maximum les éléments de notre quotidien, il est intéressant de regarder l’épisode 3 de la saison 1 de la série Black Mirror. Dans cet épisode, on suit l’histoire de Liam Foxwell, un jeune avocat à la recherche d’un emploi. Comme presque tout le monde, il a une puce implantée derrière l’oreille qui lui permet de stocker ses souvenirs et de les rediffuser quand bon lui semble. Et quand il se prend à douter de la fidélité de sa femme, il utilise donc les images en sa possession pour enquêter sur ce supposé adultère et confronter les deux amants.

Cette abondance d’informations et la facilité à les tracer, c’est tellement séduisant qu’on en devient addict. 

Cet accès à une mémoire artificielle et exhaustive, loin de faciliter les relations vient ici accentuer la méfiance et consolider la place des événements douloureux. Car, comme l’esprit humain est habitué de longue date à se concentrer sur ce qui est mauvais et dangereux (vestiges de l’instinct de survie !), il se concentre à revoir, revivre ces instants et entretenir le doute, la méfiance, la colère… Et vu qu’il y a un accès illimité, ça fait des dégâts !

Cette abondance d’informations et la facilité à les tracer, c’est tellement séduisant qu’on en devient addict. On le voit, qui réussit encore à résister aux notifications de son téléphone, ou à prendre mille photos à chaque instant et que l’on ne regardera sans doute jamais ? Il manque souvent derrière ces pratiques qui en soit n’ont rien de honteux, un objectif, une vision de ce qu’on va faire après avec ces éléments…

Et ce constat sociétal s’applique aussi au management. En tant que manager, on subit les mêmes causes et les mêmes conséquences pour soi et pour ses équipes.

Alors que faire ?

Et si la solution, c’était finalement de perdre la mémoire ? Oui, perdre la mémoire pour mieux manager !

Perdre la mémoire, c’est avant se donner l’opportunité de poser un regard neuf sur les situations et les personnes. Et en tant que manager, la façon dont on pose son regard sur les choses est déterminante. Oui, parce que pour prendre des décisions, arbitrer, c’est d’abord à partir de sa vision que l’on part.

Oubliez les moments de tensions !

Et pour ça, en préventif, il faut déjà dire assez vite à vos collaborateurs quand quelque chose ne vous plaît pas ! Sinon, gare au carnet de tickets ! ça permet de passer à autre chose et se concentrer sur ce qui est important maintenant. Et si vous choisissez de ne pas en parler, c’est à vous d’assumer, et de passer à autre chose. Oubliez ! De temps en temps, imaginer qu’on rencontre son équipe pour la première fois, prendre du recul ça fait du bien ! A soi et à son équipe !

 

Oubliez les positions ! 

Perdre la mémoire, c’est aussi avoir en tête que les positions des uns et des autres évoluent dans le temps. Parce qu’un allié ou un opposant, ça n’a de sens que sur un projet précis et à un instant T. Donc oublier la posture de ses collaborateurs sur le projet d’il y a 6 mois, c’est une question d’hygiène, pour permettre de démarrer sur de bonnes bases pour le nouveau projet. Et aussi avoir de bonnes surprises !

 

Oubliez les process !

Parce que ça fait du bien aussi la souplesse. Alors oui, il y a des éléments sur lesquels on ne peut pas déroger, comme la sécurité par exemple, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas autour des espaces où la souplesse peut se distiller à juste dose. Regardez à nouveau les grands aspects métier dont vous êtes responsable, et demandez-vous « pourquoi on a toujours fait comme ça ? ». Oublier, c’est laisser la place à une saine interrogation de ce qui se fait, dans le but d’améliorer le système.

Au final, ne trouvez-vous pas que ça paraît paradoxal de vouloir retenir le passé et le présent alors que le futur est en construction ? Bien sûr, il ne faut pas tout jeter, ce serait totalement inconscient. On apprend aussi du passé, c’est évident. Mais il est important d’avoir en tête ceci : si on choisit de garder en mémoire, d’imprimer le passé ou le présent, il faut le relier avec le futur. Au final, les éléments du passé, les données, les informations sont des outils, et ils deviennent utiles quand on leur donne du sens et qu’on les utilise dans le cadre d’une stratégie cohérente. 

Avant de décider de garder une info, demandez-vous en quoi elle sert votre projet futur.

Le Bottom Up, un calvaire à manager !

Ça y est, cette année, vous prenez votre courage à deux mains, et décidez de vous appuyer sur les remontées terrains et de favoriser le passage à l’action. Et là, chou blanc, rien ne se passe, tout le monde se regarde en chien de faïence et personne n’agit. Ils attendent et vous aussi. Mais pourquoi n’agissent-ils pas ? 


Vous venez de franchir le palier du manager moderne

Franchir le pas du manager moderne, c’est décider que ses équipes ont le droit de prendre des initiatives et se doivent d’être acteurs au sein de leur entreprise.

En laissant aux collaborateurs de la liberté vous ne pouvez être que plus performant, car la liberté d’agir contrairement à ce qu’on entend parfois, c’est avant tout responsabilisant et non anarchisant.

Et c’est ça être un manager moderne ! C’est considérer qu’en face de nous, il y a des adultes qui ont de véritables compétences métiers et qui sont capables d’identifier et de proposer des solutions aux problèmes qu’ils rencontrent.  

Ainsi, que le collaborateur soit un opérateur dans une usine ou bien un cadre dirigeant dans une grande entreprise, un manager a tout à gagner à encourager la prise d’initiative.

En agissant ainsi, vous allez éviter les cascades hiérarchiques face à la moindre difficulté et tirer tout le monde vers le haut, augmenter la VA de chacun !

Vous irez même jusqu’à augmenter votre propre VA, car en n’agissant pas à la place de vos équipes, vous allez pouvoir vous dégager du temps et la perspective d’agir sur d’autres actions.  

Mais cela n’est pas simple 

Vous êtes persuadés qu’en effet, vous et vos équipes avez tout à gagner dans une dynamique qui laisse plus de place aux initiatives et à la liberté. Cependant, vous vous rendez-compte que même si c’est alléchant sur le papier, c’est beaucoup plus compliqué en pratique. 

En effet, pour les équipes, ce changement peut faire peur !

Eux qui ne demandaient qu’à être écoutés et impliqués ne veulent plus agir, ne savent pas quoi faire et pensent parfois que vous ne voulez pas prendre vos responsabilités de manager et que vous déléguez tous les problèmes. 

Et c’est normal que vos équipes passent par une période de purge et aient besoin d’être accompagnées pour pouvoir prendre des initiatives : pendant de nombreuses années, vous avez fonctionné avec vos équipes sous un rapport de prise en charge : « fais ce que je te dis d’officiel et d’officieux et tout se passera bien pour toi ». En face, les équipes se positionnent dans une posture de soumission « Je fais tout ce que tu me dis et tout se passera bien pour moi ». Ainsi, vous manager êtes uniquement dans une posture de logique et de décision alors même que vos équipes sont uniquement dans l’émotionnel.

Bref changer ne sera pas de tout repos pour vos équipes.

Pour vous aussi, cela ne va pas être évident 

Pour vous aussi sortir de cette relation sera compliqué, parce que la liberté ne produira pas des idées et des comportements géniaux du premier coup. Si vous voulez augmenter la probabilité de les voir prendre des initiatives, proposer des solutions et passer à l’action, il va falloir vous focaliser plus sur l’énergie que sur la compétence et montrer votre envie !

Avoir des équipes qui prennent des initiatives c’est un rêve de manager…mais c’est un rêve qui ressemble beaucoup au rêve de Noël…

Sous le sapin, on trouve parfois des cadeaux déconcertants…Et comme vous faîtes un beau sourire à la tante Jeanne qui vous a offert ce super pull vert bouteille, vous allez devoir valoriser les initiatives proposées par les membres de vos équipes, quelles qu’elles soient. 

Si à la première initiative proposée, vous vous agacez de la proposition, celle-ci vous paraissant ridicule par rapport au problème ou encore infaisable et bien vous provoquerez la même conséquence que si vous dîtes à la tante Jeanne que son pull est horrible…la fois d’après plus de cadeau sous le sapin, plus d’initiative…

Pour vous aider, voici les 3 commandements du manager moderne

 

L’énergie plus que la compétence tu valoriseras 

La meilleure façon de créer de la liberté d’agir est encore celle de se saisir de ceux qui en ont envie. Ne vous focalisez donc pas sur les meilleurs dans vos équipes ou les plus revendicatifs, mais sur tous les volontaires que vous pourrez trouver. Max le stagiaire veut travailler sur la priorisation au sein de l’équipe, ne vous en privez pas ! Au plus vous vous entourez de personnes qui ont envie d’agir autour de vous, au plus vous favorisez la prise d’initiative dans vos équipes sur le long terme. 

En crédit d’intention et non en procès tu seras 

Il faudra faire preuve de bienveillance et être réceptif devant leurs idées afin qu’ils croient en leurs capacités. Il va falloir challenger leurs idées de façon constructive. Devant les initiatives de vos équipes, vous avez tout à gagner à vous positionner plus en coach qu’en patron.

Pour cela, chercher à comprendre quel est le cheminement de pensée qui a amené votre collaborateur à vouloir agir sur cette action en particulier. En faisant ceci, vous êtes deux fois gagnant. Premièrement, vous saisissez l’opportunité de ne pas rejeter une initiative qui répond peut-être à des problématiques que vous n’avez pas entrevues. Deuxièmement vous vous mettez dans une posture qui vous permet de challenger l’action sans nuire à la motivation.


Le progrès plus que le résultat tu regarderas

Ne vous focalisez pas sur le résultat attendu mais sur les progrès. En regardant les progrès vous allez en premier lieu vous donner du baume au coeur ! Surtout, vous allez pouvoir encourager tous les profils dans votre équipe et pas uniquement les « haut potentiels ». Enfin, vous allez créer une dynamique, un mouvement, qui entrainera les collaborateurs à aller plus loin, et ceux qui n’ont pas bougé à prendre le train en marche.

En suivant ces trois commandements vous avez de grandes chances de créer un cadre qui donne envie à vos équipes de prendre des initiatives. Et une fois la machine lancée, n’oubliez pas de donner du rythme à votre démarche et de célébrer les succès!

 

Joël Dicker ou le petit Suisse à la mode

Il est Suisse, il est jeune et plutôt beau gosse … 3 bonnes raisons me direz-vous de lire ses livres (ou pas), mais figurez-vous, que ses livres sont surtout passionnants !

Il en a écrit 4 en 6 ans, le 1erest un roman historique sur la 2èmeguerre mondiale, le 2ème et le dernier sont des enquêtes policières « La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert » et « La Disparition de Stéphanie Mailer » tandis que l’avant dernier est un drame familial. 

Ses livres sont donc assez hétérogènes en termes de genre même si souvent le cadre reste le même. Par contre, ils ont tous le même sens du rythme, de l’imbrication d’intrigues et de la multitude de personnages.

Et c’est en réfléchissant à ces centaines de personnages qu’il fait vivre dans ses 4 livres, que j’ai pris conscience de l’importance de cet ingrédient dans l’Histoire qu’on écrit, importance même plus cruciale que celle des mots : Le plaisir du récit et de ses personnages.  

Les personnages de Dicker, sont nombreux et hauts en couleurs, ils ont des idées et des convictions, ils font des choix et des erreurs… Et c’est ce qui fait leur force, ils nous ressemblent et donc nous passionnent. Bref ils sont humains ! 

Et en termes de management, à quoi ça peut ressembler un roman de Dicker ? 

Ça ressemble à des équipes de passionnés même dans un milieu professionnel, chose rare et peu acceptée. Parce que ce qui fera le moteur de votre aventure, ce sera la passion des gens qui vous suivent et le chemin qu’ils traceront. Il n’y a que la passion qui donne le courage de s’attaquer aux dragons les plus gros et de ne pas vivre la difficulté comme un effort. 

C’est donc jouer avec 2 éléments complémentaires :

  • Un manager qui affronte la peur (et accepte) de recruter/gérer des personnalités différentes et affirmées dans son équipe. Et en fait même un parti-pris : créer un melting-pot de personnalités colorées et du coup leur proposer des missions différentes et variées. 
  • Des équipes qui apprennent à gérer des relations complexes, chargées émotionnellement. Et qui surtout profitent de cette configuration comme un super terrain de jeu et de test. 

Et oui, la difficulté est grande et le courage indispensable ! Mais l’aventure que vous proposerez n’en sera que plus riche et peu importe qu’elle finisse bien ou mal, comme dans les romans de Dicker, c’est celle qui vous fera le plus grandir.

Stop à la rémunération variable individuelle

Voilà sûrement la plus mauvaise des bonnes idées de ces dernières années ! Instaurer une rémunération au mérite individuel pour récompenser les meilleurs semble logique, mais on a tout faux. Non seulement c’est difficile à faire accepter aux partenaires sociaux, mais une fois en place c’est absurde, pervers, et finalement contre productif.

Nous profitons du fait qu’une entreprise du CAC 40 ( LVMH, excusez du peu) vienne de supprimer cette mesure pour partager notre joie, et expliquer ce qui nous semble être une excellente décision.

Trop beau pour être vrai

L’argumentaire de la rémunération au mérite est huilé et semble tomber sous le sens :

  • Elle permet de différencier les collaborateurs les plus méritants, et de reconnaître leur compétence et leur engagement.
  • Elle envoie un message à ceux qui trainent la patte.
  • Elle permet de distribuer la sur-performance à ceux qui en sont le plus responsable. 

En plus, les opposants à ce type de mesure sont faciles à contrer :

  • Ils veulent défendre ceux qui ne travaillent pas.
  • Ils refuse la notion même de performance et donc la pérennité de l’entreprise.

Alors évidemment, ceux qui luttent contre ces principes sont souvent maladroits ou dogmatiques, et ne servent pas vraiment une cause pourtant parfaitement légitime. 


C’est absurde

Ce type de rémunération est absurde à plusieurs titres ; en bref :

  • D’abord, elle dévalorise le contenu du salaire fixe, en laissant entendre que la performance ne fait pas partie des attendus du poste. J’exagère un peu mais à cause de ça, on vous répond « combien ? » quand vous demandez une action nouvelle pour s’adapter à un nouvel élément du contexte.
  • Ensuite, elle instaure par définition une hiérarchie des collaborateurs. Or cette hiérarchie nie un élément primordial de la réussite de 95% des entreprises : ce qui fait la performance d’une entreprise, c’est pas les exploits de 10% de « superstars », mais les actions justes et renouvelées de 90% des collaborateurs, incluant donc tous ceux qui ont une performance « normale ». Privilégier les talents est une absurdité RH parce qu’elle vous coupe de la masse de vos équipes, comme s’il suffisait d’un attaquant pour gagner un match, et qu’on pouvait se passer d’un milieu récupérateur, d’un gardien, d’un remplaçant ou d’un préparateur physique. 
  • Enfin, elle va contre l’évidence qu’une entreprise est une chaîne d’actions, et qu’il est IMPOSSIBLE d’attribuer avec certitude une performance quelle qu’elle soit à 1 seul. Même un vendeur sur le terrain, même un designer de génie. 


C’est pervers

Et comme c’est absurde, et bien c’est pervers.

Le salaire n’a plus de sens.

Dans une enseigne d’électroménager, une prime venait au vendeur quand il vendait un appareil plutôt qu’un autre… Résultat, beaucoup refusaient de vendre les autres appareils ! Mais du coup, le salaire fixe correspond à quoi ?

Le lien entre une prime individuelle et un résultat nécessite un choix d’indicateurs précis pour être crédible. On se retrouve donc à pointer certaines actions en laissant entendre que les autres actions ne sont pas utiles. Des collaborateurs deviennent du coup impossibles à manager puisque toute demande devra se faire avec une négociation de prime… Et là, vous vous mettez dans une situation de dépendance comparable à la drogue. Vous arrêtez la prime, vous mettez l’organisation en état de manque. Il faut donc renouveler et souvent augmenter les doses…

Pervers !

Les équipiers sont hiérarchisés.

Comme la rémunération au mérite individuel classe les collaborateurs, il y a donc les bons et les pas bons. Rapidement vous observerez que, année après année, les classements se reproduisent grosso modo, et que rares sont les « meilleurs » qui deviennent « les nuls » ou inversement. La rémunération au mérite qui aurait comme vertu de motiver, devient en fait un outil qui fracture votre équipe. 

Si votre système est mal fait évidemment, on finit par avoir une petite minorité qui fait « le boulot des autres » et revendique toujours plus de reconnaissance ; alors que les autres se sentent exclus et se tournent vers les extrêmes pour être défendus.

Mais même s’il est bien fait, on aura toujours une frustration d’une majorité (qui pensait mériter plus) et dont la démotivation est loin d’être compensée par celle de ceux qui s’estiment bien lotis.

Pervers !

Les fonctions sont silotées.

Peu d’organisations ne constatent pas de silos et vantent la transversalité de leur fonctionnement. Eh bien la rémunération variable individuelle est une belle occasion de geler les silos. Parce qu’un collaborateur ne voudra pas d’une prime sur un objectif qu’il ne maîtrise pas, vous allez saucissonner votre activité et pousser les individus à se concentrer à 100% sur leurs actions en négligeant celles des autres.

Or la vérité d’un système complexe, c’est qu’il faut parfois (souvent) arbitrer entre différents éléments du système pour atteindre l’optimal global. Et cet arbitrage peut amener à diminuer la performance locale. Donc, soit vous n’avez pas d’arbitrage global et vous ne serez pas à l’optimum ; soit vous faites des arbitrages globaux et vous nuirez aux performances et donc aux primes de certains… Je ne donne pas cher de la motivation des personnes concernées.

Pervers !


C’est inefficace

Et donc contrairement à l’argumentation un peu trop simple de la rémunération variable individualisée, vous êtes sûrement très en dessous de votre optimum de vente, de marge, de qualité, de sécurité, ou de tel ou tel autre de vos objectifs vitaux… C’est dommage, non ?

En résumé, ce paradoxe est l’effet d’une erreur d’appréciation : présentée comme un outil de plus pour manager et reconnaitre, ce genre de système est en fait un outil qui tue les autres leviers de management, et finit même par s’effondrer lui-même sous son coût social et financier.


Bâtir un système de variable 100% collectif, c’est se donner les moyens de manager

Pour un système vertueux, qui protège l’entreprise et traite avec justice les salariés, il faut renoncer totalement à ces primes.

Préférez les augmentations annuelles pour la reconnaissance individuelle financière parce qu’elle permet de globaliser l’évaluation, et d’inclure le lien avec les autres, la transversalité, le quoi et le comment, et de faire un point sur l’acquisition de compétence (VA à long terme) sans être aveuglé sur les gains du quotidien (VA de court terme).

Et mettez en place des reconnaissances variables collectives. 

Pour les mettre en place, vous pourrez faire du participatif pour mettre en évidence l’intérêt collectif et les contributions locales. Vous aurez donc une discussion sur la VA de votre entreprise pour vos clients, et de comment on l’optimise tous ensemble. Vous parlerez client, coeur de métier, collaboration.

Et puis, ensuite, vous valoriserez l’entraide et l’aide. Ainsi, au lieu de mettre 10% en avant, vous rendrez compte du travail de 90% des équipes. Et, oui, il y aura toujours quelques passagers clandestins qui profitent du système mais, d’une part la régulation collective jouera, et d’autre part c’est un coût minime par rapport au bénéfice de mobiliser une majorité.`

Récemment au PSG, le capitaine (qui traditionnellement gère avec ses collègues la répartition des primes de l’année) a demandé à récompenser Ben Arfa qui n’a pas joué de l’année mais était « exemplaire à l’entrainement et dans le vestiaire » ! Même dans ce monde d’hyper performance, la collectivisation des primes est vertueuse. 

Enfin, vous protégez mieux la santé de votre entreprise parce que vous êtes sûr que les critères d’attribution des variables dépendent de la santé réelle du système complet. Vous évitez donc de verser une mega prime à un commercial qui a fait un exploit alors que la boîte est dans le rouge.

Autrement dit, vous (re)commencerez à manager, et supprimerez les primes au mérite !

 

 

ALBUS CONSEIL