Auteur/autrice : charlie

Mais qui donc manage vos prestataires ?

Les frontières de l’entreprise ne sont plus très claires. Il y a des salariés CDI au coeur du système mais on multiplie les CDD, les intérimaires ; on externalise des fonctions (ménage, sécurité, paie) ; on fait intervenir des experts de toutes sortes (avocats, auditeurs, consultants, formateurs). Cette population importante est sujette à discussion mais on parle rarement de la façon de les manager. Et si c’était une erreur ? Faisons le point. 


Difficiles à manager

Les prestataires dans l’entreprise sont extrêmement divers mais ils posent presque toujours une question de management.

Souvent parce qu’ils ne sont pas au coeur de notre métier, et donc au coeur des priorités. C’est le cas du ménage, de l’accueil, de la gestion des paies, de la restauration. Pourtant ils sont là au quotidien, leur travail est très visible et influe sur le bien-être (et donc sur l’efficacité) des équipes. Seulement, leurs métiers sont différents les uns des autres et surtout éloignés de celui des opérationnels. Du coup, on ne sait pas toujours comment s’y prendre pour les intégrer à la vie de l’entreprise et on s’en remet au management externe (du prestataire, souvent très lointain) en espérant que tout roule.

Combien de fois la femme de ménage entend-elle « merci » ? C’est très rare, notamment parce qu’elle travaille quand on s’arrête. Mais il arrive de la croiser. Et dans ces rares occasions, 1 minute peut suffire à obtenir un effet significatif.

Parfois parce qu’on les considère comme des experts ou des super-employés qui se managent eux-mêmes. C’est le cas des auditeurs, formateurs, consultants, avocats. Des fonctions spécifiques, très qualifiées, souvent bien payées et qui interviennent au plus haut des organisations. Leur impact est potentiellement fort pour la vie des entreprises et néanmoins on s’abstient bien souvent de les manager. Pourtant leur motivation à vous aider peut changer leur impact significativement (on en sait quelque chose…), faire que leurs solutions soient plus adaptées, leurs efforts plus sincères, éviter qu’ils pilotent votre dossier en « pilotage automatique ».

Enfin, dernière catégorie, ceux dont le métier est le nôtre mais qui sont de passage : CDD et intérimaires. Là on se doute que le management quotidien est utile, notamment sur la sécurité, mais on peine à les connecter à l’équipe, on hésite à les intégrer aux moments plus moyen/long terme. On a donc une population parfois motivée (s’ils ont l’espoir d’un renouvellement ou d’un CDI) mais peu connectée. 

Bref, avec les prestataires, on est tiraillé : entre la nécessité d’obtenir le meilleur de leur part et les difficultés objectives à les intégrer dans un management qui a souvent d’autres priorités.


Pourtant de forts enjeux

Qu’ils soient agents d’entretien, informaticiens ou avocats, les prestataires sont aujourd’hui indispensables aux organisations.

Pas tous à 100%, bien entendu. Et on se dit parfois que l’entreprise s’est rendue dépendante d’un service qui arrange bien tout le monde, malgré son coût. Mais quoi qu’il en soit, ils occupent une place importante et durable dans la vie des entreprises.

Du coup, quels sont les enjeux de leur management ?

  • Leur efficacité bien sûr. Ils ont des attentes et des craintes, un besoin de reconnaissance et une envie d’appartenir à un collectif. Si vous vous souciez de ces aspects, ils seront, comme le reste des équipes, plus performants. Et leur efficacité aura un impact sur vos équipes. Quand ils sont très chers, c’est aussi pour en tirer le maximum et rentabiliser ainsi votre investissement.
  • L’ambiance générale ensuite. Vu leur nombre, si les prestataires se sentent mal et exclus, ça ne passera pas inaperçu et cela peut faire tâche d’huile. Ca se passera à l’accueil ou au restaurant, ou le matin quand vos équipes râleront parce que le ménage est mal fait. Vous avez intérêt à ne pas couper le site en 2.
  • Le symbole enfin : si vous prônez un management humain et ouvert, il faut l’appliquer à tous les humains de l’entreprise 😉

Bref, il est utile et juste de manager vos prestataires. Mais comment faire, alors qu’on manque déjà de temps pour nos propres équipes et qu’on ne sait pas toujours comment les aider alors qu’on ne maîtrise pas leur métier ?


Soyons malin !

Evidemment, il faudra trouver des solutions différentes en fonction des populations. Mais la première astuce est de commencer par faire les gestes managériaux qui ne coutent rien ou presque.

Par exemple, on nous pose souvent la question suivante : « doit-on inviter les CDD et les intérimaires à notre séminaire ? ». La réponse est presque toujours oui. Ce sont des opérationnels comme le reste de votre équipe. L’effort managérial pendant le séminaire sera à peine plus grand ; le temps passé en plus est nul ; le coût des repas et hébergements supplémentaires est souvent marginal. Bref, invitez-les ! Les exclure coûte bien plus cher en ambiance d’équipe, alignement sur les objectifs et performance.

Evidemment, il faut dissocier : n’invitez pas a priori votre personnel de ménage, il pourrait être mal à l’aise et perdu dans des sujets qui ne le concernent pas. 

En revanche, si vous faîtes un pot pour noël au bureau, faites venir tous ces prestataires. Là encore, ça ne coute rien ou presque et ils seront contents d’être invités (même s’ils déclineront peut-être l’invitation). En tous cas, pensez-y. Quand vous faites un petit événement festif sur le terrain, pensez à ceux qui vivent aussi chez vous.

Ensuite, travaillez la reconnaissance parce qu’on le fait si peu qu’une micro-action sera souvent très appréciée.

Combien de fois la femme de ménage entend-elle « merci » ? C’est très rare, notamment parce qu’elle travaille quand on s’arrête. Mais il arrive de la croiser. Et dans ces rares occasions, 1 minute peut suffire à obtenir un effet significatif.

On aura aussi le réflexe d’inclure les prestataires dans le bilan des projets réussis s’ils y ont contribués. Et plus largement, saisissez toutes les occasions de mixer les équipes externes et internes. Par exemple dans l’industrie, une partie de la maintenance est souvent externalisée. Il est utile de faire le lancement ou le bilan des travaux ensemble.

Imaginer que l’entreprise extérieure manage bien les prestataires qui sont chez vous est un leurre ; compter sur leur capacité à s’auto-manager est une erreur. Manager nos prestataires ne nous coûtera pas beaucoup plus cher, mais ça peut vous rapporter beaucoup.

 

Le long terme, c’est ceux qui en parlent le plus…

A bas la dictature du court terme ! Le slogan est en vogue. Linkedin fourmille de citations emphatiques sur la nécessité du temps long : vous savez, le char qu’il faut accrocher à une étoile.

Le long terme est une sorte d’Eldorado perdu dans les entreprises… Tout le monde le souhaite, mais on ne le trouve jamais.

Pourquoi est-ce si dur ? Comment y arriver enfin ?

L’intérêt du temps long

Est-il besoin de défendre l’intérêt du long terme ?

Mais alors c’est un mystère : pourquoi une alternative si évidente aboutit si souvent à la réalité la moins vertueuse : le court terme qui bouffe tout ?

On se rend bien compte chaque jour des défauts du court terme : les décisions contredisent le bon sens des opérationnels ; on fait et on défait ; on ne tient pas compte de la nécessité de préserver des savoir-faire ; on multiplie les injonctions contradictoires (« innovez mais ne dépensez pas ») ; on brûle une énergie énorme à réduire le petit budget voyage ; etc.

Alors qu’avec le long terme, tout roule : on a le temps de former et d’organiser la transmission des savoirs ; les décisions sont cohérentes dans la durée ; on peut faire confiance aux objectifs d’une transformation.

Mais alors c’est un mystère : pourquoi une alternative si évidente aboutit si souvent à la réalité la moins vertueuse : le court terme qui bouffe tout ?

Pourquoi c’est si dur de ne pas être happé par le court terme ?

 

C’est structurel

L’explication la plus évidente est que le court terme change tout le temps et demande des réponses réflexes. Imaginez que vous avez décidé une politique de long terme qui privilégie les services, et que votre concurrent lance une campagne sur des super services, moins chers que les vôtres… C’est tentant de réagir dans l’urgence.

Autrement dit, la magie de notre monde c’est que des milliers de choses changent chaque jour sans vous demander votre avis… Et donc vous êtes soumis à un feu nourri de sollicitations qui vous amènent à vous adapter en permanence et donc à vivre dans le court terme.

Ça nourrit l’ego

Au delà de la nature même des actions, il se trouve que les événements du court terme ont un atout, c’est qu’ils nourrissent l’ego, le besoin de prouver sa légitimité à soi-même et aux autres, c’est l’effet pompier : les catastrophes du quotidien créent des héros alors que la prévention aura des effets supérieurs mais qu’on ne verra jamais vraiment. Le long terme ne brille pas. C’est d’ailleurs ce qui piège nos élus politiques : ils veulent être décorés et honorés maintenant (pour être réélus) alors que raisonner long terme, c’est anticiper des catastrophes avant qu’elles n’arrivent, et donc sans gloire. On ne se souvient des généraux qu’en temps de guerre, des pompiers un 11 septembre à New York… en gérant le long terme, on sombre dans l’oubli. Poincaré, quasi inconnu aujourd’hui, a évité l’hyperinflation en France (la même qui a conduit au nazisme en Allemagne), pendant que Churchill, le chef de guerre, est une figure que les enfants connaissent encore. 


Et parce que la méchante finance rôde

Mais enfin, s’extraire du court terme est difficile parce que notre monde semble régi par les loi d’une finance devenu folle qui « trade » à la vitesse de la lumière et exige des rentabilités dingues sans se demander de quel business model on parle, ou si une utilité sociale se cache derrière le cours de bourse.

Je dis « semble régi », non par aveuglement, mais parce que si nous constatons fréquemment que les actionnaires ne se soucient pas du réel, il ne faut pas caricaturer. Le fameux monde de la finance n’est pas univoque : tous les comportements existent même les plus vertueux. Bref cette explication, si elle est réelle, ne doit pas être exagérée, et surtout ne pas servir d’alibi.

 

Comment résister efficacement ?

Evidemment, la martingale n’existe pas. Pour autant, nous constatons que dans une même entreprise, il peut y avoir des écarts immenses entre des managers qui sont submergés par le court-terme, et d’autres, à des postes comparables, qui semblent faire exister le long-terme dix fois plus. Quels sont leurs secrets ?

D’abord en étant productif

Il faut, en premier lieu, tordre le cou à une erreur très commune : la productivité n’est pas une préoccupation de court-termistes ; ni la maîtrise des coûts.

Au contraire. La productivité crédibilise le long terme. Elle permet de concentrer l’énergie sur l’essentiel. Elle crédibilise aussi vos demandes de budget ou de moyens en général : sans elle, on sait que vous donner 100 €, c’est en fait vous en donner 40 ou 50 efficaces. Si le collègue est plus productif, il attirera les investissements. Bien utiliser chaque euro dont on dispose, c’est permettre le long terme.

Ensuite en poursuivant des buts qui dépassent le contexte

C’est l’enseignement des philosophies asiatiques : on peut résister aux aléas du monde, non pas en cherchant à les prévoir mais en choisissant des buts qui sont peu ou pas du tout impactés par les aléas.

Les réflexes en Europe c’est d’être proactif, en essayant de prévoir les problèmes du lendemain… Mais on échoue (de plus en plus) face à l’ampleur de la tâche.

Le réflexe en Asie c’est d’être stable, en essayant de rester fidèle à ses buts ultimes.

  • Des buts perso : Quelles sont vos convictions ? Comment pensez-vous qu’il faille manager les humains ? Quelle trace souhaitez-vous laisser ? Quel manager voulez-vous être ?
  • Des buts business : Quelle finalité a votre activité ? Quels besoins fondamentaux auront encore vos clients dans 10 ans ?

Paradoxalement, le monde à 10 ans est souvent plus facile à appréhender que le monde à 3 ans… Parce que vos clients sont nombreux, agissent indépendamment de vous et prennent des décisions à court-terme… Mais à 10 ans leurs besoins sont prévisibles : si vous travaillez dans la pharma, tout peut arriver dans les 3 ans à venir (être vendu, fusionner, se réorganiser) mais à 10 ans on sait que les patients seront toujours là et voudront les meilleurs soins ; on sait que les états voudront toujours contrôler les dépenses, etc.

En management aussi. A court terme, vous ne pouvez pas connaître les besoins de vos équipes. Mais à long terme, ils auront besoin d’être reconnus, d’être fiers, de réaliser des exploits, de mieux vivre au travail et à la maison, etc.

Pour faire exister le long terme, visez ce type de but et partagez-le avec vos équipes. A la fin vous aurez avancé dans la bonne direction, peut-être pas aussi vite que prévu, malgré d’innombrables aléas.

Et puis se mettre en danger, parfois.

Défendre une stratégie à long terme implique parfois d’être à contre-courant pour défendre vos convictions et à tenir malgré les demandes venues d’en haut. C’est un risque mais ne vaut-il pas mieux être sanctionné pour avoir tenu bon qu’être félicité pour avoir tout lâché ?

Le mouvement actuel est que les salariés réclament plus de sens, sous l’impulsion des jeunes générations bien relayées par les plus anciennes… Il faut écouter cette aspiration. Et si les grandes entreprises détenues par des actionnaires borgnes perdent les éléments les plus dynamiques et entrepreneurs… tant pis pour elles.

Le porteur d’histoire d’Alexis Michalik, – la mobilisation pure d’un public

5 acteurs, des personnages par dizaines, des histoires à n’en plus finir, vous êtes au théâtre des Béliers Parisiens et vous êtes en train de regarder « Le porteur d’Histoire » d’Alexis Michalik, sa pièce d’avant le fameux « Edmond ».

Qu’est-ce qui fait le succès de cette pièce ? D’abord ses intrigues en poupées russes et surtout son rythme haletant.

Michalik commence en nous questionnant sur l’Histoire avec un grand H : son utilité et sa justesse, elle est souvent issue des récits des vainqueurs, elle est donc une vérité mouvante par essence …

Puis, il nous raconte des histoires avec un petit h : faits divers de disparition d’une famille, un fils qui va enterrer son père durant une nuit pluvieuse… Et l’on voit alors la magie du conteur prendre forme : des histoires qui font appel à nos émotions, qui nous transportent dans un ailleurs, qui nous intéressent à des choses plus grandes.

Le génie de Michalik réside aussi beaucoup dans le rythme qu’il arrive à insuffler tout au long de la pièce : l’imbrication des histoires permet de nous tenir en haleine. On rentre dans un jeu d’enfant où l’on attend avec impatience d’ouvrir la prochaine poupée russe pour en découvrir une nouvelle !

Amis managers, voilà bien 2 clés de vos projets de transformation : donner envie en proposant aux gens de vivre une ou des histoires et du rythme pour garder leur motivation intacte du début à la fin !  

La prise de poste, la réussir sans agir

La prise de poste est un moment important pour un manager ; c’est un changement pour tout le monde, le manager et les managés. C’est le moment où l’on pose les bases de son management. 

Et on a donc tendance à vouloir aller vite. Et bien nous nous pensons qu’au contraire, il faut aller lentement.

 

On agit vite pour prouver rapidement qu’on est légitime à ce nouveau poste

On voit par exemple souvent des managers qui, à peine arrivés, lancent des réformes : modifier l’organisation, revoir les priorités, imposer de nouvelles règles…

Ou parfois, les managers décident de faire la tournée de leurs équipes avec des messages-clés à faire passer : une orientation, des valeurs, un calendrier, un projet…

Toutes ces actions, tournées ou annonces ont pour vocation de mettre en avant le leadership du nouvel arrivant. Et on les justifie soit parce qu’on a reçu une lettre de mission de son n+1 en ce sens, soit parce qu’on connaît déjà les équipes, soit encore parce qu’on a été nommé avec une situation d’urgence à traiter. Bref toutes les raisons d’agir vite.

 

Mais c’est une erreur

Une évidence d’abord : aller trop vite dans l’action, c’est ne pas prendre le temps d’écouter les équipes, de s’intéresser à ce qu’elles font bien, à leurs craintes et espoirs.

Conséquence, c’est avoir une vision superficielle de ses équipes (même si vous les connaissez déjà), ne les voir qu’à travers les préjugés des prédécesseurs ou par une première impression forcément trompeuse parce que votre équipe n’est pas 100% elle-même dans un moment où elle ne vous connaît pas.  

Cela génère donc 3 gros risques qui peuvent se cumuler :

  • Les 1ères mesures sont un peu à côté de la plaque parce qu’elles ne tiennent pas compte d’un détail, d’une action en cours. Elles paraissent donc faites à la va-vite et un peu théoriques. C’est un peu le syndrome Hollande avec des premières lois mal ficelées.
  • Les 1ères mesures sont déconnectées les unes des autres et ne s’insèrent pas dans une logique globale. Les équipes les comprennent mal et votre démarrage pied au plancher ressemble à de l’agitation. C’est le démarrage Sarkozy. Trop d’agitation, pas assez de fond et de cohérence.
  • Votre démarrage renforce les éventuels clivages dans l’équipe alors qu’une prise de poste est un moment rêvé pour rétablir la confiance.

 Ce démarrage rapide est donc le meilleur moyen de perdre du temps parce qu’il vous fait partir vite mais seul et possiblement dans la mauvaise direction.

 

Objectif lenteur et 0 leadership 

Il faut avoir pour seul premier objectif de comprendre. Comprendre ce que les équipes aiment faire, ce dont elles sont fières, ce qui les distingue des autres. Comprendre aussi là où c’est difficile, comment ils l’expliquent, ce que cela génère chez eux comme frustration, comme conséquences. Comprendre comment s’organisent les équipes, pas seulement dans leur métier mais aussi en termes de dynamique entre les personnes.

La prise de poste est un moment qui ouvre des tas de possibilités si on prend le temps de les construire. 

Ça paraît évident, mais cela veut dire un tour de l’équipe sans opinion ni sur les équipes ni sur ce que l’on va faire avec elles.

Bien sûr, on ne veut pas caresser les équipes dans le sens du poil. Mais pour avoir la possibilité de remettre en cause l’existant, il faudra être précis, factuel, juste. Bref, être lent, c’est être tactique :

  • C’est d’abord pour préserver et amplifier les points forts.
  • C’est pour changer des choses en faisant cas de ce qui a déjà été fait. Rien de plus insupportable qu’une mesure qu’on annule de façon dogmatique sans en préserver les aspects positifs : regardez Trump avec l’Obamacare !
  • C’est aussi pour utiliser les bons mots. Ne négligez pas cette dimension émotionnelle. Les équipes sont comme une bande de copains avec leurs expressions et private jokes… Les ignorer c’est rester en dehors de la bande.
  • C’est aussi pour s’appuyer sur VOS alliés dans les 1ères mesures. Souvent, on se borne aux alliés connus du système, et on ne va pas chercher de nouvelles énergies… C’est dommage ; c’est bien plus facile à ce moment là.

La prise de poste est un moment qui ouvre des tas de possibilités si on prend le temps de les construire.  Evidemment le temps de la lenteur est relatif : les fameux « 100 jours » pour un manager de terrain ce n’est pas tenable ; dans une équipe de 10 personnes prévoyez 2 semaines. Mais 100% écoute.

 

Même dans les cas où la vitesse semble une évidence

 

Si on connaît déjà très bien l’équipe :

C’est évidemment un avantage et on peut bien sûr accélérer un peu. Mais attention, vous avez changé de position et les attitudes vis-à-vis de vous vont nécessairement changer. Et puis, vous avez changé de poste, ce n’est pas pour faire la même chose.

 

Dans une situation d’urgence :

Réflexe (de pompier), aller au feu. Mais vous n’êtes pas un surhomme donc vous ne changerez pas la situation en un claquement de doigts. Prenez le temps de comprendre les causes de la crise, et donnez-vous la possibilité de l’aborder différemment, pour vous attaquer aux causes racines.

 

Quand tout va bien :

Là au contraire, ne prenez pas le risque de casser la belle machine en la touchant trop vite et sans habileté. Cherchez à comprendre les raisons de sa performance, pour les développer et vous attaquer aux nouveaux enjeux ; pour préparer le long terme. 

La prise de poste est un moment court, mais précieux ; à ce moment, vous n’avez fait encore aucune erreur et vous vous préparez pour 3 à 6 ans à la tête de cette équipe. Osez perdre 2 semaines à 1 mois pour être le plus ajusté possible ; oubliez le leadership, vous en ferez plus tard. Le meilleur démarrage n’est pas fulgurant, il est stratège. Pensez tortue, pas lièvre !

Le non-dit, LA cause des crises relationnelles en entreprise

Nous le voyons tous les jours quand nous intervenons auprès d’équipe en crise relationnelle, le non-dit est toujours là, en cause racine. Prenant des formes multiples, datant de la veille ou de plusieurs années, dans une relation bilatérale ou dans toute l’entreprise, nous en venons à croire qu’il serait le facteur 0, celui qui explique tout ou presque. Comment le combattre ?

La crise relationnelle peut venir sans prévenir

Des irritants, il y en a dans toutes les entreprises, c’est tout à fait logique que dans les millions d’interactions qui ont lieu, certaines frottent. Comment imaginer que dans une usine, les rapports entre une Production qui veut sortir ses produits pour tenir son planning et une Qualité qui veut les sortir pour respecter ses normes, tout se passe sans anicroches.

Les conflits aussi sont légion, quand la somme des irritants font se confronter deux personnes ou deux équipes. Soit cela se résout, soit non et les deux services s’ignorent ou se confrontent à répétition. Cela joue sur l’efficacité globale, rien de rare.

Parfois, il y a crise relationnelle. C’est à dire littéralement une rupture d’équilibre brusque et intense dans les relations. Quelle que soit sa durée, son occurrence est très déstabilisante et destructrice de valeur. Une entreprise ne peut mourir des irritants ou des conflits qu’elle abrite mais elle peut mourir d’une crise.

On pourrait penser, comme la pyramide de la sécurité, que plus il y a d’irritants et de conflits, plus la crise est probable mais ce n’est pas notre point de vue. C’est un phénomène de nature différente et sans corrélation.

Les exemples ne manquent pas. Une équipe semble vivre très sereinement et soudain se déchire à l’heure d’un changement d’organisation ou du départ d’une personne. Deux services entretiennent des rapports cordiaux et vivent un aléa « technique » qui vire rapidement à la guerre relationnelle. Un Codir est un peu passif mais tranquille et, sans prévenir, menace collectivement de démissionner si les choses ne changent pas.

Cherchez bien, il n’y a pas de crise relationnelle sans non-dit

Dans tous ces exemples, rien de très visible, que des signaux faibles : des gens qui se parlent peu, des conflits évités parce que l’on ne met pas le sujet sur la table, des critiques étouffées, échangées dans le dos des personnes concernées. Et c’est ainsi qu’insidieusement, la crise se prépare sur une accumulation de non-dits.

C’est un phénomène que nous appelons le carnet de tickets, un ticket étant un reproche que l’on n’exprime pas directement et qui pourrit dans notre poche. Sa conséquence, c’est que les griefs rationnels que nous avions se transforment en irrationnel : procès d’intention, surinterprétations, jugements. Puis naît « l’historique » qui a justement pour effet de nous faire perdre le fil de l’histoire : causes et conséquences de l’histoire se mélangent, on en vient à reprocher à l’autre partie de ne pas avoir répondu à un problème que nous ne lui avons jamais exprimé, etc.

Evidemment, nous n’inventons rien et cela est vrai en dehors de l’entreprise, une crise familiale prend toujours racine dans un non-dit remontant parfois à plusieurs générations.

Comment le combattre ?

On pourrait se dire : super, éviter un non-dit ne suppose aucun outil, aucune compétence, aucune ressource technique ou financière. On a besoin ni de faire un chantier pour repréciser les rôles et responsabilités, ni d’une enquête du personnel, ni d’outil informatique fiable, bref tous les obstacles habituels n’ont pas d’effet ici.

Oui mais… cela demande quelque chose de plus difficile encore : une prise de risque. C’est déjà difficile à obtenir habituellement, c’est plus difficile encore quand c’est un risque lié aux relations humaines. C’est d’ailleurs l’absence de prise de risque qui amène la crise. N’empêche, on ne peut résoudre une crise dans une équipe sans une purge, c’est-à-dire un moment dépassionné où les non-dits sont mis sur la table. L’idée n’est pas forcément de traiter les sujets (c’est souvent impossible au moins en partie) mais de les exprimer et de s’en expliquer. Grâce à cela, on peut enfin regarder devant. 

Ensuite, il faut proposer une cible qui soit de nature à dépasser la crise. Comme cette crise est relationnelle, et donc en partie émotionnelle, il faut une cible qui soit également en partie émotionnelle. Fît donc de la réorganisation, de la redéfinition de fonction, des objectifs cartésiens. Assumez de proposer un projet qui parle aux tripes.

Enfin, pour lancer l’action, prenez en compte le fait qu’une équipe en crise n’arrive pas à se projeter. Un plan d’action à plus de six mois ne peut donc pas être pertinent. Visez le pied dans la porte, les petits pas, bref les 3 premières étapes concrètes qui vont mettre l’équipe à nouveau sur les rails. Ensuite, il sera toujours temps de vous éclater à nouveau avec des plans d’action à n’en plus finir !

Evidemment, le préventif est toujours la meilleure solution

Quitte à vous livrer un poncif, sachez que le mieux pour combattre la crise est d’éviter quelle survienne. Et pour cela, vous pouvez mettre en place des solutions toutes simples pour éviter les non-dits, le carnet de tickets dont nous parlions plus haut. Trouvez le système qui vous convient le mieux pour exprimer les désaccords.

Si vous voulez des idées, vous pouvez les trouver dans wikimanagement.net !

Captain Fantastic – ou arrêtons avec le cache-cache en foret

Le pitch : 6 enfants vivent en totale autarcie dans la forêt, éduqués et guidés par leur père. Cette tribu vit en décalé du monde moderne, et s’est façonné un univers singulier avec leurs propres façons de penser, codes, organisation etc.

Tout comme le père, en tant que manager, vous êtes face à cette tentation : surprotéger vos équipes pour éviter que le changement soit vécu comme frontal.

Dans Captain Fantastic, les enfants apparaissent très heureux de vivre dans cette bulle. Mais dès qu’ils sont confrontés au monde extérieur, ils se rendent compte de leur isolement en 3 points :

  1. Choc entre monde réel et celui de la forêt
  2. Incompréhension de la société actuelle et donc difficultés à interagir avec les autres
  3. Rébellion contre le père, qui les a volontairement isolés

Minimiser la réalité et les risques, cacher une démission, dissimuler une difficulté, taire un conflit… Cela déstabilise tant votre équipe que votre management. Pourquoi ?

  1. La confrontation avec la réalité sera vécue comme un tsunami émotionnel : vos équipes auront l’impression d’avoir été trompées
  2. Vos collaborateurs ne seront pas préparés au changement, ils ne comprendront pas les enjeux et donc auront des difficultés à s’adapter
  3. Vous perdez du temps. Le temps passé à minimiser la réalité n’est pas du temps utilisé pour les accompagner.

Isoler ses équipes dans une réalité de coton c’est comme allumer une bombe à retardement. Dans tous les cas, ça explose, sauf qu’à la fin vos équipes ne seront pas prêtes à accepter le défi parce que chamboulées.

Ne laissez pas vos collaborateurs à l’écart dans la forêt.

Et, si le sujet vous intéresse, lisez cet article sur comment manager dans l’incertitude.

Le temps faible, meilleur ami de vos projets

Quand on regarde un planning de projet, on a souvent l’impression d’un sprint asphyxiant pour aller du constat aux livrables. On se donne quelques mois pour résoudre un manque ou un dysfonctionnement souvent historique, et toutes les semaines sont exploitées. Sauf que, dans les faits, c’est toujours plus long, souvent plus difficile et malheureusement moins pérenne qu’annoncé. Et si on rajoutait de l’oxygène dans tout ça ?

Pourquoi met-on toujours les projets dans des seringues ?

Cela est vrai quelle que soit l’entreprise, le type de projet ou son responsable, c’est comme un réflexe : quand on lance un projet, on lance une course. D’abord parce que quand on planifie un projet, on regarde ce qu’il faut faire pour réussir sans tenir compte de l’environnement, de ses limites et de ses contraintes. On se projette toujours dans un futur idéal où il n’y aura ni grève, ni crise, ni imprévu.

Il faut l’avouer, c’est difficile de se dire « oui mais dans les 3 prochains mois, il y aura bien une crise logistique qui nous occupera tous pendant une semaine ». Pourtant, c’est ce qui arrive (ça ou autre chose) et fait exploser les prévisions.

Ensuite, il y a le volontarisme parfois un peu mégalo mais surtout très courtisan des responsables de projet qui veulent faire plaisir au chef. On sait que son/sa supérieur(e) voudrait un livrable ambitieux et rapide et on a très envie de lui faire plaisir. Résultat, alors même parfois que le sujet traîne depuis plusieurs années et que l’on a mis un semestre à se mettre d’accord, on promet un aboutissement en trois mois. Satisfaisant sur le coup, mais intenable.

Enfin, on constate que l’on prend souvent les gens pour des machines, qui n’auraient besoin ni de temps ni d’itérations pour se mobiliser ou se mettre d’accord. Et pourtant, il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton pour que s’obtienne l’adhésion.

L’action intensive appauvrit l’efficacité des projets

Comme en agriculture, l’action intensive sur les projets appauvrit l’énergie disponible et crée un nombre incalculable de difficultés. Cela génère de la tension car au fur et à mesure que les jours défilent, on se rend compte que le projet prendra, comme toujours, plus de temps qu’on ne le pense, et commence alors le doute des parties-prenantes, la démobilisation et parfois la recherche de coupables.

Au-delà de cela, un timing trop serré et des étapes qui s’enchaînent laissent moins de place au co-développement des solutions, qu’on tend à imposer pour aller plus vite, on a moins de temps pour prendre des initiatives ou tester des options différentes.

A force de vouloir tenir le timing, on finit alors par préférer finir vite un projet dégradé plutôt que de prendre le temps de le mener à fond. Quitte à ce que le projet ne change rien et que son action ne dure pas, on préfère sauver la face. 

Et si on assumait les temps faibles, voire les temps morts ?

Fort de tous ces constats, nous vous conseillons de fractionner vos projets. Comment ? en injectant régulièrement des temps faibles dans le planning de vos projets, comme une terre que l’on laisse une saison en jachère pour renouveler son sol.

Anticiper des moments où vous savez que les gens auront la tête à autre chose, et pas qu’au mois d’août, en fonction des saisonnalités de votre entreprise. Assumer aussi que certaines étapes nécessitent de convaincre et de mobiliser des gens et que ce ne sera probablement pas simple, qu’il faudra y revenir à plusieurs fois.

Accepter enfin une règle universelle et qui a même un nom désormais, la loi de Hofstadter, expliquant avec humour qu’il est quasiment impossible de prévoir le temps nécessaire à la réalisation d’une tâche complexe : « Cela prend toujours plus de temps qu’on ne le pense, même en tenant compte de la loi de Hofstadter ».

Et pourquoi ne pas aller jusqu’à intégrer un temps mort dans le projet ? Cela peut être très utile pour ancrer une avancée intermédiaire avant de passer à l’étape suivante, pour renouveler l’énergie ou la fraicheur des acteurs impliqués en les laissant faire une pause. Pour laisser les gens réfléchir, tout simplement.

A deux conditions : ne pas subir et tenir une cadence !

Ces temps faibles ou morts peuvent être bénéfiques, mais s’ils sont décidés, anticipés et annoncés. Sinon, ils génèrent des doutes chez les acteurs du projet qui imaginent que le projet est abandonné, ou a minima qu’il a du plomb dans l’aile. Mais en choisissant de programmer ces temps d’oxygénation, vous faites en sorte que tous en profitent pour recharger leurs batteries.

En créant le planning du projet, pensez-y. N’enchaînez pas deux temps forts en vous disant que « ça va passer » car ça ne passe jamais. Il est beaucoup plus facile de prévoir un calendrier aéré que de chercher de l’air en cours de route.

Si vous assumez et expliquez que vous devez tenir compte du rythme des hommes et de temps de respiration, vous ne passerez pas forcément pour un fou mais plutôt comme un homme sage et responsable.

Par ailleurs, temps faibles et temps morts ne doivent pas empêcher de garder une cadence. En n’en faisant pas des temps trop longs et en maintenant les rituels existants pour rythmer les échanges, vous en tirerez le maximum d’efficacité sans risque. Dites-vous que même si rien ne se passe, on a des choses à se dire.

Au secours, mon manager est (serait) nul !

Il faut se rendre à l’évidence, notre optimisme sur le management et les trucs et philosophies que nous prônons ne marchent pas toujours ! Et si nous pensons que le management est accessible à une grande majorité, nous ne disons pas qu’il est bien exercé par tous.

L’évidence est que certains managers n’y arrivent pas. En tous les cas, nous rencontrons beaucoup de gens dont le manager serait nul ! Et dans ce cas, ça peut être un enfer… Comment s’en sortir ?

Les faux nuls

D’abord, ne hurlons pas avec les loups. Considérer un manager comme nul, c’est un jugement qui n’est pas toujours fondé.

L’affirmation ne doit pourtant pas être ignorée parce que, réelle ou non, elle est auto-réalisatrice. Un manager considéré comme nul le devient puisque ses actions auront un minimum de prise sur ceux qui le jugent.

Votre manager est un épisode de votre vie professionnelle ; il n’est jamais parfait, et votre intérêt est de profiter des années passées dans son équipe pour apprendre de ses forces et vous en inspirer pour la suite. 

Nous rencontrons souvent ce qui ressemble manifestement à des erreurs de jugement. Ou plutôt, nous rencontrons souvent des gens qui voient leur manager à travers un trait de leur management qui les crispe et les empêche de profiter des avantages de cette posture. Ce biais peut être lié à des valeurs, à un historique, ou à des pratiques différentes.

Si vous avez un doute sur votre jugement, regardez si vos pairs pensent tous comme vous (en se méfiant du fait que les opinions ont tendance à converger avec le temps, machine à café oblige). 

Prenons quelques exemples :

  • Un manager d’équipe commerciale qui a une méthode de management très ouverte, laisse beaucoup de liberté et écoute les opinions ; en revanche il peine à trancher. Et bien, ses n-1 qui valorisent les chefs forts et déterminés ont tendance à très peu estimer cette posture alors même que, vu de l’extérieur, l’ouverture dont il fait preuve permet à tous de s’exprimer, dans leur différence, avec une certaine efficacité.
  • Un manager en finance, rigoureux, fiable, honnête intellectuellement et capable de changer d’avis. Mais son exigence est telle que certains de ses n-1 s’arrêtent à son intransigeance et ne profitent pas de sa formidable capacité à améliorer les solutions. 
  • Une manager de chaine de TV, passionnée, charismatique, ouverte et à fort apport sur le métier, mais qui est présente partout, peut être perçue comme interventionniste, bridante.
  • Un directeur d’usine stratège, pédagogue, capable d’écoute mais peu proactif relationnellement est parfois jugé comme un ours peu lisible, austère, fermé.

En fonction de sa sensibilité, il est toujours possible de voir son manager par le bon ou le mauvais côté.

Dans ces cas-là, évidemment, il y a un peu de travail côté manager pour atténuer le défaut, mais il y a aussi un travail du côté du collaborateur pour identifier les points forts et surtout apprendre à en profiter.

Votre manager est un épisode de votre vie professionnelle ; il n’est jamais parfait, et votre intérêt est de profiter des années passées dans son équipe pour apprendre de ses forces et vous en inspirer pour la suite. 

Si vous avez un doute sur votre jugement, regardez si vos pairs pensent tous comme vous (en se méfiant du fait que les opinions ont tendance à converger avec le temps, machine à café oblige). 


Les managers qui se trompent

Il se peut aussi qu’un manager qui a des qualités de management se trompe dans son approche, dans sa prise de poste, ou dans sa façon d’aborder un projet.

Dans ce cas, évidemment, il faudrait que votre manager s’aperçoive de son erreur et la corrige. Mais, prenez aussi conscience que vos retours et feedbacks sont indispensables. On entend souvent « il sait forcément ce qui se passe » ou « il devrait savoir ». Mais ce n’est pas vrai. Si tout le monde raisonne comme ça, le manager est très peu informé et a de larges angles morts.

Quelques exemples :

  • Un DRH à l’écoute, pas pinailleur, intelligent et sympathique, sous-estime la nuisance de certains de ses n-1 qui n’en font qu’à leur tête. Il communique trop peu et ne va pas chercher l’info de terrain auprès de ses alliés. C’est une erreur qui pousse certains à une défiance assez forte. Il faut aller en parler !
  • Un chef d’une grande équipe opérationnelle peu qualifiée manage comme il le faisait auparavant avec une équipe projet resserrée et très motivée. L’équipe tire la langue alors que les qualités du manager sont nombreuses. Il a fallu en parler et se recaler pour avoir une équipe performante.

Un manager qui se trompe, c’est parfois très pénible, mais si c’est effectivement une erreur, elle peut souvent être corrigée par le dialogue. Alors n’attendez pas qu’il fasse le premier pas si vous en souffrez. Prenez les devants, vous allez peut-être résoudre votre problème en très peu de temps.


Les vrais nuls

Une fois qu’on a dit ça, il reste des managers qui paraissent irrécupérables. De la même façon qu’il est difficile de définir un bon manager avec certitude, il est difficile de définir un mauvais manager avec certitude. Essayons.

Voici 3 catégories typiques de mauvais managers :

  • Les hyper stressés

Ils peuvent avoir les meilleurs intentions du monde mais sont submergés par leur stress. Par conséquent, ils peuvent être agressifs voire violents. Le fait d’encadrer une équipe nécessite en effet un minimum d’alignement avec soi-même. Ceux qui ne sont pas (ou pas encore) capables de maîtriser même un peu leurs émotions peuvent devenir des poids pour leurs équipes.

Plutôt que nuls, nous pourrions dire « pas prêts ».

Et dans ce cas, difficile de conseiller une stratégie autre que « quitter l’équipe » si c’est trop insupportable.

  • Les techniciens / gestionnaires 

Nous ne parlons pas de ceux qui ont une grande maîtrise technique et jouent sur leur autorité de compétence. Cette posture marche dans de nombreux cas. Nous parlons de ceux qui voient le management de façon technique.

Ex : un manager d’équipe commerciale qui passe son temps sur les chiffres et fait des relances aux 2 tiers du mois quand les chiffres ne sont pas bons.

Ceux-là n’ont pas compris que les résultats sont la conséquence du bien-être des équipes et de leur travail. Ils ne croient qu’aux chiffres. Au fond, on peut dire (même s’ils ne le reconnaitraient pas ouvertement) que ces managers prennent leurs collaborateurs pour des pions supposés agir sans explication.

Dans ce cas, obligation de se centrer sur l’auto-management. L’avantage, c’est que vous pouvez avoir la paix si les chiffres sont ok (contrairement aux hyper stressés).

Notre conseil : profitez-en pour développer votre autonomie et les liens avec vos pairs et les autres managers de l’entreprise.

  • Les pervers

Si on écoute tous nos interlocuteurs, il y en aurait beaucoup… De l’extérieur et quand on a évacué les cas cités précédemment, nous en voyons finalement très très peu. Parfois, les intentions malveillantes sont néanmoins manifestes et les objectifs du manager sont clairement différents de ceux utiles à la réussite de l’équipe :

    • Attitude 100% carriériste
    • Trouble de l’ego ou de la relation 

Honnêtement, encore une fois, on exagère souvent sur ces points. Parce que toutes les attitudes qu’on ne comprend pas bien peuvent être interprétées comme « un projet caché » ou une façon de « se mettre en avant ». C’est le plus souvent un procès d’intention. Mais si vous avez fait l’effort de passer en crédit d’intention, que vous avez creusé et que la perversité est avérée, fuyez !

L’irrésistible Monsieur Trudeau

Il est jeune et peu expérimenté et pourtant il fait l’unanimité (ou presque) dans son pays et ailleurs… Depuis octobre 2015, Justin Trudeau, 1er ministre du Canada, ne cesse de fasciner et de faire parler de lui en prenant le contre-pied de la tendance conservatrice mondiale.  

Il aime le multiculturalisme, il aime la parité, il aime l’ouverture et il accueille les immigrés à bras ouverts. Et cet amour de la diversité il le montre à travers la nomination de son cabinet ministériel : autant d‘hommes que de femmes, des sikhs, des autochtones, des musulmans, des juifs…

Les profils très différents de cette équipe de choc, sont le vrai atout de ce nouveau type de leader : il cherche leur complémentarité autant que leur antagonisme. Justin Trudeau veut une équipe pour co-construire des solutions innovantes mais surtout pour être challengé. Il est convaincu que le mode participatif est l’optimum de la collaboration.

Il appelle ça « le government by cabinet » :  Chaque ministre est libre d’avoir des opinions dans son domaine et de les partager publiquement.  Ils peuvent discuter et tester leurs idées directement avec le public, sans avoir nécessairement eu un consensus du gouvernement avant : c’est du « test and learn » en direct des idées. Le partage de l’information se fait alors même qu’elles sont encore embryonnaires pour tester leur viabilité !

A côté de ça il assume complétement un énorme optimisme, une humilité avec des mea culpa… Bref, vu sous cet angle il semble être le manager idéal !

Sans rentrer dans le détail de ses réformes et de leur succès qui restent discutables, il est évident que son style de management est bon.

Alors inspirez-vous : acceptez la différence dans vos équipes et profitez de la richesse du challenge que cela engendre. N’ayez pas peur de partager vos idées et projets, très tôt avec vos équipes pour les mobiliser.

Et surtout restez optimistes !  

Vive les projets peu ficelés !

« Voilà à peu près où je veux aller », « l’idée en gros c’est ça… », pour un manager ou un pilote de projet ça ne fait pas très sérieux. Une chose est sûre, ça n’est pas dans nos habitudes et on n’aime pas ça ! Et pourtant, c’est peut-être là, dans le flou, que se trouve la clef de la réussite. 


On cadre bien, on ficèle tout, et ensuite on communique même si ça va à l’encontre du bon sens

« Ton projet a l’air pas mal mais ça reste assez vague, fais-moi un plan détaillé sur les deux ans à venir pour voir comment ça va se traduire ». Pour ne pas entendre ça, on a pris l’habitude de blinder nos idées et nos projets. Un projet naissant doit être accompagné d’un planning, de KPI etc. alors même qu’on ne s’est pas forcément mis d’accord sur l’idée principale. Et puis, si ça ne marche pas, on met tout à la poubelle et on recommence.

C’est un peu comme si on demandait à un bébé de naître avec un plan de carrière établi. Ou, plus proche de la réalité, comme les étudiants auxquels on demande un projet professionnel mature avant même l’entrée à l’université et qui inventent quelque chose pour plaire à leur examinateur. Au fond, on sait tous que ça ne veut pas dire grand chose et que c’est une perte de temps mais on le fait quand même. Il faut juste rentrer dans les cases.

C’est aussi le meilleur moyen de démobiliser à l’avance les personnes qui participeront à notre projet. A l’extrême quand les projets sont tout ficelés, les participants n’ont plus pour rôle que d’être des exécutants et adieu l’appropriation !

Pourquoi on fait ça alors ?

D’abord parce que notre conscience professionnelle nous fait honnir l’à-peu-près. Tant mieux, c’est une preuve de professionnalisme.

Ensuite parce qu’on a tous des mots d’ordre, dont une injonction à la perfection. On aimerait que tout ce que l’on fait soit parfait, et donc on ne montre que la partie émergée de l’iceberg, celle qui brille sous le soleil et on cache les rouages de nos réflexions et de nos turpitudes.

Enfin c’est un trait de notre société. On préfère les réponses aux questions. On n’apprécie ni le doute, ni le risque. On aime anticiper et sécuriser nos actions, s’assurer que tout est sous contrôle, d’où la culture des KPI qui prend une place de plus en plus importante.

La sécurisation est d’ailleurs symptomatique de notre système. Imaginons un peu un inventeur qui irait voir son banquier pour lui demander d’investir : « voilà j’ai peut-être une idée, je pense que ça pourrait être intéressant mais je ne sais pas du tout comment faire ». Pas sûr que le banquier lui octroie le prêt escompté. Il y a plus de chance qu’il le renvoie dans ses pénates ou, au mieux, qu’il lui demande de revenir avec un projet plus précis.


Pourtant, le modèle a déjà changé

Au niveau de la création d’entreprise en tous cas, c’est évident. Aujourd’hui quand on a un projet, on n’attend plus qu’il soit prêt à être lancé pour en parler, parce que ça ne marcherait plus, et que de toute façons il va évoluer 100 fois pour s’adapter au contexte. On lance des idées sur le marché alors qu’elles ne sont encore qu’à un stade embryonnaire et on les fait évoluer ensuite. La plupart des nouvelles entreprises ont d’ailleurs vocation à rester en « work in progress » toute leur vie. C’est le fameux « esprit Start-up » !

Pour réussir dans le système traditionnel, ces entreprises le contournent.  D’abord, elles ne passent plus par les banques mais par le crowdfunding en créant une communauté de personnes qui suivent et soutiennent le projet chacun à leur façon, ensuite elles fonctionnent sur des systèmes agiles avec peu de choses fixes qui ne peuvent pas évoluer, elles acceptent de se remettre en question continuellement.

Ça a beaucoup d’avantages ! Et ceux-ci ne sont pas réservés aux fameuses start-up. Lancez des projets non ficelés et vous verrez :

 

Vous perdrez moins de temps

S’il faut changer quelque chose à votre projet, vous pourez le faire et au fur et à mesure et non de manière disruptive, ainsi on gagne du temps !

Vous mobiliserez plus

Comme les entrepreneurs qui utilisent le crowdfunding, vous attirerez des alliés en leur donnant un rôle dès le départ : qu’il s’agisse d’un soutien moral (en faisant de la com’ sur facebook par exemple), d’un soutien financier à la hauteur de ce qu’ils veulent donner, ou de la participation à la réflexion. D’ailleurs, peut-être le savez-vous mais beaucoup d’entrepreneurs ont recours au crowdfunding d’abord pour créer une communauté d’alliés, avant de trouver des financements.

Vous pourrez vous adapter

Vous avez un changement de Direction et donc de nouvelles priorités ? Pas de problème, vous gardez votre objectif final en tête mais la façon d’y arriver peut changer du tout au tout.

 

Vous serez plus créatif

Psychologiquement, car on n’a pas peur de se tromper, on a confiance en notre capacité à rectifier le tir.

Logiquement, car on ouvre la réflexion à plus de cerveaux.

Structurellement, car on n’a pas de barrière organisationnelle.

L’esprit start-up dont tout le monde parle n’est pas une question d’âge, de trottinette dans les couloirs ou de design thinking, c’est le fait de pouvoir venir avec une idée à moitié pensée et de dire « viens, si on bosse dessus ensemble, on va créer quelque chose d’extraordinaire ».

C’est donc à votre portée même dans les grandes boîtes !

Quelques exemples :

Si vous êtes managers, décidez d’accepter les nouvelles idées avec enthousiasme quelles qu’elles soient et ensuite cherchez ensemble comment les rendre plus fortes.

Choisissez aussi des KPI qui sont plus qualitatifs que quantitatifs. Est-ce que c’est nouveau ? Est-ce que c’est adapté au client ? etc.

Et puis quand vous menez vos propres projets, n’attendez pas d’avoir l’idée du siècle ou quelque chose de tout ficelé pour intégrer d’autres personnes à la réflexion. Ça demande d’accepter que ce ne soit pas votre projet à vous tout seul mais il n’y a pas de secret, ce n’est que comme ça qu’il deviendra aussi leur projet.

ALBUS CONSEIL