Auteur/autrice : charlie

De quand date votre dernier mea culpa ?

Cueillis à froid par le scandale de Volkswagen qui fait la Une depuis mi septembre, nous avons observé avec attention la gestion de crise du constructeur. Autant la triche est ahurissante, autant la réaction est exemplaire. Résumée par les mots du patron de Volkswagen America : « we totally screwed up ». Un mea culpa net et sans ambages qui permettra sûrement à l’entreprise de se reconstruire plus rapidement que si les dirigeants avaient dissimulé et nuancé comme c’est trop souvent le cas.

Le mea culpa, c’est une arme que les managers utilisent peu voire pas du tout. Pourtant, l’amende honorable n’est pas preuve de lâcheté mais de courage, ce n’est pas se défausser mais, au contraire, prendre ses responsabilités.


L’erreur, l’inséparable prix de la décision

On ne pourra pas éviter l’adage latin tarte-à-la-crème « Errare humamum est ». On ne peut pas l’éviter notamment parce que tout le monde n’en a pas conscience.

Comme le disent de nombreux philosophes actuels, nous vivons dans un monde où la peur prolifère. Nous avons peur de tout dans l’entreprise notamment : le chômage, la crise, la concurrence, les syndicats (qui ont peur, eux aussi), le manque de crédibilité, etc.

Ceux qui cherchent surtout à ne pas faire de fautes ne seront jamais des leaders et seront toujours dépassés par ceux qui décident.

Cette peur omniprésente, de tout et de son contraire, amène à ne plus prendre de risque, ce qui a d’ailleurs été constitutionnalisé en France par le principe de Précaution, intention louable mais qui en dit long sur l’aversion actuelle aux risques. 

Et cette non prise de risque amène le manque de responsabilité que l’on peut résumer ainsi : j’ai tout fait pour ne pas prendre de risques, donc cette erreur était inévitable et ce n’est pas ma faute. Ainsi dans l’affaire du sang contaminé, une des ministres concernées ose déclarer qu’elle est « responsable, mais pas coupable », une défausse restée célèbre.

Certaines personnes se félicitent constamment des décisions qu’ils n’ont pas prises et qui auraient amené des erreurs. Nous disons que ceux qui cherchent surtout à ne pas faire de fautes ne seront jamais des leaders et seront toujours dépassés par ceux qui décident.

Un bon manager n’est pas celui qui ne fait pas d’erreurs mais celui qui décide, prend des risques et compense ses échecs par la grandeur de ses succès.

Accepter les erreurs ok. Et accepter ses erreurs ?

Il n’est pas rare que des managers, ayant adhéré au raisonnement ci-dessus qui n’est pas neuf, prône le droit à l’erreur. Parmi eux, il arrive même que certains managers tiennent leurs engagements de ne pas sanctionner systématiquement l’erreur, quand elle est faite suite à une prise de risque calculée et dans le sens du projet collectif. C’est un premier pas qui n’est pas simple à faire et qui est à même de libérer les énergies. Bravo à eux.

On croît rester crédible en ne parlant pas de ses erreurs alors que c’est le contraire.

Beaucoup plus rares sont ceux qui acceptent leurs propres erreurs. Bercés par l’illusion de renvoyer l’image du manager parfait, nous sommes souvent les seuls à croire que nos erreurs ne se verront pas si nous n’en parlons pas. Quelle erreur !

On croît rester crédible en ne parlant pas de ses erreurs alors que c’est le contraire : personne n’achète le mythe du manager infaillible, la reconnaissance des erreurs donne à l’inverse de la force aux autres éléments. 

On croît se montrer fort en ne parlant pas de ses échecs, alors que c’est l’opposé : le manager qui ne les reconnaît pas apparaît faible à son équipe, effrayé de se montrer vulnérable, en manque de confiance. 

On croît protéger l’entreprise, ce qui a été construit, en cachant les erreurs comme  pour éviter sa conséquence immédiate, et par définition négative. Mais assumer le droit à l’erreur, c’est d’abord oser regarder les choses sur un temps plus long et conserver des bases saines. Pour VW, on voit bien que le mal est fait et qu’il faut préserver l’essentiel : l’avenir. C’est l’inverse du cas Mediator, où l’on cherche à sauver le présent quitte, si la stratégie échoue, à hypothéquer l’avenir.

Le mea culpa, un art indispensable à tout manager 

Pour ceux qui sont décidés à reconnaître leurs propres erreurs, la moitié du chemin est faite. Le reste repose sur la façon de le faire.

Ce sont toutes les différences entre les mea culpa habituels (en politique notamment, autour du beaucoup trop utilisé « j’ai changé ») et celui de Volkswagen suite au récent scandale.

Listons-en 4 :

  • Honnêteté : un mea culpa doit être sincère, sinon il est démasqué tout de suite par ceux qui l’écoutent. Les politiques ont tendance à battre leur coulpe d’erreurs du passé pour mieux vanter leurs décisions actuelles, cela n’a aucune valeur. Le stratagème est facilement éventé. Un bon mea culpa se fait à chaud, sans trop de forme ou de calcul.
  • Absence de nuance : symbolisé par DSK qui qualifiait imprudemment ses actes de « légèreté », la nuance tue le mea culpa. Ce n’est certainement pas à vous de minimiser votre erreur. Elle doit être exposée sans atténuation, sans auto flagellation non plus bien sûr. Laissez les autres minimiser l’erreur pour vous si elle doit l’être, ce n’en sera que plus fort.
  • Ne pas trop personnaliser : l’enjeu est de parler d’une erreur, pas d’une faiblesse structurelle dont vous ne maîtriseriez pas la portée à l’instar du « péché de naïveté » de Lionel Jospin en 2002. Soyez franc sur l’erreur, ses conséquences et la responsabilité que vous endossez, mais un jugement sur vous-même n’est pas à propos et surtout pas en public.
  • Rester exigeant : pour être efficace, le mea culpa doit servir votre projet, quel qu’il soit. L’amende honorable qui ne servirait qu’à soulager sa conscience est inutile, elle le sera si vous demandez un effort à votre équipe pour rebondir (se remettre également en question, aider à trouver les solutions pour faire face à la situation provoquée, etc.)

Nous avons assisté récemment à un mea culpa de grande classe fait par un manager humble et courageux, cela a participé à relancer une dynamique d’équipe avec puissance et enthousiasme. Nous vous souhaitons la même chose !

Laissez de la place aux marginaux

 Pourquoi aime-t-on Marlon Brando ? Et la marquise de Merteuil, Miranda Priestley ou le capitaine Haddock ? Parce qu’ils ont des défauts qui nous les rendent proches, voire des vices que l’on se délecte d’observer… Rien à faire, les gentils tout doux sont moins intéressants. Pourquoi pas en entreprise ?


La gloire de l’imparfait

On le voit bien, dans la littérature, dans la culture populaire, les grandes histoires reposent moins sur des héros tout puissants que sur des méchants ou des seconds rôles marquants. Dans Star Wars, on a même les 2 : les personnages de Dark Vador et Han Solo ont bien plus de saveur que Luke Skywalker, un peu fade.

De même, Obélix apporte de la fantaisie aux aventures d’Astérix, et les histoires de Tintin reposent sur le fait que ses acolytes le freinent : Haddock parce qu’il est alcoolique, Tournesol parce qu’il est sourd et distrait, les Dupondt parce qu’ils sont incapables. Tintin c’est l’histoire d’un personnage parfait qui doit réussir avec des camarades fidèles mais limités.

Bref, si vous voulez écrire une bonne histoire, mettez-y des gens imparfaits, des colériques, des faibles, des bad boys. Parce qu’une histoire avec que des super forts, c’est ennuyeux.

Le parfait, c’est ennuyeux et sans mérite

J.R.R. Tolkien avait bien compris ça en écrivant le Seigneur des Anneaux : il a décidé que le peuple des Elfes comporterait très peu d’individus. Parce que l’aventure conduite par eux seuls aurait manqué de rebondissements, de suspens et d’humour. Hergé également a conçu Tintin pour qu’il passe les plats à des camarades plus savoureux. De même avec les super héros : ce sont les faiblesses du Batman de Nolan ou du Spiderman de Raimi qui les rendent un peu plus intéressants que les autres.

Pourquoi ?

Parce que l’intérêt d’une histoire c’est de voir les gens se surpasser, ou essayer de le faire. À la rigueur peu importe même qu’ils atteignent leur but, comme Arthur dans Kaamelott. L’important c’est qu’ils essayent et se découvrent en le faisant.

Sans faire de la psychologie à 6 sous, on comprend aussi bien que les combats des faibles nous touchent parce qu’ils ressemblent aux nôtres.

Pourtant en entreprise, on défend le lisse.

Ce qui est étrange, c’est qu’en entreprise, on cherche à normer les comportements quoi qu’on en dise. Evidemment, tout le monde vous dira que « la richesse naît de la différence » et qu’il vaut mieux « des équipes mixtes et complémentaires ». Ok sauf que dans réalité :

  • On veut imposer les mêmes valeurs à tous.
  • On n’aime pas les grognons et les râleurs.
  • On se résigne à penser que certaines populations ne pourront pas s’impliquer ou progresser. 

On voit fréquemment des managers s’agacer de la faiblesse de leurs équipes ou tirer à boulets rouges sur ceux qui, malgré certaines qualités, ont un défaut inacceptable selon eux. Le marginal est séduisant à l’écran quand c’est un bad boy à la Brando, mais bien moins en vrai quand c’est le collègue… Pourtant il porte une promesse de progression et la preuve d’une aventure ouverte à tous, et pas un monde uniformisé peuplé de gens qui se ressemblent tous.

Plus pernicieux encore, des managers abandonnent leur croyance, anticipant que la structure ne voudra pas d’eux au naturel. Ce n’est pas de la censure, c’est de l’auto censure.

Les attitudes Corporate, l’excès de politesse, la volonté d’être bien avec tout le monde, la répulsion du conflit sont les ferments d’un corps social de plus en plus aseptisé. Seulement, l’histoire devient ennuyeuse et démobilise, et la différence jaillit rarement mais avec plus de violence (Burn-out, ou violence physique comme chez Air France).

Réhabilitons la marginalité en entreprise

Vos victoires seront belles si elles engagent les plus faibles ; si elles font une place aux bad boys ou plus généralement aux faibles et à ceux que l’on n’attend pas.

Évidemment, je ne tourne pas le dos à la stratégie des alliés, à l’efficacité prouvée. Je dis juste que les alliés ne sont pas nécessairement les gentils et les forts. Ce sont les Frodons, les capitaines Haddock, les inspecteurs Clousot.

Comment les manager ?

Bien sûr, ils sont difficiles à manager. C’est ce qui explique l’écart entre le principe (il faut de tout pour faire un monde) que personne ne conteste frontalement, et la réalité (le moule) qui est si confortable pour tous.

Manager les bad boys et les faibles, c’est orienter leur énergie dans le sens de l’avenir et du bien commun, sans diminuer leur singularité.

A haut niveau, un point au tennis se gagne en jouant près des lignes.

La base du succès avec eux, c’est l’adversité. Si vous cherchez à dompter leurs comportements, vous risquez soit de les normaliser, soit d’échouer et de les braquer. En revanche, si vous les mettez en face de grands défis sans vous intéresser au « comment faire », vous êtes sur le bon chemin. Le bon exemple c’est Will Hunting. Dans cette histoire, le bad boys génial, Matt Damon, est utilisé par le professeur malin, Robin Williams, en le mettant en face de la difficulté mais sans regard sur sa méthode ou son caractère.

Evidemment, il faudra faire preuve d’autorité quand les limites sont franchies comme le fait Astérix quand Obélix va vraiment trop loin.

Mais rappeler vous : à haut niveau, un point au tennis se gagne en jouant près des lignes. Et donc en prenant le risque de la mettre dehors. En entreprise c’est pareil : les grandes victoires s’obtiennent proches des limites du système, en flirtant avec la faute… Et donc en en faisant quelques unes.

Et jouer avec les individus marginalisés, c’est risquer quelques grosses fautes, mais aussi se donner l’opportunité de remporter quelques gros gains.

Etre tactique c’est aussi improviser – Les 3 Royaumes

Ce mois-ci, nous vous proposons de jeter un oeil aux Trois Royaumes de Woo. Le film est un manuel de guerre à lui seul dont la plus grande leçon est que les meilleures stratégies ne sont rien sans l’intuition et la transgression.

Au 3ème siècle, la Chine est divisée en 3 royaumes. Le premier ministre, homme ambitieux et avide de pouvoir, prévoit d’unifier le pays en attaquant les royaumes de Shu et de Wu. Ces deux derniers concluent alors une alliance.

Le film est une montagne d’intelligence stratégique où l’on retrouve quasiment tous les principes du jeu de Go mais, à la dernière bataille, tout risque de s’écrouler à cause de deux heures qui manquent pour que la météo permette une attaque par le feu.

C’est un des personnages (la femme du chef de guerre) qui fait alors basculer la victoire en jouant un gigantesque coup de poker : elle se rend en catimini dans le camp ennemi et joue de ses charmes auprès du premier ministre pour retarder le moment de la bataille. Pendant ce temps, le vent tourne et le feu peut se propager dans le bon sens.

Son intuition et son courage l’ont conduite hors des lignes pour apporter cette initiative sans laquelle le génie des stratèges n’aurait pas remporté la victoire.

La leçon de l’histoire c’est que, même avec les stratégies les plus brillantes, c’est dans l’improvisation et la capacité à sortir du cadre que tout se joue.

Alors, bien sûr, vous ne pourrez pas décider des initiatives de vos équipes, mais, c’est en partageant votre vision et votre stratégie avec tous, y compris ceux dont vous pensez ne rien attendre, que vous leur donnerez la possibilité d’improviser.

Et vous verrez, ça vient parfois (ou souvent) des plus faibles, de là où on s’y attend le moins et, surtout, de ce qu’on ne contrôle pas.

L’autorité, la grande oubliée du management !

Si il y a un mot que l’on ne voit pas beaucoup dans les livres actuels sur le management ou dans les citations qui font florès sur Linkedin et ailleurs, c’est l’AUTORITÉ. C’est devenu une notion péjorative : personne n’en veut et personne n’en parle.

Nous pensons pourtant que l’autorité, bien employée, est non seulement utile, mais indispensable.

L’Autorité, une espèce menacée d’extinction

A l’image des livres qui militent pour l’autonomie voire pour la liberté totale en entreprise, l’autorité est désormais vue comme un défaut, un nuisible. L’autorité renvoie soit aux relations parents-enfants où elle désigne le mode d’éducation d’avant mai 68, soit à l’archétype du petit chef en entreprise qui cache son incompétence par le recours à l’autorité. Deux images peu flatteuses…

On ne compte plus les formations proposées sur le leadership, la valorisation, le management générationnel, le développement de l’autonomie, etc. Sur l’autorité en management, rien ou presque.

Cela montre à quel point la notion d’autorité est confuse, car le problème du petit chef n’est pas d’en avoir mais d’en manquer. L’autorité en management, ce n’est pas l’inverse du participatif mais l’inverse du laxisme ; son principal synonyme, ce serait la fermeté.

Oui mais voilà, la confusion avec l’autoritarisme, l’impression que l’autorité n’est pas une notion très « génération Y », que l’avenir est aux entreprises sans managers, tout cela a fait disparaître l’autorité des radars.

On ne compte plus les formations proposées sur le leadership, la valorisation, le management générationnel, le développement de l’autonomie, etc. Sur l’autorité en management, rien ou presque : deux offres seulement sur internet dont une à Lomé, au Togo. C’est la loi de l’offre et de la demande, l’autorité n’est pas vendeur.

Nous sommes d’ailleurs, nous aussi, pris la main dans le sac : depuis plus de 2 ans que nous écrivons nos avis mensuels, pas une seule fois nous n’avons ne serait-ce que mentionné l’importance de l’autorité en management.

Et pourtant nous le voyons tous les jours dans nos missions où nous côtoyons pourtant des managers courageux et expérimentés, l’autorité est en perdition.

Un ingrédient pourtant indispensable du management

Comprenons bien l’autorité en se référant à la définition qu’en donne le Larousse :

« Crédit, influence, pouvoir dont jouit quelqu’un ou un groupe dans le domaine de la connaissance ou d’une activité quelconque, du fait de sa valeur, de son expérience, de sa position dans la société, etc. ; caractère de quelque chose dont la valeur, le sérieux, communément reconnus, lui permettent de servir de référence »

L’autorité donne de la force de conviction à la vision, pour rallier les plus hésitants de l’équipe en apportant une confiance, une fermeté qui rassure.

Oui, bien sûr, l’autorité seule (c’est à dire sans pédagogie et sans vision principalement) est nocive. C’est ce que l’on appelle l’autoritarisme et c’est ce rapprochement qui joue le rôle d’épouvantail décrit plus haut.

Mais a contrario, la vision sans autorité est également très limitée. L’autorité donne de la force de conviction à la vision, pour rallier les plus hésitants de l’équipe en apportant une confiance, une fermeté qui rassure. Idem pour la pédagogie sans autorité, sa portée est réduite. On ne suit pas quelqu’un parce qu’il vous explique les choses, mais aussi par la force qu’il montre et peut vous transmettre.

A ceux qui opposent liberté et autorité (voire liberté et manager), nous disons qu’ils se trompent gravement. L’autorité crée le cadre dans lequel la liberté se développe, s’anime et se protège. Pour faire vivre les principes de « Liberté Égalité Fraternité », qu’a-t-on créé ? Les Droits de l’Homme et du Citoyen qui vont préfigurer la Loi de la République Française. Liberté et Autorité se nourrissent mutuellement.

Dans le wikimanagement que nous avons mis à disposition de tous, nous parlons de la matrice Boss / Leader / Coach qui résume les 3 postures complémentaires du manager. Le BOSS, à l’image du Parrain que nous prenons comme exemple, représente l’autorité.

L’autorité, ça se développe ?

Une autre idée reçue sur l’autorité, c’est de penser qu’il y a ceux qui l’ont et ceux qui ne l’ont pas. A l’instar de son cousin germain le charisme, ce serait une qualité innée et d’ailleurs inexplicable. Comment expliquer que certains professeurs obtiennent facilement le silence et l’attention des élèves alors que d’autres, apparemment plus durs et plus directifs, n’y arrivent pas ? C’est une alchimie naturelle qui ne se travaille pas, un peu magique, pense-t-on souvent.

C’est FAUX ! L’autorité se travaille et surtout elle s’anime astucieusement (un peu comme la musique où l’on travaille d’un côté le solfège et de l’autre l’instrument), c’est ainsi qu’on la développe.

Pour la travailler, voici quelques éléments non exhaustifs.

  • Définir un cadre clair : le manque d’autorité naît souvent d’une confusion sur le cadre, comme un jeu de société ou les règles sont floues et où les joueurs finissent par se lasser du jeu. Il faut préciser simplement et fortement les règles de votre jeu tout en garantissant des degrés de liberté.
  • Maîtriser 3 dimensions de l’autorité : à savoir la définition d’objectifs précis, la valorisation et le recadrage. Là-dessus, les méthodes sont innombrables, l’important est de réussir à donner un rôle à chacun, à valoriser les réussites et à recadrer les manquements. C’est simple, mais c’est crucial et pas si facile.
  • Faire court : l’autorité consiste finalement à faire les points 1 et 2 de manière dense et concise. Ainsi, vous serez reconnu pour votre efficacité et pour votre capacité à faire gagner du temps à tout le monde. Gagner du temps… le graal en entreprise pour bon nombre d’entre nous.

Sur le sujet, nous ne pouvons que vous renvoyer à l’excellent ouvrage Le manager minute (Ken Blanchard & Spencer Johnson, Eyrolles, 2006) qui est aussi facile à lire qu’il est limpide sur l’exercice de l’autorité.

L’autorité est aussi une question d’animation. Il faut savoir exercer son autorité quand elle ne va pas de soi et inversement. Prenons un exemple : si vous êtes un directeur industriel et que vous vous adressez à un opérateur, cela ne sert à rien d’être autoritaire car votre fonction vous donne, dans le rapport bilatéral, une autorité évidente, le doublon pourrait même porter préjudice et vous donner une image d’autocrate. Mais si vous êtes un jeune manager arrivant dans une équipe expérimentée, l’autorité doit s’exercer pour que votre référence, en tant que manager, s’installe.

L’autorité demande donc une prise de conscience, quelques outils simple et surtout de l’intelligence relationnelle. Bien loin des clichés donc.

Halte au tout S.M.A.R.T. !

Ce qui ne se mesure pas semble ne plus exister. Sacralisé par le M de SMART, le mesurable est devenu une condition nécessaire à l’action : si vous ne pouvez pas le mesurer, vous ne pourrez pas le réussir.

Nous seulement c’est faux, mais en plus c’est pervers parce que ce qui est le plus important ne se mesure souvent pas…


Le beau ne se mesure pas, pourtant il existe

Pouvez-vous quantifier la beauté du Mont St Michel, du Grand Canyon, ou du tableau Guernica de Picasso ? D’ailleurs, lequel des 3 est le plus beau ?

Et si on quantifait le beau en s’appuyant sur le nombre de visiteurs ? Non. Le paysage sauvage du cœur de la Mongolie est peu visité, et pourtant il est beau.

En management idem. Comment mesurer l’audace, l’amabilité avec un client, la générosité ? Bien sûr nous pouvons collecter des preuves, faire des enquêtes. Tout cela nous donne des indications parfois précieuses, mais en réalité ce ne sont pas des mesures… Tout au plus des indices. Les comportements sont globalement difficiles à mesurer.

L’hyper rationalisme a gagné la bataille

Depuis quelques décennies, les entreprises font de la rationalisation le cœur de leur pilotage, et d’ailleurs pas que les entreprises. La politique n’est plus guidée que par les chiffres : sondages, PIB, déficit, taux de chômage.

Du coup, les managers pilotent ce qui se mesurent, et uniquement cela.

Les fanatiques des outils lean (et pas de la philosophie) bâtonnent, chronomètrent, mesurent à tout va. Les cabinets anglo-saxons, qui ont la faveur des actionnaires, chiffrent tout et ça rassure : on chiffre même les relations entre les gens, le taux d’engagement des salariés, les ratios de RH par employés, etc. Et ça ne choque personne, ça apaise de savoir que l’on peut mettre un chiffre (même inepte) sur une réalité non-mesurable car « si c’est chiffré, on pourra donc le voir augmenter/baisser ».

Du coup, les managers pilotent ce qui se mesurent, et uniquement cela. Je travaillais récemment avec un responsable de production dans l’industrie qui, voulant impliquer ses opérateurs sur la performance, était arrivé à la conclusion que le rendement de la machine était le seul indicateur à suivre puisque le seul mesurable au niveau de l’opérateur. Conséquence : les opérateurs auraient dû se mobiliser pour faire évoluer un indicateur sur lequel la seule variable qu’ils maîtrisent est la vitesse de travail… pas très motivant, mais aussi très partiel.

Parce que l’opérateur peut aussi jouer sur l’attention au détail, la qualité de ses relations avec le service Qualité ou Logistique, la fluidité de ses échanges avec son chef, ses collègues des autres équipes, des autres machines. Il peut s’intéresser à la résolution des problèmes, s’impliquer dans l’amélioration de son usine, etc. Que des choses très concrètes, mais très difficiles à mesurer.

Pourtant, il est possible de piloter le non mesurable

L’avantage du non mesurable, c’est qu’il est souvent infini (comme l’audace) et/ou que chaque progrès apporte un bénéfice même si l’optimum n’est jamais atteint (comme l’amélioration des relations dans une interface).

Au lieu de mettre un chiffre pour mesurer ce qui ne peut pas l’être, on peut chercher à montrer le chemin parcouru et valoriser chaque contribution. Le pilotage sera ainsi plus crédible et plus enthousiasmant.

Petit à petit, les résultats arrivent et s’ils ne peuvent pas les mesurer précisément, ils les contemplent comme un beau paysage.

Si vous voulez que vos équipes améliorent le service client, vous pourriez mesurer la satisfaction de 10 façons différentes et en analyser tous les aspects, pour finir par dire inévitablement que vous devez faire mieux. Vous pouvez aussi passer du temps avec vos équipes pour qu’ils rendent les clients heureux à chaque contact, et ainsi donner du sens et valoriser chaque bonne pratique. Ça sonne mieux, non ?

Nous admirons ceux qui managent l’audace en mettant toute leur énergie pour créer les conditions de l’initiative et de la prise de risque. Petit à petit, les résultats arrivent et s’ils ne peuvent pas les mesurer précisément, ils les contemplent comme un beau paysage.

Le bonheur au travail dans votre équipe est de cet ordre : il est impossible de le quantifier (même en comptant les sourires) mais si les gens sont plus souriant, il est peu probable que cela vous échappe.

Acceptons le subjectif

Chaque année, des magazines publient le classement des villes où il fait bon vivre… En mesurant la qualité des hôpitaux, le nombre de parcs, le taux de chômage, etc. Et pourquoi pas les décibels dans les bistrots ? Quand vous bravez ces préconisations et que vous allez dans les villes de bas de classement, les gens ne sont pas moins bon-vivants qu’ailleurs, en revanche ils sont révoltés contre une vision mathématique qui ne reflète pas leur réalité.

De même les adversaires du PIB tentent d’imposer le BNB, Bonheur National Brut. Mais ça n’a pas plus de sens. La notion est belle mais la mesure est très critiquable.

A moins d’utiliser un outil de mesure aussi subjectif que ce qui est mesuré… Comme on le fait avec l’échelle de la douleur, magnifique de simplicité et de pragmatisme. Au lieu de créer une échelle objective (se couper au doigt provoque X points de douleur, se casser la jambe Y points), on a pris une échelle de 1 à 10, totalement subjective et sur laquelle le patient s’auto-évalue. Ça fonctionne très bien parce que c’est facile à comprendre et que la mesure est en phase avec le problème… Subjectives toutes les 2.

N’oubliez donc pas que dans SMART il y a Simple, et que la mesure est souvent une façon de se compliquer la vie inutilement !

Et si la réussite n’était pas une question – de moyens ou d’expertise ?

Vous avez déjà entendu mille fois « de toute façon l’échec était couru d’avance avec aussi peu de moyens »…

Hé bien non. Pour Simon Sinek, conférencier TED plutôt convaincant, c’est d’abord parce qu’on sait pourquoi on fait les choses qu’on les réussit. 

https://www.ted.com/talks/simon_sinek_how_great_leaders_inspire_action#t-691429

Pour preuve, à côté de l’exemple (un peu lassant, on en convient) d’Apple, il nous rappelle l’histoire des frères Wright. Au début du 20ème siècle, le New York Times et le gouvernement américain misent sur le succès de Langley pour réussir le premier vol motorisé d’un avion : titulaire d’une chaire à Harvard, entouré des meilleurs cerveaux et doté d’une bourse conséquente, il a tous les moyens et l’organisation pour réussir. Il ne sera pas le premier, les frères Wright qui n’avaient pas le dixième des talents de son équipe ni de son budget ont réussi l’exploit avant lui. 

La clé de leur succès? Ils croyaient que s’ils découvraient comment faire voler un avion, ils changeraient la face du monde. Ils ont su transmettre leur vision et, les personnes qui les entouraient étant animées par le même désir, tous ont sué sang et eau pour parvenir à leur objectif. Langley, lui, voulait juste être premier, riche et célèbre et il a échoué.

Ca donne un peu le vertige : on savait bien que le pourquoi était important mais de là à dire que l’idée et l’organisation ne sont pas déterminants… 

Alors, ne soyons pas provoc’ pour le plaisir, on ne vous dit pas de recruter des bras cassés ou de vous débarrasser de vos moyens si vous avez la chance d’en avoir, mais ce que nous rappellent les frères Wright c’est que, sur la même idée, on peut échouer avec une bonne organisation si on n’a pas de pourquoi et réussir avec une organisation imparfaite mais un pourquoi fort. 

Une seule chose essentielle : un pourquoi qui mobilise !

Un bon séminaire au vert est un séminaire incomplet

 En cette époque estivale fleurissent les séminaires au vert. Pendant un à trois jours, les plus malchanceux verront un enchaînement de présentations interminables de chiffres et de détails techniques, les autres auront peut-être des ateliers de réflexions sur l’année écoulée et l’année à venir. Mais comment en faire un moment vraiment utile ?

Souvent un satisfecit général

Sans avoir de statistiques officielles, nous sommes convaincus que 90% des séminaires sont jugés positivement par les participants. D’abord parce que passer deux jours dans un cadre convivial avec ses collègues, c’est une respiration qu’on ne peut qu’apprécier. Ensuite parce que faire part de son insatisfaction et de ses regrets à chaud, et donc prendre le risque de passer pour l’éternel grognon, peu de gens le font. A quoi bon ?

Un de nos clients dit que l’on sait si un séminaire est réussi six mois après. Nous pensons qu’il a raison.


Séminaire au vert : déception annoncée ?

Soyons clairs, nous sommes des utilisateurs réguliers des séminaires au vert. Notamment car ils créent l’opportunité, si difficile à obtenir autrement, de se sortir du quotidien et des problématiques opérationnelles court-termistes qui pourrissent souvent les réflexions.

Mais nous faisons de ces séminaires une utilisation parcimonieuse, non systématique. Car contrairement aux retours à chaud, nous pensons qu’une majorité des séminaires au vert échouent partiellement voire complétement.

Dès le lendemain et le retour au « réel », les actions déterminées paraissent irréalistes et les sujets importants certes, mais pas urgents.Certains de ses échecs sont difficilement excusables, ce sont ceux où les leaders, considérant que le cadre suffit à créer le décalage et le caractère événementiel du séminaire, le préparent et l’animent comme n’importe quelle autre réunion. Sur le fond (on traite tout ce que l’on n’a pas eu le temps de faire dans l’année) ou sur la forme (ordre du jour inexistant ou surréaliste, peu de place à l’échange, interventions peu préparées, tout le monde sur son ordinateur ou son téléphone). Le pire, c’est que dans ces cas-là aussi les retours des participants sont bons, souvent pour s’assurer que le séminaire ne sera pas, en plus, supprimé l’année suivante.

Un autre grand type d’échec, c’est le séminaire au vert qui promet beaucoup mais qui accouche d’une souris. Pendant le séminaire, les échanges sont bons et sur des sujets qui intéressent vraiment les participants, des décisions courageuses sont prises avec des timing ambitieux pour les réaliser car les points relevés sont dit-on essentiels… puis, rien ! Dès le lendemain et le retour au « réel », les actions déterminées paraissent irréalistes et les sujets importants certes, mais pas urgents, il faut d’abord s’occuper de ci ou ça.

On dit souvent dans ce genre de cas que l’on n’a pas réussi « à transformer l’essai » comme si le problème se situait dans les suites données au séminaire. Nous pensons que tout se joue avant et pendant, l’après est une conséquence.

Le séminaire au vert doit sortir l’équipe de sa zone de confort

Si nous devons trouver une qualité commune à tous les séminaires réussis, c’est qu’ils permettent de changer les comportements en sortant durablement les participants de leurs zones de confort.

Beaucoup n’envisagent pas un séminaire sans un planning, un plan d’action ou une synthèse montrant que l’on a bouclé les sujets à l’ordre du jour. Or c’est une double erreur.

Cela se joue avant bien sûr, par le choix des sujets ou par le niveau d’exigence. Par exemple : demander à un comité de direction d’une entité à discuter et travailler des sujets habituellement dévolus au directeur général seul, ou à décider de manière collégiale là où ils n’étaient que consultés avant. C’est aussi de s’attaquer à des sujets sensibles, où les non-dits sont forts pendant l’année et sur lesquels les esprits s’échauffent parfois. Alors le séminaire au vert devient non seulement une « récréation » mais aussi une solution pour aborder des sujets qui ne peuvent être traités au quotidien.

Cela se joue surtout pendant, et notamment en fin de séminaire. Beaucoup n’envisagent pas un séminaire sans un planning, un plan d’action ou une synthèse montrant que l’on a bouclé les sujets à l’ordre du jour. Or c’est une double erreur.

D’abord car définir un planning ou un plan d’action dans ce cadre, c’est très souvent faire l’erreur de décider sans prendre en compte les contraintes. Résultat, on se rend vite compte que les décisions sont trop ambitieuses et c’est le séminaire entier qui n’est plus crédible.

Ensuite car en décidant, en « bouclant » comme on dit souvent, on ferme la réflexion des participants. Nous avions un problème à l’entrée du séminaire, mais nous l’avons résolu par ce plan d’action, donc je peux passer à autre chose.

Si vous aviez dans l’idée de faire un séminaire qui lance une réflexion, c’est râpé car vous l’avez au contraire terminée en deux jours.

Soyez volontairement incomplet

Ne pas finir un sujet, cela permet de laisser les esprits en alerte sur les réflexions ouvertes pendant le séminaire. C’est aussi ne pas se forcer à prendre des décisions trop rapides pour un sujet de fond qui mérite plus de maturation. C’est laisser la ligne ouverte se prolonger au-delà des deux jours passés au vert.

Une bonne conclusion doit donc ouvrir aussi sur ce qui n’a pas été abordé, ce qui n’est toujours pas clair, ce qui nécessitera d’être approfondi, ce qui n’est pas satisfaisant, etc.

Plusieurs façons d’être intelligemment incomplet : ne pas faire de plan d’action en est une, ou en tous les cas rester flou ou incomplet pour que vous ayez BESOIN d’y revenir ensemble pour qu’il se passe quelque chose. C’est aussi de finir non pas sur une synthèse des réponses apportées mais par des questions ouvertes. Cela va désarçonner les participants, car c’est inhabituel et que le réflexe naturel serait de montrer que l’on a bien avancé et que l’on peut passer à la suite, et cela va générer de la perplexité, donc de la réflexion, donc de l’intelligence.

Et puis il y a la conclusion, ce moment si crucial dans un séminaire et si souvent négligé. Bien sûr elle doit commencer par être positive mais elle ne peut pas être que positive, sinon elle donne à chacun le sentiment du devoir accompli et le repli, de fait, dans une zone de confort abandonnée pour quelques heures seulement. Une bonne conclusion doit donc ouvrir aussi sur ce qui n’a pas été abordé, ce qui n’est toujours pas clair, ce qui nécessitera d’être approfondi, ce qui n’est pas satisfaisant, etc. Une conclusion doit valoriser mais aussi appeler à la vigilance, à l’exigence ou à la responsabilité.

Les mots qui s’usent

 Dans Caméra Café, The Office, et dans les autres pastiches de la vie professionnelle, on se moque du vocabulaire, souvent abscons de l’entreprise.
Il peut être ridiculement anglicisé, truffé d’acronymes, voire les 2 ensemble si l’on considère par exemple le très courant ASAP !
Mais les mots peuvent être aussi tout simplement usés à force d’être utilisés : EXEMPLARITÉ par exemple.
En management, il est essentiel d’avoir conscience de l’importance des mots choisis. Faisons le point.

Le cycle de vie du mot

Nous avons tous joué, enfants, à répéter très vite le même mot banal pour se rendre compte qu’il finissait par perdre sa substance. Il reste le son mais le sens, lui, a disparu.

En management, c’est pareil et on se rend compte que les mots suivent des cycles…

  1. Ils sont incongrus ou décalés quand ils apparaissent,
  2. Puis ils sont à la mode et ont un sens fort,
  3. IIs deviennent de plus en plus creux en se généralisant, 
  4. Enfin ils finissent par être des mots valises sans intérêt, ou par disparaître.

Selon nous, le mot QUALITÉ est entre les stades 3 et 4. L’EXEMPLARITÉ idem. L’expression GAGNANT/GAGNANT est clairement au stade 4. La notion de BONHEUR AU TRAVAIL est au stade 2, mais s’use vite. Parfois, ce cycle de vie du mot semble guider celui de l’action. Par exemple, en RH, il y a quelques années, on ne parlait que de HARCÈLEMENT MORAL, maintenant on craint les RISQUES PSYCHO-SOCIAUX. Je ne suis pas sûr qu’il y ait de réelle différence entre ces 2 risques dans la réalité. Les mots ont changé.
Il y a des exceptions, comme le mot VISION qui n’a pas l’air de prendre d’âge, alors qu’il est très utilisé. Peut-être parce qu’il est associé à des éléments très positifs.

 

Les mots marqués

En plus des mots usés, il y a des mots marqués. C’est à dire qu’en plus de leur sens littéral, ils ont pris une connotation (souvent péjorative) et sont souvent associés à une profession. Entre nous, nous plaisantons du mot ASSERTIVITÉ à la mode dans certains cercles et marqueur infaillible du fait que vous vous adressez à un coach. CO-CONSTRUCTION est un bon mot de consultant, il nous brûle parfois les lèvres…

Plus courant, la notion de PRODUCTIVITÉ est devenue synonyme de perte d’emplois, et donc porte une charge très négative, alors que c’est initialement une notion mathématique neutre qui signifie un rapport entre effort et résultat, qu’il serait donc logique de vouloir l’optimiser sans cesse (certains en font même le moteur de l’histoire). Dans le même style vous trouverez SANCTION et CRITIQUE, notions neutres en français, devenues nettement négatives.

Pourquoi c’est un problème

Evidemment, il y a d’innombrables exemples. Chaque profession à les siens, chaque entreprise a usé certains mots et d’autres moins. Dans certaines, vous ne pouvez plus employer le mot AMBITION, dans d’autres, sa simple évocation est un soulagement. Ce n’est ni bien ni mal, c’est l’histoire des organisations qui a besoin de se raconter. Il est logique que des moments-clés fassent émerger des mots (le changement commence par là) puis que le temps les rende obsolètes.

Vous pouvez perdre toute crédibilité parce que vous avez employé des mots usés, des phrases « Corporate » répétées avec la régularité du métronome

Mais au quotidien, pour le manager, cette usure est gênante parce qu’elle nuit fortement à sa communication. En effet, lorsque vous employez un mot usé, votre public n’écoute plus ce que vous dites car l’attention dévie sur le mot lui-même :
Soit parce qu’il en connait le sens d’usage dans l’organisation et se dispense donc d’écouter avec précision.
Soit parce qu’il se dit qu’il a entendu ça 1000 fois et abandonne immédiatement toute écoute.

Bref, vous pouvez perdre toute crédibilité parce que vous avez employé des mots usés, des phrases « Corporate » répétées avec la régularité du métronome. « LA SÉCURITÉ EST L’AFFAIRE DE TOUS » est une de ces expressions qui décrédibilisent le discours.

Les actions simples

Les remèdes anti-mots usés sont simples mais demandent de l’attention… Il suffit de les identifier et de les éviter.

Pour vous aider, vous pouvez vous fixer quelques règles :

Parlez simplement et en Français
D’abord parce que les anglicismes s’usent très vite. Par exemple, RÉUNION s’use moins que MEETING.
Plus largement, préférez les expressions communes aux expressions très marquées Business. Préférez par exemple SE METTRE D’ACCORD à CONVERGER. Si votre mot a le même sens partout et qu’il est utilisé fréquemment dans la rue, il est plus solide que s’il est spécifique à un univers.

Changez de champs lexical
Les entreprises et les secteurs développent leurs propres champs lexicaux. Pour surprendre votre interlocuteur et éveiller l’attention, vous pouvez en sortir.
Piochez dans le vocabulaire de l’industrie quand vous êtes dans la distribution et vice versa. Par exemple la notion de QUALITÉ est usée jusqu’à la corde dans l’industrie mais n’a pas dit son dernier mot dans les services.
Vous pouvez aller plus loin en piochant dans le sport, dans l’art, dans la politique. Mais attention, le rugby  par exemple a des références elles-mêmes très convenues.

Ce que ça va changer de plus profond
On peut avoir le sentiment de faire de la cuisine en choisissant ses mots mais souvenez-vous des points suivants :

  • D’abord, un orateur a la responsabilité de se faire comprendre et de maintenir l’attention. Il doit avoir conscience des doubles sens de ce qu’il dit, ou de l’absence de sens.
  • Ensuite, en cherchant vos mots, vous devez vous imaginer votre interlocuteur et vous intéresser à lui. Il est probable qu’en plus d’être mieux compris, vous soyez plus intéressant sur le fond.
  • Enfin, et surtout, en changeant de mots vous changerez peut-être des éléments plus profonds. Parce que derrière des mots nouveaux, vous trouverez certainement de nouvelles actions… 

Manager, ce n’est pas forcément résoudre

Magistrale prise de parole de Barak Obama après la terrible tuerie raciste de Charleston !
Jetez vous sur Youtube au moins pour regarder la fin de son discours https://www.youtube.com/watch?v=WmRAxJIa0u8 voire le discours entier https://www.youtube.com/watch?v=RK7tYOVd0Hs.

Obama est un grand orateur, d’accord. Il nous rappelle en particulier que gouverner ce n’est pas forcément donner une solution technique surtout quand le problème est si complexe. Gouverner c’est inspirer, faire réfléchir, unir et élever le débat.
 
Dans notre management quotidien, idem. Nous ne pouvons pas diriger en étant toujours concret, opérationnel et terre à terre. Il faut régulièrement rappeler le sens de ce qui nous réunit. Rappeler ces raisons supérieures qui font que nous faisons partie non pas seulement d’une organisation tournée vers un objectif de résultat mais d’une communauté unie par une vision.

Pour la raviver, rien ne vaut la grâce d’une prise de risque personnel (ici un chant a cappella) ou d’une parole purement émotionnelle.

Manager c’est souvent faire réfléchir, et pour faire réfléchir, il y a 1000 méthodes. Et dieu merci, inutile d’avoir le niveau de prise de parole d’Obama pour fédérer et unir.

La sincérité suffit souvent.

Manager les basiques, un casse-tête pour les progressistes

Pour ceux qui, comme nous, prônent un management nouveau où l’humain est impliqué et responsable en tout, le management des basiques est un problème. Les règles élémentaires de sécurité, la tenue de travail, le bonjour, le sourire, autant d’éléments vitaux de la vie des entreprises où les marges de manœuvre et donc d’appropriation sont inexistantes. Peut-on être participatif pour faire mieux respecter ce qui est présenté comme obligatoire ?

 

Les basiques, un compromis permanent

Même pour les plus ouverts des managers, difficile de de se résoudre à ouvrir le jeu sur les basiques :

  • Le sourire pour des équipes de vente.
  • Les règles de circulation, le port du casque ou des lunettes dans une usine.
  • Etc. 

Sur tous ces points et bien d’autres, le management est coincé dans une contradiction :

  • Ils sont obligatoires, il n’est même pas question de les discuter. D’ailleurs, ils sont souvent dans le contrat de travail.
  • D’un autre côté, il est possible de sanctionner mais difficile de licencier quelqu’un pour « non port de la casquette », même répété. 

Bref, on reste dans une zone grise qui fait penser au compromis américain sur l’alcool dans la rue : c’est interdit mais comme on ne va pas s’épuiser à verbaliser à tour de bras, on accepte de fermer les yeux quand la bouteille est pudiquement cachée dans un sac papier. En management pareil.

Les basiques, ces priorités non managées

Les solutions managériales pour la gestion des basiques ne sont que des pansements sur des jambes de bois :

  •  La co-construction bidon : alors que l’on n’est pas disposé à négocier, on annonce malgré tout que l’on va faire ensemble. Alors on fait réfléchir à la couleur de la tenue (sauf qu’elle doit respecter l’identité graphique de l’entreprise), on demande comment réussir le bonjour… La co-construction sur des détails ne traite rien, c’est une manipulation dont les équipes ne sont pas dupes.
  • La menace fantôme : on promet des sanctions exemplaires à la moindre incartade. Sauf qu’après les discours martiaux, il n’y a généralement pas de sanctions parce qu’elles sont trop coûteuses socialement. Evidemment celui qui insulte le client est sanctionné (et encore…) mais dans la plupart des cas, la tolérance 0 est une posture, qui elle aussi ne dupe pas bien longtemps. 
  • La communication miraculeuse : on se replie alors sur l’affichage : « La sécurité commence ici » ; « La sécurité c’est l’affaire de tous » ; « Notre première priorité : sourire au client » etc, etc… Mais là, franchement, qui a été dans un magasin sait que jamais un collaborateur ne se dira, en voyant l’affiche : « Mon dieu, mais c’est bien sûr… J’allais oublier de sourire ». 
  • La formation bonne conscience : on en arrive alors à la solution de former : c’est consensuel… mais souvent inefficace ! En effet, la formation est adaptée pour développer une compétence. Mais le respect des basiques n’est jamais (sauf pour les nouveaux entrants) un problème de compétence : sourire ? Porter la tenue, les lunettes ? Respecter les sens de circulation ? On les transgresse parce qu’on est pressé, qu’on n’a pas envie, qu’on est en colère contre l’entreprise, etc… mais jamais ou presque parce qu’on ne sait pas faire.

Ces 4 « solutions » managériales sont mises en œuvre parce qu’elles permettent au manager de cocher la case (j’ai agi) et donc de dire (implicitement ou non) : « moi, j’ai fait mon job ».

Comment faire mieux ?

Inclure dans le projet d’entreprise

En se penchant sur le sujet, nous sommes d’abord arrivés à une conclusion simple : puisque les basiques, en eux-mêmes, ne permettent pas un management vertueux, il faut les inclure dans un projet d’entreprise qui donne du sens à l’ensemble et présenter les basiques comme un socle, la partie certes non enthousiasmante mais préalable à tout le reste. Donnant-donnant : respectez les basiques et nous pourrons arrêter de vous parler de ça pour travailler sur des sujets plus excitants pour tous (innovation, partenariat, etc.).

Sauf qu’il y a une limite à cette solution : proposer un deal de ce type supposerait que nous soyons prêts à ce que certains collaborateurs le refuse. « Cela ne m’intéresse pas de travailler sur le projet d’entreprise, donc ne m’embêtez pas avec vos basiques. Je viens faire mon boulot, un point c’est tout. ».

Aucun manager n’est prêt à entendre ça.

  

Et si on prenait le problème à l’envers ?

La situation semble coincée car le caractère obligatoire des basiques est ingérable, que ce soit pour faire du participatif ou que ce soit pour faire respecter l’interdit.

En tant que joueurs de Go, nous n’aimons pas ces situations fermées où les 2 chemins semblent voués à nous ramener à la case départ. Alors, il faut chercher à regarder l’affaire sous un nouvel angle, comme le détective qui reprend tout le dossier pour le regarder sous un oeil neuf…

Et si nous arrêtions de manager les basiques comme des obligations ?

  • Cela permettrait de ne pas exiger un niveau (obligatoire) mais de chercher et valoriser un progrès : encourager, féliciter. Pour le port de la casquette en usine ou le « bonjour » au client, cela sera probablement plus efficace pour donner envie aux récalcitrants.
  • Cela permettrait d’être plus ouverts et à l’écoute de ceux qui ne sont pas exemplaires. En étant moins dans le jugement et plus dans le traitement des objections.
  • Éviter la dissimulation de vos équipes (pour acheter la paix) et obtenir plus de transparence et de confiance de votre équipe.

Idéal ou non, cette solution a au moins le mérite de générer des progrès. 

Pour ceux qui imaginent que ce serait la porte ouverte aux écarts et un aveu de faiblesse, vous avez le choix :

  • Manager le rêve comme si c’était la réalité, et donner toutes les apparences d’une équipe qui n’a rien à se reprocher.
  • Avoir l’efficacité en ligne de mire et prendre le sujet là où il est, pour l’emmener un peu plus loin.
ALBUS CONSEIL