Auteur/autrice : charlie

Voeux 2021 : après la tempête

Difficile d’échanger des vœux après une année aussi inattendue et difficile que 2020… Nous nous sommes tout de même risqués à l’exercice en essayant de nous demander comment aborder cette année de la façon la plus sereine et intelligente possible, pour vous managers mais surtout pour vos équipes, vos entreprises et plus largement pour notre société.

2020 était une année de tempête : la violence, la rapidité et le caractère inédit de cette crise, nous ont poussé à y répondre avec les moyens du bord, et donc souvent avec précipitation. Et même si 2021 n’offrira a priori pas un contraste saisissant avec cette année 2020, il y a de fortes chances que l’inédit laisse place à une sensation de déjà-vu et que le calme revienne lentement mais sûrement. 2021 sera-t-elle donc l’année des grandes décisions ? Celles que l’on prend avec plus de recul, d’expérience, de réflexion ?

C’est ce dont nous allons discuter dans ce podcast, pour tenter de vous souhaiter une année de sereine et pragmatique reconstruction, sortis du mode tempête.

* Pour aller plus loin *

// Les extraits //

Arnaud Tsamere et François Rollin : Allocution des voeux d’un Président de la République 

Here Comes The Sun – The Beatles

Au micro : Camille Riou, Patrick Bois et Jérôme Tougne
A la réalisation : Laëtitia Peyre

Quand on fait un PSE, on perd les meilleurs, et c’est mieux pour tout le monde

Souvent quand un patron prépare un PSE (Plan de Sauvegarde de l’Emploi), il me demande : comment garder les meilleurs (et donc faire partir les moins bons) ? En cette période où les PSE risquent de se multiplier malheureusement, je veux répondre clairement et publiquement : vous allez perdre les meilleurs, et c’est très bien comme ça, et même pour vous. Vous voulez savoir pourquoi ? Lisez cet article.

 

Vous n’aurez pas le beurre et l’argent du beurre

Un PSE est parfois nécessaire, COVID ou non. C’est un moment de la vie des entreprises, ne le diabolisons pas. Bien fait, il permet de préserver une activité pour un collectif et accompagne ceux qui partent jusqu’à ce qu’ils retrouvent un emploi. Bien fait, il porte parfaitement son nom. Il sauvegarde l’emploi.

Mais un PSE c’est quand même un moment où l’entreprise va se séparer de collaborateurs pour se réorganiser et adapter sa production à ses besoins d’avenir. Des collaborateurs vont partir, et vous y gagnerez des marges de manoeuvre pour travailler autrement. Alors il faut assumer. Parce que si vous êtes sincèrement préoccupés par les enjeux de reclassement, par l’avenir individuel des collaborateurs, alors ce sont les meilleurs qui vont vous quitter. Ceux qui sont les plus demandés sur le marché du travail vont trouver un autre projet où exercer leurs talents. Si vous voulez les garder, ne faites pas de PSE.

Ceux que l’on considère comme talents, le sont pour beaucoup d’autres. Et d’ailleurs, ils sont conscients de leurs possibilités sur le marché de l’emploi et vont immanquablement plus regarder ailleurs que ceux qui se sentent en danger, qui vont avoir tendance à serrer les fesses pour ne pas faire partie du plan.

Bref, il est logique que dans un PSE, les meilleurs partent :

  • Parce qu’ils sont les plus facilement reclassables.
  • Parce qu’ils seront les plus enclins à regarder ailleurs.

Autrement dit, vous n’aurez pas le beurre et l’argent du beurre. 

 

En plus souhaiter garder les bons, c’est vouloir se séparer des plus fragiles.

En voulant garder les meilleurs vous poussez mécaniquement ceux qui sont plus fragiles dehors. Vous vous donnerez bonne conscience avec vos mesures chères et spectaculaires, mais franchement, si vous êtes humanistes comme vous le dites, plutôt que de dépenser des fortunes pour compenser le fait d’avoir viré les faibles, gardez-les.

Clairement c’est cette attitude très répandue qui rend certains PSE totalement détestables. On cherche à multiplier les catégories professionnelles par exemple, pour cibler au maximum celui dont on ne veut plus, pendant que les élus veulent les agrandir pour protéger les plus faibles. C’est eux qui ont raison. Bien sûr, les catégories ne sont pas à proscrire mais acceptez qu’elles soient plutôt larges. Que vous sépariez les comptables des techniciens d’accord, mais trouver toutes les subtilités à l’intérieur de vos techniciens pour pouvoir enlever pile celui qui n’en peut plus, non.

 

Vous aussi, vous avez tout à gagner à perdre les meilleurs

Je le comprends le raisonnement de prime abord : comment vais-je garder mon niveau de performance si, en plus de réduire les effectifs, je perds les meilleurs éléments ? Logique.

Mais c’est en fait un mauvais calcul pour 3 raisons :

  • Ça va tendre les relations sociales puisque c’est le point d’attention majeur de la plupart des élus (à juste titre selon moi).
  • Ça va renvoyer de vous une image très utilitariste, et casser durablement la confiance. Vous êtes celui qui tire sur les ambulances.
  • Enfin ça montre que la transformation va rebattre les cartes et qu’elle est l’occasion pour ceux qui étaient à la peine de se relancer

Aussi, je vous encourage vivement à faire votre PSE sans chercher à garder ceux que vous estimez être les bons.

Votre réorganisation doit être motivée par le passage d’une époque à une autre. Vos efforts ne doivent pas être orientés vers le passé (comment je garde ceux qui ont réussi jusque là ?) mais vers l’avenir (comment je crée les meilleures conditions pour réussir demain ?).

Cet effort, nécessaire pour le projet globalement, vous conduira également à revoir votre jugement sur vos équipes. Ou plutôt, il vous conduira à éteindre le jugement pendant cette période : puisque beaucoup de choses vont changer, il vous faudra accepter que les gens aient des moments de doute, voire de colère, mais aussi qu’après la tourmente de nouveaux héros émergeront. Parfois les mêmes, souvent des nouveaux.

Concrètement, le discours forcément pessimiste du PSE (il faut justifier d’une difficulté actuelle ou à venir pour que les autorités valident votre plan) va être doublé d’un projet optimiste sur les Hommes, collectivement et surtout individuellement. En montrant à ceux qui sont en difficulté que vous comptez sur eux et que vous ne cherchez pas à vous en débarrasser, vous aurez énormément de bonnes surprises. Ces bonnes surprises seront plus nombreuses encore avec le départ de plusieurs de vos « stars » : ils libèreront des places importantes, mais surtout, ils libéreront de la lumière, du temps de parole, de la reconnaissance. Ne raisonnez donc pas de manière statique alors que tout change. 

Le beau PSE est donc possible à partir du moment où il n’est pas cynique, où il comprend que la sauvegarde de l’emploi n’est pas une vaine expression.

Bien sûr, les élus ne vont pas vous tomber dans les bras. Mais si vous êtes honnêtes dans votre démarche et que vous demandez à vos conseils de travailler dans cet esprit, vous verrez qu’ils seront moins agressifs.

Si les PSE sont si delétaires, ce n’est pas génétiquement lié à leur objet. C’est parce qu’on fait des PSE cyniques qui disent l’élitisme dont vous faites preuve, qui montrent clairement les chouchous et cantonnent ceux que vous considérez comme cancres dans une position de parias.

Un PSE c’est une nouvelle étape de vie pour l’organisation. Il est le début d’une aventure différente dont les héros seront différents de ceux des aventures précédentes. Les anciens héros vogueront souvent ailleurs vers d’autres horizons, et vous trouverez chez vous les talents cachés jusque là dans l’ombre de ceux qui étaient vus comme des stars.

Alors assumez de faire un PSE, n’ayez pas peur. Et faites le bien.

 

Mobiliser dans un PSE

Une fois n’est pas coutume, je vous propose 7 nouvelles règles à respecter pour que les PSE soient positifs :   

  1. Ne pas avoir peur du conflit dans un PSE. Ils sont souvent durs parce qu’ils sont souvent cyniques.
  2. Parlez ouvertement de la transformation comme d’un changement d’époque et assumez que les cartes seront rebattues.
  3. Misez sur la maturité des équipes et leur capacité à comprendre plutôt que de tout cacher et de vous réfugier derrière un dossier béton.
  4. Acceptez d’emblée que de très bons éléments profiteront du plan, et tant mieux.
  5. Donnez le défi à vos managers de dénicher de nouveaux talents chez ceux auxquels on ne croyait plus.
  6. Demandez à vos conseils de modérer leurs ardeurs pour les catégories ou autres : on ne veut pas garder les forts à tous prix nous.
  7. Rédigez un projet qui s’appuie sur ceux qui restent, sur ceux qui peinent et faites leur confiance. Parce qu’il ne veulent pas partir eux. Ils n’ont rien demandé.
     

 

Manager les seniors

Ce mois-ci, on parle du management des seniors : vaste sujet.
Dans les organisations, il peut exister une appréhension liée au management des seniors nourrie par plusieurs préjugés : leurs compétences semblent moins adaptées au monde actuel, ils auraient une certaine aigreur, ils camperaient sur leurs acquis, nostalgiques du temps passé… bref, pas simple pour la dynamique de l’équipe !
Mais est-ce vraiment le cas ? Parce que oui, bien que ces préjugés – qu’on se passera bien de généraliser – aient probablement un fond de vérité, cela n’empêche pas les seniors de se révéler précieux pour votre équipe. A condition de les manager !
 
Alors comment passer au delà des préjugés pour en faire des atouts dans vos équipes ? On essaye d’y répondre dans cet épisode !

* Pour aller plus loin *

// A lire //

Senior, les HiPo les moins bien exploités

// A voir //

La série Borgen, disponible sur Netflix

// Les extraits //

Catherine et Liliane
Jean Le Cam
Bande-annonce de Space Cowboys 
Brassens, « Quand on est con, on est con »

Au micro : Camille Riou et Patrick Bois
A la réalisation : Mathieu Driot

« Salomon, vous êtes juif ? » Manageons-nous comme de Funès ? Ou comme Trump d’ailleurs ?

Il est rigolo de Funès. Mais moi j’ai l’impression d’en voir tous les jours des managers qui ignorent complètement leurs propres défauts, et qui ne s’intéressent qu’en superficie à leurs employés. Et vous ?

 

Les intentions oui. Mais les actes ?

La période est à l’hyper marketing de soi-même. Réseaux sociaux bien sûr, mais aussi recherche d’approbation collective, de réputation. On cherche à être un meilleur manager en soignant sa comm. Et du coup, nous qui regardons les managers de l’extérieur comme le spectateur devant son film, sommes témoins des grandes déclarations de chacun. Combien j’ai rencontré de « managers à l’écoute », « qui laissent leur porte ouverte », « qui donnent le droit à l’erreur », « qui laissent des libertés tant que le résultat est atteint », « qui respectent les différences, n’excluent pas », « qui aiment leur boîte et leurs collègues » ? Bref, en écoutant les managers parlant d’eux-mêmes, les intentions sont nobles, mais entravées par quelques fous furieux, qui nécessitent qu’ils prennent des actions contraires à leur volonté, mais que voulez-vous « on n’a pas le choix »…

Ou bien sommes-nous tous un peu comme De Funès dans Rabbi Jacob ?  Sûrs de notre bon droit et ignorant totalement nos tares, parce qu’enrobés dans un magma trop épais de bonnes intentions ? Sommes-nous en train de nous convaincre nous-mêmes de notre vertu en considérant nos valeurs, mais en mettant de côté nos actes ?

Vous l’avez compris, je crois malheureusement que nous manquons de lucidité sur nous-mêmes : comme de Funès, il me semble que les dérapages sont fréquents, sur des sujets variés :

  • Les humanistes convaincus ont vite fait de virer le faible et de choyer le fort pour préserver leurs résultats, leur carrière, le fonctionnement de leur équipe.
  • Les décentralisateurs revendiqués imposent très souvent leur loi, même après décision publique et argumentée de leurs collaborateurs.
  • Les apôtres du sens plutôt que de l’appât du gain sont souvent assez complaisants avec les primes et bonus quand ils sont concernés.
  • Les gentils avocats de la diversité acceptent-ils toujours les peu rigoureux (mais créatifs), les râleurs expérimentés, les femmes très émotives ? Sont-ils étrangers à ces clichés ?

Je crois que nous, humains, avons un art de justifier nos propres actions, de les voir avec un regard complaisant, quitte à être parfois totalement ignorants de nous-mêmes. Louis de Funès a fait de cet art un chef d’œuvre pour notre bonheur… Trump en a fait une politique, mais ça me fait moins rire.

 

Dieu merci, on a des coupables !

La solution pour que notre cerveau se sorte de ce douloureux écart entre nos actes et la perception qu’on en a, c’est souvent les coupables :

  • De Funes a les Juifs, les Belges, les Allemands ou les Suisses, en tous cas dans ce film.
  • Trump a les Mexicains, le New York Times, les Allemands également, les Chinois.

Nous dans nos entreprises, on a les Chinois aussi, Amazon souvent, nos politiques, et puis évidemment, le collègue, l’autre service, le chef, le covid, le système, la pluie.

Le coupable est la solution pour maintenir l’illusion psychologique. Et en particulier ce coupable spectral qu’est le système et qui justifie tout : « je n’ai pas pu faire autrement » « Si je ne le faisais pas, un autre l’aurait fait ».

En occident, cette recherche de responsable et de coupable pour tout montre que le syndrome Victor Pivert est élevé au rang des institutions, judiciaires notamment, à la demande d’une population qui n’arrive pas à accepter qu’elle est aussi coupable de ses actes, et pas seulement victime.

Petit exemple canonique du moment avec Amazon vu comme le méchant à tous les coups, en oubliant que le géant américain ne vend rien sans que quelqu’un ne l’achète. Ce n’est pas eux qui tuent le petit commerce. C’est le consommateur qui choisit la facilité plutôt que ses valeurs…

Les juifs ont bien-sûr été, et de façon autrement plus dramatique, des coupables pour ce que d’autres refusaient d’assumer.

 

En management, sachez écorner votre légende pour réconcilier vos valeurs avec la réalité

« Quand la légende est plus belle que la réalité, on imprime la légende ». Voilà ce que disait John Ford dans le magnifique « L’Homme qui tua Liberty Valance », qui marque la fin de l’utopie américaine au cinéma, en 1962…. Plus de 50 ans plus tard, Trump a montré la légende dans laquelle la réalité est totalement absente.

Ne nous laissons pas bercer par l’histoire qu’on se raconte de nous-mêmes. Le management est une mission humble. On ne peut pas être aimés à tous les coups, on ne peut pas plaire à tous, on ne peut pas réussir tout le temps.

La légende, c’est l’histoire que l’on se raconte pour justifier ses choix d’un instant. Et on y arrive toujours. Je m’amuse souvent des récits de bistrot où 2 personnes se racontent leur courage avec leur chef, la punch line qu’ils ont trouvée et balancée pile au bon moment. Au bistrot c’est marrant, mais dans la vraie vie, pas souvent de punch line, et bien plus de colère, de lâcheté ou de silence. Nos choix de vie, de managers, ont des qualités et des défauts. On se trompe quand on est en colère ou fatigué. On se trompe souvent quand on manage.

Je me targue par exemple d’avoir peu de posture, et un management très direct. En quelques secondes, cela peut devenir une légende, celle de l’honnêteté et du courage. Mais la réalité c’est que c’est aussi parfois blessant ou peu constructif. N’imprimons pas la légende pour nous, et ne l’imprimons pas pour les autres. Je me méfie des commentaires trop hagiographiques. Un tel est un génie (sauf pour de Funes ;-)), une telle est si intelligente, si juste, si pondérée, si charismatique. L’admiration a sa place dans les liens managériaux, elle rend les relations profondes et durables. Mais l’admiration doit être teinté de critiques, d’angle.

Les personnages de De Funès et Trump nous donnent le contre mode d’emploi pour éviter leur syndrome : 

  • Refuser les coupables faciles
  • Faire des contestations des opportunités de réfléchir et progresser
  • Admettre que plaire n’est pas un objectif
     

De Funès ne fait que nous imiter, ne l’oublions pas.

Optimisme et pessimisme : mode d’emploi

L’optimisme et le pessimisme : deux énergies, deux ambiances . En entreprise, comme ailleurs, on les oppose très souvent et l’une serait manifestement préférable à l’autre. Pourtant est-ce le cas ? Pas si sûr.
Parce que oui, les deux ont leur utilité ! L’optimisme rend les projets séduisants et génère l’enthousiasme tandis que le pessimisme permet de les rendre plus robustes.
Alors au lieu de chercher à faire gagner l’une sur l’autre, on vous invite à réfléchir à comment utiliser intelligemment ces deux énergies dans vos équipes !

Et vous le pressentez… cela peut vite devenir un vrai casse-tête managérial : « Comment parvenir à faire co-exister ces deux énergies dans mon équipe ? », « Quelles doses d’optimisme ou de pessimisme dois-je mettre, et à quel moment ? », « Comment faire en sorte que les uns puissent être entendus par les autres ? ».
Tout n’est pas qu’une question de « savants mélanges » en recherche d’une moyenne un peu molle entre optimisme et pessimisme.
Aujourd’hui, on vous livre notre mode d’emploi… défi managérial garanti !

 

* Pour aller plus loin *

// A lire //

Le moment des projets positifs
Heureusement qu’il y a des contradictions
Optimisme, caricature ou art de vivre ?

// A voir //

La série Borgen, disponible sur Netflix

// Les extraits //

Astérix et Obélix, Mission Cléopâtre
Nicolas Hulot chez C à vous
Message à caractère informatif, « un excellent produit »

Au micro : Camille Riou et Patrick Bois

A la réalisation : Mathieu Driot

Et si la crise nous offrait l’occasion de nous échapper du conformisme ?

Comme vous l’avez tous remarqué, le « monde d’après » n’existe pas. Les idéaux n’ont pas spécialement avancé pendant la crise et le monde n’est ni moins bon, ni meilleur qu’avant. Une crise pour rien alors ? Pas vraiment, car les indicateurs ayant tous explosés, il y a une place nouvelle pour les projets singuliers. Et si vous profitiez du monde d’aujourd’hui pour faire un projet qui vous ressemble ?

 

Nous sommes passés d’une course en ligne à une course d’orientation

Comme souvent dans les crises, ce qui se passe n’est jamais ce que les oracles économico-influenceurs avaient prévu. Les chiffres sont tous faux, les projections caduques, les prédictions à l’ouest. Pour autant, la crise a quand même rebattu les cartes et cela crée non seulement des opportunités business, mais aussi des opportunités managériales.

Avant la crise, bien que nous parlions du monde VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity and Ambiguity), la réalité était tout autre. Sur un même marché, les entreprises avaient la même info, suivaient les mêmes indicateurs et étaient conseillées par les mêmes personnes. Donc, les projets des concurrents étaient du pur copier-coller : digitalisation, priorité à la croissance chinoise, économie de moyens en Europe et aux US, l’agilité en intraveineuse.

Aujourd’hui, tout a changé. La crise a eu un effet centrifuge qui a projeté les entreprises d’un même marché dans des situations opposées. Hormis les grands perdants (aéronautique, événementiel, culture) et les grands gagnants (GMS, alimentaire, santé), les donnes sont bien plus diverses qu’auparavant : PSA et Renault, L’Oréal et Coty, etc. Bien sûr, certaines tendances dataient d’avant la crise mais l’écart s’est creusé incroyablement.

Et on le voit que les solutions divergent également : entre ceux qui rentrent dans une logique detox, PSE ou rigueur, qui ne sont finalement pas tout le monde ; ceux qui investissent sur un marché où les bonnes affaires sont légions ; ceux qui maintiennent le cap fixé et ceux qui changent tout.

 

En management aussi, il y a de nouveaux espaces

Ce n’est peut-être pas flagrant partout, mais ce qui est vrai pour les affaires se retrouve pour le management. Le budget 2020 est un lointain souvenir, celui de 2021 ressemblent plus à des scénarii qu’à un objectif clair. Les indicateurs sont perdus et les grandes démarches Corporate ont desserré leurs étaux provisoirement.

C’est vrai pour 2020, ça le sera en 2021 et peut-être même en 2022. Vous avez donc une fenêtre de tir idéale pour faire, enfin, un projet singulier, plus intuitif ou plus personnel, un projet qui ne doit pas (autant que d’habitude) cocher les cases. Profitez-en !

Nous le voyons chez nos clients : ils font ce qu’ils n’auraient pas imaginé faire il y a un an. Certains réinventent leurs relations sociales dans de grands groupes très frileux sur ces sujets, certains échangent avec des concurrents alors que cette pratique était taboue il y a peu, d’autres changent leurs programmes d’incentives ou de formation auparavant bridés par le Corporate. Un vent de fraîcheur et de liberté souffle sur certains managers et c’est un plaisir à voir.

 

Le risque : passer à côté d’une occasion unique

Nous sommes depuis tellement longtemps dans une prison des outils et des systèmes que nous respectons des barrières qui sont (momentanément) disparues.

Essayez, pour voir ! Lancez une idée iconoclaste sur la communication et regardez si la communication interne, la police de la pensée, intervient. Lancez une initiative avec votre concurrent sur la RSE et voyons ce qui se passe… Tentez votre chance tant que les systèmes sont désorientés, vous verrez que des espaces existent pour faire ce qui était impossible hier.

Vos équipes, vos collègues, vous-même, ne se souviendront pas du manager qui a déployé l’Agilité et le Pilotage de la performance selon les prescrits de leurs entreprises. C’est aussi pour laisser une trace, un impact positif et singulier que cette période est une opportunité à saisir !

Soyons fiers d’être mal à l’aise

De toutes les émotions qui traversent les individus en entreprise, il en est une qui est peu visible, tenace et qui provoque des conséquences particulièrement néfastes quand elle n’est pas traitée, c’est le malaise.

Or levons le doute tout de suite : ce n’est pas le malaise qui pose un problème en soi, car c’est un révélateur sain de nos désaccords, mais bien son traitement. On est mal à l’aise d’exprimer son malaise ! Et les conséquences en management sont dramatiques : messes basses et formation de clans, résignation et désengagement, réveil tardif alors que le projet est déjà engagé.

 

C’est l’émotion des lents

Et oui c’est une émotion noble. C’est une intuition de recul, une rebuffade qui me souffle que je ne suis pas totalement d’accord avec ce que j’entends. Quelque chose en nous veut faire une pause, mais ne sait pas vraiment pourquoi. D’aussi grandes et belles décisions peuvent venir d’un malaise bien décortiqué que d’une colère fortement exprimée. Le malaise a juste un tempo plus lent.

Et c’est une émotion normale en entreprise, haut lieu de changement de directions d’origines peu claires, de présentations bien ficelées sur lesquelles on nous demande de nous faire un avis en 5 minutes, de personnalités convaincues qui parlent vite et fort. Et alors comme une dernière défense, notre malaise se dresse : on ne sait pas encore quoi dire contre, mais on a besoin de vérifier un truc, de se poser tout seul pour voir la big picture.

On peut reprocher très justement au malaise la facilité avec laquelle il nous laisse dans l’inaction. Facile à cacher, pas toujours insupportable, on sait que dans quelques heures on n’y pensera plus.

C’est un piège. Les malaises reviennent toujours.

 

Assumons d’être des emmerdeurs

On ne dit rien d’habitude pour l’excellente raison que ce n’est « que » un malaise. Et face à un argumentaire serré, une présentation bien préparée, on a l’impression de ne pas être à la hauteur du débat en parlant d’une sensation aussi vague. On se sent quand même moyennement armé dans nos arguments, avec la peur de passer pour un emmerdeur ou de rester les bras ballants quand on nous demandera notre proposition.

Mais on n’a pas encore de proposition et c’est ok ! Non je ne réfléchis pas à la vitesse de la lumière, non je n’ai pas tous les éléments en tête, j’ai besoin de temps pour m’approprier les choses et je veux pouvoir réfléchir à tête reposée.

 

Mais en ravalant son malaise, on fabrique des projets bancals et des équipes résignées

La première chose qu’il se passe quand on ne dit rien de son malaise c’est que la réunion va conclure sur une proposition plutôt logique et qui a l’air de convenir à tout le monde.

Dans le meilleur des cas la proposition validée fonctionne, mais on se sera forcément un peu désengagé. Dommage.

Dans le pire des cas le malaise s’enkyste, soit qu’on rumine seul dans son coin, soit qu’on rassemble un groupe silencieux de gens d’accord avec nous. A la longue les comportements se tordent, créant des non-dits, du passif, des clans, des décalages de perception…

C’est l’enfer pour tout le monde.

 

Alors allez chercher le malaise !

En entreprise il y a 1000 occasions de malaise : quand on débute sur un poste, quand on n’a pas tout compris de ce qu’on attend de nous, quand on s’entend mal avec un collègue, quand on doit faire un feed-back difficile, quand on nous annonce un plan stratégique…

Si vous gérez des équipes, ne vous contentez pas de réunions silencieuses. Posez simplement une question : « est-ce qu’il y en a qui sont mal à l’aise avec ça, même sans savoir pourquoi ou sans avoir une contre-proposition aboutie ? ».

Et parce qu’on ne voit pas toujours tout, discutez régulièrement en off avec chacun de vos collaborateurs, à la machine à café, autour d’un déjeuner…

Mener le combat pour la normalisation de l’expression du malaise vous permettra de réduire durablement les tensions et d’engager vraiment vos collaborateurs sur vos projets. Vous aurez peut-être de fausses alertes mais y gagnerez infiniment en relationnel.

Managers, « qui n’a pas sur lui une deuxième lame est indigne du titre d’assassin ! »

« – Attends… T’es en train de me dire que tu es à cours d’idées pour faire progresser tes équipes ?

– Oui, c’est exactement cela. Ils stagnent. Les entretiens annuels n’y changent rien. Ils me donnent l’impression de ne plus vouloir progresser.

– Bah écoute, aide-les à se forger une seconde lame !

– Une seconde lame ?

– Ils ne progressent plus sur leur poste ? Fais-les progresser autre part.

Tu peux t’inspirer d’Assassination Classroom, un animé disponible sur Netflix. C’est l’histoire d’une classe de 3e, au Japon, qui suit à la fois un cursus scolaire « classique » et un cursus pour devenir assassin. Les élèves sont avant tout motivés par l’assassinat et donc l’énergie qu’ils mettent à devenir meilleurs dans cette discipline est incroyable ! Or, le but de Koro-Sensei – leur professeur – est que ces derniers deviennent aussi de bons élèves, scolairement parlant.

L’astuce de Koro-Sensei est d’utiliser cette énergie pour les faire progresser sur les deux facettes à la fois. Deux lames forgées dans le même feu !

– Je comprends mais… je me contrefiche que mes collaborateurs deviennent de meilleurs assassins ! Je veux qu’ils soient de meilleurs élèves. Je ne vais pas perdre mon temps à les former sur un truc qui ne me sert pas.

– Ton but est de raviver le feu de la progression, d’où le fait de trouver une deuxième lame dans laquelle ils puiseront de l’intérêt. Le risque c’est que toute l’énergie passe dans « l’assassinat ». C’est donc à toi d’être malin pour qu’ils voient l’intérêt de progresser aussi sur leur poste, leur première lame.

– Et comment je fais ça ?

– Fais preuve d’imagination ! Par exemple, dans l’un des épisodes, Koro-Sensei encourage une des élèves – qui a des facilités en chimie mais des difficultés à s’exprimer à l’oral – à concocter un poison létal. Elle parvient à créer ce poison mais n’arrive pas à être assez persuasive pour que la cible l’ingurgite. Cela la motive à travailler son japonais afin d’être plus à l’aise à l’oral !

– C’est tout ?

– Pas vraiment, il y a une chose essentielle à avoir en tête : la seconde lame doit être forgée sur mesure. Par exemple, les examens que Koro-Sensei donne à chacun sont individuels : les questions sont plus dures dans les matières où l’élève a des facilités et plus faciles dans les autres. C’est une pédagogie qui s’adapte aux talents et à la personnalité de chacun. Une pédagogie qui cultive la singularité pour faire progresser.

– Donc pour débloquer mes collaborateurs, je dois leur trouver une « seconde lame » à chacun ?!

– Exactement ! C’est en voulant progresser sur cette seconde lame qu’ils verront la nécessité de progresser sur la première ! C’est un vrai défi managérial et Assassination Classroom fourmille d’idées pour parvenir à le surmonter !

– Et si ça ne fonctionne pas ?

– Et bah au moins tu te seras bien marré en regardant la série ! Oui parce que j’ai oublié de te dire… la cible que doivent assassiner les élèves… c’est leur professeur ! »

Ne faites plus semblant de faire confiance !

 

Beaucoup d’entreprises et de managers pensent faire confiance à leurs équipes, mais est-ce vraiment le cas ? Faire confiance c’est quoi ? Et bien c’est privilégier la confiance a priori et arrêter la confiance sous conditions : arrêter de demander des preuves et de contrôler de manière systématiqur et commencer à  donner des opportunités de succès à tous et pas qu’aux meilleurs.

Alors oui, vous aurez parfois l’impression de prendre des risques mais vous verrez que le jeu en vaut largement la chandelle : révéler des pépites parmi vos collaborateurs, créer des dynamiques d’équipe et pas uniquement des succès individuels…et tant d’autres sources de satisfaction qui font du rôle de manager une si belle aventure !
 

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil www.albus-conseil.com/fr/

Au micro : Camille Riou et Patrick Bois
A la réalisation : Mathieu Driot

Le courageux, le lâche et l’opportuniste

Dans l’enfer du management post confinement, le monde est sans pitié. les crieurs du monde d’après s’égosillent sur les réseaux sociaux, mais dans leurs entreprises et organisations, 3 managers tentent de survivre avec la réalité, aride et inhospitalière. Ils portent en bandoulière les mêmes objectifs, les mêmes techniques, mais au fond d’eux, des feux différents brûlent : ils s’appellent le courageux, le lâche et l’opportuniste…. 

Le lâche

Il porte des tenues soignées, est prompt à l’analyse globale. Il sait. Il a vu la crise s’accentuer, il en veut à ceux qui ont sur-réagi et à l’Etat qui a failli. Il est à la tête d’une équipe qui a souffert et souffre encore. Il va peut-être devoir lancer un PSE, mais il a la conscience tranquille, parce que la crise a balayé tous les efforts. Ils vont peut être mourir. Ils seraient peut-être mort de toutes façons, mais maintenant c’est ok, il ne se sentira plus responsable. Il sera une des victimes du COVID et de l’incompétence des autres. Presque un martyre.

L’opportuniste

Il est dynamique, ambitieux. Il aime sa boîte et il veut la faire avancer depuis des lustres. Il voit que les discours changent. Il voit que les annonces difficiles passent mieux, qu’on commence à s’habituer aux mauvaises nouvelles. Il voit qu’une de plus ne changera pas le monde. Il sent que le monde d’après est une lubie trop théorique pour tenir. Mais il sent aussi qu’il peut en profiter pour aller plus loin, accentuer son plan d’économie sans passer pour un salaud. Il sent que le COVID va l’aider à enfin casser le plafond de verre. Le héros c’est lui, il le sait, il le sent. Un héros Churchillien, qui promettra du sang et des larmes, même si dans son cas ce n’est pas totalement nécessaire.

Le courageux

Il le sait, il va falloir y aller maintenant. Il ne fait pas le fier. Il a un peu peur, même. La mauvaise nouvelle approche, elle est presque là. Il voit la vague s’abattre sur lui. Il sent la tension du monde et des partenaires. Il entend les loups tout proches, les excuses toutes faites, ces tentatrices qui proposent des justifications faciles et pas cher. Mais il a un doute, une intuition. C’est étrange de se dédouaner sur un président, un virus ou BFM TV. Ne doit-on pas prendre notre part de responsabilité ? Le courageux ne fait pas d’humanitaire. Il croit que l’on trouvera la sortie en se prenant en main. Il se dit que c’est le moment de lancer un projet de long terme. Pour le court terme, il assumera. Il est ok pour intégrer les enseignements de la crise à sa stratégie, mais pas plus. 

Premier combat

L’opportuniste est déjà parti, très vite. Il a déjà décidé de ne garder que la moitié des locaux après la fusion, et d’encourager le télétravail à fond. Ça a si bien marché ! Il décide vite lui, il est en avance, il a vu l’humanité prendre le virage et ne sera pas le dernier. Il sait que ceux qui attendent pour décider sont des peureux et que l’avenir appartient aux audacieux. Le lâche est son allié en ce moment, qui lui conseille d’accentuer la communication sur ce qui se passe à l’extérieur. Il connait une boite qui a déjà lancé sa restructuration sans que le terrain s’en offusque. C’est le moment ou jamais. Il veut aussi que les équipes se recentrent à fond sur le quotidien et les basiques ! Le temps n’est pas à la philosophie mais à l’action sèche et pragmatique. Ils se moquent du courageux, qui cherche à comprendre, qui questionne ses équipes. Des bons sentiments, des rêves mais peu d’action ! Le courageux lui, il s’étonne que l’on décide sur la base d’un confinement totalement hors du temps. Mais il a son idée, depuis longtemps, de gagner en efficacité en engageant les équipes. Il se dit qu’avec ce qu’on a vécu avec les gilets jaunes, c’est sûrement maintenant qu’il faut changer les rapports au travail ; avant que la crise n’accentue les fractures et que la société devienne franchement ingérable.

Grande bataille

Ils sont sur les routes, cheveux au vent. Le COVID est presque oublié, même si il repart de plus belle loin de chez nous… On travaille à la réalisation des projets. Le temps presse. Le lâche est contesté par la base, mais il ne fait qu’appliquer les ordres, que répondre aux injonctions du marché. Pensez-vous, la récession est énorme et généralisée ! Il ne peut pas faire autrement. On lui fait remarquer que le précédent plan était lié à la baisse du produit star, celle d’avant à la concurrence, mais jamais à notre stratégie. On lui dit, mais il a quitté la pièce. La crise demande d’aller vite, on réfléchira plus tard, on ne vit pas dans le passé. L’opportuniste est en plein dans son grand plan. Le terrain commence à le contester fortement, mais c’est la tragédie des leaders visionnaires, des incompris. Il sait qu’il est en train de sauver la boîte. Les clients se plaignent aussi, mais ça va passer. Et puis, si tout le monde se relevait les manches comme lui, on aurait de meilleurs résultats. Quant au courageux, il a pris du retard sur le papier. Son projet est un peu moqué par l’opportuniste, qui le trouve « fleur bleue » et déconnecté des réalités. Mais ce projet commence à être mieux compris des équipes, qui se disent qu’il y a de belles choses à faire, même si les prochains mois seront durs. Petit à petit, les élus commencent à suivre le mouvement. 

Duel final

Retrouvailles dans les tristes collines, des mois après le confinement. Fatigués, poussiéreux, les trois managers se retrouvent dans la fournaise. Gros plan sur les yeux, ils ont vaincu tous les 3. 3 projets, 3 succès. L’opportuniste a rétabli la rentabilité, le plus dur est passé. Le lâche aussi. Les climats sociaux sont durs, mais il fallait passer par là, impossible d’y échapper. Ils attendent leur prochains postes. L’opportuniste a des propositions pour mener des projets avec de gros plans sociaux. Quelques fermetures aussi. Le lâche est un peu déçu parce qu’on ne lui propose que des postes de Siège un peu vaseux. Mais c’est le système qui est comme ça et qui ne sait pas reconnaitre les talents. Le courageux n’a pas très envie de quitter son poste. Il veut aller au bout du projet.

Dans la société les contestations sont encore fortes : le cynisme des dirigeants reste pointé du doigt. L’opportuniste ne se sent pas concerné, le lâche non plus. Le courageux est toujours un peu inquiet, mais chez lui ça va. Les gens se parlent et se respectent.

ALBUS CONSEIL