Auteur/autrice : charlie

C’est le moment des projets positifs !

Comment maintenir le bel état d’esprit des équipes, qu’on a parfois vu lors du confinement, alors que le contexte qui l’a fait émerger n’est plus là ? Sûrement pas en prenant de bonnes résolutions…

 

Toutes les réflexions apparues depuis 3 mois autour du fameux « monde d’après » traduisent le même espoir :

Cet espoir, c’est celui d’enclencher enfin les changements sociétaux qu’on attend depuis des années…

Cet espoir est nourri par 3 phénomènes : 

  1. Le temps du confinement a fait monter le niveau de certaines grandes aspirations. En tant que citoyens : écologie et solidarité. En tant que managers : responsabilisation, coopération, retour à l’essentiel.
  2. Cette période nous a donné l’illusion que c’était facile, puisque ces aspirations n’entraient en contradiction avec aucun comportement quotidien… Il est quand même plus facile d’être écolo quand on est confiné, ou de faire confiance à son équipe quand on ne peut pas la contrôler.
  3. Et puis on se dit que 2 mois d’arrêt sur image, ça provoque peut-être des prises de conscience collectives ?
    Alors on espère, cette fois on y croit un peu !

 

Et du coup, on fait ce qu’il y a de pire en matière de changement comportemental : on prend des bonnes résolutions. 

C’est même le festival des bonnes résolutions, le 1er janvier puissance 10 ! Pour nous-mêmes, on veut conserver certaines nouvelles habitudes. Et en tant que manager, on se dit qu’il est crucial de faire durer tel ou tel super mode de fonctionnement, telle ou telle attitude admirable de l’équipe, apparus depuis 3 mois. Mais en oubliant que l’incroyable contexte qui a fait émergé ces magnifiques attitudes… n’est plus là. 

Alors comment maintenir ces belles attitudes, ces vertueuses habitudes, sans le contexte qui les a fait émerger ? Sûrement pas par la volonté, par une vigilance de tous les instants qui nous éviterait soi-disant de revenir en arrière.

Faire ça, ce serait se préparer à la déception, au jugement des autres et de soi-même, au découragement et à l’amertume… Le joli cocktail…

Alors comment faire pour éviter l’effet « bonnes résolutions » ?

 

Il y a deux moyens d’ancrer rapidement et collectivement des comportements nouveaux : l’adversité extraordinaire (ça, c’est fait) et un projet extraordinairement positif.

Il s’agit donc de passer de l’un à l’autre ! C’est sans doute le moment de lancer, dans votre entreprise, un nouveau projet extraordinairement positif. Un projet métier, qui parle au coeur de vos équipes. Un projet qui soit suffisamment précis dans ses intentions pour qu’on en voit la noblesse, et suffisamment peu ficelé dans ses modalités, pour embarquer tout le monde. Pour que tout le monde se demande : « en quoi je peux y contribuer ? ».

C’est aussi une manière de ne pas devenir conservateur d’une certaine période : pour conserver, il faut chercher à aller plus loin, sinon le soufflé ne peut pas tenir. Il s’agit donc d’enthousiasmer et surprendre, ce que nos peurs de l’inconnu nous déconseillent souvent. 

Pour autant, le lien entre ce projet et les exploits de la période qui s’achève doit être évident. Imaginez une communication du genre : « Vous avez été tellement malins, solidaires, engagés, que nous avons décidé de faire un projet qu’on n’aurait jamais fait sans Covid, qui est de réussir en 12 mois … , pour aller d’ici à là… ».

 

Il s’agit, en somme, de passer de l’inattendu négatif à l’inattendu positif… 

Cette histoire à écrire, elle doit proposer un rôle positif et valorisant à tous ceux qui le souhaitent. Elle permet de trouver un autre moyen de faire des gens de vos équipes les héros de l’histoire, d’une nouvelle histoire qui commence. 

Sur quel projet ? Vous n’en avez peut-être aucune idée, mais en vous y attelant vous en sortirez rapidement les prémisses : des bases qui parlent au coeur au moins autant qu’à la raison.

Tel Asterix, il faudra être malin et courageux, car ce chemin sera difficile. Parce que dans les entreprises, les crises ne génèrent pas toujours de la générosité. Et parce qu’il est possible que « l’adversité qui soude » laisse la place à « l’adversité qui divise » : les projets de cost killing ont toutes les chances d’apparaitre, avec leurs lots d’incertitudes, d’indicateurs, de contraintes supplémentaires en tous genres, de plans d’action… Bref tout ce qui fait traditionnellement fuir l’audace et l’enthousiasme. 

Ce chemin difficile, ce sera celui de la construction du projet, mais aussi celui de la mobilisation malgré la méfiance. Mais comme dans toute bonne histoire, ces difficultés seront le moteur de l’action et de la fierté des héros. 

Vos héros du Covid ont goutté à la possibilité quasi quotidienne de prouver leur valeur et leur attachement à leur entreprise. La question est maintenant de savoir comment vous allez leur proposer de continuer à le faire à l’avenir.

 

En juin 2020, vous êtes à un carrefour…

Vous pouvez choisir la voie de la volonté (de l’auto-contrôle, des résolutions culpabilisantes, des précautions), ou bien celle de l’envie, de l’enthousiasme, du projet positif qui créera un contexte favorable à l’apparition ou au renforcement de nouvelles habitudes.

Ayons la sagesse de croire que la puissance de l’envie dépassera toujours celle de la volonté. Il est temps de refaire des choses positives et ambitieuses !

Double expérience de subtilité

Allons en Inde ce mois-ci, et regardons 2 films. 1er interêt, on éloignera les clichés de la comédie musicale hyper longue et un peu kitch ; le cinéma indien produit de tout. Allons donc en Inde et regardons 2 merveilles de Ritesh Batra : The Lunchbox et Le Photographe.

2 histoires d’amour intimistes et originales, plongées dans la fourmilière de Mumbai. La première est une relation épistolaire à travers les boites de repars repas qui circulent chaque jour par centaine de milliers dans la ville. La seconde nous invite dans une rencontre entre 2 personnes de castes différentes. 

Au delà de l’incroyable beauté des 2 films, de leur douceur rare, et des comédiens fantastiques, ces films sont une leçon d’économie d’explication, de mots. Le réalisateur laisse le spectateur imaginer, inventer, réfléchir. Pour nous managers, il nous rappelle que considérer nos équipes, et les encadrer ce n’est pas expliquer tout, tout le temps. On en fait des tonnes avec le sens. C’est important, mais ce n’est pas toujours au manager de le donner.

Laissez le temps aux équipes pour réfléchir. Respecter l’intelligence ce n’est pas gaver. C’est proposer, laisser vivre.

Préparons-nous à ne rien préparer !

Quelques semaines se sont écoulées depuis le début du confinement, et la plupart des entreprises s’emploient désormais à « préparer la sortie ». C’est une tâche cruciale, mais souvent abordée avec la mauvaise méthode. Résultat, on se fabrique plein de nouveaux problèmes pour les mois à venir…

Préparer la sortie… cette mission semble excitante, car elle est à la fois fondamentale et prospective. Et elle pose des questions a priori passionnantes. Certaines des questions sont de nature tactique : Quels clients vont redémarrer en premier ? Quels seront leurs besoins prioritaires ? Comment s’organiser en conséquence ? Et puis d’autres sont plus stratégiques : Comment repenser notre business modèle pour qu’il soit moins vulnérable aux crises à venir ? Devra-t-on élargir ou au contraire réduire la largeur de notre gamme ? Être plus polyvalents ou plus spécialisés dans nos capacités de production ? Etc…

 

Bref, on s’y prend tous de la même manière pour préparer la sortie : on cherche des réponses à des questions qui concernent le futur…

Et c’est probablement une grave erreur… On ne sait pas ce qui va se passer ! C’est même LA donnée fondamentale du problème. La prospective, la proactivité, l’anticipation, tout ça fonctionne quand il y a des précédents, des courbes à prolonger, des facteurs bien identifiés, qu’on peut faire tourner dans un modèle, lui-même déjà éprouvé dans des conditions comparables.

Mais ici et maintenant, rien de tout ça ! Dans le contexte d’Avril ou de Mai 2020, anticiper, c’est jouer à Nostradamus ou à Paco Rabanne… Les prédictions d’experts, de consultants ou de managers pullulent actuellement sur les réseaux et dans les entreprises. Certaines de ces prédictions s’avèreront, et seront mises au crédit de la clairvoyance de leur prophète.

Mais combien de mauvaises décisions seront prises sur la base de toutes ces prédictions hasardeuses ?

 

Aujourd’hui, être clairvoyant, c’est assumer de ne faire qu’improviser !

Que ce soit sur les sujets tactiques (choix de reprise) ou sur les sujets stratégiques (choix d’avenir), il va falloir se préparer à improviser. Bien sûr, cela ne veut pas dire faire n’importe quoi sans réfléchir. Mais à première vue, c’est quand même faire le contraire de l’image qu’on a d’un grand manager… Vous savez, le stratège, celui qui pense loin, qui prépare, qui planifie ?

Improviser, effectivement, c’est agir sans trop réfléchir, et sans planifier. Et cette attitude non proactive, non volontariste, peut être très difficile à assumer : vous, en tant que manager, préférez être dans l’action ou la réaction ??

L’improvisateur, lui, est dans la réaction… Et du coup, il n’est jamais à l’abris de toutes sortes de « procès en improvisation »… Comme si s’adapter, tenir compte de ses erreurs, changer de doctrine, prendre en compte de nouvelles données, était le signe distinctif du non-professionnalisme.

 

Mais alors pourquoi c’est bien ?

Parce qu’improviser est la meilleure manière d’innover en contexte incertain. C’est baser ses décisions sur le présent. C’est être disponible au présent plutôt qu’accaparé par une tentative d’anticipation qui, en ce moment, n’est qu’illusoire. C’est apprendre à vivre avec l’incertitude et s’en nourrir, plutôt que de s’acharner à la réduire.

C’est une vraie présence, une présence joueuse, qui accepte et accueille tout ce qui advient, et qui permet d’utiliser pleinement le potentiel de la situation. Ceux qui gagneront seront ceux qui sauront écouter, s’adapter, et ajouter de la valeur ajoutée à leur offre, en fonction des données du moment.

C’est aussi privilégier une issue en admettant que je n’ai pas pleinement la main : Je préférerais que mon activité reparte fortement dès le mois de Mai, et que mes équipes soient mobilisées à fond pour cela, mais ça ne dépend pas uniquement de ma volonté… Si je force trop dans cette direction, de manière trop proactive ou volontariste, que va-t-il se passer ? Et bien je risque à la fois de braquer, et de passer pour un manager déconnecté de la réalité.

Alors je vais plutôt être attentif aux opportunités, sans forcer, et surtout sans plan préalable. Je vais faire au mieux avec ce qui est, avec qui on est, et avec ce dont on dispose.

 

Le paradoxe, c’est qu’improviser ne s’improvise pas !

Et ce qu’il faut justement préparer, ce qu’il faut faire émerger, c’est l’état d’esprit très particulier de l’improvisateur : jouer avec les contraintes, explorer dans des directions inattendues, s’appuyer sur ce que l’autre propose, tester des trucs et être Ok pour revenir en arrière, accepter les propositions (le fameux mode « oui et… » plutôt que « oui mais… »), ne jamais chercher à avoir raison, perdre avec force et grâce, renoncer avec panache à quelque tentative audacieuse mais inféconde, s’en amuser, faire briller les initiatives de ses collègues…

Cet état d’esprit, il aujourd’hui comme un muscle atrophié dans les entreprises. Vous allez mettre un peu de temps à le redévelopper… par le plaisir, la curiosité, et par le jeu. C’est donc le moment de jouer et faire jouer ! Trouvez avec vos équipes des sujets anodins pour commencer, et utilisez-les comme prétexte au jeu.

Mais cet état d’esprit, il s’évanouit littéralement en présence de deux émotions : la méfiance et le ressentiment. La première chose à faire pour rendre l’improvisation possible, c’est donc sans doute de solder des historiques relationnels dans les équipes. Ces points de blocages potentiels doivent être abordés dès maintenant, avant la fin du confinement. Cela doit être fait à l’initiative des managers, s’ils ne veulent pas que tout ça leur pète à la figure au moment de la reprise sous forme d’un attentisme, c’est à dire d’un refus d’improvisation.

C’est donc le moment de changer de registre relationnel. C’est le moment des mea culpa,  et plus globalement c’est le moment de traiter les conflits et les bouderies dont on s’est accommodé depuis des mois ou des années.

 

Et se préparer à improviser, c’est aussi changer de boussole

Habituellement, c’est le « quoi » ou le « combien » qui servent de Nord à notre boussole : quoi produire, quel service offrir, avec quels avantages comparatifs, combien va-t-on en produire, que faire pour attirer l’attention de nos clients ou obtenir leur fidélité ? Le problème du quoi et du combien, c’est que ça nécessite de la prévision. Ce sont des points cardinaux qui s’accommodent mal de l’incertitude.

Alors que le Nord de l’improvisateur, c’est le « comment ». Je ne sais pas encore ce que je vais décider, ce que je vais recommencer à produire dans mon usine, les missions que je vais réaliser dans mon cabinet de conseil, les projets que je vais mener dans mon bureau d’étude. Je ne sais pas comment je vais réagir à des circonstances dont j’ignore encore tout.

Mais je peux décider comment, en fonction de quel idéal, de quelle envie, de quelle quête ou aspiration personnelle. Ça tombe bien, c’est justement le moment de faire le point sur ce qui est vraiment important pour moi…

C’est donc l’autre priorité managériale du moment : l’encouragement à la reconnexion à soi, c’est à dire à la flânerie, à la lecture, aux journaux intimes, aux conversations sans but particulier.  Quand, sinon maintenant, pouvons-nous réapprendre à faire tout ça ?

C’est bien dans ces activités-là, toutes celles qui ne sont pas utilitaristes, que nous trouverons les ressources et les inspirations à de grandes improvisations professionnelles.

Surcharge de travail : lancez votre « projet Loch Ness »

Insaisissable, permanente, mystérieuse et légendaire…

La surcharge de travail semble habiter dans un grand lac écossais.

Une des grandes aspirations de vos équipes ces prochains mois sera de ne pas repartir dans la frénésie d’avant… Mais comment faire ? Un peu partout, réduire la surcharge de travail est une quête sans fin. Et ce qui rend cette quête décourageante, c’est que malgré tous les efforts, on a souvent l’impression de ne pas progresser.

Si on ne progresse pas, c’est parce qu’on prend ce sujet trop au sérieux
Il y a deux manières d’être trop sérieux et rationnel en s’attaquant à la surcharge : le mode « parent bienveillant » et le mode « process ».

Le mode du parent bienveillant, c’est celui qui consiste à rappeler aux équipes qu’il est fondamental de déconnecter et de prioriser. C’est celui du rappel des « bonnes pratiques », qui le plus souvent ne suffit pas. Parce que se déconnecter est toujours perçu comme une prise de risque (« je pourrais rater quelque chose », « je dois terminer de régler ce problème »), et parce que décider de prioriser revient à avoir un rapport rationnel, dépassionné à son agenda, ce qui n’est jamais le cas… Je m’occupe d’abord (ou je repousse d’abord, c’est selon) ce qui me fait le plus peur, le plus envie, le plus briller, etc. Mieux prioriser doit rester un objectif, mais il n’est presque jamais atteint en demandant aux personnes de mieux le faire.

Le mode process, c’est celui qui part du principe que la surcharge est le fruit d’un empilement des structures qui composent l’organisation : toujours plus de process, de reporting, d’étapes de validation, etc. Le raisonnement est imparable, et ouvre la voie à une solution logique : simplifier l’organisation, la rendre plus agile. C’est simple, mais loin d’être facile. Là aussi parce que la complication de l’organisation a une fonction : rassurer, donner un sentiment de maîtrise, contrôler ce qui paraît incontrôlable. Et du coup on n’ose jamais retirer plus vite qu’on ajoute.

 

D’abord, il va falloir réveiller l’envie de s’y mettre

Et il ne faut pas sous-estimer cette étape : vous avez besoin de managers qui ont vraiment envie d’agir ensemble sur ce sujet, alors que ça prend du temps, que ça paraît ardu, et que les expériences des uns et des autres montrent que les résultats sont rarement au rendez-vous.

On évitera d’être en mode parent, mais on peut très bien être en mode enfant… Ce qui veut dire jouer : le projet Loch Ness, qui invite des managers à terrasser ce fameux serpent de mer (à moins que ce soit un dragon d’eau douce ?), est une aventure qui vaut le coup d’être vécue ! Parce qu’elle est une respiration dans le quotidien des managers qui vont y participer, parce qu’elle normalise le sujet, et parce qu’on y teste des trucs marrants, inhabituels. On joue à manager différemment, et on assume de dédramatiser le sujet.

C’est un projet dans lequel on apprend à manager différemment, sur au moins 3 leviers : 
 

Levier 1 : Responsabiliser des personnes avant qu’elles ne l’aient mérité

Pour faire baisser la quantité de travail, on ne jouera ni sur l’injonction à prioriser, ni sur la simplification de l’organisation, mais on peut mieux répartir le travail entre les individus. Cela paraît simple, mais le faire vraiment représente souvent une vraie révolution managériale. Il s’agit d’aller chercher beaucoup plus bas dans l’organisation des candidats pour participer aux projets importants ou aux sujets transverses. L’effet recherché est de libérer les 20 ou 30% de l’effectif à qui on pense tout le temps (les usual suspects), et qui sont certes bons, mais au bord de la rupture. Et puis de renforcer le plaisir et la fierté de ceux qui sont choisis pour la première fois. Bref, on s’appuie vraiment sur 100% des effectifs.

C’est un vrai changement culturel, car cela veut dire responsabiliser tout le monde, y compris des personnes qui ne l’ont pas encore mérité. Et ça veut dire faire progresser tout le monde : arrêter de laisser 40 ou 50% de l’effectif dans un état de relative stagnation, en partant du principe qu’ils font le minimum et que c’est déjà pas mal.

 

Levier 2 : Formuler des objectifs qui rendent intelligents

Prioriser, c’est un peu comme s’endormir le soir, ça ne se décrète pas. Voire même, plus on se force, moins ça fonctionne. Ce n’est pas une décision qu’on peut prendre rationnellement, c’est au contraire la conséquence d’une possibilité de discernement.

Le discernement, c’est ce qu’on perd quand on verse dans la frénésie. C’est la capacité à identifier ce qui est essentiel, ce qui produit de la valeur. Et ce côté essentiel est toujours relatif. C’est pourquoi les équipes ont besoin d’une boussole. Si l’objectif de mon service est « gagner 3 points de productivité », il y a fort à parier que je bascule dans la frénésie. Parce que toute action peut potentiellement y contribuer. Cet objectif n’augmente pas ma capacité de discernement.

Un objectif qui rend intelligent, c’est le contraire de ça… C’est un objectif qui focalise les efforts, en décrivant un effet à produire plutôt qu’un chiffre à atteindre. Voici l’exemple d’un objectif qui a permis de focaliser les efforts des membres d’une direction financière : « Notre objectif est que d’ici deux ans, nos clients internes nous sollicitent d’eux-mêmes pour avoir des conseils, et pensent naturellement à intégrer l’un(e) d’entre nous dans leurs équipes projet ». Dans le contexte d’alors de cette direction, cet objectif a servi de point de repère très fort en termes de priorisation des actions (ce qui y contribue directement / ce qui n’y contribue pas directement…)

Les managers doivent s’entraîner à formuler de tels objectifs, sans quoi leurs équipes resteront frénétiques.

 

Levier 3 : Proposer aux équipes un projet en plus (oui, en plus…)

La perception de surcharge est aussi une question de rapport au travail : plus je prends de plaisir dans ce que je fais, moins j’ai le sentiment que ce travail me coûte, représente une « charge ».

Pour tenir compte de cela, les managers qui participeront à votre projet Loch Ness proposeront à leurs équipes un projet en plus : un projet certes utile, mais qui soit surtout pour elles une respiration… Car un des effets négatifs des tentatives habituelles de lutte contre la surcharge, c’est de retirer les projets perçus comme secondaires. Or ce sont souvent ces projets qui donnent de l’air aux équipes, parce qu’on y trouve moins de pression, plus d’échange, plus d’inspiration. Bref, en voulant alléger, parfois on assèche.

L’idée est donc de proposer aux équipes de participer à un projet qui sera utile pour l’entreprise, mais aussi qui va remplir un bout des agendas par du plaisir, de l’exploration, de l’échange. L’autre effet recherché, est que ce projet soit suffisamment important et ambitieux pour rendre impossible le statu quo et ainsi permettre de changer les habitudes dans le sens des leviers 1 et 2 : si les équipes adorent ce projet, elles y trouveront une motivation supplémentaire pour mieux prioriser le reste et mieux répartir la charge…

 

Alors c’est parti !

Lancez votre projet Loch Ness par un appel à l’aventure ! Un appel du genre : « Venez terrasser avec nous la surcharge, cette créature insaisissable ! Ce n’est pas gagné d’avance. On essaiera de lui couper la tête, mais elle repoussera sûrement… On va tout faire pour la rendre moins puissante, moins présente… On ne sait pas si on réussira, mais ce qui est sûr, c’est que cette quête fera de nous de meilleurs managers :  plus astucieux, plus forts, plus détendus. Qui est partant ? »

Vous verrez, avec ce ton et ce contenu, vous n’êtes pas à l’abri d’avoir des candidats… et peut-être même des résultats !

 

Heureusement qu’il y a des contradictions !

La crise du COVID est un festival de critiques dans tous les sens. Une des plus fréquentes n’est pas nouvelle, c’est celle des contradictions à l’intérieur d’une décision, à l’échelle du pays ou d’une entreprise : alors on veut protéger du virus, mais laisser l’économie tourner : Contradiction ! On veut diminuer l’empreinte carbone et on subventionne Air France : contradiction ! Tenez, ça me rappelle la vieille rivalité entre la qualité et la productivité ou la tension plus que centenaire entre les exigences des producteurs et les commerciaux qui vendent « n’importe quoi » : Contradiction ! Mais, moi, le jour où il n’y a plus de contradiction, je quitte le pays et je me mets à la voile en solitaire. 

 

La cohérence, un amour scientifique ? Une manipulation politique ?

D’où vient cette quête de cohérence ? Il y a sûrement une source scientifique, fille du rationalisme cartésien. On aime ce qui s’explique comme un mouvement mécanique, comme dit Henri Dès : « C’est le p’tit zinzin qui passe par ici et qui fait bouger le p’tit machin ». Du coup on aimerait que la vie soit comme ce moteur et que l’on puisse en avoir une vision parfaitement cohérente, LA vision. On aimerait que la décision de déconfinement tombe sous le sens et que chaque sous-décision soit cohérente avec sa petite copine qui la précède. On aimerait que l’équilibre entre la qualité et la productivité soit optimal tout le temps, stable et rassurant… 

On aimerait vraiment ?

Mais je ne peux pas m’empêcher de penser que seuls les esprits totalitaires sont véritablement séduits par la cohérence extrême. Souvent j’ai l’impression que le procès en incohérence est une manipulation politique : on fait semblant d’ignorer la complexité d’un problème pour montrer l’incompétence de son adversaire.

 

En réalité, l’incohérence c’est la vie, c’est ce qui justifie la compétence et même l’intelligence

Henri Dès lui-même, quand il s’agit d’expliquer « comment on fait les bébés » se rend compte que « machins et zinzins » sont un peu limités. 

Si l’on convient que l’évolution des espèces est une recherche d’adaptation à l’environnement, alors comment le cerveau humain a-t-il pu se développer si fortement, si ce n’est en devant résoudre des tas de problèmes et de contradictions ?

Résoudre un problème, intellectuel ou physique, vaincre une incohérence, c’est tout simplement le sel de la vie, le principal plaisir de l’Homme

La vie dans son ensemble est une immense marmite de contradictions : protéger son enfant ET le laisser se casser la figure pour qu’il apprenne. Vouloir faire quelque chose vite ET vouloir le faire bien. Dire que la qualité est une priorité ET vouloir optimiser la productivité aussi. 

Et puis la contradiction, l’incohérent c’est aussi la base du génie, ou au moins du coup de génie : Picasso est son cubisme, Kennedy et ses 10 ans pour aller sur la lune, Michel Ange qui fait de la peinture érotique (pour l’époque) sur le plafond d’une église, Christophe Colomb qui part plein ouest direction l’Inde.

Résoudre un problème, intellectuel ou physique, vaincre une incohérence, c’est tout simplement le sel de la vie, le principal plaisir de l’Homme : courir pendant 42 km, absurdité physique et défi si excitant ! Vaincre le sudoku force 9, apprendre une langue rare, monter un meuble Ikea… autant de défi qui peuvent nous vaincre ou nous rendre fiers. L’incohérence c’est la vie. Vivre avec, la surmonter, c’est ce qu’il y a de meilleur.

Bref un monde qui vise à supprimer les incohérences, ça s’appelle le totalitarisme, et le seul état parfaitement cohérent, c’est la mort… Pas envie.

Dans l’entreprise c’est même ce qui justifie la compétence, voire le salaire : la gestion des contradictions. Parce que si on me confie un site industriel à manager avec un seul indicateur bien cohérent, genre 0 accident, je suis cohérent : je ferme le site, j’ai gagné. Si on me rajoute un objectif, et donc un peu moi de cohérence par exemple : pas d’accident ET produire 1000 produits… Là, je suis obligé de réfléchir, et mon incompétence est démasquée.

Si on attend la fin du virus COVID 19 pour réouvrir les écoles, on sacrifie des millions écoliers de tous niveaux… Si on ouvre les écoles à vitesse grand V sans se soucier du virus, on remplit les hôpitaux en moins temps qu’il en faut pour dire coronavirus. Il faut donc choisir le flou, une forme d’incohérence subtile qui doit permettre de poursuivre différents objectifs.

Bref un monde qui vise à supprimer les incohérences, ça s’appelle le totalitarisme, et le seul état parfaitement cohérent, c’est la mort… Pas envie.

 

Alors comment faire en management ?

Bien sûr cette joie de la difficulté, cette acceptation de la complexité ne peut pas être une excuse pour dire n’importe quoi et s’exonérer de toutes nos décisions. C’est là que le stoïcisme et les philosophies zen doivent probablement prendre le pas sur le fatalisme. Constater que le monde est incohérent, c’est nous inviter à vivre avec, et pas à ne rien faire.

 

Comment ménager la chèvre et le chou en management : 

  • D’abord, bien sûr, il faut expliciter les différents objectifs et admettre leur apparente contradiction : oui nous devons trouver un équilibre ! Par conséquent on évitera les formules définitives et forcément fausses comme « 1 seule priorité : la qualité » Impossible.
  • Ensuite, la résolution de l’équation avec ses variables contradictoires est le défi à poser aux équipes et sera un excellent exercice de transversalité entre équipes. Faites un atelier avec les équipes concernées et demandez-leur : « augmentez-moi la qualité sans augmenter les coûts. Vous avez 4h » Pris comme un jeu, l’exercice sera source de créativité, et les idées qui émergeront seront astucieuses, habiles, intelligentes. S’il faut soutenir ensuite avec un petit investissement, allons-y. Le ROI sera là parce que le surcroit de motivation, non mesurable, va polir le diamant.

 

Après, vous serez sujet à des critiques pour votre incompétence et votre incohérence. Alors comment répondre aux questions de plus ou moins bonne foi :

  • D’abord si l’incohérence c’est la vie, il est bon d’avoir un cap stable. Je ne suis pas fan des valeurs affichées et imposées mais c’est quand même une façon d’être cohérent sur le long terme : « j’assume une part d’incohérence au quotidien, mais sachez que je cherche globalement à ce que nous trouvions des solutions ensemble pour nous développer ».
  • Mais les valeurs, on le voit, ne peuvent suffire à faire accepter les contradictions. Il faut aussi un cap opérationnel simple et clair, auquel chacun peut se raccrocher et qui permet de jongler avec plus d’habileté avec les contradictions : « Oui, nous avons des choix cornéliens à faire au quotidien, et ce qui doit nous faire choisir plutôt un côté ou plutôt l’autre, c’est le service client qui est aujourd’hui notre talon d’Achille ».
  • Ensuite, c’est la pédagogie qui va faire la différence. Montrez, dessinez votre problème en 2 dimensions pour que les enjeux ne s’opposent pas et que l’on cherche l’optimum. Laissez les équipes tester un peu trop d’un côté ou un peu trop de l’autre. Comme quand on apprend à barrer un bateau… On essaye avec des petits coups, et ensemble, et puis on peut laisser les équipes prendre la main et affiner la technique. Elles seront fières de jongler avec 2 balles puis 3 ou 4… Parce qu’avec 1 seule balle, on ne se rate pas, mais c’est pas marrant.

 

Et puis face à la mauvaise foi, et bien presque rien n’à faire… Ah si, un truc efficace et une petite pirouette :

  • LE TRUC EFFICACE : rendre le travail avec les contradictions amusant, excitant, valorisant pour qu’il attire de plus en plus. 
  • LA PETITE PIROUETTE : vous pourrez toujours dire « s’il n’y avait aucune contradiction à résoudre, je pourrai prendre mon neveu de 7 ans pour votre job. C’est parce que c’est complexe que j’ai besoin de quelqu’un de compétent… » A utiliser avec parcimonie….

Je vous laisse… J’ai sport pour maigrir, et après on s’est préparé un bon petit diner avec ma femme.

En ces temps confinés quoi de mieux que de (re)regarder Parasite ?

Qui n’a pas vu cette satire sociale, largement récompensée ? Cette fable explosive, drôle et corrosive qui nous fait passer par tous les genres cinématographiques ? Surement personne… Top ! Enfermés entre nos 4 murs et quelques habitudes : regardons la d’un œil neuf.

2 familles : Les Park et les Kim. L’une riche, l’autre pauvre. Des drames familiaux, peu de liberté et bientôt chaque famille aura l’autre dans le pif. 
2 lieux de confinement : une villa vitrée, un taudis exiguë. Et puis il y a ceux qui volontairement s’enferment et ceux qui le sont malgré eux, ceux qui cherchent à fuir pour un brin d’aventure ou un brin de prospérité.

Alors qu’on les découvre à plier des cartons à pizza en famille, les Kim réussissent la prouesse de tous se faire employer au service des Park en un temps record! On peut légitimement se demander ce qu’on peut en retenir pour nos propres ascensions professionnelles… car au jeu de cette famille, les cartes sont vite rebattues et la partie démarre bien ! 
 
C’est tout simple : à peine recommandé par un copain, le fils recommande sa sœur, qui en fera de même pour son père puis pour sa mère. Et cela sans révéler ni leurs liens familiaux ni leur absence de diplômes … 

Tout se résume en une phrase: « Je ne fais confiance qu’aux gens qu’on me recommande »… Petite phrase presque anodine, si souvent entendue … (mais qui, ici, annonce une chute bien noire).

En entreprise, comme dans le film, une confiance aveugle est offerte à certains « qu’on nous a recommandés » alors que son coût s’avère souvent très élevé pour tous les autres… 
N’est-ce pas archaïque de baser son recrutement ou les avancés pro sur des cooptations, réseaux d’alumni, CV ou une simple connexion LinkedIn… Ne devrait-on pas (enfin) sortir de nos murs pour se fier aux rencontres, aux intuitions, aux compétences ou aux débuts de collaboration ? Se laisser surprendre quel que soit le profil ? Et cela non pour satisfaire des quotas ou une image plus inclusive, mais avec conviction ! Sinon (avec ou sans mensonge) on risque de perpétuer un entre-soi biberonné aux mêmes idées et nourri des mêmes peurs.

A l’heure où penser « out of the box  » sonne comme un impératif, le temps est sûrement venu de vérifier, en recrutant, que toutes les cases ne sont pas cochées !

Vers un nouveau dialogue social

Tous les projets de grandes ou petites transformations sont de plus en plus monnaie courante en entreprise et pour les mener à bien, un bon dialogue social est nécessaire… Or cela est loin d’être facile. On vous donnera notre avis sur cette épineuse question en vous livrant quelques recommandations et en vous indiquant les principaux pièges à éviter. Mais sachez qu’il s’agit de toutes façons d’une démarche long-terme comme tout changement culturel…

 

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil

Au micro : Camille Riou et Patrick Bois. 

A la réalisation : Laetitia Peyre

 

 

N’en faites pas trop avec les héros

En pleine crise du Coronavirus, on applaudit les personnels soignants à 20h. Rien n’est plus mérité évidemment. Mais sortons de l’émotionnel pur et demandons-nous en bons managers si nous faisons du bien à nos héros en faisant ça…. Et est-ce les bons héros ? En dehors de la crise COVID 19, la question de la valorisation de ceux qui avancent est une question importante : entre légitime félicitation, besoin d’entrainement et effets pervers, faisons le tri.

 
Merci, c’est la politesse élémentaire

Avant de poser des limites, il faut reconnaitre que les soignants méritent nos mercis et nos encouragements. Leur travail est précieux et éprouvant. 

C’est la base de la politesse et je me suis toujours opposé aux managers qui disent « pourquoi les féliciter alors qu’ils ne font que leur travail ? ».

Dans le management normal, idem. On entend trop souvent des équipes se plaindre du manque de reconnaissance. Les actes de courage, les mobilisations, les équipes qui avancent, les personnes qui sortent de leur zone de confort, qui font un effort, qui progressent doivent être félicités. Publiquement pourquoi pas.

C’est la base de la politesse et je me suis toujours opposé aux managers qui disent « pourquoi les féliciter alors qu’ils ne font que leur travail ? » Et bien, parce qu’ils pourraient ne pas le faire… Et puis l’obéissance n’est pas un dû. L’Homme a un libre arbitre permanent et à ce titre chaque action est un choix même quand elle parait évidente. Alors ne soyons pas austère et continuons à féliciter les héros, individuels ou collectifs.

 
Mais attention à ne pas avoir une vision étriquée de l’héroïsme

Ne remercier que les soignants pendant la crise c’est un peu comme si on pensait qu’une équipe de football ne gagne que grâce aux attaquants qui marquent des buts (c’est un peu le cas d’ailleurs quand on voit la proportion de défenseurs ou gardiens élus meilleurs joueurs du monde). Pendant notre crise du Coronavirus, il y a donc des soignants en premières lignes, les attaquants. Il y aussi ma caissière au supermarché qui est là tous les jours, je la vois, je la remercie, normal.

Mais pour qu’ils puissent travailler il y a le chauffeur de bus, le livreur, le gars de la maintenance informatique qui répare la caisse, le fabriquant de masque… Et puis il y a celui qui reste à la maison, au chômage, avec ses enfants à qui il faut faire école et qui garde le sourire malgré l’angoisse de l’avenir… Et pour qu’il / elle n’angoisse pas trop, il y a le ministre qui a décidé le chômage partiel, qui doit stresser un peu pour la suite, et qui va en prendre plein la gueule…. Et peu de merci.

Je discutais hier avec une manager qui recevait une prime parce qu’elle venait travailler à l’usine et qui m’expliquant qu’elle ne la méritait pas parce que venir à l’usine était sa bouffé d’oxygène… Alors qu’elle voyait sa collègue bloquée à la maison qui jonglait avec le télétravail, 3 enfants, et dans un petit appartement…. Qui est le héros ? Qui mérite la prime et les applaudissements ?

L’héroïsme est une réalité et ne touche pas tout le monde, mais il ne concerne pas que les attaquants.
Je crois qu’il faut avoir une vision large de l’héroïsme et ne pas céder aux effets trop évidents… Thuram est célébré pour ses 2 buts en demi finale, mais n’a-t-il pas été plus héroïque à défendre sans briller pendant les 120 autres matchs de coupes du monde.

 

Dégotter l’héroïsme où il se cache est une des missions du manager.

 

Et attention à la félicitation excessive

Il est probable que nos soignants apprécient le soutien de la population… Probable mais pas sûr. Il y a un effet pervers à cet héroïsme si émotionnel, c’est la pression que cela met sur ces personnes.

Nous avons un couple d’amis infirmiers dans le nord-est de la France et la pression naturelle qu’ils ont est considérable.

Ajouter une notion d’héroïsme c’est générer 2 dangers :

  • Le danger d’une pression excessive immédiatement, avec dans la tête l’idée qu’il ne faut pas décevoir, être à la hauteur… Ça peut paraitre bête mais l’humain est plein de ces petites faiblesses et contradiction. On veut le rassurer et ça l’inquiète, classique.
  • Le danger après la crise, d’une dépression liée à la fin de l’urgence et à la chute brutale de l’héroï
    J’applaudis à 20h mais je l’avoue avec un poil de mauvaise conscience. J’ai aussi envie de dire « laissons-les un peu tranquille ! »

Dans l’entreprise, en temps normal, la question de la surexposition des héros et de la pression que ça provoque chez eux est aussi un vrai sujet. On parle des alliés sur-exploités, des usual suspects qu’on sollicite tout le temps et qui finissent par passer pour des fayots sans l’avoir vraiment désiré. 

Pour éviter cet écueil sans renoncer à la reconnaissance y compris publique, il faut me semble-t-il respecter 3 règles :

  • Elargir le collectif des personnes félicitées en incluant plus, en félicitant pour les petites comme pour les grandes choses, en félicitant les tâches ingrates de l’ombre comme les plus spectaculaires.
  • Faire parler plutôt que parler à la place de… La victoire et la fierté qui me remplit et dont je peux parler est un moment que je n’oublierai jamais. Je choisis mes mots et mon énergie, ma retenue ou mon exubérance. La victoire trop racontée par d’autres, sur jouée parfois peut devenir génante. Faites raconter plutôt que raconter vous même
  • Enfin, féliciter le plus posible le groupe, le système plutôt que l’individu. Il est rare (mais possible) qu’un exploit soit purement individuel. La plupart du temps il est le fait d’une équipe, d’un système, d’une chaîne. Ne l’oubliez pas.

Comme toujours, en management comme dans la vie de citoyen, la réaction émotionnelle existe et ne doit pas être réprimée : alors bravo à nos soignants et merci d’assurer notre sécurité en risquant la vôtre !

Mais la réaction émotionnelle doit être complétée d’une réaction plus posée qui permet d’inclure les héros de l’invisible, et qui permet de mesurer les messages pour que le merci ne devienne pas une pression insupportable.

 

Préférez la naïveté au jugement !

Nous l’avons tous constaté : en période de crise, deux lames de fond se déploient : la solidarité, et son pendant, le jugement. Et il est très difficile d’être épargné par ce dernier. Preuve en est, en tant que citoyens nous en avons tous été témoins et acteurs ces derniers mois durant la crise du coronavirus : on a jugé le citadin exilé à la campagne, les voisins qui sortaient trop, la gestion de la crise par le gouvernement, et ce n’est d’ailleurs pas fini en période de déconfinement…en fait nous n’avons de cesse de condamner les comportements des uns et des autres.

Et en tant que managers vous n’êtes pas épargnés…

D’aucuns diront que c’est humain, pour autant, ne pas s’en occuper est tout sauf une bonne idée ! D’une part parce le jugement se répand vite et abondamment et d’autre part parce qu’il amène bien souvent davantage à la peur de l’autre, à la défiance et à la dislocation qu’à un débat sain et constructif. Juger n’est pas faire preuve d’esprit critique.

 

Managers, vous allez tomber dans le piège, l’important sera d’en sortir

Face à l’incertitude et au caractère (quasi) insoluble des situations de crise, notre cerveau a besoin de simplifier les choses et de se rassurer. Il va donc proposer une réponse quasi automatique : le jugement. Cela va nous rassurer sur notre intégrité, notre valeur et sur le fait que si les autres avaient agi de telle ou telle façon alors il y aurait une solution. Bref, un leurre qui va être réconfortant sur du court-terme, mais dévastateur dans le temps.

Il n’en reste pas moins que le jugement est une propension universelle à laquelle vous n’échapperez pas. Le problème est que même en essayant de le cacher, vous risquez de le transpirer ! Il faut donc y remédier !

D’autant qu’une crise bouscule les repères, amenant encore une fois la tentation du jugement. L’exemple de la crise actuelle le montre avec la création de nouveaux modes d’organisation du travail qui ont créé une forme de désorientation, pour vos collaborateurs mais également pour vous. Tout à coup vous n’avez plus la main sur ce qu’il se passe : les exigences sont toujours aussi fortes mais votre équipe est-elle toujours aussi engagée ? Vos collaborateurs travaillent-ils autant qu’ils le peuvent ? Difficile de le savoir à distance alors même que le stress augmente et que l’on vous demande de délivrer.  

Outre le télétravail, il est possible que votre organisation ait opté pour un mode d’organisation pouvant dérouter.

On peut par exemple penser au volontariat. Ce modèle fonctionne souvent très bien, ce qui montre que l’engagement des collaborateurs n’est pas si mauvais ! Mais il peut être très déstabilisant. Pourquoi ? Parce qu’il met devant des collaborateurs qui n’y sont pas habitués quelque chose qui est assez vertigineux et qui s’appelle la liberté, en l’occurrence celle de choisir si l’on souhaite ou non travailler. C’est très vertigineux parce que cela demande ensuite d’assumer pleinement le choix que l’on a fait : il s’agira si l’on a été volontaires de ne pas juger ses collègues qui ne l’ont pas été et si on ne l’a pas été, d’assumer pleinement le choix que l’on a fait. Côté manager, il y a également un défi, celui de ne pas juger ceux qui sont venus et de ne pas créer, malgré soi, un système de reconnaissance qui tend vers le manichéisme.  

Il n’en reste pas moins que le jugement est une propension universelle à laquelle vous n’échapperez pas. Le problème est que même en essayant de le cacher, vous risquez de le transpirer ! Il faut donc y remédier !

 

En période de crise, il y a trop de risques à être un mauvais juge !

On peut bien sûr se dire qu’être un bon manager, c’est aussi savoir émettre des bons jugements pour adopter des comportements les plus justes possibles. Le problème est que c’est, de manière générale difficile, mais en période de crise presque impossible !

Encore une fois, la crise du coronavirus en atteste. Cette crise a créé et révélé des injustices : lieux de confinement (et donc de télétravail), organisation familiale, ressources psychologiques de chacun…Dans un tel contexte émettre des jugements c’est faire comme si ce n’était pas le cas, d’autant qu’il y a les injustices évidentes et celles invisibles à vos yeux (parce que vous ne pas pouvez les voir et/ou que vos collaborateurs ne veulent pas vous les montrer). Avoir un bon jugement implique avoir un maximum d’éléments pour émettre un avis le plus juste possible, or cette crise ne l’a pas toujours permis. Il est donc bien impossible de faire comme si tout le monde avait pu donner le meilleur de lui, puisque ce n’est évidemment pas le cas.

Il faut donc stopper le mécanisme du jugement, en l’identifiant quand il vous vient à l’esprit, en le comprenant et en le neutralisant.

Et puis juger c’est souvent tomber dans le procès d’intention : vous ne savez pas donc vous supposez, et plutôt négativement ! Le risque est de faire des erreurs assez coûteuses. Dans le cas du coronavirus : valoriser ceux qui se sont donnés à fond et sans le vouloir tomber dans la néfaste caricature « des héros et des autres » (c’est en tout cas comme cela que ce sera interprété), détruire une relation de confiance parce que vous émis un doute sur l’efficacité de quelqu’un qui vit très mal le télétravail, apparaître comme manquant d’empathie (qualité qui aide pourtant remarquablement les managers en période de crise)…D’autant que, sans tomber dans une chimère humaniste, les vrais abus ont été marginaux.

Il faut donc stopper le mécanisme du jugement, en l’identifiant quand il vous vient à l’esprit, en le comprenant et en le neutralisant.

 

Tentez la naïveté, c’est moins risqué !

S’il y a une chose qui vous permettra de prendre beaucoup moins de risques c’est la naïveté, ou une sorte de. L’idée n’est pas de devenir un manager crédule ayant perdu toute lucidité sur la situation, mais plutôt de faire confiance plus trop que pas assez. Et pour cela il y a une arme assez magique : le crédit d’intention. Le crédit d’intention signifie que sans connaître les intentions de l’autre on les suppose positives. Présupposé qui orientera les actions et créera à terme une boucle vertueuse de confiance. Particulièrement utile en période de travail à distance !

Pour être clair, dès que vous êtes tentés de juger négativement un comportement ou une situation pour lesquels vous n’avez pas tous les éléments (et vous verrez que cela arrive très souvent) arrêtez-vous et passez en mode crédit d’intention.

Alors oui c’est difficile mais il faut le faire et le répéter : la naïveté intelligente, ça se muscle !

 

Vous verrez c’est tout bénéfice !

Vous avez tout à gagner à cette confiance exacerbée. Déjà parce que vous ne courrez plus le risque de commettre une erreur de jugement qui aurait des conséquences dévastatrices (mieux vaut un coupable en liberté qu’un innocent en prison !). Ensuite, parce que vos collaborateurs vont le remarquer (peut-être sans pour autant être capables de le verbaliser) et que vos relations avec eux s’amélioreront. Egalement parce que c’est reposant de voir les choses de cette manière, et que vous avez plus que jamais besoin d’énergie. Et surtout parce qu’à moyen-terme, même quand vous aurez tort sur la confiance que vous accordez, vous créerez des prophéties auto-réalisatrices : plus vous faites confiance, plus celui qui en fait l’objet se sent responsable de l’honorer.

Appelez vos collaborateurs à l’aventure !

Motiver ses équipes est forcément une des missions les plus ardues du manager. Et cela entraîne fréquemment une tension avec ses collaborateurs : comment faire faire à quelqu’un quelque chose qu’il ne veut pas faire, ou du moins faire comme vous le souhaitez ? La solution est loin d’être simple mais avec les bons ingrédients, elle devient possible. Il faut leur proposer une aventure capable de les rendre fiers de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font. Votre job ? Créer les conditions pour rendre l’Aventure possible !

* Pour aller plus loin *

// A lire //

Motiver et mobiliser un collectif : le modèle de l’aventure

Le héros aux mille et un visages – Joseph Campbell

Le guide du scénariste – Christopher Vogler

// A voir //

Masterclass Christopher Vogler – Point de vue d’Alexandre Astier
Tout Star Wars, Le seigneur des anneaux, Kaamelott, Harry Potter, etc…

// Les extraits//

Le dîner de cons – Francis Veber
Walter Mitty – Ben Stiller
Star Wars, épisode IV : Un nouvel espoir – George Lucas
Le Seigneur des anneaux : Le Retour du roi – Peter Jackson
007 Spectre – Sam Mendes
Kaamelott livre IV – Alexandre Astier

Jacques Higelin – Lonesome Bad Boy

 

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil

Au micro : Camille Riou et Patrick Bois. 

A la réalisation : Laetitia Peyre

ALBUS CONSEIL