Auteur/autrice : charlie

Comment Hermione est devenue Badass !

Hermione, c’est l’élève modèle, consciencieuse. Elle commence le 1er livre apeurée à l’idée de sortir du rang, d’enfreindre le règlement de l’école. Elle devient néanmoins rapidement la meilleure alliée d’Harry : elle trouvera toujours un moyen intelligent de servir la quête et, face aux découragements, montrera une volonté inflexible de poursuivre la route.

Comment a-t-elle réussi ce retournement ?

1e évènement : La remise en question de ses ambitions. Son 1er acte notable dans la saga est de couvrir Harry et Ron face à une sanction non méritée, quitte à perdre un peu de prestige auprès des enseignants.

On peut imaginer qu’elle a médité le sens de ce moment : ça vaut la peine de risquer de chuter de son piédestal pour faire quelque chose de juste.

2e évènement : L’adhésion à l’action par soi-même

Toujours dans le 1er livre, Hermione suit ses amis dans une action souterraine, et cela à cause de l’impuissance voire la connivence des enseignants. L’action est un succès. Elle s’enhardit et ensuite assumera totalement de préparer une potion interdite pendant plusieurs mois, et même (!) contredira une enseignante respectée.

3e évènement : L’identification de sa voie personnelle

Dans le 3e tome, Hermione se pose en avocate d’un animal condamné à mort. C’est la première pierre de son chemin personnel pour la vérité et la justice : contre l’esclavage des elfes, contre les fake news, mais pour les personnages faibles et influencés de la saga, même s’ils sont dans le mauvais camp.

Hermione est fascinante car elle a des valeurs très fortes, mais surtout elle réussit à dépasser ses blocages pour passer à l’action : contredire des personnalités fortes ou des amis, rester stoïque face aux critiques, prendre l’initiative. On disait en janvier « Le mouvement Punk est une philosophie qui prône le fait de construire ses propres valeurs et de les défendre, sans se soucier du qu’en dira-t-on. »

Pas mal réussi, non ?

Vive le projet concurrent

Combien de projets super bien ficelés recueillent l’assentiment général mais peinent à se traduire en action? Pas mal ! Manque de temps, de moyens ; noyés dans la masse, sûrement. Mais aussi parce qu’on veut tellement éteindre les contestations avant qu’elles n’arrivent qu’on enlève le sel de nos projets.

Pimentons-les en faisant vivre les projets concurrents !

Tout se passe bien et il ne se passe rien

Imaginons Jean-Luc, aimable manager dans une usine d’une grande entreprise du CAC 40. Sensible aux idées de développement durable et de responsabilité sociale des entreprises, il décide de les incarner dans sa vie professionnelle. Il réunit donc son équipe pendant une journée au vert et lui propose de travailler à réduire les déchets, faire progresser la sécurité des équipes et améliorer la relation avec les petits fournisseurs locaux. L’équipe semble emballée et propose des pistes d’amélioration. La journée se passe dans une ambiance excellente.

Un mois plus tard, Jean-Luc ne comprend pas, aucune idée n’a finalement été mise en œuvre et pourtant, quand il demande à son équipe, personne ne dit avoir changé d’avis.

Que s’est-il passé ? 

Eh bien au retour du séminaire, la vie quotidienne a repris ses droits, tout simplement. On a bien pensé à éteindre la lumière cette fois-ci, mais face à l’avalanche habituelle d’événements à traiter, les bonnes résolutions n’ont pas su exister. En fait le séminaire s’est bien passé parce qu’il tournait autour de valeurs (stimulantes) et qu’il était déconnecté de la réalité (et donc rafraichissant !)

Mais ça, Jean Luc aurait pu l’éviter en laissant exister le ou les projets concurrents.

Ce que permet un projet concurrent

Un des premiers avantages quand on fait face à un autre projet, c’est qu’il rend possible la contradiction. Et la contradiction, c’est un des éléments clés de votre projet.

Il suffit de regarder, pour s’en convaincre, l’audience des vœux de début d’année d’un chef de parti politique et celle d’un débat politique entre deux chefs de partis opposés… On s’intéresse davantage à la contradiction dans un débat plutôt qu’à un discours sans réponse où l’orateur peut se permettre toutes les facilités sans craindre une réponse cinglante.

La contradiction rend votre projet visible, il lui permet d’exister et de l’étoffer.

Etudier les scénarios, y compris l’échec, aurait permis à Jean-Luc de faire exprimer des doutes ou des difficultés qu’il n’était pas difficile d’anticiper.

Pourquoi on ne l’utilise pas ?

Avec l’intérêt qu’offre un projet concurrent, difficile d’expliquer qu’on l’utilise si peu. Il est peut-être lié à la peur de l’opposant, au goût pour la consensualité, à la peur d’abîmer la relation par un désaccord, à la priorité donnée au court-terme ou à la croyance plus générale que souffrir de l’apathie des équipes vaut mieux que mener un projet qui suscite le débat.

Ce n’est bien sûr pas le cas de Jean-Luc, mais c’est celui de Suzanne, sa belle-sœur, qui dirige un atelier de conception et de production de cuves en inox. Elle a annoncé un lundi matin à ses équipes, après 3 mois de travail avec un conseiller stratégique, un grand projet de réorganisation des équipes et un changement de stratégie pour toute l’entreprise. 

Et Suzanne n’est pas la seule à faire ça, on voit sans cesse chez nos clients des managers qui font tout pour éviter des projets concurrents :

  • En soumettant un projet pensé en vase clos pendant 6 mois et présenté aux équipes à son lancement, en présumant que c’est la meilleure option possible. Voire en le faisant avancer au maximum, dans le but d’atteindre au plus vite un point de non-retour ;
  • En proposant des projets sans informer trop de monde pour empêcher le plus possible l’agglomération d’opposants qui seraient justement susceptibles de porter un projet concurrent ;
  • En demandant à leurs équipes un avis sur leurs projets déjà ultra-préparés sans être, et on le comprend, véritablement prêt à prendre en compte leurs remarques.

Les managers sont-ils si peu sûrs de leurs projets qu’ils craignent de ne pas savoir répondre à une contradiction ? ou de convaincre face à une alternative ? 

Pour ce qui est de Suzanne, elle va avoir quelques difficultés à embarquer ses équipes, qui vont lui reprocher une approche hors-sol, l’utilisation de consultants parisiens qui n’y connaissent rien, ou de ne pas reconnaître leur expertise en les consultant en amont. Et quand elle leur reprochera de ne pas être impliqués, ils auront beau jeu de lui reprocher de ne pas les avoir impliqués elle-même.

Comment utiliser le projet concurrent ?

            Favorisez la polémique ! 

Parlez tôt de votre projet, avant d’en savoir trop et de ne plus savoir écouter. Informez toutes vos équipes, les alliés et les opposants présumés. Proposez des moments de dialogue ouverts où tout le monde peut s’exprimer, ne préparez pas trop vos réponses, laissez les gens répondre ! 

Un projet concurrent, ce n’est pas nécessairement une antithèse irréconciliable de votre projet. C’est souvent une variante de votre projet.

La polémique a du bon : un de nos clients nous a raconté que sur un chantier, la meilleure solution qui avait été trouvé pour permettre le travail d’une pelleteuse en toute sécurité a été de réduire le nombre de mesures de sécurité pour réveiller la vigilance du conducteur ! 

Et créez-là si nécessaire…

Reprenons l’exemple de Jean-Luc, qui, tenace, décide malgré tout de faire progresser son équipe sur la gestion des déchets, la sécurité des équipes ou la relation avec les petits fournisseurs. Tout le monde est d’accord pour s’améliorer sur ces trois sujets. Difficile donc de leur faire critiquer l’une ou l’autre de ces initiatives. 

Mais pour y arriver il pourrait reformuler sa question ainsi : Nous ne pouvons pas mener de front ces 3 sujets, nous allons donc nous occuper d’un de ces projets chaque année, lequel d’entre eux vous semble le plus important pour cette année ?

De cette manière, Jean-Luc n’aura aucun mal à faire critiquer ces 3 sujets, justifiés individuellement aux yeux des équipes, et à créer des partisans qui mèneront à bien les actions nécessaires au projet qui sera retenu, d’autant qu’ils se seront publiquement engagés en choisissant de le défendre. On le voit bien ici, un projet concurrent, ce n’est pas nécessairement une antithèse irréconciliable de votre projet. C’est souvent une variante de votre projet, sur les modalités, la priorisation des sujets ou encore le calendrier.

Avec la pratique et en gagnant en confiance, vous pourrez aller chercher la concurrence sur des projets de plus en plus cruciaux.

Quand on joue au tir à la corde, on ne gagne pas parce qu’il n’y a personne en face, on gagne parce qu’on tire plus fort que l’équipe d’en face.

 

L’illusion de l’intrapreneuriat

 Lab, Hub, Lab-Inno, Incub, start Innov Lab … elles s’y mettent toutes et créent cette nouvelle espèce de collaborateurs qu’on appelle « Les Intrapreneurs ». Les intrapreneurs ce sont Thomas et ses amis ! Vous savez, les seuls mecs de votre boîte qui se baladent en baskets dans les couloirs alors que vous êtes tous en costard-cravate. 

Ceux à qui on a refilé le 6ème étage de votre tour de la Défense, avec des espaces hyper collaboratifs, des balançoires, des poufs et des tableaux tactiles alors que vous, ça fait 10 mois que vous partagez votre bureau avec 4 autres collègues. Vous le remettez ? Thomas, intrapreneur, 6 années de maison, prêt à sortir LE projet innovant de la boîte !Bon ok, c’est peut-être un peu caricatural… En réalité il n’y a pas forcément un système à l’intrapreneuriat ou une zone dédiée… Mais en tout cas, ils sont de plus en plus nombreux à faire de l’entrepreneuriat à l’intérieur de leur boîte. 

Sur le papier, l’intrapreneuriat est hyper excitant…

Et ça profite à la fois à l’entreprise et au salarié !

A l’entreprise pour plusieurs raisons : c’est déjà un bon moyen de trouver de nouvelles innovations business et de se pencher sur de nouvelles offres. Et comme on fait appel à des ressources internes, on limite le budget de ces innovations. Mais c’est aussi une bonne opportunité d’améliorer son image de marque, parce que l’intrapreneuriat ça fait fantasmer pas mal de vos collaborateurs…Ça répond à des besoins de plus en plus importants de vos salariés : l’autonomie, la recherche de sens et l’entrepreneuriat. La source des idées, c’est eux ! Du coup ils s’approprient naturellement les sujets sur lesquels ils travaillent. Ils sont donc surmotivés et portent les projets comme si c’étaient leurs « bébés ». Et en plus, c’est comme s’ils montaient leur propre boîte, sauf qu’ils le font à l’intérieur d’une structure déjà solide et pérenne. Et quand on sait qu’il faut 10 échecs de startups pour en réussir 1, bah c’est rassurant de limiter les risques.

Mais en vrai c’est au moins aussi casse-gueule que l’entrepreneuriat…

Déjà c’est compliqué de définir les profils intrapreneurs : est-ce qu’il suffit d’avoir une bonne idée pour en être ?

Qu’est-ce qui fait que Thomas est un bon intrapreneur au final ? 

Ce qui est sûr c’est que Thomas est motivé, il a un projet qui l’anime, il est autonome, moteur, débrouillard et tenace… Mais s’il avait l’âme d’un entrepreneur, est-ce qu’il ne serait pas déjà parti monter sa propre boîte ?

Ce qu’on peut dire c’est que Thomas est très reconnu en interne ; Parce qu’en réalité, parier sur lui et sur sa capacité à trouver une solution innovante, c’est parier sur le fait qu’il va s’impliquer à 200%, qu’il va s’auto-former et trouver des solutions seul sur des sujets qu’il ne maîtrise pas, sans management direct ni livrables à court terme. C’est aussi parier sur le fait qu’on va devoir le remplacer sur ses tâches du quotidien et passer du temps à former quelqu’un d’autre. Et tout ça, en espérant que ça fera rapporter de l’argent à la boîte. C’est un vrai pari sur l’avenir !

Et comme on ne peut pas se permettre de parier sur le mauvais cheval parce que tout ça peut coûter cher, on se tourne généralement vers des profils en qui on a « confiance », et ça, en entreprise, ça rime souvent avec « qui sont visibles et bien vus ». Au final, on ne laisse pas vraiment sa chance à n’importe qui, et l’intrapreneuriat devient surtout un système de High-po.

Ensuite on crée beaucoup d’illusions sur la réussite du projet 

Prenons l’exemple d’Eliott qui a lancé un projet d’employabilité au sein de son cabinet de fiscalité : il met en relation des consultants qui veulent partir avec des clients qui cherchent à recruter. Bonne idée ! Ça sort du cadre du consulting mais ça permettra de faire du business à long terme puisque ça déploie le réseau du cabinet ! On y croit, on trouve ça super, mais au final, le jour où Eliott arrive à décrocher un contrat pour Patricia, l’étoile montante du cabinet, Eliott ne sera pas soutenu …

Il faut le dire, on fait souvent de l’intrapreneuriat pour les mauvaises raisons

En pratique, très souvent, quand il s’agit de prendre une décision financière lourde pour faire avancer le schmilblick, les décideurs se dédouanent …

Alors pourquoi est-ce qu’on lui a donné sa chance ?

Il faut le dire, on fait souvent de l’intrapreneuriat pour les mauvaises raisons : alors que ça devrait être un moyen de redonner du sens et de la liberté à des collaborateurs talentueux et motivés qui sortent du cadre et qui ont envie de développer le business de leur boîte, on propose surtout l’intrapreneurait parce que :

  • On sait que les acteurs concernés sont au bout du rouleau et que si on ne fait rien, ils vont aller voir ailleurs (ça serait dommage, ce sont eux qu’on voit dans le top management de demain)… C’est un peu notre dernière carte pour garder nos pépites. Est-ce que ça en fait une bonne raison ? Je ne crois pas…
  • Parce qu’on sait que c’est très vendeur et que ça va faire de la pub dans le process de recrutement
  • Et même si on n’y croit pas forcément, on peut potentiellement avoir de bonnes surprises, alors pourquoi pas, sur un malentendu, ça peut marcher …

Et puis on crée une rupture d’environnement tellement énorme que ça énerve tout le monde…

Même si l’intrapeneuriat n’a pas de process dédié, les intrapreneurs vivent souvent dans des microcosmes « start-upiens » soumis à des règles entrepreneuriales tellement différentes des process de leur boîte qu’ils se sentent très souvent isolés, incompris et sans valeur ajoutée. 

C’est pour ça que vous avez l’impression que Thomas fait plus de balançoire au 6èmequ’il ne bosse sur son innovation.

Alors que faire pour changer la donne ?

Je reste persuadée que l’intrapeneuriat est un excellent levier de motivation pour vos collaborateurs et extrêmement bénéfique pour votre boîte. Il s’agit donc de changer la manière d’en faire :

 Parier sur tous les chevaux ! 

 Oui, en fait il suffit d’avoir une bonne idée pour devenir intapreneur ! 

Et quand ils en ont une, il suffit qu’ils se sentent accompagnés. Ils ont besoin d’être formés techniquement sur leurs nouveaux sujets mais aussi sur leur nouvelle posture : développer une âme commerciale, savoir marketer son offre, gérer son stress, connaître son cercle d’influence … Il s’agit d’une vraie reconversion professionnelle, et ça il ne faut pas le minimiser. Elise, qui a fait 10 ans à la compta et qui souhaite se lancer dans une nouvelle aventure intrapreneuriale, a besoin qu’on l’aide à vendre son nouveau projet, en interne et en externe. Même si elle est sociable et très intelligente, la fibre commerciale n’est pas quelque chose qu’on travaille quand on est comptable; et pourtant c’est si important quand on lance une nouvelle offre.

Mettez les moyens de vos ambitions !

Évitez la consultation papier peint. A partir du moment où vous laissez l’opportunité à l’un de vos collaborateurs de se lancer dans un projet d’intrapreneuriat, allez-y à fond et faites-lui confiance. Soit, vous y croyez dès le départ, soit vous n’y croyez pas du tout, mais en tout cas, vous ne devez pas revenir en arrière. Il n’y a rien de plus frustrant pour Eliott, d’avoir travaillé au corps le PDG d’une grande boîte du CAC40 pendant des mois pour qu’il rencontre Patricia et lui faire décrocher le job de ses rêves, tout ça pour qu’on le lui reproche. Démotivation, frustration et manque de crédibilité pour la suite …

Ne mettez pas de barrière !

Les intrapreneurs font partie intégrante de votre boîte. On oublie que le bénéfice de ce type de projet, c’est de développer une nouvelle offre avec les attraits d’une grande boîte. Et pour ça il faut favoriser les échanges, partager les expertises et les compétences, dialoguer, muscler l’offre avec les idées de tous. Ne pas mettre à l’écart ces profils c’est aussi les soutenir, les aider plus facilement, qu’ils n’aient pas l’impression qu’ils travaillent dans l’ombre ! 

Eric Bellion, le Shackleton moderne !

Vous vous souvenez de Shackleton, cet illustre explorateur parti en 1914 à la conquête de l’Antarctique avec 26 matelots ?

Une centaine d’années plus tard on regarde cette Aventure comme une vieille légende : géniale mais absolument intransposable dans notre monde d’aujourd’hui !

Et pourtant, en 2012, Eric Bellion, navigateur, redonne un nouveau souffle à cette épopée en constituant l’équipage de sa team Jolokia sur un appel à volontaires dans le même esprit que celui de son prédécesseur :

« Recherche hommes et femmes pour voyage hasardeux. Pas de salaire. Vie spartiate, tâches d’équipage impitoyables, implication exigée. Priorité aux Borgnefesse sociaux ou physiques. Trop normal s’abstenir. Honneur et reconnaissance garantis en cas de succès ».

250 personnes y répondent parmi lesquels des jeunes, des seniors, des hommes, des femmes, des handicapés, des valides, d’origines et de milieux sociaux complètement différents. Il en retiendra 20 parmi lesquels un aveugle, un paraplégique, un malvoyant et un amputé du pied.

Après une année d’entraînement, la team Jolokia embarque en tant que seul équipage non pro pour la Fastnet Race, une course difficile en Manche et mer d’Irlande.

Que nous enseigne-t-il ?

Qu’il croit à la diversité, c’est certain. Qu’elle a des vertus d’efficacité pour une équipe, on n’en doutait pas ! Mais surtout, qu’elle est amenée par une chose : le fait de recruter d’abord sur le critère de la motivation et du partage d’un même but et d’un état d’esprit commun avant celui de la compétence pure.

Une des leçons que l’on peut en tirer : prenez des risques dans vos recrutements : passer outre les critères très normés dont sont encore trop souvent prisonnières les entreprises d’aujourd’hui – et ce non pas pour répondre aux injonctions des quotas de diversité – mais bien pour avoir des énergies, des intelligences, des expériences complémentaires plutôt qu’une équipe de clones.  

À regarder d’abord l’engagement, vous obtiendrez une belle diversité et si tout va bien, la performance ! Preuve en est, qui aurait parié au départ sur le fait que cet équipage d’amateurs – au sens premier du terme – arriverait 8ème sur 18 à cette fameuse course, battant à plate couture des navigateurs a priori plus compétents…

Si les aventures de ce navigateur vous intéressent, n’hésitez pas à aller voir son documentaire sorti en début d’année « Comme un seul homme » retraçant son Vendée Globe.

Et si vous n’avez jamais entendu parler de Sir Ernest Shackleton, on ne peut que vous conseiller de vous précipiter sur le livre retraçant son épopée, L’Odyssée de l’Endurance.

Retrouvez une place à l’inutile au travail

Depuis autant qu’on s’en souvienne, presque tous les grands changements des entreprises ont un point commun : la recherche d’efficacité. Comment faire plus ou mieux dans le temps disponible. C’est un dogme. A ce dogme s’est ajoutée récemment une tendance : le « tout utile ». Les deux ensemble ont éradiqué les moments gratuits de la vie professionnelle. C’est une erreur majeure !


La recherche d’efficacité et le « tout utile », une quête sans fin

Raoul arrive au travail à 8h, il aime bien arriver plus tôt pour traiter ses mails avant que les collègues arrivent. Ensuite, il se rend au stand meeting : c’est pratique de prendre un café en faisant le point avec l’équipe sur les éléments-clés, tout le monde debout et en seulement 15 minutes. Deux réunions projets plus tard, working lunch avec ses pairs pour préparer l’événement du mois prochain sur le lancement du nouveau produit, puis café-feedback avec deux n-1 comme tous les mardis, l’enchaînement des routines opérationnelles en mode agile (c’est bien mieux qu’avant) et il est déjà 18h. Cool, le mardi c’est l’afterwork innovation, on prend un verre et deux start-up pitchent leurs story. Encore une journée efficace !

Il manque quelque chose d’essentiel : il n’y a rien de gratuit

La journée de Raoul est loin d’être horrible, elle ressemble à beaucoup d’autres. Bon, il y a les anglicismes qui énervent mais sinon, il y a tout : de la méthode, du convivial, des projets, du quotidien, des échanges, etc. Pourtant, il manque quelque chose d’essentiel : il n’y a rien de gratuit. Pas un moment qui ne sert pas à quelque chose, pas d’évasion, pas de respiration. 

Et encore, nous pourrions remonter plus loin : les trajets passés sur le smartphone à traiter les mails, aller sur linkedin ou Instagram, écouter des podcasts souvent en lien avec nos métiers.  

Nous sommes dans le règne du tout utile, celui où l’on rêve de mettre plus d’une journée dans une journée. Et on en tire plein de bénéfices : pas de temps perdu, plus de temps d’attente (les plus anciens repensent mi-nostalgiques, mi-horrifiés des minutes d’angoisse à attendre l’arrivée d’une personne en retard avec qui on avait rendez-vous et à qui on ne pouvait envoyer de SMS). Nous sommes devenus des hommes et des femmes augmentés, optimaux. Et on en est fier, même les pauses café sont désormais des réunions projet informelles.


Et tout ça ne nous rend pas meilleurs, au contraire…

Si ce mode de vie et cette quête de l’efficience nourrit notre satisfaction de nous sentir utile, nous rend-elle meilleurs dans notre travail : les ouvriers sont-ils plus compétents, les chercheurs et les marketeux plus créatifs, les dirigeants plus visionnaires et plus stratèges… ça se discute !

Sans tomber dans le « c’était mieux avant » qui serait faux et qui nous vieillirait aux yeux de nos lecteurs, admettons néanmoins que des défauts ont pris de l’ampleur. Nous avons de plus en plus de mal à prendre du recul, et tous nos clients nous disent à quel point eux et/ou leurs équipes ont le nez dans le guidon, aspirés par le court terme. Le cloisonnement entre services aussi est présent presque partout, malgré les réorganisations qui ne font que changer les cloisons de place. La difficulté à sortir du cadre, à être créatif, malgré le foisonnement d’outils d’intelligence collective. Voici des maux qui ont le vent en poupe. 

En fait, l’inutile est utile a posteriori mais au bureau, on culpabilise…

Leur point commun, pour nous cela ne fait aucun doute, c’est le manque de respiration. Le manque de moments pour se déconnecter, sortir du tunnel, prendre de la distance pour prendre de la hauteur, etc. Bref, le manque de pause dans le « tout utile » par de l’inutile, du gratuit. 

C’est l’image du savant dans la Lune : en laissant filer votre cerveau, il se met à faire des connections très efficacement avec ce qu’il a emmagasiné peu avant. Après une activité cérébrale intense, un temps de repos ouvre la voie aux connections inattendues, à l’inspiration.

C’est la raison pour laquelle nos meilleures idées viennent sous la douche, en cuisinant, en marchant, en se rasant… En fait, l’inutile est utile a posteriori mais au bureau, on culpabilise…


Comment faire pour remettre de l’inutile dans le travail

Si auparavant, il y avait des moments inutiles obligatoires (le transport sans smartphone, la pause café sans mail à traiter) et qu’aujourd’hui, il y a encore des moments rendus inutiles involontairement (bugs d’ordinateurs, réunions inefficaces), il faut être volontaristes voire courageux pour remettre de l’inutile choisi et agréable dans nos vies professionnelles. C’est donc un travail de leader, de manager, et un vrai choix que de se saisir de ce sujet.

Le risque d’abus ? On en est loin croyez-moi.

Oser faire un séminaire sans plan d’action par exemple (ce qui d’ailleurs est plus efficace selon nous) quitte à se faire reprocher un manque de concret, ou d’engagement, voilà qui permet de discuter sans injonction d’utilité, d’oser s’égarer, se tromper. 

Amener vos équipes au Musée avant de commencer une journée de travail au vert. Pourquoi ? pourquoi pas ! Pour faire autre chose, pour penser à autre chose. Pourquoi vouloir toujours faire un warm-up utile ?

Encore mieux, montrer à vos équipes qu’il est possible de ne rien faire pendant un temps au travail : bayer aux corneilles, buller… ce que l’on fait parfois en cachette, avec honte, mais par nécessité et que l’on pourrait très bien assumer publiquement comme un besoin naturel afin de donner l’autorisation aux autres de le faire quand c’est nécessaire. Le risque d’abus ? On en est loin croyez-moi. 

Un jour une membre de notre équipe, en guise de feed-back positif, a dit à l’un de nos managers qu’il « glandait bien ». Et bien je peux vous dire que c’est un acte managérial courageux et efficace !

Senior, les HiPo les moins bien exploités

Il n’est pas rare, par les temps qui courent, de discuter avec un ou une manager de 45-50 ans qui se demandent s’il pourra trouver un job, s’il n’est pas un peu vieux…. Et c’est vrai que dans les grands groupes, on ne cache à peine un jeunisme très fort… Mais à 50 ans, en France, on a encore 15 ans de carrière devant soi… Changeons de regard.


En plein paradoxe

C’est fou de voir que dans le même temps, le monde n’a jamais été aussi court termiste, incapable de se projeter au-delà d’un exercice, 3 quand on a de la chance, et qu’on a peur d’embaucher un manager de 50 ans ou plus qui a plus de 10 ans de carrière devant soi….

Tout se passe comme si la performance à court terme serait le fait des jeunes principalement, comme si l’énergie et une certaine fraicheur était plus importante et utile que l’expérience.

C’est faux évidemment, et on devrait embaucher des jeunes pour préparer l’avenir à 10, 15, 20 ans, et des seniors pour avoir des résultats rapides. Sauf que notre système est tellement structuré, normé, outillé qu’il peine à réfléchir et donc à utiliser l’expérience. C’est d’ailleurs intéressant d’entendre des anciens du terrain parler avec leur passion du métier mais se plaindre qu’on ne les écoute pas ou plus…

En fait, on a un système frénétique, qui préfère manager des jeunes, ambitieux, malléables, résistants et n’a pas très envie de se confronter à la complexité, à l’épaisseur.

Et donc en France, on peine à utiliser les plus de 50 ans, et donc on est frileux quand il faut embaucher après 45 ans, sauf pour des profils de très hauts niveaux.

En pleine erreur

Cette situation, en plus d’être socialement impossible, est totalement absurde. Bien sûr que les jeunes sont utiles et indispensables (les auteurs de cet article ont moins de 40 ans ;-)) mais le mix des générations est la meilleure chose à faire. On trouvera la densité chez les seniors, souvent la sérénité, un brin de flegmatisme, plus rare chez les plus jeunes. On aura souvent chez les seniors une ambition voire un ego moins fort et donc des attitudes plus extérieures, plus rationnelles. On trouvera souvent chez les plus jeunes de l’énergie en abondance, une fraicheur pour imaginer des solutions en rupture, une ambition qui peut pousser à la créativité.

Et en faisant ça, on se prive d’une immense richesse, de maturité

Mais on les dit rétifs au changement ces seniors, en roue libre, peu à l’aise avec les nouveaux outils…. C’est parfois vrai, mais il faut dire que tous les processus doivent s’appliquer pour tous, que l’on ait 5 ou 30 ans d’expérience ; il faut dire que les programmes de haut niveau sont réservés au plus jeunes ; il faut dire que bien remplir le SAP semble parfois plus important que bien faire son métier ;  il faut dire que l’ambiance générale est au jeunisme… Et donc ne nous étonnons pas que nos seniors soient un poil défensifs…

Et en faisant ça, on se prive d’une immense richesse, de maturité. On se prive aussi de managers qui peuvent être redoutables justement parce qu’ils sont en fin de carrière : moins à gagner et donc moins à perdre. Nous avons de nombreux exemples de leaders particulièrement courageux dans leur dernier poste, parce qu’ils ne jouent rien et veulent partir sur un succès, laisser le terrain propre, assurer la pérennité pour les générations futures.

Total met souvent des directeurs dans leur dernier poste pour diriger sa plus grande raffinerie : c’est malin, parce que le site est difficile, nécessite courage et savoir faire. Les presque retraités y excellent depuis plus de 10 ans. Dans les équipes mixtes, on voit bien que les différences de point de vue augmentent la qualité des décisions.


Apprendre à les managers

Evidemment, pour tirer le meilleur des seniors, il faut manager un peu différemment, surtout quand on est bien plus jeune. On peut comprendre qu’on a pas trop envie à 55 ans de s’entendre passer des consignes par un jeunot comme si on avait 24 ans. On peut comprendre que l’exécution soit un peu difficile à assumer quand on travaille dans un métier depuis 30 ans.

L’expérience se manage avant tout en co-construction avec une attitude principalement en curiosité, en questionnement. Avec quelqu’un de très expérimenté, le plus efficace est l’interview : comment tu as fait ça ? Comment tu ferais pour ? Quelles solutions as-tu déjà expérimenté dans ce genre de situation ? Il ne s’agit pas de prendre tout pour argent comptant, mais de creuser les raisons des doutes, de comprendre les pourquoi. On utilise alors notre interlocuteur comme mentor. C’est Obi Man Kenobi : il n’a pas raison sur tout mais donne un point stable à Luke Skywalker, une référence qui le conforte dans ses choix. C’est souvent une bonne posture, une relation efficace.

L’expérience est une magie qui fait émerger naturellement des solutions quand elle est en liberté.

L’expérience se manage beaucoup en valorisant la transmission bien entendu. Mais cela nécessite du temps, et des moments peu structurés. Parce que 30 ans d’expérience ne se modélisent pas aisément en 3 points, dans un PPT synthétique ou dans un knowledge management formaté et dénué d’humanité. L’expérience humaine est une histoire, un récit qu’il faut se faire raconter. Récemment, nous avons passé 2h avec 2 managers à nous faire raconter l’histoire de leur industrie : passionnant, et au bout du compte la stratégie vient d’elle-même. L’expérience n’est pas un calculateur qui analyse des paramètres pour sortir une solution. L’expérience est une magie qui fait émerger naturellement des solutions quand elle est en liberté.

L’expérience dans une équipe doit en fait nous pousser à adopter avec tous un management plus ouvert, qui cherche plus la profondeur que la vitesse, la pertinence que la fulgurance. Le management des seniors est probablement celui qu’il faudrait adopter avec tous, pour valoriser les avis individuels et ne pas normer les décisions.

Les crapauds fous ou comment votre projet réussit grâce à l’audace

En janvier, nous célébrions les atouts du management punk et marginal. Ce mois-ci, on en remet une couche. Laissez-vous entrainer au théâtre du Splendid pour la pièce « Les crapauds fous ». C’est l’histoire vraie et surprenante de deux jeunes médecins polonais, Eugène Lazowski et Stanislaw Matulewicz, qui ont inoculé le vaccin contre le typhus aux habitants juifs de leur village en 1940.

Leur but est de les rendre positifs aux tests de dépistage pour dissuader les nazis de s’approcher de trop près et ainsi les sauver de la déportation

Mais leur ruse ne tarde pas à éveiller les soupçons et les deux amis doivent rivaliser d’inventivité pour que la supercherie ne soit pas découverte. 

Embarqués dans leur projet fou, nos deux médecins osent tout pour contrer les obstacles mais dans tous les cas ils y vont à fond.

Le plus fou, dans cette histoire, ce n’est pas tant l’objectif poursuivi que le chemin pris pour y arriver. Stanislaw a fait un pari. Il n’avait aucune certitude que le vaccin du Typhus réponde positif au test de dépistage. Pourtant ca a marché ! Constatant le résultat, Eugène ose voir les choses en grand. Puis, embarqués dans leur projet fou, nos deux médecins osent tout pour contrer les obstacles mais dans tous les cas ils y vont à fond. Résultat : 8.000 Juifs sauvés! Une belle prime à l’audace !

Et l’audace chez nous, managers ? On la désire mais on l’accepte mal en vrai. La créativité est recherchée et valorisée à la condition qu’elle ne sorte pas trop des clous. Les idées originales, trop différentes, voire bizarres font peur à plus d’un titre. Les résultats étant incertains, il y a les risques de contre-performance et de ne pas être pris au sérieux par la direction, ses pairs et les équipes. 

Souvent, un manager, suffisamment courageux, se lance et développe une idée audacieuse, mais recule devant le risque.

Alors qu’il n’y a qu’une seule chose à retenir de nos médecins : croyez en vos idées et celles de vos collaborateurs, même celles les plus folles qui dérangent les esprits et, surtout, creusez-les au maximum pour leur donner une réelle chance de succès. Qui sait : elles peuvent vous emmener loin.

La pièce se joue jusqu’au 30 juin. Courez-y !

STOP à la formation inutile !

A force d’utilitarisme court terme, ou de recherche de ROI sûrs et rapides, il semble que la formation et le développement des compétences manquent beaucoup d’ambition. La performance et l’excellence ne sont pas seulement liées à l’acquisition de compétences, même comportementales, mais aussi et peut être surtout à l’acquisition de culture. Voyons pourquoi et comment.

Halte au tuning

La formation des managers, et plus généralement des collaborateurs, ressemble de plus en plus au tuning : sur une voiture plus ou moins performante, on colle des accessoires destinés à augmenter les performances ou le style. Seulement le résultat, s’il est indéniablement différent du point de départ, manque cruellement d’élégance… et frise souvent le ridicule.

En formation, c’est un peu pareil parce qu’on fait les mêmes formations pour tous, et qu’elles sont motivées chacune par un effet précis, le plus lié possible à la performance que l’on veut augmenter. Mais on est souvent déçu des résultats réels, de la capacité à transposer les enseignements dans les faits.

Pourquoi ?

  • Parce que ces formations ne sont pas assez personnalisées et donc elles peinent à rencontrer le besoin du collaborateur, sa psychologie du moment. 8 fois sur 10, le collaborateur s’y rend donc de bonne grâce, mais il faut un gros coup de chance pour que l’enseignement tombe pile poil au moment où il était dans les dispositions idéales pour en profiter.
  • Parce que les formations sont souvent trop « utiles » et spécialisées. Comme une formation feedback par exemple, dont l’organisation sonne vite comme un reproche, et qui, par nécessité de temps et d’argent, s’intéresse au tout petit bout de la lorgnette, alors que le sujet est en réalité une porte vers l’ensemble des systèmes managériaux d’une équipe voire d’une entreprise.

Le résultat c’est une dépense de formation considérable mais dont les effets sont dilués, souvent disharmonieux et, même si c’est un peu tabou de le dire, décevants.

L’humain n’est pas une voiture

L’humain peut s’améliorer c’est une évidence, et ce n’est même pas si difficile que ça. Seulement il ne faut pas raisonner comme avec une machine où on touche à une fonction pour un effet. L’humain est un système bien plus riche et complexe, dont la performance est liée à l’agilité intellectuelle, à la confiance en soi, à l’absence de peur pour oser envisager les nouveautés, les imprévus. Sur ces domaines, il est d’ailleurs infiniment plus performant que toutes les machines existantes, même les plus incroyables. La force de l’humain est la capacité à sortir du programme, du possible, à envisager le fantastique, la magie, l’alchimie.

Il y a une autre solution, plus simple, moins chère et plus efficace : cultiver les équipes.

Alors pour développer cette capacité unique, il ne faut pas chercher à augmenter les fonctionnalités.

Les soft skills plus générales sont évidemment déjà plus pertinentes que les outillages, mais même elles souffrent de la difficulté à épouser la psychologie du moment du collaborateur ; ou alors c’est du coaching individuel (et pas tous), mais vous n’aurez pas les moyens de payer ça à tous vos collaborateurs.

Il y a une autre solution, plus simple, moins chère et plus efficace : cultiver les équipes.

Pariez sur l’intelligence

Chercher à cultiver les équipes est quasiment absent des préoccupations en entreprises, à part de quelques programmes Haut Potentiel. Sinon, on n’y pense pas.

Pourtant c’est simple, peu cher et ça marche fort.

Ça consiste simplement à proposer à vos collaborateurs de découvrir des aspects de leur univers sans leur demander de livrable. C’est exploiter la curiosité et le plaisir de la nouveauté, même si parfois on s’éloigne franchement du cœur de métier, ou de la tâche.

Pourquoi ça marche ?

D’abord parce que c’est une démarche où le moteur est l’intérêt du collaborateur, et donc que ça s’adapte par nature à sa psychologie : si vous organisez une séance de découverte dans un autre site que le vôtre (et dans une autre entreprise), le collaborateur pourra porter son regard où il veut et poser des questions plus libres ; il n’y a plus cette autorité de compétence, ce référent, qui propose un apport parce que c’est son job. Quand on se cultive, on échange à égalité. Sans livrable, on libère l’intelligence de la pression du résultat, et c’est ça un entrainement. Ce n’est pas apprendre toujours plus, c’est s’entrainer à faire marcher sa tête. Comme un sportif de haut niveau, qui pratique bien plus qu’il n’apprend de nouveautés.

Le passage par la culture est parfaitement adapté à la façon dont fonctionne le cerveau : il n’aime pas être contraint et formaté

Ensuite parce que c’est un manque énorme dans nos entreprises. Je suis souvent ébahi du peu de culture des équipes dans leur propre métier : des salariés d’usine qui n’en ont jamais vu une autre, et même qui n’ont jamais participé à une discussion en dehors de leur domaine d’action. Des monteurs de télévision qui ne regardent jamais la télé ensemble pour commenter les tendances. Des vendeurs tellement obnubilés par leur chiffre du jour qu’ils ne vont jamais voir une autre boutique pour se ressourcer.

Enfin et surtout parce que le passage par la culture est parfaitement adapté à la façon dont fonctionne le cerveau : il n’aime pas être contraint et formaté (surtout en Europe), et ne réagit pas tant que ça en cause conséquence mais en puisant dans une bibliothèque immense de connaissances et d’émotions pour apporter une réponse adaptée à la situation. Cultiver c’est éviter d’imposer et enrichir la bibliothèque. Se cultiver c’est se former à décider.

Concrètement

Même si vous avez peu de moyens et peu de temps, vous aurez 1000 occasions de cultivez vos équipes : en partageant un article et en le commentant ensemble, en regardant un film, en accueillant un visiteur extérieur, en organisant un échange avec un copain d’un autre site proche.

Ça prend du temps, oui un peu. Mais faites à la place de l’heure de réunion où chacun parle 5 minutes et où personne n’écoute ou ne réagit. Faites-le à la place de la revue de projets de plus, qui ne fait que mettre la pression au chef de projet, alors qu’il a besoin de confiance. Faites-le au déjeuner de temps en temps, autour d’un café, le vendredi avant de partir en weekend, au mois d’août avec ceux qui sont là. Et puis, en sollicitant la curiosité et l’intelligence plutôt que la capacité (faible) des humains à appliquer les ordres non discutés, vous aurez des résultats très rapides, à peu de frais, ne serait-ce que sur la motivation.

Développer la culture du feed back : qui peut y croire ?

Il a des tas de modes dans le management, je me demande qui les lance d’ailleurs… C’est drôle en tous cas, en ce moment des tas de boîtes ont décidé de développer la culture du feed back !

On parle de bienveillance ; le feed back est un cadeau ! On parle de se faire progresser, d’oser dire, d’accepter les retours. On lance des programmes de formation, des outils informatiques, des projets transverses… Mais qui y croit vraiment ?


Ça part d’une idée noble

Evitons l’esprit de contradiction pour vendre du papier : je crois aux feed back à mort, j’essaye d’en faire dès que possible (positif et négatif), je tâche de les écouter quand on me fait et de contrôle mon ego pour les transformer en progrès réel. Je pense que rien n’est plus précieux que de donner son avis à l’autre, et dans un monde parfait, tout le monde ferait des feed back en permanence, avec le sourire. Tout le monde les accepterait parce que ça serait parfaitement admis… Bref nous baignerions avec bonheur dans la culture du feed back….

Dans un monde parfait.


Mais ce sujet est vraiment extrêmement compliqué individuellement

 Sauf que nous, on vit dans un monde où les egos sont forts, dans une société où on prône de plus en plus la performance individuelle, où la compétition est encouragée très jeune, où on classe de fait les enfants avec des notes à partir de 7 ans. On vit dans un monde où il faut repostuler à chaque changement de poste, y compris pour un mouvement interne après 15 ans de bons et loyaux services.

Et du coup, il y a beaucoup, beaucoup de gens qui ont peur de ne pas plaire, de ne pas être à la hauteur, qui se questionnent sur leur légitimité, qui ont des problèmes de confiance en eux… Cette question génère peut être 50% du chiffre d’affaires des coaching en France, sans exagérer.

Est-on vraiment en train de bousculer la culture, ou mettons juste une ligne dans les objectifs RH ?

Le feed back dans ce contexte est bien plus difficile à vivre qu’il n’y parait. Il percute les habitudes, les egos. Il demande des compétences qui paraissent simples sur le papier mais qui ont été très peu travaillé depuis des années, ni à l’école, ni dans les études, ni dans les entreprises.

Il est donc logique qu’aujourd’hui on parle de culture du feed back, parce que c’est de ça dont il s’agit. Seulement on en fait un sujet de formation, comme si c’était une simple question de compétence. On lance des initiatives à grand renfort de comm, on en parle en COMEX, comme si c’était juste un point important qu’on avait juste oublié de traiter avant, et qui va rentrer dans les objectifs de l’année, comme on fait d’habitude.

Mais ils les reçoivent les feed back les membres du comex ? Ils vont changer le comportement qui leur a permis d’arriver tout au sommet ? Est-on vraiment en train de bousculer la culture, ou mettons juste une ligne dans les objectifs RH ?

Non franchement, je crois que l’intention est louable mais qu’on ne se donne pas les moyens de changer de culture. On attaque ça avec moins d’intensité que quand il fallait former au mode projet, alors que le sujet était infiniment plus simple.

Et implique des transformations structurelles

En plus de la culture, un travail sérieux de mise en place du feed back n’est que le bout d’une pelote qui en se déroulant vous obligerait à revoir le système d’évaluation, les politiques d’intéressement, les ownership de projet, probablement à rendre les rémunérations transparentes, à revenir à la rémunération variable collective.

Difficile d’imaginer changer la culture sans toucher aux structures ; ou bouger les structures sans questionner la culture.

Pourquoi ? Et bien parce que qui dit feed back dit reconnaissance. Alors s’ils se multiplient il serait curieux que leur accumulation n’ait aucun impact sur l’évaluation de fin d’année. Parce que feed back dit réciprocité, et donc entraîne à la question de l’équité des rémunérations, à l’équilibre des pouvoirs.

Tous ces sujets sont passionnants et méritent de s’y pencher, mais je ne suis pas certain du tout que celui qui décide de lancer « la culture du feed-back » a vraiment envie de bousculer tout le système managérial. Je crois que l’on dit culture sans se rendre compte que la culture et les système sont imbriqués et s’alimentent. Difficile d’imaginer changer la culture sans toucher aux structures ; ou bouger les structures sans questionner la culture.

Une fois de plus, on prend le sujet comme une épine isolée dans le pied alors que c’est une démarche complète qu’il faut réinventer si on veut le prendre comme ça.


On espère sûrement éveiller les consciences

Alors, au fond, on peut se demander ce qu’on espère avec des programmes aussi ambitieux dans le fond mais dont on mesure pas les conséquences et la difficulté. D’autant plus que l’on peut parier sur une autre mode dans 2 ou 3 ans. La culture du feed back est donc très souvent un projet décevant, quand il n’a pas simplement été escamoté.

Admettons que ce genre de programme a au moins le mérite de mettre le sujet sur le radar. Sans atteindre ses objectifs, il est probable qu’une partie du chemin sera entamée, et que la prochaine mode contribuera à le poursuivre en espérant que ce soit vaguement dans la même direction. Admettons.

Mais je trouve quand même un peu décevant de faire tout ce ramdam pour dévier le paquebot d’un petit degré ou deux.


 Mais pourquoi les grands mots ?

Alors comment s’attaquer à un sujet aussi légitime, sans être dans cette illusion de l’action, qui n’est en fait qu’une publicité plus ou moins participative ?

Je crois qu’il faudrait choisir son camp :

  • Soit on invoque les grands mots. La culture en particulier. Et à ce moment là, il faut se lancer dans un chantier qui n’est pas RH, mais véritablement stratégique. On définit l’enjeu de conquête pour l’entreprise à 5/10 ans, on montre pourquoi les méthodes, bonnes jusque là, sont maintenant obsolètes, et surtout on se donne une quête excitante et rupturiste à réussir ensemble… et dans ce cadre, on peut aborder les fonctionnements internes, dont le feed back.
  • Soit on la joue plus modeste et on se dit que l’amélioration des coopérations internes passera par la façon dont on lance et on anime le quotidien : plus participatif, plus ouvert, avec plus de places valorisantes pour plus de gens ; ainsi la fierté des individus grandira et le sentiment de menace ou de faiblesse reculera. Sans le dire, le feed back s’installera naturellement, à travers le plaisir de travailler ensemble.

J’avoue que je suis perplexe face aux programmes globaux et un peu pompeux. Agissons plus et différemment sur le coeur de métier, en commençant petit et local, plutôt que de se disperser en passant beaucoup de temps et d’argent sur des programmes un peu vains. 

L’extraordinaire voyage du Fakir où comment faire du test & learn sans rester dans son armoire Ikéa

Aujourd’hui nous allons parler d’un livre qui a fait l’objet d’une adaptation en film et en BD : « L’Extraordinaire Voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea ». C’est l’histoire d’Aja, un fakir escroc, qui décide de venir à Paris avec l’idée d’y devenir riche et d’y mener une belle vie mais qui par erreur se retrouve expédié en Angleterre dans une armoire, puis à Rome dans une malle, puis à Florence, etc.

Dans cette épopée, les galères s’enchaînent beaucoup mais Aja garde son cap et continue de tenter de s’en sortir sans jamais abandonner. Il vivra plein d’aventures, tenta plein de choses, réussira des exploits, apprendra de ses succès, mais va aussi se tromper, apprendre de ses erreurs, rencontrer des gens très différents et tout cela va l’aider à grandir et à changer son comportement vis-à-vis de la vie et des gens. A tel point que lorsqu’il réalise son rêve (il a l’occasion de devenir très riche et célèbre), il se rend compte que ce n’est finalement pas son unique but dans la vie et veut encore aller un cran plus loin.

Si Aja était arrivé facilement à Paris, avait gagné tout de suite de l’argent, avait pu retrouver sans encombre la femme qu’il aime, il n’aurait rien appris.

Le lien avec le management : le test & learn, ce concept à la mode qu’on l’entend tout le temps dans les entreprises, qui donne envie parce qu’on a l’impression que tout est possible (chacun peut tester ses idées), qui rassure parce qu’on se dit que si l’idée n’est pas bonne ce n’est pas grave (« soit je réussis, soit j’apprends »), qui est censé permettre d’innover, de progresser… mais que finalement peu de managers appliquent vraiment jusqu’au bout. Souvent on lance une démarche de Test & Learn et là 2 choses peuvent se passer :

– soit on saute sur la 1ère idée sympa, on se félicite direct et on la déploie pour tout le monde

– soit on a des idées, mais compliquées à mettre en œuvre, et on a peur que cela coûte en temps et en argent sans réelle efficacité donc on arrête l’expérience et on fait du top-down.

On dévoie donc complètement le concept !

Si Aja était arrivé facilement à Paris, avait gagné tout de suite de l’argent, avait pu retrouver sans encombre la femme qu’il aime, il n’aurait rien appris. C’est à travers les difficultés, les doutes et toutes les expériences vécues qu’il a pu voir sous un autre angle son réel dessein, celui qui le comblerait. Cette histoire prône donc le fait d’aller à fond, de suivre ses intuitions, d’accepter de se planter, mais aussi de ne pas s’enorgueillir du succès sans regarder comment aller plus loin, mais encore de reconnaître ses fautes sans concession pour passer à autre chose, tester autre chose…. C’est cela le vrai test & learn, celui qui nous fait sortir vraiment du cadre.

Donc pour vous les managers, arrêter de parler de test & learn si vous ne voulez pas vraiment prêt à vous y mettre !

ALBUS CONSEIL