Catégorie : Business management

Manager les jeunes

Tout comme les seniors, les jeunes souffrent de nombreux préjugés : issus des générations Y et Z, ils seraient plein d’énergie, créatifs à souhait, zappeurs, indépendants, capricieux…
L’idée n’est pas de prétendre que tout cela est faux, mais plutôt de se dire que partir de ces caractéristiques pour les manager serait une grave erreur. Surtout parce que manager l’âge uniquement est rarement une bonne idée et que comme nous tous ils ont surtout besoin d’un management à la personne.
Dans ce podcast on essayera de comprendre comment ne pas tomber dans le piège de vouloir plaquer ces préjugés sur son management et on discutera des façons de manager au mieux une génération qui nous paraît parfois loin de nous.

Quand on fait un PSE, on perd les meilleurs, et c’est mieux pour tout le monde

Souvent quand un patron prépare un PSE (Plan de Sauvegarde de l’Emploi), il me demande : comment garder les meilleurs (et donc faire partir les moins bons) ? En cette période où les PSE risquent de se multiplier malheureusement, je veux répondre clairement et publiquement : vous allez perdre les meilleurs, et c’est très bien comme ça, et même pour vous. Vous voulez savoir pourquoi ? Lisez cet article.

 

Vous n’aurez pas le beurre et l’argent du beurre

Un PSE est parfois nécessaire, COVID ou non. C’est un moment de la vie des entreprises, ne le diabolisons pas. Bien fait, il permet de préserver une activité pour un collectif et accompagne ceux qui partent jusqu’à ce qu’ils retrouvent un emploi. Bien fait, il porte parfaitement son nom. Il sauvegarde l’emploi.

Mais un PSE c’est quand même un moment où l’entreprise va se séparer de collaborateurs pour se réorganiser et adapter sa production à ses besoins d’avenir. Des collaborateurs vont partir, et vous y gagnerez des marges de manoeuvre pour travailler autrement. Alors il faut assumer. Parce que si vous êtes sincèrement préoccupés par les enjeux de reclassement, par l’avenir individuel des collaborateurs, alors ce sont les meilleurs qui vont vous quitter. Ceux qui sont les plus demandés sur le marché du travail vont trouver un autre projet où exercer leurs talents. Si vous voulez les garder, ne faites pas de PSE.

Ceux que l’on considère comme talents, le sont pour beaucoup d’autres. Et d’ailleurs, ils sont conscients de leurs possibilités sur le marché de l’emploi et vont immanquablement plus regarder ailleurs que ceux qui se sentent en danger, qui vont avoir tendance à serrer les fesses pour ne pas faire partie du plan.

Bref, il est logique que dans un PSE, les meilleurs partent :

  • Parce qu’ils sont les plus facilement reclassables.
  • Parce qu’ils seront les plus enclins à regarder ailleurs.

Autrement dit, vous n’aurez pas le beurre et l’argent du beurre. 

 

En plus souhaiter garder les bons, c’est vouloir se séparer des plus fragiles.

En voulant garder les meilleurs vous poussez mécaniquement ceux qui sont plus fragiles dehors. Vous vous donnerez bonne conscience avec vos mesures chères et spectaculaires, mais franchement, si vous êtes humanistes comme vous le dites, plutôt que de dépenser des fortunes pour compenser le fait d’avoir viré les faibles, gardez-les.

Clairement c’est cette attitude très répandue qui rend certains PSE totalement détestables. On cherche à multiplier les catégories professionnelles par exemple, pour cibler au maximum celui dont on ne veut plus, pendant que les élus veulent les agrandir pour protéger les plus faibles. C’est eux qui ont raison. Bien sûr, les catégories ne sont pas à proscrire mais acceptez qu’elles soient plutôt larges. Que vous sépariez les comptables des techniciens d’accord, mais trouver toutes les subtilités à l’intérieur de vos techniciens pour pouvoir enlever pile celui qui n’en peut plus, non.

 

Vous aussi, vous avez tout à gagner à perdre les meilleurs

Je le comprends le raisonnement de prime abord : comment vais-je garder mon niveau de performance si, en plus de réduire les effectifs, je perds les meilleurs éléments ? Logique.

Mais c’est en fait un mauvais calcul pour 3 raisons :

  • Ça va tendre les relations sociales puisque c’est le point d’attention majeur de la plupart des élus (à juste titre selon moi).
  • Ça va renvoyer de vous une image très utilitariste, et casser durablement la confiance. Vous êtes celui qui tire sur les ambulances.
  • Enfin ça montre que la transformation va rebattre les cartes et qu’elle est l’occasion pour ceux qui étaient à la peine de se relancer

Aussi, je vous encourage vivement à faire votre PSE sans chercher à garder ceux que vous estimez être les bons.

Votre réorganisation doit être motivée par le passage d’une époque à une autre. Vos efforts ne doivent pas être orientés vers le passé (comment je garde ceux qui ont réussi jusque là ?) mais vers l’avenir (comment je crée les meilleures conditions pour réussir demain ?).

Cet effort, nécessaire pour le projet globalement, vous conduira également à revoir votre jugement sur vos équipes. Ou plutôt, il vous conduira à éteindre le jugement pendant cette période : puisque beaucoup de choses vont changer, il vous faudra accepter que les gens aient des moments de doute, voire de colère, mais aussi qu’après la tourmente de nouveaux héros émergeront. Parfois les mêmes, souvent des nouveaux.

Concrètement, le discours forcément pessimiste du PSE (il faut justifier d’une difficulté actuelle ou à venir pour que les autorités valident votre plan) va être doublé d’un projet optimiste sur les Hommes, collectivement et surtout individuellement. En montrant à ceux qui sont en difficulté que vous comptez sur eux et que vous ne cherchez pas à vous en débarrasser, vous aurez énormément de bonnes surprises. Ces bonnes surprises seront plus nombreuses encore avec le départ de plusieurs de vos « stars » : ils libèreront des places importantes, mais surtout, ils libéreront de la lumière, du temps de parole, de la reconnaissance. Ne raisonnez donc pas de manière statique alors que tout change. 

Le beau PSE est donc possible à partir du moment où il n’est pas cynique, où il comprend que la sauvegarde de l’emploi n’est pas une vaine expression.

Bien sûr, les élus ne vont pas vous tomber dans les bras. Mais si vous êtes honnêtes dans votre démarche et que vous demandez à vos conseils de travailler dans cet esprit, vous verrez qu’ils seront moins agressifs.

Si les PSE sont si delétaires, ce n’est pas génétiquement lié à leur objet. C’est parce qu’on fait des PSE cyniques qui disent l’élitisme dont vous faites preuve, qui montrent clairement les chouchous et cantonnent ceux que vous considérez comme cancres dans une position de parias.

Un PSE c’est une nouvelle étape de vie pour l’organisation. Il est le début d’une aventure différente dont les héros seront différents de ceux des aventures précédentes. Les anciens héros vogueront souvent ailleurs vers d’autres horizons, et vous trouverez chez vous les talents cachés jusque là dans l’ombre de ceux qui étaient vus comme des stars.

Alors assumez de faire un PSE, n’ayez pas peur. Et faites le bien.

 

Mobiliser dans un PSE

Une fois n’est pas coutume, je vous propose 7 nouvelles règles à respecter pour que les PSE soient positifs :   

  1. Ne pas avoir peur du conflit dans un PSE. Ils sont souvent durs parce qu’ils sont souvent cyniques.
  2. Parlez ouvertement de la transformation comme d’un changement d’époque et assumez que les cartes seront rebattues.
  3. Misez sur la maturité des équipes et leur capacité à comprendre plutôt que de tout cacher et de vous réfugier derrière un dossier béton.
  4. Acceptez d’emblée que de très bons éléments profiteront du plan, et tant mieux.
  5. Donnez le défi à vos managers de dénicher de nouveaux talents chez ceux auxquels on ne croyait plus.
  6. Demandez à vos conseils de modérer leurs ardeurs pour les catégories ou autres : on ne veut pas garder les forts à tous prix nous.
  7. Rédigez un projet qui s’appuie sur ceux qui restent, sur ceux qui peinent et faites leur confiance. Parce qu’il ne veulent pas partir eux. Ils n’ont rien demandé.
     

 

Vers un nouveau dialogue social

Tous les projets de grandes ou petites transformations sont de plus en plus monnaie courante en entreprise et pour les mener à bien, un bon dialogue social est nécessaire… Or cela est loin d’être facile. On vous donnera notre avis sur cette épineuse question en vous livrant quelques recommandations et en vous indiquant les principaux pièges à éviter. Mais sachez qu’il s’agit de toutes façons d’une démarche long-terme comme tout changement culturel…

 

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil

Au micro : Camille Riou et Patrick Bois. 

A la réalisation : Laetitia Peyre

 

 

Quand l’Enfer devient le Paradis et le Paradis l’Enfer

Il est communément admis que les situations difficiles sont difficiles à manager et les situations plus positives, plus faciles. C’est pourtant loin d’être automatique car l’adversité génère de nombreuses opportunités managériales… Encore faut-il les saisir ! Et la croissance peut se révéler destructrice de collectifs, si on y prend pas garde.

* Pour aller plus loin *

// A lire //

/fr/magazine/retrouvez-une-place-a-linutile-au-travail

Managers travaillez moins pour gagner plus

// Les extraits//
Un prince à New York – John Landis
Les trois oyaumes – John Woo
Fast & Furious – Rob Cohen
La cité de la peur – Alain Berbérian
Le seigneur des anneaux – Peter Jackson
Un fauteuil pour deux – John Landis

IAM – L’enfer feat. East et Fabe

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil

Au micro : Camille Riou et Patrick Bois. 

A la réalisation : Laetitia Peyre

Entreprise libérée / dans les coulisses d’une entreprise qui se libère

Dans cet épisode, on vous propose de parler de la liberté en entreprise et de la quête infinie qu’elle représente quand on la choisit comme principe fondateur… Aucun mode opératoire n’est à suivre, tout est à inventer tant qu’on a l’envie et la conscience que le chemin sera sinueux, parfois difficile mais que les bénéfices seront nombreux pour vous, pour vos collaborateurs et votre boîte. On en profitera pour déconstruire le mythe de l’entreprise libérée, modèle parfois un peu dogmatique.

* Pour aller plus loin *

// A lire //

Décideurs arrêtez de décider

Si, si, le management participatif est un but en soi

Liberté et exigence pourquoi c’est compatible

 

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil

Au micro : Camille Riou et Patrick Bois. 

A la réalisation : Laetitia Peyre

Appréhender les problèmes différemment : s’inspirer de l’Asie

Le stress est le grand problème de bon nombre d’entreprises. Il repose évidemment sur des cas individuels et des contraintes locales mais il est aussi probablement, le résultat d’une culture occidentale dont le rapport aux problèmes ne correspond plus tout à fait aux contraintes du monde du 21ème siècle.
Regardons du côté de l’Asie pour voir comment nous améliorer et pondérer l’audace et la combattivité à tout prix !

* Pour aller plus loin *

// A lire //

Eloge de la lenteur en management

L’Art De La Guerre de Sun Tzu (version Livre Audio)

// A voir //

Les 3 royaumes de John Woo

Le stratège de Bennett Miler

// Les extraits //

Star Wars : Episode V : L’Empire contre-attaque

Livre Audio L’Art De la Guerre Sun Tzu Français

La différence entre le cinéma belge et français par Benoir Poelvoorde

 

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil

Au micro : Camille Riou et Patrick Bois. 

A la réalisation : Laetitia Peyre

Etre politique en entreprise, ou ne pas être ?

Il y a ceux qui le sont et ceux qui, grands dieux, ne le sont pas ! Il y a ceux qui réussissent mais « qui sont tellement politiques » et ceux qui n’ont pas eu le poste mais « qui ne sont pas assez politique ».

Etre politique ou ne pas être semble être la nouvelle vérité du sport de la réussite en entreprise… Mais comme souvent, ce qui est amusant, c’est que c’est les autres qui sont politiques.  


Le gros méchant politique

Ça ressemble presque à une insulte : celui là, il est vraiment très politique ! C’est pas évident de comprendre ce qui se cache derrière cette accusation, à part un certain mépris.

Je crois qu’on peut y voir le reflet en entreprise d’une tendance à la caricature du monde politique, incarné par certains qui ne semblent vivre que pour être élus, et peu importe les projets, les convictions. Ceux qui multiplient les coups bas et manigances. Et après les loups affutés mais presque romantiques comme Mitterand et Chirac, on subit des intrigants moins brillants et plus décomplexés, dont Copé serait le produit le plus archétypal.

Et donc, j’ai un peu l’impression que quand on taxe quelqu’un d’être politique en entreprise, c’est un peu à Copé que l’on pense, ou en tous cas à quelque chose de très déplaisant.

Parfois il y a aussi une pointe d’habileté que l’on reconnait à ces maîtres de la manipulation ; ils peuvent même être intelligents, mais rarement vertueux, généreux, leader.


Où en est l’invasion ?

Espèce menaçante ok. Mais est-elle répandue ? Si on écoute sans regarder plus loin, oui, ils sont très nombreux. Comme les zombies du film, ils se multiplient et remplaceraient rapidement les derniers vertueux, les gentils papas, les jeunes et les vieux. Et ils resteraient quelques chevaliers valeureux, seuls contre tous, des Don Quichotte isolés et souvent vénérés.

Mais ce qui est curieux quand on rencontre des dizaines, des centaines de managers, c’est qu’il semble qu’on soit souvent le politique de l’autre comme on est toujours le con de quelqu’un. 

Parce que ce que l’on appelle politique, c’est la part d’inconnu dans les intentions des autres, et si vous creusez, vous verrez qu’ils sont de chair et de sang comme vous.

J’ai bien rencontré quelques serpents cyniques, mais moins qu’on le dit, et la politique qu’on prête aux autres me semble plutôt être une intention que l’on ne comprend pas, une faiblesse que l’on ne veut pas voir. Ceux qui ramènent la couverture à eux, sont souvent de grands complexés en quête de légitimité et bien inconscients de ce qu’ils inspirent. Ceux qui parlent entre les réunions, sont souvent ceux qui veulent réussir et préparent les individus. Ceux qui n’écoutent que le chef sont souvent ceux qui ont peur de mal faire, souvent pas de simples courtisants. 

Il me semble que l’invasion est bien moins importante que prévu ! Les zombie reculent ! Parce que ce que l’on appelle politique, c’est la part d’inconnu dans les intentions des autres, et si vous creusez, vous verrez qu’ils sont de chair et de sang comme vous.

Ou alors, on est déjà tous des zombies, mais depuis longtemps, depuis qu’on essaye de vivre en société tout en gardant notre personnalité. Depuis le Monolithe pour ceux qui pensent cinéma.

 

Alors, que faire ?

Contre les zombies, les sans foi ni loi, la lutte s’impose incontestablement. Mais attention à bien les reconnaitre, et gare, si on est soi-même pris pour cible !

Parce qu’en fait, être zombie, c’est perdre sa personnalité.

D’abord, rétablissons le mot dans sa splendeur. Avoir une politique c’est avoir un projet cohérent, qui peut s’expliquer et dont le but est de développer le collectif considéré ! J’en veux.

Etre politique c’est vouloir s’occuper de la vie de la collectivité et se soucier de son équilibre ! J’en suis.

Et je me demande même si finalement, ceux qui accusent beaucoup les autres d’être politiques ne seraient pas un peu jaloux, voire un peu passifs.

Nous aurions besoin de beaucoup d’êtres politiques, qui s’occupent de faire avancer la communauté et pas seulement eux mêmes. En tous cas, militons pour des systèmes managériaux dans lesquels les individus ne sont pas que les pions informes du systèmes mais bien des acteurs. Parce qu’en fait, être zombie, c’est perdre sa personnalité. Et je me demande même si finalement, ceux qui accusent beaucoup les autres d’être politiques ne seraient pas un peu jaloux, voire un peu passifs.

Moi j’aime bien ceux qui ont un projet cohérent, même s’il diffère du mien, plutôt que ceux qui n’en ont pas. Et bien sûr agir veut dire bousculer et forcément ne pas plaire à tous, et souvent tomber dans la case « politique ».

Notez bien, je ne suis pas pour autant le dernier défenseur de Copé en France. Il n’y a selon moi pas plus de politique en Copé que chez Trump, il n’y a que de l’avidité. 

Parce que la société a besoin de courage et de diplomatie

Ceux qui se targuent de ne pas être du tout politique sont souvent en fait un peu brutaux. En France on aime ces personnages magnifiques de rebelles qui disent ce qu’ils pensent… mais n’est pas De Gaulle qui veut. Et Chevènement, ou Hulot très récemment, qu’ont-ils changé du monde en refusant la diplomatie pour garder leurs idées intactes ?

Je crois que la diplomatie, la préparation des individus, l’écoute et la prise en compte des peurs, la recherche du mot juste sont les passeports indispensables du courage. Il n’est d’aucun courage de gueuler et d’insulter, de dire ce que personne n’est préparé à entendre ; on se soulage la conscience et les nerfs, tout au plus.

Le courage c’est de défendre une idée profonde du monde et de l’entreprise, quitte à se fâcher ou à se séparer parce que vraiment, les visions politiques divergent. Mais pas de balancer la sauce, à la Bacri, pour faire mal ou au moins pour dire, au bistrot, « ce que je lui ai mis à celle là ! ». 

Le courage dont nous avons fait notre valeur cardinale chez ALBUS, ce n’est pas dire ce qu’on pense, c’est être politique :

  • Dire les choses que l’on croient vraies, et défendre une certaine idée du management et de son métier.
  • Mais chercher à dire les vérités pour que l’autre puisse en faire quelque chose.

Syndrome Kennedy en management : comment faire quand tout ce que vous dites est mis en doute ?

Parfois en gestion des temps difficiles, un manager se trouve démuni parce qu’il voit que, quoi qu’il dise, le terrain doute de sa bonne foi, ou suspecte l’info cachée… 

Comment créer de la confiance face à la défiance généralisée ? On est en plein débat Kennedy : comment résister avec un interlocuteur qui argumente sur ce qui est caché ?

En management, on est parfois désarmé pour donner du sens

Les équipes de toutes les entreprises appellent de leur voeux que leurs leaders donnent du sens à l’action, que l’on parle du dirigeant stratège, ou du manager de terrain tacticien. C’est évidemment légitime.

Mais parfois, notamment en temps de crise mais pas que, la volonté de donner du sens se heurte à une défiance généralisée, à une mise en doute systématique de la parole managériale : on pense que quelque chose est caché, que les décisions de fond sont déjà prises. On refuse alors toutes les affirmations qui ne collent pas à la certitude que l’on a.

C’est par exemple le cas sur la réforme de la SNCF : les opposants affirment que la réforme vise la privatisation par exemple. Ce n’est pas le cas, mais l’opposition dit que c’est l’enjeu masqué, que c’est la porte ouverte à la réforme suivante. C’était le cas avec le mariage pour tous, qui devait amener mécaniquement la GPA. Dans les entreprises, ça arrive également avec des réorganisations que certains voient comme le dernier pas avant la fermeture.

Nous ne disons pas que ces anticipations sont systématiquement fausses. C’est parfois faux, parfois vrai. Mais pour le manager qui doit donner du sens, cette situation est désarmante parce qu’il est difficile de rassurer, même quand on est de bonne foi.

La force de la théorie du complot c’est de ne pas avoir besoin d’argument

La stratégie d’opposition qui consiste à contester un projet sous prétexte d’éléments cachés ou de conséquences possibles est redoutable. Pourquoi ? Parce qu’il n’est pas nécessaire d’avoir de preuves ou d’arguments pour défendre cette position, alors qu’il est nécessaire d’en avoir pour la combattre.

Et du coup, le débat devient rapidement un dialogue de sourd entre ceux qui défendent leur projet en jurant qu’ils sont de bonne foi et que le projet ne comporte rien de plus que ce qu’il contient ; et ceux qui s’y opposent en affirmant que les décideurs sont de mauvaise foi et que le projet suivant est déjà dans les cartons. Comme aucune des 2 positions n’est prouvable (il faudrait voir l’avenir), c’est alors l’émotion qui fait loi (au sens propre) et plus la raison… Danger.

En politique, on voit chaque jour des débats qui deviennent stériles dans un schéma de ce genre. Mais dans l’entreprise, on a aussi parfois cette même voie sans issue, avec des managers qui doivent se débattre entre le marteau et l’enclume :

  • Marteau des opposants qui pilonnent de questions et d’affirmations sur cette prétendue malhonnêteté.
  • Enclume du top management qui souvent se borne à affirmer ses choix avec vigueur mais sans apporter de réponse à cette inquiétude sourde.


Et y résister c’est agir

S’agissant du complot Kennedy, on est vraiment coincé parce qu’on parle d’un passé qui s’éloigne et que les protagonistes sont morts, ou en tous cas plus au pouvoir.

Mais dans nos entreprises, il existe des solutions parce que les fantasmes sont liés au futur, et pas au passé. Reste que c’est sacrément compliqué et épuisant. Alors comment faire ?


D’abord, éviter le syndrome Virenque : « on m’aurait menti à l’insu de mon plein gré ? »

Votre voix de manager est souvent discréditée par l’envie de se contenter de l’information qui vous est donnée sans la questionner. On vous demande de « tenir la posture », mais cette injonction est contre-productive. Parce qu’en vous demandant de cacher votre esprit critique, vous allez alimenter la théorie du complot. Votre position paraitra naïve ou suspecte et mettra de l’eau au moulin de ceux qui croient à la manipulation.

Votre devoir et votre honnêteté tiennent donc d’abord dans la nécessité de questionner votre hiérarchie. De vous assurer activement que le projet que vous allez défendre est bien celui qui sera mis en place. On ne peut pas transmettre l’info en prévoyant de se défendre dans le futur en disant « qu’on se savait pas ». Virenque a fait ça, et il est passé pour un idiot ; Papon a fait ça et il a été jugé comme un criminel.

Donc ne soyez pas trop bon élève. Osez demander. Si vous avez peur des représailles de votre patron suite à votre question, je vous invite à réfléchir à celles de votre équipe suite à votre passivité. Et puis, s’il y a vraiment un projet caché, que ferez-vous ?


Ensuite, défendre le projet avec enthousiasme mais sans naïveté

Les mots des autres dans votre bouche sonnent souvent faux. Ils ne vous ressemblent pas ; ils ne sont généralement pas 100% adaptés à votre contexte, et aux enjeux concrets de votre équipe. Ils prêtent donc le flan à une méfiance difficile à gérer.

Il est donc indispensable de reformuler le projet et ce de 3 façons :

  1. En employant vos mots, vos exemples, votre rhétorique.
  2. En traduisant concrètement le projet en enjeux opérationnels pour votre équipe.
  3. En vous assurant que les équipes dont vous avez la charge auront un intérêt à faire ce projet ; qu’elles ne scient pas la branche sur laquelle elles sont assises.  

Nous employons parfois le terme de contrebandier pour décrire l’attitude que nous prônons : il ne s’agit pas d’agir contre les intérêts du projet mais de profiter du changement pour faire passer vos convictions, vos mots, vos ambitions managériales. Profitez de chaque changement pour tenter d’améliorer votre fonctionnement, pour donner plus de liberté, écouter plus, etc. Ainsi, vous développerez l’intérêt réel de vos équipes dans le projet. Et ces changements-ci ne dépendent que de vous, donc pas de risque de manipulation. 


Enfin, agir malgré tout

Il est logique que malgré votre travail, des oppositions s’expriment, de bonne ou de mauvaise foi, fondées ou non. Ces oppositions vous agacent peut-être et vous gênent certainement mais ne focalisez pas votre énergie sur elles.

D’abord parce qu’elles ont le droit d’exister. Nous ne vivons pas dans un régime totalitaire, et le monde est trop incertain pour que nous puissions garantir que tout ira comme prévu. Face à ces incertitudes, il est légitime que certains aient peur et cherchent à résister tandis que d’autres voudront agir. Il est capital de respecter toutes les positions, vraiment. Après, appuyez-vous sur ceux qui veulent agir et n’attendez pas que tous soient convaincus pour avancer. C’est dans l’action que les pessimistes et les méfiants seront éventuellement convaincus.

C’est le temps qui prouve l’honnêteté des intentions, pas les déclarations. Pensez à la RDA qui affichait Démocratique dans son nom ! Bien des choses ne peuvent pas être prouvées autrement qu’en actes ; les déclarations ne font qu’attiser la méfiance.


Manager, c’est militer

En conclusion, dans notre monde si complexe, manager ce n’est plus être le rouage docile de décisions prises au loin. Manager aujourd’hui ce n’est pas encadrer le travail, c’est essayer de donner à une équipe une véritable cause pour qu’elle progresse et s’épanouisse quoi qu’il arrive.  

Bref manager c’est militer, c’est défendre par ses actes une vision du vivre ensemble (dans le monde du travail). Ainsi, vous montrerez que la résistance n’est pas forcément dans les ZAD et les oppositions les plus idéologiques mais aussi dans une pratique différente au quotidien.

Manager c’est militer.

 

Créez des héros, pas des idoles

On a eu Steve Jobs, Richard Branson, Rockfeller il y a plus longtemps ou Elon Musk maintenant. Des David Beckham du business, toujours anglo-saxons (en France, on n’est pas très à l’aise avec la réussite des patrons), qui semblent être l’alpha et l’omega du management, en tous cas, si l’on en croit Linkedin, et dont chaque initiative semble devoir changer le monde.

Comme au temps de l’exode, il nous semble que nous devrions nous méfier de ces idoles.


Pas de problème avec les individus

Ne tombons pas dans le piège de la jalousie. Bien sûr, les Jobs, Branson et autres ont leur part d’ombre, comme Churchill ou Jean Moulin… Heureusement d’ailleurs. Ce n’est pas ce qui pose problème. Ces individus sont, à l’exception peut être de Musk mais nous y reviendrons, des grands pionniers, des leaders qui ont fait avancer leurs entreprises et ont parfois apporté des produits qui ont changé la vie de millions de personnes.

L’enjeu n’est pas ici de discuter de leurs mérites, mais de comprendre pourquoi on passe de la reconnaissance à l’adulation, du talent à la quasi-déification.


Mais une extinction de l’esprit critique du public

Le problème ne vient pas d’eux mais de l’adoration qu’ils suscitent. Dans les séminaires, citer Jobs, c’est apporter un argument définitif… Qui oserait se mesurer à cette réussite ? Même d’ailleurs quand la citation n’est pas à propos, on fait semblant de ne pas le voir et personne ne questionne le bien fondé du parallèle, ni même la véracité de l’enseignement.

Parce que du fait de leur grand succès et aussi (surtout ?) de leur charisme, on ne se pose plus vraiment de questions. Et on avale des argumentaires bancals parce qu’ils sont légitimés, sans leur accord, par ces figures iconiques.

L’idolâtrie de Musk et Tesla conduit à un contre sens quasi généralisé, et au marché absurde des supercars électriques qu’il faudra démanteler dans 10/15 ans !!

Le cas de Musk est frappant, notamment sur Tesla. On a fini par faire de ces voitures des modèles de transition énergétique réussie… Mais c’est absurde : si une Tesla S est une voiture écolo, pourquoi a-t-elle des performances de supercar ? A cause de ces performances, ses batteries sont inutilement grosses (puisqu’on ne peut rouler à 200 km/h nulle part). Or, une Porsche qui roule à 130 km/h consomme moins que quand elle roule à 250 km/h, une Tesla a toujours la même énorme batterie qu’il faudra recycler (comment ?)… Et puis, l’électricité ne doit-elle pas être produite ? L’idolâtrie de Musk et Tesla conduit à un contre sens quasi généralisé, et au marché absurde des supercars électriques qu’il faudra démanteler dans 10/15 ans !!

Au lieu de se fasciner pour Musk ou les autres, on devrait regarder leurs réalisations et leurs échecs et essayer de comprendre les belles intuitions et les erreurs… Plutôt que de gober tout, sans réflexion.


Pourquoi on aime ces idoles

Mais évidemment, ce regard critique sans être rabat-joie, demande un peu de temps, denrée rare.

Les idoles ont l’avantage de recueillir l’assentiment général sans grand risque. C’est d’ailleurs le cas dans d’autres domaines : peu importe que Johnny soit un rebelle de droite, sans cause, conservateur, et une imitation de rockeur américain, il ressemble à un rebelle tout en étant totalement consensuel. Peu importe que le rugby soit un sport aristocratique et bourgeois, s’en réclamer c’est immédiatement adopter des valeurs inattaquables d’esprit d’équipe et de sacrifice.

Je n’ai rien contre le rugby ou Johnny. Mais je trouve que leur popularité manque de discernement et brille tellement qu’on peine à voir les étoiles moins markétées, qui apportent peut-être autant d’enseignements, et en tout cas, donnent une vision plus large du problème considéré, moins simpliste. Par exemple, on critique le puissant football qui concentre les travers de l’argent roi et de la vulgarité. Sauf que le football est ouvert aux plus pauvres, au Brésil, au Sénégal comme en France. On est sûr qu’il n’y a aucun enseignement managérial à en tirer ?


Pourquoi on devrait leur préférer les héros

En fait, en management comme ailleurs, nous aurions intérêt à creuser, à être plus curieux, à ne pas laisser le matraquage nous empêcher de voir les détails, les pépites moins brillantes.

L’autre jour, m’inquiétant de l’implacable OPA menée par Disney sur le divertissement pour proposer une vision aseptisée de nos contes, de nos civilisations, on me demandait si, en fait, je n’avais pas un problème avec les dessins animés… Ben non, il y a, pour le moment, des tas d’autres productions de dessins animés, en France, au Japon, en Angleterre et aux Etats Unis, qui proposent de la diversité, de la subtilité… Mais Disney a déjà racheté Pixar et on consomme ses productions sans se poser la question de ce qu’elles inculquent à nos enfants au plus jeune âge… L’idolâtrie de Disney empêche de voir les marges.

En management, il ne faut pas céder à la facilité qui consiste à reprendre les mantras, les exemples usés jusqu’à la moelle. Prenez plutôt pour exemple les petites histoires du quotidien, celles qui déjouent les pronostics. Les victoires de celui auquel on ne croyait plus, et qui s’est fait violence. Ne croyez pas que l’award de l’innovation décerné en fin d’année par le patron du groupe est la vérité du moment.

La vérité est dans la diversité des expériences de vos équipes. On ne fait pas marcher une entreprise avec 2 ou 3 modèles et quelques succès à plusieurs millions d’euros mais avec des milliers de victoires à 1000 euros.

L’héroïsme est important pour réussir vos aventures ; mais l’héroïsme n’est pas une question ni de notoriété ni de perfection, c’est une question de courage et de plaisir d’accomplir des défis.

 

Mais qui donc manage vos prestataires ?

Les frontières de l’entreprise ne sont plus très claires. Il y a des salariés CDI au coeur du système mais on multiplie les CDD, les intérimaires ; on externalise des fonctions (ménage, sécurité, paie) ; on fait intervenir des experts de toutes sortes (avocats, auditeurs, consultants, formateurs). Cette population importante est sujette à discussion mais on parle rarement de la façon de les manager. Et si c’était une erreur ? Faisons le point. 


Difficiles à manager

Les prestataires dans l’entreprise sont extrêmement divers mais ils posent presque toujours une question de management.

Souvent parce qu’ils ne sont pas au coeur de notre métier, et donc au coeur des priorités. C’est le cas du ménage, de l’accueil, de la gestion des paies, de la restauration. Pourtant ils sont là au quotidien, leur travail est très visible et influe sur le bien-être (et donc sur l’efficacité) des équipes. Seulement, leurs métiers sont différents les uns des autres et surtout éloignés de celui des opérationnels. Du coup, on ne sait pas toujours comment s’y prendre pour les intégrer à la vie de l’entreprise et on s’en remet au management externe (du prestataire, souvent très lointain) en espérant que tout roule.

Combien de fois la femme de ménage entend-elle « merci » ? C’est très rare, notamment parce qu’elle travaille quand on s’arrête. Mais il arrive de la croiser. Et dans ces rares occasions, 1 minute peut suffire à obtenir un effet significatif.

Parfois parce qu’on les considère comme des experts ou des super-employés qui se managent eux-mêmes. C’est le cas des auditeurs, formateurs, consultants, avocats. Des fonctions spécifiques, très qualifiées, souvent bien payées et qui interviennent au plus haut des organisations. Leur impact est potentiellement fort pour la vie des entreprises et néanmoins on s’abstient bien souvent de les manager. Pourtant leur motivation à vous aider peut changer leur impact significativement (on en sait quelque chose…), faire que leurs solutions soient plus adaptées, leurs efforts plus sincères, éviter qu’ils pilotent votre dossier en « pilotage automatique ».

Enfin, dernière catégorie, ceux dont le métier est le nôtre mais qui sont de passage : CDD et intérimaires. Là on se doute que le management quotidien est utile, notamment sur la sécurité, mais on peine à les connecter à l’équipe, on hésite à les intégrer aux moments plus moyen/long terme. On a donc une population parfois motivée (s’ils ont l’espoir d’un renouvellement ou d’un CDI) mais peu connectée. 

Bref, avec les prestataires, on est tiraillé : entre la nécessité d’obtenir le meilleur de leur part et les difficultés objectives à les intégrer dans un management qui a souvent d’autres priorités.


Pourtant de forts enjeux

Qu’ils soient agents d’entretien, informaticiens ou avocats, les prestataires sont aujourd’hui indispensables aux organisations.

Pas tous à 100%, bien entendu. Et on se dit parfois que l’entreprise s’est rendue dépendante d’un service qui arrange bien tout le monde, malgré son coût. Mais quoi qu’il en soit, ils occupent une place importante et durable dans la vie des entreprises.

Du coup, quels sont les enjeux de leur management ?

  • Leur efficacité bien sûr. Ils ont des attentes et des craintes, un besoin de reconnaissance et une envie d’appartenir à un collectif. Si vous vous souciez de ces aspects, ils seront, comme le reste des équipes, plus performants. Et leur efficacité aura un impact sur vos équipes. Quand ils sont très chers, c’est aussi pour en tirer le maximum et rentabiliser ainsi votre investissement.
  • L’ambiance générale ensuite. Vu leur nombre, si les prestataires se sentent mal et exclus, ça ne passera pas inaperçu et cela peut faire tâche d’huile. Ca se passera à l’accueil ou au restaurant, ou le matin quand vos équipes râleront parce que le ménage est mal fait. Vous avez intérêt à ne pas couper le site en 2.
  • Le symbole enfin : si vous prônez un management humain et ouvert, il faut l’appliquer à tous les humains de l’entreprise 😉

Bref, il est utile et juste de manager vos prestataires. Mais comment faire, alors qu’on manque déjà de temps pour nos propres équipes et qu’on ne sait pas toujours comment les aider alors qu’on ne maîtrise pas leur métier ?


Soyons malin !

Evidemment, il faudra trouver des solutions différentes en fonction des populations. Mais la première astuce est de commencer par faire les gestes managériaux qui ne coutent rien ou presque.

Par exemple, on nous pose souvent la question suivante : « doit-on inviter les CDD et les intérimaires à notre séminaire ? ». La réponse est presque toujours oui. Ce sont des opérationnels comme le reste de votre équipe. L’effort managérial pendant le séminaire sera à peine plus grand ; le temps passé en plus est nul ; le coût des repas et hébergements supplémentaires est souvent marginal. Bref, invitez-les ! Les exclure coûte bien plus cher en ambiance d’équipe, alignement sur les objectifs et performance.

Evidemment, il faut dissocier : n’invitez pas a priori votre personnel de ménage, il pourrait être mal à l’aise et perdu dans des sujets qui ne le concernent pas. 

En revanche, si vous faîtes un pot pour noël au bureau, faites venir tous ces prestataires. Là encore, ça ne coute rien ou presque et ils seront contents d’être invités (même s’ils déclineront peut-être l’invitation). En tous cas, pensez-y. Quand vous faites un petit événement festif sur le terrain, pensez à ceux qui vivent aussi chez vous.

Ensuite, travaillez la reconnaissance parce qu’on le fait si peu qu’une micro-action sera souvent très appréciée.

Combien de fois la femme de ménage entend-elle « merci » ? C’est très rare, notamment parce qu’elle travaille quand on s’arrête. Mais il arrive de la croiser. Et dans ces rares occasions, 1 minute peut suffire à obtenir un effet significatif.

On aura aussi le réflexe d’inclure les prestataires dans le bilan des projets réussis s’ils y ont contribués. Et plus largement, saisissez toutes les occasions de mixer les équipes externes et internes. Par exemple dans l’industrie, une partie de la maintenance est souvent externalisée. Il est utile de faire le lancement ou le bilan des travaux ensemble.

Imaginer que l’entreprise extérieure manage bien les prestataires qui sont chez vous est un leurre ; compter sur leur capacité à s’auto-manager est une erreur. Manager nos prestataires ne nous coûtera pas beaucoup plus cher, mais ça peut vous rapporter beaucoup.

 

ALBUS CONSEIL