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L’opposition en entreprise : une vertu diabolisée !

« J’accepte le sens critique bien sûr, mais à la fin de la réunion il faut que tout le monde aille dans le même sens ! » : voilà le niveau d’acceptation le plus fort de l’opposition par les managers. Une opposition brève, suivie d’un ralliement rapide. Et si on re-questionnait la place de l’opposition et ses vertus ?

 

On met dans le même sac l’opposition du but et l’opposition sur les moyens

Petit préambule pour préciser que nous ne parlons pas ici des syndicats, qui ont un rôle de contre-pouvoir par mandat et dont nous avons déjà parlé dans d’autres articles.

Derrière le thème d’opposant, on assimile deux choses qui n’ont rien à voir. L’opposition sur le but de votre projet (une vision d’entreprise, un projet de cession, un changement d’activité ? etc.) et l’opposition sur les moyens (le temps, la répartition des rôles, la priorisation).

Et là, vous nous voyez venir, on va vous dire que l’opposition est acceptable quand elle se situe sur les moyens et pas sur la finalité. Et bien non ! Disons plutôt que les deux sont très différentes mais aussi utile l’une que l’autre.

  • L’opposition sur les moyens, c’est la vigilance. Elle questionne sur les éléments du projet pour s’assurer que le chemin imaginé est robuste. Elle permet l’appropriation et le ralliement des indécis si le leader est prêt à quelques concessions sur les modalités. Bref ça solidifie le projet et ça fédère les équipes. C’est l’opposition qui peut devenir stérile quand elle se prolonge (« ok, tu n’étais pas d’accord sur les priorités mais maintenant qu’on est parti, ce n’est plus constructif »)
  • L’opposition sur le but, c’est l’adversité. Et l’adversaire, c’est ce qui permet le dépassement et le questionnement fondamental. Vous n’avez qu’à regarder : Jobs et Gates, Nadal et Federer, Astérix et César, Français et Anglais, etc. Bien sûr que ce n’est pas agréable de devoir gérer un opposant, notamment dans son équipe. Mais son apport est fondamental pour créer un déséquilibre qui permet le renouvellement et l’avancée. L’opposition n’est pas la traîtrise si l’intérêt vital de l’entreprise ou du projet reste un bien commun (« je ne suis pas d’accord avec ton projet mais je ne coulerai pas la boîte pour te prouver que j’ai raison »). Cette stimulation apportée par l’opposition est une façon de canaliser sa tension vers une confrontation connue et énergisante. C’est parfois pénible mais indubitablement précieux

 

Sans opposant, votre management ressemble à un despotisme aveugle

En tant que leader, nous sommes sûrs que nos opposants (sur le but du projet) sont contre-productifs puisque l’on pense logiquement avoir choisi le bon objectif. Mais en tant que consultant, nous voyons un problème bien plus régulier et problématique que la présence d’opposants. C’est l’absence d’opposition exprimée.

C’est d’abord compliqué pour le leader lui-même, car l’absence d’opposition se traduit souvent par un grand sentiment de solitude. Personne pour renvoyer un effet miroir par son opposition, pas de confrontation stimulante, pas de test de robustesse sur le projet. On a parfois l’impression que, si le projet allait dans le mur, personne ne le dirait. Et ça ce n’est pas du tout rassurant.

C’est compliqué pour le projet aussi. Une opposition marquée permet de voir l’autre côté de la pièce et permet d’évaluer plus complètement la situation (« mon projet n’est peut-être pas parfait, mais le projet concurrent a moins de chance de résoudre mon problème »). Difficile de distinguer la différence entre un ralliement de conviction et un ralliement de confort. L’opposition au moins, c’est clair !

 

Tout est question d’équilibre… et d’animation ! 

Nous avons tendance, en bons enfants de la socio-dynamique, de dire qu’un projet ne meure pas de la présence d’opposants mais de l’absence d’alliés. Nous y croyons toujours autant sauf que nous pourrions ajouter qu’un projet de meure pas de la présence d’opposants, mais qu’il peut mourir de n’en avoir aucun.

C’est donc une question d’équilibre. Si le sujet à traiter est sensible, vital, un projet sans opposant est un projet qui n’est pas suffisamment ambitieux, pas suffisamment clair ou adressé à un public qui n’est pas suffisamment compétent ou en confiance pour exprimer son avis. Trop d’opposants, évidemment, c’est un problème car le projet est soit mal pensé, soit il sera mal mis en œuvre. Donc, on doit obtenir un point d’équilibre, ça paraît évident.
 
Mais ça ne suffit pas. 

Souvent, le leader anime très mal l’opposition.

Au début, il ne la laisse pas s’exprimer suffisamment. C’est le moment où il présente le projet : il est dans ses petits souliers, il voudrait obtenir une adhésion rapide et il montre, verbalement ou non, que l’opposition serait malvenue. C’est dommage parce que l’opposition a souvent besoin d’être exprimée pour que l’adhésion se développe (l’énergie d’opposition est plus spontanée, celle de l’adhésion se construit plus lentement). De plus, une opposition non exprimée ne disparaît pas, au contraire, moins elle est exposée plus elle gonfle.

Ensuite, en revanche, on lui donne souvent trop d’importance. Le leader a une fâcheuse tendance à se sur-adapter à l’opposition car il s’en méfie. Les arguments deviennent des plaidoyers, les moments de construction sont de plus en plus cadrés, etc. Il suffit parfois de regarder les yeux d’un leader pour savoir qui sont les opposants à son projet. Ça ne donne pas forcément envie de se rallier et ça peut même questionner sur la solidité du projet.

Rien n’empêche, au contraire, de bien exposer l’opposition, de la rendre connue de tous et de lui garder une juste place : à certains moments c’est ok de l’exprimer, à d’autres non. C’est évidemment plus simple à dire qu’à faire mais profiter de l’intérêt de l’opposition est à ce prix.

En période de changement, priorité aux émotions

Face aux grandes transformations, l’humain réagit avec des émotions fortes qu’il est souvent dommageable de nier ! Pour pouvoir gérer toutes ces turbulences en tant que manager, il faut pouvoir les identifier pour ensuite mieux les accompagner. Voyons comment !

Pour aller plus loin :

// A lire //

https://www.wikimanagement.net/fr/40-maitriser-les-differents-temps-du-changement-la-courbe-en.php

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil
Au micro : Camille Riou et Patrick Bois.
A la réalisation : Laëtitia Peyre

En finir avec les HiPo

High potential, talents de demain, pépites, les grandes entreprises couvent leurs superstars dans un nid douillet et s’enorgueillissent des programmes mis à leur disposition pour les accompagner vers les sommets : learning expeditions, graduate programms, postes en mission à travers le monde, formations au Costa Rica, à Shanghai ou à Londres, MBA en tous genres. On rivalise à coups de milliers de dollars pour séduire les meilleurs, et attirer dans ses filets celui dont tout le monde rêve… Mais le calcul est-il bon ?


Un calcul si évident

Si l’idée est tellement généralisée, c’est qu’elle doit être bonne ! En fait, je crois qu’elle bénéficie d’une aura liée aux satisfactions qu’elle procure à ceux qui sont concernés (organisateurs et bénéficiaires).

Officiellement le calcul est simple : on veut former les dirigeants de demain, créer un noyau dur susceptible d’entrainer le reste de la troupe et évidemment retenir ceux qui nous paraissent les plus précieux.

Mais il me semble que la vraie force des systèmes HiPo, c’est qu’ils nourrissent très fort les egos des concernés : les créateurs s’éclatent à concevoir des formations brillantes, novatrices, exotiques et peuvent enfin dépenser des budgets individuels importants qui permettent de valoriser fortement leur imagination pédagogique. Quant aux HiPo eux-mêmes, difficile de ne pas s’enorgueillir d’être identifié comme un des espoirs de la boîte ?

Mais il s’agit de vérifier qu’au-delà de ces effets, l’investissement consenti est bien au bénéfice du résultat global de l’entreprise.


Mais on perd en bas

D’abord, il faut questionner l’effet d’entrainement.

Est-il vrai que les programmes HiPo génèrent de la motivation chez les autres pour y entrer ? C’est peu probable ou si c’est le cas, c’est à petite échelle. Les conditions d’âges ou le nombre de personnes concernées, voire le profil universitaire requis sont des barrières objectives qui excluent forcément une grande partie des collaborateurs, l’immense majorité même.

Est-il vrai que la capacité managériale renforcée de ce petit nombre de managers va bénéficier au plus grand nombre ? Intellectuellement je veux bien, mais là encore, je peine à y croire dans la réalité du quotidien. Il y a d’abord une raison que je qualifierai de sociologique : en créant un groupe identifié, de petite taille, bénéficiant de conditions particulières, je pense qu’on crée plus une caste de gens qui se ressemblent et s’aperçoivent en discutant entre eux qu’ils ont plein de points communs.

Je constate qu’en réunissant ces profils, il est très rare que l’on cultive la générosité.

L’âge souvent, une certaine facilité intellectuelle, une motivation intrinsèque forte. Je constate qu’en réunissant ces profils, il est très rare que l’on cultive la générosité. On cultive plutôt de la réassurance mutuelle sur les recettes qui ont marché jusque-là. Les stars sont conduites à devenir des superstars. Ce dopage a tendance à les éloigner des difficultés des personnes « normales » et à renforcer leur confiance en eux : j’observe que les talents sont ceux qui parlent le plus d’exemplarité et évoquent leur parcours pour montrer aux autres que « c’est possible ». Sauf que les autres en question n’ont pas les mêmes atouts et les injonctions à la perfection les rebutent plus qu’elles ne les motivent.

Non je crois que les programmes HiPo ne peuvent pas prétendre à la contagion.

Plus trivialement, pour qu’il y ait véritablement entraînement, il faudrait que le nombre des HiPo soit bien supérieur à ce qu’il est la plupart du temps. On ne couvre pas suffisamment l’entreprise pour avoir un effet d’entraînement global. Même en comptant ceux qui sont déjà sortis du système en plus de ceux qui y sont à l’instant t, les dispositifs HiPo concernent rarement plus de 5% de l’effectif dans les grands groupes. Non je crois que les programmes HiPo ne peuvent pas prétendre à la contagion. Au mieux, ils musclent la capacité stratégique d’une élite mais ils ne peuvent créer d’émulation.

Par ailleurs, il est clair que la débauche de moyens pour ce petit nombre n’est donc pas disponible pour les 95% qui restent.

On perd aussi en haut

Mais le plus surprenant, c’est que nous observons que les programmes HiPo, ou même les logiques managériales visant à stimuler la frange haute des collaborateurs, est souvent contre-productive. Il y a quelques mois, nous posions la question à un codir de lister les différentes actions destinées à fidéliser les meilleurs et qui ont contribué à les faire fuir. Nous nous sommes arrêtés à 17…

Les fausses bonnes idées de stimulation des HiPo peuvent être classées en 3 catégories

1. L’essorage

Les potentiels sont très vite identifiés pour tout. Ils sont sur tous les projets, changent de poste avant de l’avoir assimilé, sont exploités jusqu’à la dernière goutte. Cette sur-utilisation est hyper fréquente. Elle révèle l’impuissance managériale à développer le reste des équipes et qui finit par faire porter à très peu de gens les efforts que l’on n’arrive pas à obtenir des autres. Je suis atterré des efforts que l’on demande à nos super collaborateurs, et souvent le sacrifice managérial qu’on exige d’eux.

Identifier quelqu’un comme un potentiel est souvent un cadeau empoisonné. A tel point que nous commençons à croiser des jeunes gens qui refusent ces programmes pour préserver leur vie privée et leur santé.

2. Le téléguidage

L’autre écueil du management des potentiels est qu’on leur demande très peu leur avis. Sous prétexte que c’est une bonne nouvelle et une marque de reconnaissance si évidente, on décide pour eux les plans de carrière, de formation. On les change de poste sans leur demander leur avis. Le HiPo est un produit que l’on bichonne, que l’on protège et finalement que l’on éteint parce qu’on a décidé qu’on savait ce qui était bon pour lui. Mais s’il veut prendre son temps ? Progresser moins vite pour consolider ses savoir-faire ? Et bien, il est taxé de manque d’ambition, voire d’ingratitude. Sauf que ce potentiel semble avoir plutôt bien géré sa vie jusque-là… Pourquoi ne pas lui faire confiance.

3. le sevrage

Enfin si on entre dans les systèmes HiPo, il faut bien qu’on en sorte. Cette sortie est souvent difficile parce que l’on perd l’attention et le bénéfice des programme évidemment. Aussi parce qu’on est renvoyé à notre âge. Ce n’est probablement pas l’effet le plus fort mais il ne faut pas le négliger. Ce n’est pas parce que vous vous êtes occupé 2 ans de quelqu’un qu’il sera motivé et fidèle pendant des années. Vous pourriez même avoir la désagréable surprise d’apprendre un départ quelques mois après la sortie du programme… Ingratitude ? Peut-être. Retour au réel ? Sûrement.


On perd partout

Ce mouvement de management vers l’hyper valorisation des meilleurs, en plus de ne pas profiter à la majorité des gens et souvent même pas aux bénéficiaires, est en plus une absurdité fonctionnelle.

Elle nie le fait que dans 99% des entreprises, la valeur ajoutée est le fait d’un très grand nombre de gens, imbriqués intelligemment. La synergie des actions, la transversalité, la réactivité et l’écoute entre les équipes sont bien plus contributrices à la valeur que l’excellence d’un seul.

Orienter tant d’efforts et d’argent sur si peu de gens est un non-sens quand on pense que ce sont les 90% de gens normaux qui font les performances extraordinaires d’une organisation.

Alors si vous devez revoir votre programme HiPo, qu’il soit ouvert à tous, et notamment à ceux qui ont envie de progresser, sans condition de prétendue intelligence, rapidité ou talent.

Retrouvez une place à l’inutile au travail

Depuis autant qu’on s’en souvienne, presque tous les grands changements des entreprises ont un point commun : la recherche d’efficacité. Comment faire plus ou mieux dans le temps disponible. C’est un dogme. A ce dogme s’est ajoutée récemment une tendance : le « tout utile ». Les deux ensemble ont éradiqué les moments gratuits de la vie professionnelle. C’est une erreur majeure !


La recherche d’efficacité et le « tout utile », une quête sans fin

Raoul arrive au travail à 8h, il aime bien arriver plus tôt pour traiter ses mails avant que les collègues arrivent. Ensuite, il se rend au stand meeting : c’est pratique de prendre un café en faisant le point avec l’équipe sur les éléments-clés, tout le monde debout et en seulement 15 minutes. Deux réunions projets plus tard, working lunch avec ses pairs pour préparer l’événement du mois prochain sur le lancement du nouveau produit, puis café-feedback avec deux n-1 comme tous les mardis, l’enchaînement des routines opérationnelles en mode agile (c’est bien mieux qu’avant) et il est déjà 18h. Cool, le mardi c’est l’afterwork innovation, on prend un verre et deux start-up pitchent leurs story. Encore une journée efficace !

Il manque quelque chose d’essentiel : il n’y a rien de gratuit

La journée de Raoul est loin d’être horrible, elle ressemble à beaucoup d’autres. Bon, il y a les anglicismes qui énervent mais sinon, il y a tout : de la méthode, du convivial, des projets, du quotidien, des échanges, etc. Pourtant, il manque quelque chose d’essentiel : il n’y a rien de gratuit. Pas un moment qui ne sert pas à quelque chose, pas d’évasion, pas de respiration. 

Et encore, nous pourrions remonter plus loin : les trajets passés sur le smartphone à traiter les mails, aller sur linkedin ou Instagram, écouter des podcasts souvent en lien avec nos métiers.  

Nous sommes dans le règne du tout utile, celui où l’on rêve de mettre plus d’une journée dans une journée. Et on en tire plein de bénéfices : pas de temps perdu, plus de temps d’attente (les plus anciens repensent mi-nostalgiques, mi-horrifiés des minutes d’angoisse à attendre l’arrivée d’une personne en retard avec qui on avait rendez-vous et à qui on ne pouvait envoyer de SMS). Nous sommes devenus des hommes et des femmes augmentés, optimaux. Et on en est fier, même les pauses café sont désormais des réunions projet informelles.


Et tout ça ne nous rend pas meilleurs, au contraire…

Si ce mode de vie et cette quête de l’efficience nourrit notre satisfaction de nous sentir utile, nous rend-elle meilleurs dans notre travail : les ouvriers sont-ils plus compétents, les chercheurs et les marketeux plus créatifs, les dirigeants plus visionnaires et plus stratèges… ça se discute !

Sans tomber dans le « c’était mieux avant » qui serait faux et qui nous vieillirait aux yeux de nos lecteurs, admettons néanmoins que des défauts ont pris de l’ampleur. Nous avons de plus en plus de mal à prendre du recul, et tous nos clients nous disent à quel point eux et/ou leurs équipes ont le nez dans le guidon, aspirés par le court terme. Le cloisonnement entre services aussi est présent presque partout, malgré les réorganisations qui ne font que changer les cloisons de place. La difficulté à sortir du cadre, à être créatif, malgré le foisonnement d’outils d’intelligence collective. Voici des maux qui ont le vent en poupe. 

En fait, l’inutile est utile a posteriori mais au bureau, on culpabilise…

Leur point commun, pour nous cela ne fait aucun doute, c’est le manque de respiration. Le manque de moments pour se déconnecter, sortir du tunnel, prendre de la distance pour prendre de la hauteur, etc. Bref, le manque de pause dans le « tout utile » par de l’inutile, du gratuit. 

C’est l’image du savant dans la Lune : en laissant filer votre cerveau, il se met à faire des connections très efficacement avec ce qu’il a emmagasiné peu avant. Après une activité cérébrale intense, un temps de repos ouvre la voie aux connections inattendues, à l’inspiration.

C’est la raison pour laquelle nos meilleures idées viennent sous la douche, en cuisinant, en marchant, en se rasant… En fait, l’inutile est utile a posteriori mais au bureau, on culpabilise…


Comment faire pour remettre de l’inutile dans le travail

Si auparavant, il y avait des moments inutiles obligatoires (le transport sans smartphone, la pause café sans mail à traiter) et qu’aujourd’hui, il y a encore des moments rendus inutiles involontairement (bugs d’ordinateurs, réunions inefficaces), il faut être volontaristes voire courageux pour remettre de l’inutile choisi et agréable dans nos vies professionnelles. C’est donc un travail de leader, de manager, et un vrai choix que de se saisir de ce sujet.

Le risque d’abus ? On en est loin croyez-moi.

Oser faire un séminaire sans plan d’action par exemple (ce qui d’ailleurs est plus efficace selon nous) quitte à se faire reprocher un manque de concret, ou d’engagement, voilà qui permet de discuter sans injonction d’utilité, d’oser s’égarer, se tromper. 

Amener vos équipes au Musée avant de commencer une journée de travail au vert. Pourquoi ? pourquoi pas ! Pour faire autre chose, pour penser à autre chose. Pourquoi vouloir toujours faire un warm-up utile ?

Encore mieux, montrer à vos équipes qu’il est possible de ne rien faire pendant un temps au travail : bayer aux corneilles, buller… ce que l’on fait parfois en cachette, avec honte, mais par nécessité et que l’on pourrait très bien assumer publiquement comme un besoin naturel afin de donner l’autorisation aux autres de le faire quand c’est nécessaire. Le risque d’abus ? On en est loin croyez-moi. 

Un jour une membre de notre équipe, en guise de feed-back positif, a dit à l’un de nos managers qu’il « glandait bien ». Et bien je peux vous dire que c’est un acte managérial courageux et efficace !

STOP à la formation inutile !

A force d’utilitarisme court terme, ou de recherche de ROI sûrs et rapides, il semble que la formation et le développement des compétences manquent beaucoup d’ambition. La performance et l’excellence ne sont pas seulement liées à l’acquisition de compétences, même comportementales, mais aussi et peut être surtout à l’acquisition de culture. Voyons pourquoi et comment.

Halte au tuning

La formation des managers, et plus généralement des collaborateurs, ressemble de plus en plus au tuning : sur une voiture plus ou moins performante, on colle des accessoires destinés à augmenter les performances ou le style. Seulement le résultat, s’il est indéniablement différent du point de départ, manque cruellement d’élégance… et frise souvent le ridicule.

En formation, c’est un peu pareil parce qu’on fait les mêmes formations pour tous, et qu’elles sont motivées chacune par un effet précis, le plus lié possible à la performance que l’on veut augmenter. Mais on est souvent déçu des résultats réels, de la capacité à transposer les enseignements dans les faits.

Pourquoi ?

  • Parce que ces formations ne sont pas assez personnalisées et donc elles peinent à rencontrer le besoin du collaborateur, sa psychologie du moment. 8 fois sur 10, le collaborateur s’y rend donc de bonne grâce, mais il faut un gros coup de chance pour que l’enseignement tombe pile poil au moment où il était dans les dispositions idéales pour en profiter.
  • Parce que les formations sont souvent trop « utiles » et spécialisées. Comme une formation feedback par exemple, dont l’organisation sonne vite comme un reproche, et qui, par nécessité de temps et d’argent, s’intéresse au tout petit bout de la lorgnette, alors que le sujet est en réalité une porte vers l’ensemble des systèmes managériaux d’une équipe voire d’une entreprise.

Le résultat c’est une dépense de formation considérable mais dont les effets sont dilués, souvent disharmonieux et, même si c’est un peu tabou de le dire, décevants.

L’humain n’est pas une voiture

L’humain peut s’améliorer c’est une évidence, et ce n’est même pas si difficile que ça. Seulement il ne faut pas raisonner comme avec une machine où on touche à une fonction pour un effet. L’humain est un système bien plus riche et complexe, dont la performance est liée à l’agilité intellectuelle, à la confiance en soi, à l’absence de peur pour oser envisager les nouveautés, les imprévus. Sur ces domaines, il est d’ailleurs infiniment plus performant que toutes les machines existantes, même les plus incroyables. La force de l’humain est la capacité à sortir du programme, du possible, à envisager le fantastique, la magie, l’alchimie.

Il y a une autre solution, plus simple, moins chère et plus efficace : cultiver les équipes.

Alors pour développer cette capacité unique, il ne faut pas chercher à augmenter les fonctionnalités.

Les soft skills plus générales sont évidemment déjà plus pertinentes que les outillages, mais même elles souffrent de la difficulté à épouser la psychologie du moment du collaborateur ; ou alors c’est du coaching individuel (et pas tous), mais vous n’aurez pas les moyens de payer ça à tous vos collaborateurs.

Il y a une autre solution, plus simple, moins chère et plus efficace : cultiver les équipes.

Pariez sur l’intelligence

Chercher à cultiver les équipes est quasiment absent des préoccupations en entreprises, à part de quelques programmes Haut Potentiel. Sinon, on n’y pense pas.

Pourtant c’est simple, peu cher et ça marche fort.

Ça consiste simplement à proposer à vos collaborateurs de découvrir des aspects de leur univers sans leur demander de livrable. C’est exploiter la curiosité et le plaisir de la nouveauté, même si parfois on s’éloigne franchement du cœur de métier, ou de la tâche.

Pourquoi ça marche ?

D’abord parce que c’est une démarche où le moteur est l’intérêt du collaborateur, et donc que ça s’adapte par nature à sa psychologie : si vous organisez une séance de découverte dans un autre site que le vôtre (et dans une autre entreprise), le collaborateur pourra porter son regard où il veut et poser des questions plus libres ; il n’y a plus cette autorité de compétence, ce référent, qui propose un apport parce que c’est son job. Quand on se cultive, on échange à égalité. Sans livrable, on libère l’intelligence de la pression du résultat, et c’est ça un entrainement. Ce n’est pas apprendre toujours plus, c’est s’entrainer à faire marcher sa tête. Comme un sportif de haut niveau, qui pratique bien plus qu’il n’apprend de nouveautés.

Le passage par la culture est parfaitement adapté à la façon dont fonctionne le cerveau : il n’aime pas être contraint et formaté

Ensuite parce que c’est un manque énorme dans nos entreprises. Je suis souvent ébahi du peu de culture des équipes dans leur propre métier : des salariés d’usine qui n’en ont jamais vu une autre, et même qui n’ont jamais participé à une discussion en dehors de leur domaine d’action. Des monteurs de télévision qui ne regardent jamais la télé ensemble pour commenter les tendances. Des vendeurs tellement obnubilés par leur chiffre du jour qu’ils ne vont jamais voir une autre boutique pour se ressourcer.

Enfin et surtout parce que le passage par la culture est parfaitement adapté à la façon dont fonctionne le cerveau : il n’aime pas être contraint et formaté (surtout en Europe), et ne réagit pas tant que ça en cause conséquence mais en puisant dans une bibliothèque immense de connaissances et d’émotions pour apporter une réponse adaptée à la situation. Cultiver c’est éviter d’imposer et enrichir la bibliothèque. Se cultiver c’est se former à décider.

Concrètement

Même si vous avez peu de moyens et peu de temps, vous aurez 1000 occasions de cultivez vos équipes : en partageant un article et en le commentant ensemble, en regardant un film, en accueillant un visiteur extérieur, en organisant un échange avec un copain d’un autre site proche.

Ça prend du temps, oui un peu. Mais faites à la place de l’heure de réunion où chacun parle 5 minutes et où personne n’écoute ou ne réagit. Faites-le à la place de la revue de projets de plus, qui ne fait que mettre la pression au chef de projet, alors qu’il a besoin de confiance. Faites-le au déjeuner de temps en temps, autour d’un café, le vendredi avant de partir en weekend, au mois d’août avec ceux qui sont là. Et puis, en sollicitant la curiosité et l’intelligence plutôt que la capacité (faible) des humains à appliquer les ordres non discutés, vous aurez des résultats très rapides, à peu de frais, ne serait-ce que sur la motivation.

Développer la culture du feed back : qui peut y croire ?

Il a des tas de modes dans le management, je me demande qui les lance d’ailleurs… C’est drôle en tous cas, en ce moment des tas de boîtes ont décidé de développer la culture du feed back !

On parle de bienveillance ; le feed back est un cadeau ! On parle de se faire progresser, d’oser dire, d’accepter les retours. On lance des programmes de formation, des outils informatiques, des projets transverses… Mais qui y croit vraiment ?


Ça part d’une idée noble

Evitons l’esprit de contradiction pour vendre du papier : je crois aux feed back à mort, j’essaye d’en faire dès que possible (positif et négatif), je tâche de les écouter quand on me fait et de contrôle mon ego pour les transformer en progrès réel. Je pense que rien n’est plus précieux que de donner son avis à l’autre, et dans un monde parfait, tout le monde ferait des feed back en permanence, avec le sourire. Tout le monde les accepterait parce que ça serait parfaitement admis… Bref nous baignerions avec bonheur dans la culture du feed back….

Dans un monde parfait.


Mais ce sujet est vraiment extrêmement compliqué individuellement

 Sauf que nous, on vit dans un monde où les egos sont forts, dans une société où on prône de plus en plus la performance individuelle, où la compétition est encouragée très jeune, où on classe de fait les enfants avec des notes à partir de 7 ans. On vit dans un monde où il faut repostuler à chaque changement de poste, y compris pour un mouvement interne après 15 ans de bons et loyaux services.

Et du coup, il y a beaucoup, beaucoup de gens qui ont peur de ne pas plaire, de ne pas être à la hauteur, qui se questionnent sur leur légitimité, qui ont des problèmes de confiance en eux… Cette question génère peut être 50% du chiffre d’affaires des coaching en France, sans exagérer.

Est-on vraiment en train de bousculer la culture, ou mettons juste une ligne dans les objectifs RH ?

Le feed back dans ce contexte est bien plus difficile à vivre qu’il n’y parait. Il percute les habitudes, les egos. Il demande des compétences qui paraissent simples sur le papier mais qui ont été très peu travaillé depuis des années, ni à l’école, ni dans les études, ni dans les entreprises.

Il est donc logique qu’aujourd’hui on parle de culture du feed back, parce que c’est de ça dont il s’agit. Seulement on en fait un sujet de formation, comme si c’était une simple question de compétence. On lance des initiatives à grand renfort de comm, on en parle en COMEX, comme si c’était juste un point important qu’on avait juste oublié de traiter avant, et qui va rentrer dans les objectifs de l’année, comme on fait d’habitude.

Mais ils les reçoivent les feed back les membres du comex ? Ils vont changer le comportement qui leur a permis d’arriver tout au sommet ? Est-on vraiment en train de bousculer la culture, ou mettons juste une ligne dans les objectifs RH ?

Non franchement, je crois que l’intention est louable mais qu’on ne se donne pas les moyens de changer de culture. On attaque ça avec moins d’intensité que quand il fallait former au mode projet, alors que le sujet était infiniment plus simple.

Et implique des transformations structurelles

En plus de la culture, un travail sérieux de mise en place du feed back n’est que le bout d’une pelote qui en se déroulant vous obligerait à revoir le système d’évaluation, les politiques d’intéressement, les ownership de projet, probablement à rendre les rémunérations transparentes, à revenir à la rémunération variable collective.

Difficile d’imaginer changer la culture sans toucher aux structures ; ou bouger les structures sans questionner la culture.

Pourquoi ? Et bien parce que qui dit feed back dit reconnaissance. Alors s’ils se multiplient il serait curieux que leur accumulation n’ait aucun impact sur l’évaluation de fin d’année. Parce que feed back dit réciprocité, et donc entraîne à la question de l’équité des rémunérations, à l’équilibre des pouvoirs.

Tous ces sujets sont passionnants et méritent de s’y pencher, mais je ne suis pas certain du tout que celui qui décide de lancer « la culture du feed-back » a vraiment envie de bousculer tout le système managérial. Je crois que l’on dit culture sans se rendre compte que la culture et les système sont imbriqués et s’alimentent. Difficile d’imaginer changer la culture sans toucher aux structures ; ou bouger les structures sans questionner la culture.

Une fois de plus, on prend le sujet comme une épine isolée dans le pied alors que c’est une démarche complète qu’il faut réinventer si on veut le prendre comme ça.


On espère sûrement éveiller les consciences

Alors, au fond, on peut se demander ce qu’on espère avec des programmes aussi ambitieux dans le fond mais dont on mesure pas les conséquences et la difficulté. D’autant plus que l’on peut parier sur une autre mode dans 2 ou 3 ans. La culture du feed back est donc très souvent un projet décevant, quand il n’a pas simplement été escamoté.

Admettons que ce genre de programme a au moins le mérite de mettre le sujet sur le radar. Sans atteindre ses objectifs, il est probable qu’une partie du chemin sera entamée, et que la prochaine mode contribuera à le poursuivre en espérant que ce soit vaguement dans la même direction. Admettons.

Mais je trouve quand même un peu décevant de faire tout ce ramdam pour dévier le paquebot d’un petit degré ou deux.


 Mais pourquoi les grands mots ?

Alors comment s’attaquer à un sujet aussi légitime, sans être dans cette illusion de l’action, qui n’est en fait qu’une publicité plus ou moins participative ?

Je crois qu’il faudrait choisir son camp :

  • Soit on invoque les grands mots. La culture en particulier. Et à ce moment là, il faut se lancer dans un chantier qui n’est pas RH, mais véritablement stratégique. On définit l’enjeu de conquête pour l’entreprise à 5/10 ans, on montre pourquoi les méthodes, bonnes jusque là, sont maintenant obsolètes, et surtout on se donne une quête excitante et rupturiste à réussir ensemble… et dans ce cadre, on peut aborder les fonctionnements internes, dont le feed back.
  • Soit on la joue plus modeste et on se dit que l’amélioration des coopérations internes passera par la façon dont on lance et on anime le quotidien : plus participatif, plus ouvert, avec plus de places valorisantes pour plus de gens ; ainsi la fierté des individus grandira et le sentiment de menace ou de faiblesse reculera. Sans le dire, le feed back s’installera naturellement, à travers le plaisir de travailler ensemble.

J’avoue que je suis perplexe face aux programmes globaux et un peu pompeux. Agissons plus et différemment sur le coeur de métier, en commençant petit et local, plutôt que de se disperser en passant beaucoup de temps et d’argent sur des programmes un peu vains. 

Stop à la transparence !

A force de vouloir être transparent, on finit par le devenir ! Alors comment faire exister les messages-clés, ceux qui feront la cohérence de votre projet managérial, et engageront vos équipes ?

Trop d’infos !

On l’a déjà beaucoup dit dans nos articles, aujourd’hui on fait face dans les entreprises (et aussi en privé) à des avalanches quotidiennes d’informations à digérer et à transmettre.

Faire passer un message ? Non, plutôt s’assurer que ce message est bien reçu et mobilise sur le sujet.

Déjà le rythme s’accélère, donc les retours d’expérience, les nécessités d’ajustement arrivent à un rythme effréné et demandent en retour des actions correctrices quasi immédiates… Si les ventes sont énormes sur un produit sur lequel on avait prévu peu de ventes, il va falloir ajuster tous les paramètres, des achats à la logistique, en passant évidemment par la prod ! Or ces mots valise – ventes, achats, logistique, prod – ce sont avant tout des femmes et des hommes à qui faire passer un message clair de changement de priorité et de stratégie. Faire passer un message ? Non, plutôt s’assurer que ce message est bien reçu et mobilise sur le sujet. Or de nombreux autres sujets sont en concurrence avec le vôtre !

Trop de transparence !

On le voit, les messages sont trop nombreux aujourd’hui pour qu’on puisse les traiter tous efficacement. C’est normal, les machines vont plus vite sur certains sujets, et on nous demande d’interagir avec les « messages » des machines et logiciels de comptage, d’évaluation de la perf… Et ce qui vient envenimer les choses, c’est qu’en plus de ce phénomène de multiplication, on vient en ajouter un autre, celui de la transparence. La transparence, c’est une valeur, qu’on peut relier à l’honnêteté, qui parle aux équipes car elles préfèrent évidemment savoir ce qui se passe, être informées et peuvent mal prendre le fait de ne pas être au courant de certaines décisions. Question de confiance, tout à fait compréhensible.

Trop de tout !

Donc cette bonne intention de vouloir être transparent sur tout vient s’ajouter à cette augmentation du volume d’informations. Ce qui génère une volonté d’exhaustivité dans la communication des managers envers leurs équipes. C’est normal, on souhaite offrir à nos collaborateurs la possibilité d’être réactif en ayant en tête toutes les informations concernant l’entreprise ou le process sur lequel vous travaillez. Et puis évidemment, sur le plan opérationnel, on se dit qu’on a besoin d’un maximum d’infos pour bien faire son travail.

« La réunion d’équipe ressemblait à un bombardement d’informations qui finalement venait assommer la motivation des équipes en début de journée  »

On voit bien qu’avec toutes ces contraintes, les informations importantes passent au milieu d’un flux d’information continu et n’ont pas vraiment plus d’impact. L’autre jour j’entendais une manager de terrain en usine dire qu’avec tout ce qu’on lui demandait de communiquer, la réunion d’équipe ressemblait à un bombardement d’informations qui finalement venait assommer la motivation des équipes en début de journée. Difficile de « marquer le coup » sur certains sujets. Alors que c’est bien là tout l’enjeu…

Rationaliser ?

Donc pour faire face à ce contexte problématique, on essaie d’utiliser des outils pratiques comme le 20/80 par exemple. D’ailleurs on n’a pas toujours le temps de prendre le recul nécessaire pour le faire… C’est vrai que c’est déjà une bonne première étape. Se concentrer sur les 20% d’informations qui auront 80% de l’impact sur l’opérationnel. En fait, quand on regarde dans la réalité, le flux d’informations est tellement important, que 20% c’est déjà énorme ! Subsiste encore le risque de diluer les messages et leurs impacts. Car il faut encore faire un effort de priorisation entre ces 20%.

On marche à l’émotionnel, même au travail, on reste des êtres humains… et heureusement finalement.

Alors si on teste des outils rationnels, on voit bien que ça n’est pas suffisant. C’est normal. Puisqu’on parle de personnes. Donc tous les stratagèmes uniquement basés sur la logique et la raison ont peu de raisons de véritablement marcher à long terme. Eh oui, car nous ne sommes pas des robots ! On marche à l’émotionnel, même au travail, on reste des êtres humains… et heureusement finalement.

Et si on s’inspirait un peu de l’Asie pour mieux communiquer avec nos équipes ? Ou encore, si on se servait du fait que nous sommes des mammifères ?! Déjà a priori, ça paraît être une bonne idée de s’inspirer de méthodes différentes afin de court-circuiter les automatismes et la routine.

Après, dans la réalité, ça donne vraiment des pistes pour enfin se concentrer sur ce qui a de l’impact.

Ne pas lutter

Les arts martiaux japonais, par exemple le judo nous enseignent d’utiliser la force de l’autre. Alors si on imagine les autres informations comme des informations concurrentes, on peut accompagner le mouvement plutôt que lutter… Du coup, vous pouvez utiliser les infos en lien avec les vôtres pour les mettre en valeur et renforcer votre message. Ça veut dire, ne pas forcément chercher à rajouter des moments pour communiquer votre information, mais plutôt utiliser ce qui existe déjà et en profiter pour le relier à votre message. D’ailleurs connecter, c’est aussi un moyen de renforcer la cohérence de vos messages et de redonner du sens : et c’est ce dont ont besoin les équipes. Alors comme au jeu de Go, connectez vos sujets entre eux, et connectez-les avec les sujets des autres !

Jouer

« Mammifère, mammifère, est-ce que j’ai une gueule de mammifère ? » Bon, ce n’est pas vraiment ce qu’a dit Arletty, c’est vrai. Mais en tout cas, nous sommes des mammifères, et nous partageons avec nos congénères l’habitude d’apprendre par le jeu. Et si on apprend, c’est bien que ce format marque les esprits et favorise la mémorisation. Alors vous devriez en user et en abuser pour servir vos messages ! Osez tester des formats ludiques pour transmettre vos informations clé.

Et attention, sortir d’une réunion assommante puis aller se détendre au baby-foot installé dans l’espace pause-café, ce n’est pas un idéal de bien-être au travail.

En ayant au préalable affiché toutes les informations, vous pouvez animer différemment la réunion en passant l’information la plus importante, puis en faisant tirer au sort 3 autres infos secondaires au hasard. En plus ça vous oblige en tant que manager à vous poser cette question de l’enjeu des infos. Vous pouvez aussi tester de faire du point com. un quiz pour capter l’attention de vos collaborateurs. Absence de stress, engagement mental et physique des personnes, ces deux aspects inhérents au jeu font que l’esprit est bien plus disponible et enregistre mieux. Sans parler du fait que c’est tout de même plus agréable de faire son travail dans la bonne humeur non ?

Et attention, sortir d’une réunion assommante puis aller se détendre au baby-foot installé dans l’espace pause-café, ce n’est pas un idéal de bien-être au travail. L’idéal c’est de s’amuser et d’avancer sur les sujets pendant la réunion et en ressortir dynamisé !

« Demandez et vous recevrez »

Non, on ne vous propose pas d’évangéliser, attention ! Mais bien plutôt de co-construire le format de la com. avec les équipes. Si vous leur demandez comment ils ont envie et besoin d’être informés pour être plus efficaces, nous sommes certains qu’ils auront des idées, et qu’ils voudront même vous les donner ! Définissez ensemble les règles qui sont les plus utiles et adaptées aux échéances et enjeux. Une belle occasion d’engager et responsabiliser sur un sujet moins opérationnel, et donc de prendre du recul ensemble sur le système, ce qui est toujours très bénéfique.

On le voit, rationaliser sa façon de communiquer présente vite des limites, alors que remettre l’humain au centre de sa communication permet de donner de l’ampleur et du corps à ses messages. Votre efficacité managériale dépend beaucoup de la stratégie adoptée en termes de communication. Allouer le bon temps, le bon format, à la bonne information vous fera gagner un temps précieux ainsi qu’à vos équipes ! En prenant en compte leurs besoins dans votre manière de transmettre, vous vous assurez d’une meilleure disponibilité de leur part. 

Transférer tous les mails sans mettre de commentaire est encore une pratique trop courante, et on voit bien que cela mène à un ras-le-bol général. Alors, posez-vous deux minutes et choisissez la manière la plus efficace, et non la plus immédiate de transmettre !

Du Monopoly aux tactiques managériales

Et si jouer avec vos enfants pouvait vous faire un rappel sur le management

« Papa, Maman on joue à un jeu ? »

« Non les enfants, on n’a pas le temps de jouer, on doit travailler… »

Vous êtes sûr ?! Cela pourrait faire piqûre de rappel sur le management de vos équipes…

Faites un Monopoly par exemple.

C’est l’un des jeux les plus connus au monde. Et bizarrement c’est un jeu très inégalitaire: si vous avez peu de chance sur les 2 premiers tours, que vous ne pouvez acheter que peu de terrains, vous risquez clairement de perdre, et les inégalités vont se renforcer, jusqu’à la charité des plus riches envers les plus pauvres.

Dans un tel système contraint la question des stratégies se pose après 1 ou 2 tours… Alors, quels sont les angles d’attaque possibles au Monopoly ? Vous avez le choix entre 4 stratégies… Et celles-ci peuvent se retrouver en management :

  • Tout acheter, et diminuer le cash en espérant bloquer les autres joueurs et être dans une position de négociation forte. C’est de l’hyper contrôle, cela fonctionne mais il faut qu’il y ait peu de joueurs. En management, ça consiste à vouloir tout surveiller, tout valider. Mais ça marche que dans des systèmes hyper spécifiques (restaurants de luxe par exemple). Sinon, le contrôle sur tout est une illusion, comme au Monopoly.
  • Acheter moins, mais acheter ce qui intéressera les joueurs qui ont acquis les cartes de la couleur qui vous manque. Il s’agit d’être orienté sur les objectifs des autres, c’est une approche très tactique, souvent gagnante y compris en management, surtout dans les systèmes matriciels, mais dans laquelle il ne faut pas perdre de vue son propre objectif.
  • Acquérir le plus vite possible n’importe quelle couleur, même le bleu clair, pour capter le cash et empêcher les autres de construire. En management, ça revient à lancer une dynamique avant tout autre chose, à miser sur l’effet d’entrainement des premiers succès. C’est 100% gagnant en management à condition de ne pas oublier de consolider votre stratégie en vous attaquant aussi aux problèmes cruciaux.
  • Acquérir les couleurs orange et rouge, et surtout empêcher quiconque de les acquérir parce qu’elles sont à la fois celles sur lesquelles on tombe le plus fréquemment et celles qui peuvent être construites pas trop cher tout en rapportant beaucoup. Ça revient à prioriser ses actions sur les sujets majeurs. Mais attention, soyez conscient que vous devrez délaisser d’autres choses.

Alors maintenant, la prochaine fois que vous ferez un Monopoly, essayez de voir quelles stratégies vous choisissez de suivre, si elles sont plus ou moins faciles à mettre en œuvre, et s’il y en a d’autres que vous pouvez identifier… A vous de jouer !

High Rise, l’oppression de l’organisation idéale

High Rise, film britannique de science-fiction actuellement en salle et réalisé par Ben Wheatley, crée chez ceux qui le visionnent un sentiment très fort d’inconfort. C’est aussi une réponse cinglante à ceux qui, en entreprise, veulent tout clarifier et régenter par des procédures et des fiches de poste.

Le film prend exclusivement place dans une Tour où tout est organisé jusqu’au moindre détail, pour donner un sentiment de bien-être lié à la sécurité et à l’ordre qui permet à chacun de savoir exactement où est sa place. Toutes les infrastructures nécessaires s’y trouvent, tels un supermarché ou une école ; le monde extérieur n’a plus lieu d’être. Les niveaux hiérarchiques également sont parfaitement définis ; de l’Architecte en haut, aux plus modestes en bas. De même, des règles sont édictées pour tout, comme par exemple comment sortir les poubelles ou faire le ménage chez soi.

Un jour, l’électricité ne fonctionne plus. Un seul élément de la chaîne et c’est toute l’organisation qui est alors chamboulée ; les règles sont balayées les unes après les autres et la décadence s’installe. Toutes les classes se confondent et finissent par se comporter en animaux dans une atmosphère de fin du monde.

Pour l’entreprise, le parallèle est assez clair ; réguler l’ensemble des paramètres et ne plus laisser aucune place à l’incertitude semble simple et parfait. Cependant, si le moindre rouage rouille, le système meurt ; trop habitués à être dirigés sans prendre de décisions, les employés, tout comme les habitants de la Tour, ne savent plus quoi faire.

S’il y a bien une leçon à retirer de ce film, c’est celle-là ; le problème de l’Architecte n’était pas qu’il manquait un paramètre à sa Tour mais qu’il y en avait trop.

Alors n’oubliez pas de laisser la liberté à vos équipes de combattre leurs propres peurs. Fiers, ils en ressortiront grandis et porteurs de leur propre système.  

Pour réveiller les équipes, il faut du rythme

Depuis que nous suivons les méandres du management, nous avons observé des contextes d’équipe variés. Dernièrement, une difficulté se répand comme une épidémie : la perte de contrôle du rythme. Guérir nécessite de reprendre la main sur ce que l’on fait. Oui mais comment ?

Les équipes sont de plus en plus aliénées

A quoi reconnaît-on qu’une équipe a perdu la maîtrise du rythme ? Elles sont aliénées à quelque chose qui a pris le contrôle sur leur travail.

La plus fréquente aliénation est celle du court terme. Presque tout le monde en souffre, nous sommes aspirés par les sollicitations du quotidien qui nous empêchent de faire avancer les sujets de fond et qui forment un flot continu de petites urgences et d’incessantes mini-crises. C’est toujours pénible, mais c’est parfois plus que cela. Souvent, ce quotidien nous asphyxie, il n’y a plus de place pour les sujets de fond ou même pour la prise d’initiatives. Progressivement, les managers deviennent comme ces gouvernements qui gèrent les affaires courantes, ils n’exercent plus le mandat de leader. Consciemment ou non, ils subissent le rythme du quotidien, d’autant plus pervers qu’il est insatisfaisant mais confortable car son traitement est immédiat et semble justifier sa propre utilité : « J’ai résolu 10 sujets aujourd’hui, c’était chaud ! »

Les équipes subissent et ont le sentiment de tourner dans la roue du hamster, donc de brûler beaucoup d’énergie sans peser véritablement sur les choses.

Si le quotidien est l’aliénation par en bas, l’aliénation par en haut n’est pas mal non plus. C’est celle du poids hiérarchique, qui s’exprime directement (des réunions de revue hiérarchique suffisamment régulières pour ne rien laisser passer) ou indirectement (des reporting qui cadenassent l’action). Si le contrôle est une mission de la hiérarchie, le surcontrôle est un système qui, voulant éviter les erreurs qui coûtent cher, dirige l’action de vos équipes et supprime le sentiment de responsabilité et de maîtrise. On ne fait plus les choses pour réussir sa mission mais pour bien figurer lors de la prochaine réunion avec le chef, c’est elle qui dicte le tempo.

Aliénation au flux, à la peur phobique des syndicats, à la stratégie de communication, etc. Il en existe beaucoup mais elles ont toutes la même conséquence. Les équipes subissent et ont le sentiment de tourner dans la roue du hamster, donc de brûler beaucoup d’énergie sans peser véritablement sur les choses.

C’est grave, car des équipes aliénées ne mettent pas leur intelligence et leur coopération en action. Comme dans l’image du mammouth, leur valeur ajoutée – en tant qu’équipe – est réduite à son minimum.

Pour rebondir, est-ce réaliste de se rebeller ?

D’abord, il faut prendre conscience de son aliénation. Pour cela, il faut être attentif aux crises sourdes que l’équipe peut traverser ou aux situations contradictoires.

Pour l’un de nos clients par exemple, cela s’est passé lors d’un événement très réussi sur le fond pour l’équipe qui a franchi une étape importante de sa stratégie mais pour lequel les collaborateurs n’ont pris aucun plaisir à la victoire. Pas seulement par manque de célébration, mais aussi parce que l’équipe ne se sentait plus actrice du projet collectif mais exécutrice.

Évidemment, la réponse la plus totale serait ensuite de se rebeller face à un système oppresseur, de se soulever contre l’aliénation et de proposer un contre-modèle, à sa main. Si nous sommes convaincus que cette rébellion est possible, nous savons aussi que beaucoup d’entreprises ne le permettent pas, que le processus est long, difficile…

Remettre en question la vision, le modèle, de mode de management, la culture d’entreprise dans un grand groupe, c’est jouer à 1 contre 100, c’est un beau combat inutile.

Selon la logique de coexistence si chère au jeu de Go, ce qu’il faut c’est occuper les terrains laissés vides. Et cela tombe bien car il y a une dimension souvent oubliée dont les managers peuvent se saisir : nous l’appelons la cadence.

 

Prendre la cadence à son compte en choisissant ses épisodes

Ce qui va vous permettre de définitivement reprendre et maintenir le rythme, c’est de tenir la cadence.

Nous ne parlons pas du plan à 3 ans (qui sert souvent de vision, ou de stratégie) ni du budget annuel (qui est plus financier qu’autre chose) mais bien de la cadence, c’est-à-dire ce qui guide notre action au quotidien, en n’étant pas trop proche (pour aider à prendre du recul) mais pas trop loin non plus (pour avoir toujours un point de mire qui joue le rôle d’attracteur).

La cadence est une maille, entre 3 et 4 mois, que nous appelons des épisodes. Une période courte, structurée autour d’un enjeu simple et excitant.  

Autrement dit, cela permet de  guider la vie de l’équipe comme une série télé plutôt que comme un film japonais de 4h30, alors même que l’intérêt du premier n’est pas forcément plus captivant que celui du second.

Regardez Downton Abbey, ils arrivent à ne pas nous endormir en nous parlant d’une famille aristocratique anglaise et de ses domestiques, ils parviennent même à nous enthousiasmer sur un enjeu de bonne température du thé. Comment ? On y retrouve les bons ingrédients : Chaque saison de la série est constituée autour d’un enjeu vaste (ex : marier les 3 filles) et la cadence des épisodes permet de tenir l’attention des spectateurs et le fil de l’action (épisode 1 : rencontre ; épisode 2 : séduction ; épisode 3 : révélation du secret, etc.).

Et vous, savez-vous quel épisode vous êtes en train de vivre avec votre équipe ?

ALBUS CONSEIL