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Diplomatie : l’art de la négociation

Epatant de voir dans Diplomatie comment, en quelques heures, on fait désobéir un général qui a été programmé pour ne jamais remettre en question les ordres de sa hiérarchie !

A la fin de l’occupation de Paris, alors que la ville toute entière est minée, le consul de Suède réussit en une nuit à faire basculer le général allemand chargé de détruire notre capitale.

La clé de sa réussite repose sur des leviers aussi valables en diplomatie qu’en management. On y retrouve bien-sûr l’écoute, le crédit d’intention, le souci d’apporter quelque chose et celui de donner envie, mais aussi des éléments plus surprenants.

D’abord, malgré des positions on ne peut plus opposées, on ne voit jamais le consul contredire son adversaire, même quand ce dernier lui demande de sortir de la pièce, ce qui mettrait fin à la négociation. Au lieu de contredire, il accepte et réattaque sous un autre angle, cherche un nouvel élément qui lui permettra un détour, suscitera à nouveau la curiosité et maintiendra l’échange. En analyse transactionnelle, on parlera de oui et plutôt que de oui mais.

Autre étonnement quand le diplomate utilise le levier émotionnel face à un homme de guerre chargé d’exécuter des ordres : ses souvenirs, la beauté de Paris, les civils qui seront tués… C’est dire combien dans le contexte plus clément de vos équipes l’émotion peut être puissante.  

Enfin, le général est le premier surpris quand le Suédois le sauve, lui son ennemi, de la mort. La raison invoquée : il y aurait toujours eu d’autres personnes (et des bien pires) pour détruire Paris à sa place. Si, en termes de pure tactique, détruire son adversaire n’est pas le plus efficace, on peut s’interroger sur les conclusions à en tirer dans de nombreux domaines : stratégie d’entreprise, gestion de projet, négociation, management etc.

Avant de vous laisser, un petit bémol tout de même : dans le film, il s’agit d’un coup, d’une relation qui se solde par la défaite du général et qui n’aura donc pas de lendemain. C’est ce qui fait que la manipulation marche. Dans vos équipes, vous devrez préserver la relation, alors soyez fidèles à vos promesses !

Halte au tout S.M.A.R.T. !

Ce qui ne se mesure pas semble ne plus exister. Sacralisé par le M de SMART, le mesurable est devenu une condition nécessaire à l’action : si vous ne pouvez pas le mesurer, vous ne pourrez pas le réussir.

Nous seulement c’est faux, mais en plus c’est pervers parce que ce qui est le plus important ne se mesure souvent pas…


Le beau ne se mesure pas, pourtant il existe

Pouvez-vous quantifier la beauté du Mont St Michel, du Grand Canyon, ou du tableau Guernica de Picasso ? D’ailleurs, lequel des 3 est le plus beau ?

Et si on quantifait le beau en s’appuyant sur le nombre de visiteurs ? Non. Le paysage sauvage du cœur de la Mongolie est peu visité, et pourtant il est beau.

En management idem. Comment mesurer l’audace, l’amabilité avec un client, la générosité ? Bien sûr nous pouvons collecter des preuves, faire des enquêtes. Tout cela nous donne des indications parfois précieuses, mais en réalité ce ne sont pas des mesures… Tout au plus des indices. Les comportements sont globalement difficiles à mesurer.

L’hyper rationalisme a gagné la bataille

Depuis quelques décennies, les entreprises font de la rationalisation le cœur de leur pilotage, et d’ailleurs pas que les entreprises. La politique n’est plus guidée que par les chiffres : sondages, PIB, déficit, taux de chômage.

Du coup, les managers pilotent ce qui se mesurent, et uniquement cela.

Les fanatiques des outils lean (et pas de la philosophie) bâtonnent, chronomètrent, mesurent à tout va. Les cabinets anglo-saxons, qui ont la faveur des actionnaires, chiffrent tout et ça rassure : on chiffre même les relations entre les gens, le taux d’engagement des salariés, les ratios de RH par employés, etc. Et ça ne choque personne, ça apaise de savoir que l’on peut mettre un chiffre (même inepte) sur une réalité non-mesurable car « si c’est chiffré, on pourra donc le voir augmenter/baisser ».

Du coup, les managers pilotent ce qui se mesurent, et uniquement cela. Je travaillais récemment avec un responsable de production dans l’industrie qui, voulant impliquer ses opérateurs sur la performance, était arrivé à la conclusion que le rendement de la machine était le seul indicateur à suivre puisque le seul mesurable au niveau de l’opérateur. Conséquence : les opérateurs auraient dû se mobiliser pour faire évoluer un indicateur sur lequel la seule variable qu’ils maîtrisent est la vitesse de travail… pas très motivant, mais aussi très partiel.

Parce que l’opérateur peut aussi jouer sur l’attention au détail, la qualité de ses relations avec le service Qualité ou Logistique, la fluidité de ses échanges avec son chef, ses collègues des autres équipes, des autres machines. Il peut s’intéresser à la résolution des problèmes, s’impliquer dans l’amélioration de son usine, etc. Que des choses très concrètes, mais très difficiles à mesurer.

Pourtant, il est possible de piloter le non mesurable

L’avantage du non mesurable, c’est qu’il est souvent infini (comme l’audace) et/ou que chaque progrès apporte un bénéfice même si l’optimum n’est jamais atteint (comme l’amélioration des relations dans une interface).

Au lieu de mettre un chiffre pour mesurer ce qui ne peut pas l’être, on peut chercher à montrer le chemin parcouru et valoriser chaque contribution. Le pilotage sera ainsi plus crédible et plus enthousiasmant.

Petit à petit, les résultats arrivent et s’ils ne peuvent pas les mesurer précisément, ils les contemplent comme un beau paysage.

Si vous voulez que vos équipes améliorent le service client, vous pourriez mesurer la satisfaction de 10 façons différentes et en analyser tous les aspects, pour finir par dire inévitablement que vous devez faire mieux. Vous pouvez aussi passer du temps avec vos équipes pour qu’ils rendent les clients heureux à chaque contact, et ainsi donner du sens et valoriser chaque bonne pratique. Ça sonne mieux, non ?

Nous admirons ceux qui managent l’audace en mettant toute leur énergie pour créer les conditions de l’initiative et de la prise de risque. Petit à petit, les résultats arrivent et s’ils ne peuvent pas les mesurer précisément, ils les contemplent comme un beau paysage.

Le bonheur au travail dans votre équipe est de cet ordre : il est impossible de le quantifier (même en comptant les sourires) mais si les gens sont plus souriant, il est peu probable que cela vous échappe.

Acceptons le subjectif

Chaque année, des magazines publient le classement des villes où il fait bon vivre… En mesurant la qualité des hôpitaux, le nombre de parcs, le taux de chômage, etc. Et pourquoi pas les décibels dans les bistrots ? Quand vous bravez ces préconisations et que vous allez dans les villes de bas de classement, les gens ne sont pas moins bon-vivants qu’ailleurs, en revanche ils sont révoltés contre une vision mathématique qui ne reflète pas leur réalité.

De même les adversaires du PIB tentent d’imposer le BNB, Bonheur National Brut. Mais ça n’a pas plus de sens. La notion est belle mais la mesure est très critiquable.

A moins d’utiliser un outil de mesure aussi subjectif que ce qui est mesuré… Comme on le fait avec l’échelle de la douleur, magnifique de simplicité et de pragmatisme. Au lieu de créer une échelle objective (se couper au doigt provoque X points de douleur, se casser la jambe Y points), on a pris une échelle de 1 à 10, totalement subjective et sur laquelle le patient s’auto-évalue. Ça fonctionne très bien parce que c’est facile à comprendre et que la mesure est en phase avec le problème… Subjectives toutes les 2.

N’oubliez donc pas que dans SMART il y a Simple, et que la mesure est souvent une façon de se compliquer la vie inutilement !

En management, tout est question de questions !

Chaque jour sur les réseaux sociaux, ou dans les revues spécialisées, on nous dit les qualités essentielles pour devenir ou reconnaître un bon manager. Je ne sais pas vous, mais ces articles ne m’ont jamais permis d’avancer réellement sur le sujet. Si nous devions aujourd’hui, donner une astuce à celui qui veut progresser dans sa dimension managériale, ce serait celle-ci : faites que les gens posent plus de questions !

 

Les réponses ne font pas ou peu grandir

L’erreur que nous avons tous faite, et que nous faisons encore souvent, c’est de construire sa légitimité de manager en livrant à son équipe les meilleures réponses aux questions qu’elle se pose, voire qu’elle ne se pose même pas. 

C’est le poids de l’histoire. On promeut plus souvent en tant que manager celui qui a des qualités d’expert technique plutôt que celui qui montre des facultés de management (animation, écoute, capacité à formuler une vision, etc.) qui sont d’ailleurs peu et mal identifiées. 

Et du coup, c’est logique : puisque nous avons souvent été placés en position de manager car nous avions fait nos preuves sur le métier. Donner les meilleures réponses est donc une façon naturelle de prouver à nouveau notre crédibilité.

Donner des réponses, c’est comme donner du poisson à ceux qui ont faim : c’est utile et gratifiant, mais cela n’est pas pérenne.

Donner des réponses est utile bien sûr et ne jamais en donner est une position intenable pour un manager qui ne saurait faire adhérer son équipe sans cela. Mais donner des réponses est une façon de terminer une réflexion. « Le chef a dit que… » est une phrase qui arrête la mobilisation de l’intelligence et place l’équipe en position d’exécution mécanique. 

C’est pour cela que les entrepreneurs font souvent de mauvais managers (nous en faisons partie et parlons donc en connaissance de cause…). Ils sont des garants de l’idée créatrice de l’entreprise et sont donc souvent en position de fournir la réponse ou de corriger celles de leurs collaborateurs. En conséquence, les équipes de l’entrepreneur ne progressent pas et ils exécutent (s’ils sont prêts à se soumettre) ou s’en vont.

Nous pouvons faire un parallèle avec le développement durable. Donner des réponses, c’est comme donner du poisson à ceux qui ont faim : c’est utile et gratifiant, mais cela n’est pas pérenne. Faire se poser des questions, c’est comme apprendre à pêcher : c’est plus difficile et moins satisfaisant à court terme, mais c’est beaucoup utile dans la durée.

La question, c’est une promesse d’apprentissage 

Tous les managers expérimentés le savent : quand vous présentez un sujet important pour vous et que le public concerné reste muet au moment du « avez-vous des questions ? », c’est mauvais signe.

La question est d’abord un signe d’intérêt.

Car la question est d’abord un signe d’intérêt. Générer des questions, c’est donc générer de l’énergie, de la motivation autour d’un sujet. C’est aussi, parfois, le début d’une remise en question : les questions, quand elles sont posées de bonne foi, nécessite d’admettre que l’on a pas la réponse, et qu’on en a besoin pour avancer. Dans certains public le questionnement est banal, mais dans d’autres (un codir par exemple, ou dans certaines entreprises) l’ego est tellement fort que les questions sont vues comme des aveux de faiblesses. Obtenir des questions dans ces cadres-là ouvre la porte à l’écoute, à l’humilité, et donc à de nouvelles perspectives.

Pour ces raisons, Luna est probablement le personnage qui nous plait le plus dans la saga Harry Potter. Sa force n’est pas dans une capacité à répondre à tout, mais une capacité à écouter, à faire confiance à questionner.

Dans le management les questions sont ainsi indispensables pour :

  • animer : une réunion d’équipe, une formation, le quotidien. La question est la base de l’échange, sans elle chacun expose éventuellement ses positions et ses arguments, mais personne ne peut faire un pas vers l’autre sans lui poser une question.
  • apaiser : un climat social, une frustration, une incompréhension. Dites-vous que quand un groupe ne pose aucune question, c’est soit que vous n’avez intéressé personne, soit que les questions sont dans les têtes mais ne s’expriment pas. Dans les deux cas, vous générez un risque.
  • faire s’approprier : un projet, une vision managériale. La question est l’acte fondateur de l’appropriation. Questionner, c’est vouloir faire sien le sujet de l’autre. 

 Les managers se désolent parfois que leurs équipes posent trop peu de questions, quel que soit le sujet présenté. Pourtant, si le manque de questionnement n’est pas qu’un cas isolé dans une équipe, c’est que le manager ne fait pas ce qu’il faut pour y remédier.

 

Générer des questions : innover et persévérer

Le principal poison du questionnement, c’est la routine managériale. On ne pose plus de questions quand on sait à l’avance ce qui va être dit ou répondu et comment. Pour générer des questions il faut donc innover.

Innover sur le fond, en proposant à votre équipe un nouveau sujet de réflexion ou en leur demandant plus sur un sujet qu’ils connaissent déjà. 

Par exemple : vous avez l’habitude (souvent en avril-mai d’ailleurs) de travailler chaque année votre plan à 3 ans avec votre comité de direction puis (pour certains) de restituer vos travaux à votre collège managérial qui écoute religieusement et parfois un peu hébété vos réflexions stratégiques. Essayez de partager avec eux à mi-parcours de votre réflexion, quand plusieurs options sont encore sur la table, et demandez leurs avis. Il est probable que vous génériez alors de nombreuses questions et, in fine, de l’intérêt et une meilleure appropriation.

Innover sur la forme aussi, en mettant votre équipe dans un cadre dont elle n’a pas l’habitude. Vous avez l’habitude de présenter 30 slides PowerPoint avant de demander des questions ? Faites l’inverse en leur demandant ce qu’ils attendent de la présentation, cela peut marcher ou faites réagir au milieu. Vous présentez à 20 personnes et personne ne réagit en collectif, faites 5 groupes de 4 où chacun doit vous présenter 2 questions, nul doute qu’elles émergeront assez vite.

Ensuite, tout est question de persévérance. Les gens poseront des questions si :

  • Vous montrez que vous en avez besoin : en n’ayant pas des présentations 100% ficelées à l’avance, qui laissent de la place aux compléments, aux modifications. Qui a envie de réagir à un projet 100% non négociable ? Personne.
  • Vous donnez du temps pour les questions : les réunions d’une heure dont 55 minutes de présentation envoient un message très clair à l’audience, leurs questions ne vous intéressent pas. Mettez au moins 50% du temps pour recueillir les questions et évitez d’avoir des réponses qui prennent toutes la place. Nous conseillons souvent aux managers, plutôt que de chercher une réponse absolument, de répondre à une question par une autre question. Vous allez voir, le résultat est incroyablement plus intéressant.
  • Vous n’acceptez pas le « non » comme réponse à « avez-vous des questions ? ». Posez une question, comme nous l’avons dit plus haut, est une prise de risque surtout quand elle est posée de bonne foi. Donc certains l’éviteront s’ils s’aperçoivent que c’est une posture acceptable. Vous devez être exigeant et ne pas admettre qu’un acteur puisse ne pas avoir de question à poser sur un sujet-clé.  

Comme toute chasse au trésor, la chasse aux questions se mérite. Alors que ferez-vous dans la prochaine réunion pour obtenir plus de questions ?

Pour gagner du temps, tissez votre toile

S’il y a une constante dans les entreprises, dans tous les projets, dans tous les secteurs, à tous les niveaux de management, c’est le manque de temps. Parfois c’est un alibi commode, mais souvent cela correspond à une réalité : les managers sont submergés par des vagues (de mails, de consignes, de projets, d’objectifs) de plus en plus rapprochées. Essayons de voir ce qu’on peut y faire… dans la réalité !


La surcharge, vérité objective

Évidemment, on connait tous le manager qui se dit « Dé – Bor – Dé » à longueur de journée et semble soupirer aussi souvent que possible, mais qui en fait masque une certaine oisiveté, ou en tout cas une charge des plus normales. On le connait oui, mais il est plutôt une exception dans des organisations qui diminuent  leurs structures et dans lesquelles se cacher devient de plus en plus difficile.

La surcharge des managers n’est donc ni une invention, ni une convention.

Bien entendu, on prendra ses airs de sociologue pour expliquer que la surcharge est plutôt valorisée en France avec la fameuse boutade : « Ah tu prends ton après midi ?» hélée à la cantonade à un collaborateur qui quitte le bureau à 18h.

C’est en partie vrai mais là aussi le phénomène recule, à la fois parce que ceux qui travaillent durablement au-delà des horaires classiques (et raisonnables) commencent à fatiguer et parce que les DRH sont de plus en plus soucieux du travail tard le soir ou les week-end. Même si c’est parfois hypocrite.

La surcharge des managers n’est donc ni une invention, ni une convention. Le rythme est frénétique, les mails trop nombreux, le matriciel prend les managers en tenaille entre 2 ou 3 donneurs d’ordres qui se soucient peu des demandes des autres. On multiplie les réunions, souvent pour atteindre la journée entière sans passer par la case bureau ou terrain. Les managers ont l’impression de ne plus toucher terre… C’est souvent le cas, nous les plaignons : dans cette vie on s’ennuie peu, certes, mais on ne respire pas. La sensation d’apnée est forte et beaucoup se demandent « combien de temps tiendrais-je ? ».

  

Prioriser : intellectuellement oui ; mais tarte à la crème le plus souvent. 

Assurément, la solution est de prioriser… Mon dieu mais c’est bien sûr ! Que n’y avais-je pensé ?

Mais cette évidence est devenue une injonction qui ne correspond plus à la réalité. Parce que les managers l’ont entendue 1000 fois et que si cette priorisation était facile à mettre en oeuvre, cela se ferait.

On dit qu’il faut faire des choix et que choisir c’est renoncer. Et à quoi ai-je le droit de renoncer ? Et bien, à rien ! C’est ça la réalité : il faut renoncer mais on n’en a pas le droit. Bien sûr on peut jouer à la marge sur ce qui est entre nos mains, mais c’est limité et souvent c’est le temps avec les équipes qui trinque. Logique puisque ce ne sont pas vos équipes qui vous évaluent.

Alors la priorisation est inefficace. Du coup, on demande aux supérieurs de trancher, de donner des priorités. Parfaitement logique et légitime comme raisonnement. Sauf que mon chef est dans la même situation que moi. Et même si c’est le « big boss », il doit servir ses actionnaires, garantir sa qualité, baisser les prix pour garder ou conquérir des positions. Autant d’éléments, contradictoires dans bien des cas, entre lesquels il ne VOUDRA pas prioriser. 

Bref, le rationnel mathématique a fait long feu. 

  

Gagner du temps, c’est tisser une toile

En fait, il existe un gisement de temps important et il est chez vous.

Depuis 10 ans que nous conseillons des managers, il nous apparait évident que certains ont l’air de poissons dans l’eau et échappent au syndrome de l’asphyxie. Ils sont peu nombreux, pas forcément haut placés et semblent vivre avec une légère insouciance ce flux incessant de vagues. Et pourtant, ils ne sont pas spécialement protégés ou dans un placard ; souvent, ils sont même exposés et comme par miracle, ils progressent dans l’entreprise.

  
Quel est donc le secret de ceux qui s’en sortent ? 

Nous pensons que le manager qui survit a la bonne habitude d’aller au bout de chaque décision prise quand les autres ont l’impression de le faire mais n’effleurent souvent que l’écume. 

Pour faire cela, il connecte les objectifs et économise beaucoup de temps : 

  • Il connecte en management : les actions qu’il mène avec ses collaborateurs ne sont pas une suite de réactions mais une construction dans laquelle le superflu est éliminé. S’il décide « je veux renforcer l’autonomie d’untel » alors TOUTES ses actions vis-à-vis de lui seront axées sur cet objectif. Et au lieu d’avoir un plan d’action pour la montée en autonomie ET d’autres plans d’action sur les autres objectifs, il n’a qu’un plan d’action autonomie et tout ce qu’il fait sur les autres sujets DOIT y contribuer.
  • Il connecte le management et les projets : du coup, il pilote ses projets de façon à ce qu’ils contribuent aussi à ses enjeux de management.
  • Il a une ambition qu’il utilise tout le temps : beaucoup de managers ont une ambition qu’ils utilisent en réunion de service, de temps en temps sur le terrain, une fois par trimestre… Quel gaspillage ! A partir du moment où vous avez une ambition, il faut l’utiliser 1000 fois : à chaque action managériale, explicitement. Avec les clients, internes ou externes, dans votre com’ bien sûr, dans vos projets. Rien ne doit échapper à votre ambition.

En fait les managers sereins dans ce monde de fous sont extrêmement économes sans renoncer à grand chose : ils font de chacune de leurs actions une contribution à tous leurs objectifs ; et si l’action ne contribue qu’à un objectif, ils la modifient pour qu’elle contribue à tous. 

Gagner du temps, c’est donc tisser une toile comme le fait une araignée : la solidité vient de la structure des fils connectés entre eux. Vous pensez que raisonner comme ça prend du temps ? Oui au début, mais c’est très vite un exercice grisant que de chercher à ce que chacun de vos actes contribuent à tous vos objectifs en même temps ; et le réflexe se prend vite avec des montagnes de gains réalisés.

Enquêteur et manager, au fond c’est la même chose.

Avez-vous vu le film de Frédéric Tellier, «L’Affaire SK1»  s’inspirant de la traque du tueur en série Guy Georges ? Il nous rappelle d’autres polars qu’on a vu et lu et, en y repensant, le lien entre les métiers de manager et d’enquêteur saute aux yeux.
 
Un enquêteur est méticuleux, n’écarte aucune piste… Il collecte les indices les plus insignifiants ! Sherlock est le maître de cette technique. Il observe, traque les détails, confond les accusés avec leurs minuscules erreurs… Et c’est logique, parce que ce qui saute aux yeux est souvent trompeur. Le diable est dans les détails !
En management, pareil ! C’est en traquant les signaux faibles, les petits indices que l’on trouve de nouvelles pistes pour aider, challenger, faire grandir et du coup améliorer les performances.
 
L’enquêteur connecte tout à tout ; il ne croit pas aux coïncidences. Il suit sa proie sans relâche, fait feu de tout bois et met en relation tout ce qu’il trouve.
Le manager, pareil ! il a souvent le tort de faire des actions isolées. Mais quand il cherche à tout connecter : les gens entre eux ; une action de la semaine dernière avec une action de cette semaine ; un axe de progrès avec une tâche nouvelle. Alors, l’efficacité de chacune des actions se multiplie parce qu’elles deviennent cohérentes. 
 
Le bon enquêteur enfin n’est pas juste un cerveau logique qui veut résoudre un problème mathématique ; regardez Rust dans True Detectives, Serpico de Sydney Lumet, Bosch des  romans de Connelly ou encore l’inspecteur Harry. Ils se battent pour une cause plus grande : une idée de la justice, une réparation d’une culpabilité enfantine, une idée de la morale. Pourquoi ? Parce que sans but, leur métier n’est pas supportable et trop risqué. La cause donne du sens à chaque enquête.
Le manager, pareil ! S’il ne veut que faire progresser un individu ou résoudre un problème, il aura bien moins de force que s’il a une idée de ce qu’est le management ; de comment il veut réaliser sa mission. 
 

Pourquoi est-ce si proche ?

Et bien parce que l’enquêteur et le manager travaillent avec la matière humaine, ses forces et ses faiblesses. Le manager est un enquêteur permanent dont la mission n’est pas d’arrêter les meurtriers mais de révéler les héros !

Déléguer n’est pas la panacée

Ceux qui nous lisent régulièrement se disent peut être que nous sommes de grands défenseurs de la délégation. Et bien non ! Pas contre non plus évidemment, mais il nous semble que ce concept souffre d’une trop bonne publicité : beaucoup de managers en font un principe absolu de management. Nuançons.

 

La responsabilisation est un objectif

Quitte à défendre un lieu commun, nous préférons « responsabiliser ». Parce qu’il parait naturel et logique qu’en développant la responsabilisation de son collaborateur, on développera son attention au travail, sa réflexion sur ce qu’il est en train de faire, sa motivation (celle qu’il alimente lui-même). Un collaborateur responsable est un collaborateur avec qui on peut réduire le temps (et donc le coût) de contrôle.

A ce titre, il est évidemment prioritaire qu’un manager se préoccupe avant tout de la responsabilisation des membres de son équipe. Reste à savoir comment, quand on exclue le recours à la valeur (la responsabilisation affichée au fronton de l’entreprise) comme nous l’avons montré dans un précédent article : http://www.albus-conseil.com/fr/flop_11-stop-au-management-par-les-valeurs

  

Déléguer est une solution 

Bien sûr, pour développer la responsabilisation, déléguer est une solution.

Rappelons ce qu’est déléguer : littéralement, il s’agit de faire faire à quelqu’un quelque chose dont on était chargé. Quand on ne délègue pas des tâches subalternes (café et photocopies pour caricaturer), déléguer est une façon de montrer sa confiance, de tirer vers le haut et de varier les plaisirs pour le collaborateur.

A ce titre, c’est un outil qu’il faut garder sur sa palette.

En réalité pour que délégation soit égale à responsabilisation, il y a tout un travail de pédagogie à faire.  

Mais déléguer n’est pas automatiquement responsabiliser

Il ne faut pas oublier que, quand on délègue, on transfert une responsabilité localement, entre 2 personnes, au sein d’une équipe. Mais en général, vue de plus haut dans l’organisation, la responsabilité n’a pas changé de main. Comme les collaborateurs ne sont pas idiots, ils s’en rendent compte. Le sentiment de responsabilisation est donc moins fort car celle-ci n’est pas publiquement transmise.

Par ailleurs, déléguer se résume parfois à un simple transfert de charge de travail. La délégation est un exercice de management exigeant qui, si on n’y fait pas attention, donne l’impression d’une patate chaude que l’on s’envoie. Or, si on délègue pour se décharger, la vertu est faible.

En réalité pour que délégation soit égale à responsabilisation, il y a tout un travail de pédagogie à faire.

 

Et déléguer, c’est souvent stresser 

La délégation se heurte aussi mécaniquement, et logiquement, au problème de la compétence. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi puisque le fait d’apprendre un nouveau geste, une nouvelle tâche peut être un puissant levier de motivation. Encore faut-il que la montée en compétence soit accompagnée faute de quoi ce n’est que le stress qui augmente et il n’est générateur ni de responsabilisation, ni de confiance.  

Aussi nous concluons sur la délégation pour dire :

  • Qu’elle n’est managérialement productive que quand on délègue des tâches d’intérêt.
  • Que dans ce cas, elle n’est responsabilisante que bien accompagnée.
  • Que c’est donc un mode de management exigeant, qui ne peut pas être une règle ou un réflexe.

 

Réhabilitons le faire ensemble

Dans ce monde, on veut aller tellement vite qu’on va souvent au binaire, en générant des comportements aussi problématiques que ceux que l’on voulait combattre.

Dans notre cas, on voulait combattre l’autoritarisme, l’imposition traditionnelle qui positionne les collaborateurs comme des machines qui parlent et souvent râlent. On a donc prôné l’inverse : la délégation.

Le Faire ensemble permet aussi de faire monter en compétence et ouvre donc les portes à de la délégation sur des actions d’importance. 

Si le combat contre l’autoritarisme est sain, la réponse par la délégation est insuffisante. Nous rencontrons souvent des managers qui en ont fait LE principe de management (avec les meilleures intentions du monde), et qui se retrouvent devant de sérieux problèmes de stress au travail et de rupture entre eux et leurs équipes.

Mais il existe une autre façon de faire, qui paraît évidente mais visiblement un peu oubliée à l’heure où je-ne-sais-quoi impose de faire tout plus vite : FAIRE ENSEMBLE.

En effet, une excellente façon de responsabiliser est de travailler ensemble sur un projet ou un problème. La responsabilisation vient alors du fait que votre collaborateur se sentira responsable que le travail commun aboutisse.

Le Faire ensemble permet aussi de faire monter en compétence et ouvre donc les portes à de la délégation sur des actions d’importance. 

Elle permet enfin de développer le lien entre le manager et ses collaborateurs, en effaçant temporairement la logique hiérarchique.

Bien sûr, bien faire ensemble impose une discipline du manager pour éviter l’imposition déguisée. Nous utilisons pour cela les principes du co-développement : il s’agit de ne pas entrer dans la relation pour expliquer et convaincre mais pour questionner et chercher ensemble. L’attitude co-développement est donc moins celle du professeur qui explique une notion que celle de 2 scientifiques devant un tableau noir, essayant de résoudre une équation très compliquée.

Le Faire ensemble est un véritable investissement managérial, puissant outil de motivation et plus facile à utiliser que la délégation. Le pari est donc gagnant sur le moyen et long terme en évitant la passivité (qui va avec l’imposition) ou la baisse de la qualité (qui va avec une délégation excessive).

Rabibochons le central et le local !

Des liens entre les services dits centraux et les entités locales, on pourrait écrire des livres entiers. La plupart serait des drames, tant la relation avec le siège est souvent décriée. Mais parfois, ça marche ! Alors, on fait la paix ?

Le Siège manque de visibilité et se plaint du manque de communication des autres sites qui, eux, fustigent l’interventionnisme du Corporate. 

Procès d’intention à gogo

Des PME jusqu’aux grands groupes, à partir du moment où une activité est multi-sites, la question du lien entre le Siège et les autres sites se pose.

Souvent, cette relation tourne vite à la méfiance. Le Siège manque de visibilité et se plaint du manque de communication des autres sites qui, eux, fustigent l’interventionnisme du Corporate.

Très vite, le cercle vicieux s’installe : l’entité locale, par crainte de l’ingérence du Corporate, fait une communication a minima et refuse au maximum les mains tendues. Du coup, le Siège a l’impression qu’on lui cache quelque chose et force l’entrée (au moment des budgets ou à l’occasion d’une crise sociale ou qualité que tout site traverse à un moment ou à un autre). Cette intrusion du Siège valide les pires craintes des « locaux » qui renforcent les barricades, etc.

 

Pourtant, le besoin de coopération est vital

C’est d’autant plus frustrant de constater cette mauvaise alchimie que chacune des deux parties a, objectivement, besoin de l’autre pour avancer.

Encore faudrait-il imaginer que les technocrates du Siège peuvent apporter quelque chose…

Pour le Corporate, c’est évident : leurs décisions et projets ne trouvent de réalité que dans la traduction opérationnelle qui en est faite par les sites. Sans cela, les initiatives du Siège tournent à vide et cela désespère jusqu’aux plus enthousiastes.

Bien sûr, les partisans de la manière forte y trouveront là une justification pour asséner à coups de démarches « top down » des prescrits de toutes sortes. Mais ces projets étant subis par les sites, ils ne produiront que des leurres utilisés pour faire « comme si ». 

Les sites aussi pourraient utiliser intelligemment les apports du Corporate. Presque tous ceux sur lesquels nous intervenons se plaignent d’avoir en permanence « le nez dans le guidon », happés qu’ils sont par le quotidien opérationnel et la gestion des urgences. Pourquoi ne pas s’appuyer sur le Siège qui, justement, n’est pas prisonnier de l’opérationnel ? Encore faudrait-il imaginer que les technocrates du Siège peuvent apporter quelque chose…

Par ailleurs, structurellement, le Corporate concentre les compétences techniques, la connaissance des marchés et des clients. Le terrain serait bien présomptueux d’ignorer cette manne de savoirs mis à sa disposition.

 

Ce n’est pourtant pas une fatalité

Nous observons tellement cette incapacité de coopération efficace que nous pourrions imaginer qu’elle est structurelle, inévitable. Pourtant il suffirait de pas grand chose pour que l’interaction rugueuse devienne coopération.

Pour les sites, le plus dur est de demander de l’aide 

La première erreur serait de croire que la bonne relation entre Siège et sites dépendrait d’abord et avant tout de la posture du premier. Bien sûr, un Groupe bienveillant et à l’écoute favorise les chances de bonne coopération.

Mais il n’y a rien de plus efficace qu’un site qui sort lui-même du schéma classique et demande spontanément de l’aide. L’effet est celui d’une bombe ! 

Certes, cela nécessite de ne pas considérer une demande d’aide comme un aveu d’échec. Certes, cela nécessite de considérer que l’autre partie pourrait éventuellement être utile, mais ce travail en vaut la peine : le cercle vicieux est pris à contre-pied et les bonnes volontés émergent.

Notre conseil aux sites est simple : vous avez un Siège qui essayera de toutes façons de vous aider, avec ou sans votre demande. Plutôt que de faire du karaté (essayer de contrer la force de l’autre), essayez le judo (utiliser la force de l’autre à votre profit) en émettant des besoins ciblés et finis dans le temps. Vous serez surpris de constater le changement de relation que cela produit.

Le service qui marche, ce n’est pas le meilleur mais celui qui est compris et demandé par les sites.

Pour les services Corporate, passer en mode Coach

Le changement de posture des services Corporate est plus dur car c’est culturel. Il nécessite de faire le deuil de la croyance souvent ancrée « Si je produis le meilleur service ou le meilleur outil possible, il sera accepté par les sites ».

Et bien non, les contre-exemples sont partout. 

Le service qui marche, ce n’est pas le meilleur mais celui qui est compris et demandé par les sites.

Vous pensez que la création d’une université Groupe est l’idée du siècle ? Si les opérationnels ne la demandent pas, elle sera une coquille vide. Idem pour le SI RH ou l’arsenal de communication sur les valeurs Groupe. 

L’enjeu, c’est de passer d’un système de VRP (qui fait du porte-à-porte pour vendre son produit au plus grand nombre) à un système de boutique (qui fait venir son client interne dans sa boutique pour lui faire exprimer ses besoins, lui répondre au juste nécessaire et essayer de le fidéliser). 

 

Nous avons récemment observé des entreprises où ce système fonctionne, nous croyons donc qu’il n’est jamais trop tard pour bâtir, enfin, une relation utile et apaisée entre d’historiques frères ennemis.

Votre Codir est-il une table ronde ?

Codir, Comex, Comag, CD. Peu importe le nom, le comité de direction est l’organe de décision que les entreprises mettent en place pour traiter les sujets stratégiques et transverses… en THÉORIE, car en pratique, ce n’est que très rarement le cas. Dans 80% des cas, le Codir ne fonctionne pas bien. Une malédiction ? Non, un défi managérial ? Sûrement.

Un Codir avec un seul directeur, ce n’est pas un Codir 

Le Codir a un principe noble : celui de rassembler les top-décideurs d’une entreprise, d’un site, d’une filiale pour partager sur sa trajectoire et l’aider à développer une stratégie gagnante à moyen terme. 

Du coup, la réunion Codir ressemble souvent à un triste monologue, à un fonctionnement quasi-monarchique qui ne satisfait personne mais dont tout le monde s’accommode. 

Il est souvent composé d’un directeur général et de ses n-1, managers ou non, responsables des fonctions-clés de l’entreprise. 

Et 80% du problème est déjà là, vous avez au Codir deux niveaux hiérarchiques, et le directeur général est à la fois celui qui prépare les sujets, celui qui les présente en majorité, celui qui pose des questions, celui qui y répond et celui qui arbitre au final.

Du coup, la réunion Codir ressemble souvent à un triste monologue, à un fonctionnement quasi-monarchique qui ne satisfait personne mais dont tout le monde s’accommode. Le DG car il évite la contradiction, les autres car ils n’ont pas à assumer la responsabilité des décisions prises.

Ainsi, l’intérêt du Codir est nul, ou presque. Personne ne dit au DG s’il va dans le mur et les membres du Codir ont du mal à défendre les décisions parfois difficiles qui sont prises dans ces réunions. Résultat : chacun perd 3h par semaine, parfois plus.

  

Un Codir qui pense court terme, c’est un anti-codir

Un Codir, initialement, est un moment où l’on s’extrait du quotidien, de « l’opérationnel » pour aborder des sujets de fond, moyen et long terme, stratégiques. En THÉORIE là aussi. 

En réalité, la majorité des Codir n’atteint jamais cet objectif. Le Codir devient un outil de gestion des affaires courantes, où chacun vient avec ses irritants ou ses priorités du jour qu’il expose à des collègues qui l’écoutent (à moitié, car certains lisent leurs mails en même temps…) pour être sûrs que les actions de l’autre ne menacent pas leurs propres objectifs. 

Difficile de dire que ce problème est un simple sujet d’efficacité, qu’il est question d’animation ou de structuration de réunion. C’est d’abord une question de fond : soit que les membres du Codir sont trop mouillés dans les problèmes court terme (et ils apportent donc ces problèmes dans chaque réunion à laquelle ils participent) soit que la vision long terme est si floue et éloignée de leurs préoccupations que les sujets du quotidien sont une échappatoire naturelle et salutaire.

Manager un Codir est difficile, alors vouloir le faire avec un groupe de plus de 10 personnes est à la fois présomptueux et illusoire. 

Et du coup non seulement le Codir est inutile, mais il est contre-productif. Inutile car il ne permet pas de traiter les sujets pour lesquels il est conçu ; contre-productif car il traite les sujets opérationnels sans impliquer les acteurs de terrain qui, écartés de la prise de décision, sont moins engagés dans leur mise en œuvre.

 

Un Codir pléthorique, ça tue un Codir

L’autre défaut tout aussi problématique, et objectivement moins excusable que les deux autres, c’est le Codir trop nombreux qui rend impossible l’échange, la complicité, la cohésion et l’engagement collectif. Les deux points précédents ont montré à quel point manager un Codir est difficile, alors vouloir le faire avec un groupe de plus de 10 personnes est à la fois présomptueux et illusoire. 

Bien sûr, cela permet de toucher plus de personnes en même temps, bien sûr cela donne un sentiment d’importance aux personnes qui en font partie, une impression de responsabilité. Mais que voilà des avantages bien pauvres en regard des dégâts que le surnombre cause à l’esprit de groupe, à la codécision, à l’ambiance même tout simplement.  

 

Le Codir, c’est une table ronde

Pour faire un bon Codir, travailler la réunion elle-même est un exercice limité. Cela demande beaucoup d’efforts (rigueur dans les horaires, structuration de l’ordre du jour) pour des bénéfices limités dans le temps et dans la portée. Cela ne veut pas dire que cette action est inutile, mais que s’arrêter aux sujets techniques est cosmétique. Le vrai sujet est autour du projet d’entreprise.

Un Codir doit d’abord être DIRIGÉ, non pas par le directeur général mais par le projet d’entreprise. Quels sujets abordés ? Qui porte quels sujets ? Quelles décisions ou actions sont attendues du Codir ? Tout cela doit être issu d’un travail plus fondamental sur la vision d’entreprise. Le court terme ? Il doit tout simplement être exclu de ces échanges en Codir. Pas de tour de table pour évacuer le quotidien en début de réunion, car c’est ainsi qu’il cannibalise tout le temps imparti.  Même la sécurité, même le social, même les résultats de production du jour. Rien que du projet d’entreprise. 

Pour cela, un Codir doit aussi être ADAPTÉ. Il n’est pas interdit de réfléchir intelligemment à la constitution de son Codir, ni d’imaginer que le casting puisse changer en fonction du projet d’entreprise et des priorités fixées. Il n’est en revanche jamais bon de mettre quelqu’un au Codir parce que « son prédécesseur y était », que « tout le monde fait comme ça » ou que, fin du fin, « je ne peux pas ne pas le/la mettre au Codir ». Bien sûr, la dimension humaine est importante et certains seraient choqués d’être sortis du Codir. Cela s’accompagne, et s’accompagne bien mieux si chacun sait quelle est sa place, sa contribution au projet d’entreprise.

Pour ceux qui sont au Codir, leur participation doit enfin être COÛTEUSE, l’inverse d’une place honorifique pour managers en quête de médailles ou de galons. Par les sujets qu’ils animent, par la responsabilité qu’ils doivent assumer sur les décisions stratégiques, par les messages qu’ils doivent porter aux équipes (la leur et les autres), par le niveau d’exigence du directeur sur leur production individuelle, la présence au Codir doit être en elle-même un challenge.

Posez-vous la question : les membres de mon Codir sont-ils concentrés, en tension (pas forcément sous pression) au début d’une réunion Codir ? Si ce n’est pas le cas, c’est que leur participation n’est pas assez engageante. 


C’est la raison pour laquelle nous comparons souvent un Codir à la table ronde du roi Arthur : tout ceux qui ont une place à la table ont un rôle à jouer, chacun s’exprime sur les sujets de tous, sans problème de légitimité. Les places de chacun ne sont pas immuables (il y a plus de chevaliers éligibles que de places). Chacun a des dragons à combattre pour justifier son rang. Et bien sûr, chacun et tous sont tendus vers un même objectif, la quête du graal.

Stop au diktat du plan d’action !

Pas une réunion ne doit se terminer sans plan d’action. C’est souvent à ça que l’on mesure son efficacité, la qualité de l’animateur et l’existence même d’un projet. Mais voilà, comme beaucoup de ces règles devenues immuables, la bonne intention initiale se transforme souvent en exercice privé de son sens… Revenons à l’essentiel et limitons les plans d’action !

Le temps est venu de recourir à nouveau à la vraie source de valeur dans l’entreprise : l’intelligence des individus

L’action est clé 

Bien sûr, nous ne remettons pas en cause la nécessité d’actions pour faire avancer un projet, faire progresser une organisation. Le changement (les progrès) n’existe que s’il y a actions ; les intentions ne suffisent pas, c’est évident.


Mais elle dérape…

Dès lors que ce principe est posé et accepté de tous, il est logique de créer une règle, ou a minima une bonne pratique : toute réunion, tout projet, doit avoir un plan d’action, suivi dans le temps. C’est clair, c’est net !

C’est logique mais on oublie l’essentiel : l’action est clé mais elle doit résulter d’une décision individuelle, que quelqu’un s’engage librement à faire quelque chose. Combien de plans d’action ne se réalisent pas ou pas complètement ? Ils sont innombrables. Pourquoi ? Parce que le plan d’action devient un exercice obligé, n’est plus la manifestation d’une décision individuelle forte et sincère. On se vote un plan d’action pour respecter l’usage, montrer que l’on n’est pas passif, se rassurer sur l’utilité des 2h que l’on vient de passer ensemble.


Et dérape encore…

Et comme le plan d’action n’est pas suivi, au lieu de se remettre en question, on s’enfonce : on crée un poste de chef de projet pour s’assurer que ça avance, on prend un consultant pour le pilotage, on l’affiche, on en fait un excel, on le partage sur l’intranet…. Et comme il n’est toujours pas respecté, on martèle les objectifs avec plus de vigueur, on rajoute des contrôles… Petit à petit oui, les actions se font, mais avec une dépense d’énergie considérable, un coût énorme, elles ne créent donc que peu de valeur.

  

Revenons à l’essentiel

Comme nous le disons à tort et à travers, dans un sens ou dans l’autre, dans chacun de nos articles, le temps est venu de recourir à nouveau à la vraie source de valeur dans l’entreprise (et dans les groupes humains en général) : l’intelligence des individus. 

La multiplication des règles, des indicateurs, des prescrits du management, dont la nécessité du plan d’action fait partie, finit par entraîner l’érosion lente de la responsabilité et sa compensation par la surcharge de travail :

  • « J’ai pas le temps »
  • « On m’a demandé de le faire »
  • « C’est une demande du siège »

Autant de remarques anodines, hyper-fréquentes, qui démontrent que l’on s’éloigne de la responsabilisation individuelle, sans avoir à faire avec des tire-au-flanc, et souvent bien au contraire.

Ne vous inquiétez pas : s’ils sont engagés, ils agiront. 

Faisons confiance dans la capacité de jugement de l’humain :

  • Oui, il est capable d’arbitrer entre des objectifs parfois contradictoires (qualité OU coût ?)
  • Oui, il va faire son propre plan d’action s’il y croit et se contrôlera lui même s’il est vraiment engagé.

 

Y parvenir, ce n’est pas si compliqué

Mais au delà du vœu pieux, comment faire ? Dans nos récentes missions, nous refusons de bâtir des plans d’action dans bien des cas. Il faut d’abord s’assurer de l’essentiel : est-ce que les gens concernés ont vraiment envie d’agir ?

Et là, il faut passer du temps avec eux, utiliser les indicateurs adaptés : sourires, enthousiasme, énergie…. Mais aussi craintes exprimées, demandes d’aide, etc…

Et alors, il est temps de demander à chacun de préparer ses actions et de les piloter lui-même. Et ne vous inquiétez pas : s’ils sont engagés, ils agiront. 

Enfin, ne créez pas d’indicateurs de suivi d’actions. Si les actions existent, les acteurs en parleront, les effets se feront sentir, et vos indicateurs habituels bougeront. Si vous n’entendez rien, c’est que rien ne se fait. Evidemment, il est utile de créer des moments, en réunion d’équipe, pour donner la parole à ceux qui agissent… Et si personne n’a rien à dire, c’est que rien ne se fait ; et alors, revenez à la case « engagement » car vous avez raté quelque chose là-bas.

Cette technique peut paraître hasardeuse ou longue ; il n’en est rien. Récemment, un manager qui s’est engagé véritablement a décidé de modifier brusquement une réunion importante comme on lui demandait de le faire sans succès depuis 5 ans… Pour agir, il faut le vouloir !

De même, dans un codir où le respect des plans d’action était considéré par tous comme faible, un séminaire sans plan d’action final vient de produire en deux mois des mouvements que personne n’imaginait, et sans contrôle.

Enfin n’oubliez pas que supprimer c’est agir

Avec cette manie des plans d’action à toutes les sauces, il y a un empilement d’actions invraisemblables, qui étouffe l’initiative, engorge les agendas, épuise les managers.

Enlever des choses, c’est aussi agir. Et ça fait gagner du temps…. Ne vous en privez pas.

 

Pour changer, ne maltraitons plus nos alliés !

Cela paraît être une banalité affligeante, tout le monde le sait et les adeptes de la sociodynamique le revendiquent : pour réussir un projet de changement, il faut fédérer et mettre en action un maximum d’alliés.

Pourtant, en entreprise comme en politique, beaucoup font l’inverse. Au lieu de consacrer du temps à organiser le groupe des partisans, on préfère séduire / convaincre / convertir ceux qui ne sont pas d’accord. Avec une efficacité limitée et au prix d’efforts colossaux.

Comment expliquer cette contradiction ?

Un changement n’échoue pas de la présence d’opposants mais de l’absence d’alliés 

Ecotaxe, Notre Dame des Landes, construction européenne, reprise de Goodyear, relance d’Areva, tous ces projets sont à l’agonie. Pourquoi ces échecs ? L’opposition aurait-elle été la plus forte ? C’est possible mais certains projets (le mariage pour tous, tout récemment) ont réussi malgré une opposition féroce et d’autres (la réforme des rythmes scolaires) échouent sans avoir à faire face à un tir de barrage, du moins au démarrage.

Pourquoi des fortunes si différentes ? La réponse est dans le titre… 

Cela ne veut pas dire que le débat est inutile, mais débattre dans l’idée de convaincre l’autre est souvent vain. 

Nous parlons ici de projets difficiles où, dès le lancement du projet, se manifestent des soutiens et des oppositions. 

Tout se joue dans la stratégie de mise en œuvre. Certains choisissent de consacrer le maximum de temps à essayer de convaincre les opposants. Cette stratégie est couteuse, en temps et en concessions, et son efficacité est limitée. C’est un peu comme quand vous vous lancez dans un débat familial en plein dîner : vous échangez vos arguments, vous en trouvez de nouveaux pour muscler votre point de vue, vous écoutez l’autre mais c’est avant tout pour mieux le contredire, parfois le ton monte et en tous les cas, vous sortez de table parfois tard et, souvent, avec la même idée qu’au départ.

Cela ne veut pas dire que le débat est inutile, mais débattre dans l’idée de convaincre l’autre est souvent vain. 

Ce temps que nous mettons à essayer de convaincre nos opposants, c’est du temps que nous ne consacrons pas à nos alliés, à notre projet…

Pour l’Europe, c’est pareil… Au-delà des victoires isolées des populistes aux récentes élections (3 pays seulement), il est surtout frappant de voir le peu de voix enthousiastes pro-européennes, qui en montrent les atouts et les perspectives… Forcément, on n’entend que les euro-sceptiques.

En entreprise c’est la même chose, les porteurs de projet ont tendance à se focaliser sur ceux qui sont contre le projet. Parce qu’ils parlent les premiers, parce qu’ils ne sont jamais à court d’arguments, parce que nous avons envie de les convaincre, sans y croire vraiment et sans y arriver jamais. On marche sur la tête !

Ce temps que nous mettons à essayer de convaincre nos opposants, c’est du temps que nous ne consacrons pas à nos alliés, à notre projet…

Les alliés, une population trop peu et trop mal traitée 

Les alliés sont ceux qui sont réunis par l’envie (ou le besoin) d’atteindre les objectifs fixés par le projet. 

Ils sont la clef de réussite parce qu’ils agissent, malgré les difficultés. Ils sont aussi plus capables que le leader lui-même d’aller convaincre ceux qui hésitent ou ne se prononcent pas.

Mais alors pourquoi se focalise-t-on sur les opposants (pour les convaincre) et pas sur les alliés (pour les animer) ?

  • Parce que les alliés s’expriment peu. A la différence des opposants qui s’expriment tout de suite, fortement, et se regroupent spontanément pour manifester ou signer des pétitions, les alliés sont naturellement plus discrets. Pourquoi ? Parce qu’ils défendent quelque chose qui n’existe pas encore, alors que les opposants défendent souvent le statu quo (cas des retraites, du mariage pour tous, etc) ; aussi parce que les alliés le sont généralement pour des raisons très différentes, et ne sont donc pas unis a priori : c’est le cas des centristes et des verts, tous deux alliés sincères de la construction européenne mais pour des raisons et avec des modalités différentes. Du coup, l’union ne se fait pas et l’attention se polarise naturellement sur des opposants plus organisés.
  • Parce qu’ils ne sont pas faciles. Un allié, ce n’est pas un « beni-oui-oui » qui hurle pour défendre le projet ; il est souvent critique et peut s’exprimer avec vigueur s’il n’est pas d’accord. Fédérer les alliés, ce n’est pas constituer une milice d’extrémistes du projet mais offrir la possibilité à tous ceux qui le souhaitent de critiquer, d’améliorer. C’est un partenaire, pas un supporter ; c’est donc difficile à gérer.
  • Parce que nous avons le « syndrome du consensus ». Nous voulons toujours, inconsciemment, mettre tout le monde d’accord sur un projet de changement. Les alliés étant déjà de notre côté, nous courrons chercher les brebis égarées. Mauvais calcul : non seulement les opposants ne se rallient pas ou peu, mais les alliés peuvent changer d’avis notamment si nous ne nous occupons pas d’eux. Ils ont des besoins, des attentes à formuler. Si nous ne prenons pas le temps de les écouter, nous les perdons un par un.

 

Faire de la stratégie des alliés, c’est donc aussi simple à comprendre que difficile à mettre en pratique. Cela appelle une remise en question et un comportement managérial exigeant. Cela demande aussi du temps. Nous disons souvent à nos clients de consacrer plus de temps à leurs alliés qu’à ceux qui ne veulent pas avancer. En regardant leurs agendas, nous nous rendons compte que ce n’est que très rarement le cas… est-ce le vôtre ?

ALBUS CONSEIL