Catégorie : industrie

Optimisme et pessimisme : mode d’emploi

L’optimisme et le pessimisme : deux énergies, deux ambiances . En entreprise, comme ailleurs, on les oppose très souvent et l’une serait manifestement préférable à l’autre. Pourtant est-ce le cas ? Pas si sûr.
Parce que oui, les deux ont leur utilité ! L’optimisme rend les projets séduisants et génère l’enthousiasme tandis que le pessimisme permet de les rendre plus robustes.
Alors au lieu de chercher à faire gagner l’une sur l’autre, on vous invite à réfléchir à comment utiliser intelligemment ces deux énergies dans vos équipes !

Et vous le pressentez… cela peut vite devenir un vrai casse-tête managérial : « Comment parvenir à faire co-exister ces deux énergies dans mon équipe ? », « Quelles doses d’optimisme ou de pessimisme dois-je mettre, et à quel moment ? », « Comment faire en sorte que les uns puissent être entendus par les autres ? ».
Tout n’est pas qu’une question de « savants mélanges » en recherche d’une moyenne un peu molle entre optimisme et pessimisme.
Aujourd’hui, on vous livre notre mode d’emploi… défi managérial garanti !

 

* Pour aller plus loin *

// A lire //

Le moment des projets positifs
Heureusement qu’il y a des contradictions
Optimisme, caricature ou art de vivre ?

// A voir //

La série Borgen, disponible sur Netflix

// Les extraits //

Astérix et Obélix, Mission Cléopâtre
Nicolas Hulot chez C à vous
Message à caractère informatif, « un excellent produit »

Au micro : Camille Riou et Patrick Bois

A la réalisation : Mathieu Driot

Heureusement qu’il y a des contradictions !

La crise du COVID est un festival de critiques dans tous les sens. Une des plus fréquentes n’est pas nouvelle, c’est celle des contradictions à l’intérieur d’une décision, à l’échelle du pays ou d’une entreprise : alors on veut protéger du virus, mais laisser l’économie tourner : Contradiction ! On veut diminuer l’empreinte carbone et on subventionne Air France : contradiction ! Tenez, ça me rappelle la vieille rivalité entre la qualité et la productivité ou la tension plus que centenaire entre les exigences des producteurs et les commerciaux qui vendent « n’importe quoi » : Contradiction ! Mais, moi, le jour où il n’y a plus de contradiction, je quitte le pays et je me mets à la voile en solitaire. 

 

La cohérence, un amour scientifique ? Une manipulation politique ?

D’où vient cette quête de cohérence ? Il y a sûrement une source scientifique, fille du rationalisme cartésien. On aime ce qui s’explique comme un mouvement mécanique, comme dit Henri Dès : « C’est le p’tit zinzin qui passe par ici et qui fait bouger le p’tit machin ». Du coup on aimerait que la vie soit comme ce moteur et que l’on puisse en avoir une vision parfaitement cohérente, LA vision. On aimerait que la décision de déconfinement tombe sous le sens et que chaque sous-décision soit cohérente avec sa petite copine qui la précède. On aimerait que l’équilibre entre la qualité et la productivité soit optimal tout le temps, stable et rassurant… 

On aimerait vraiment ?

Mais je ne peux pas m’empêcher de penser que seuls les esprits totalitaires sont véritablement séduits par la cohérence extrême. Souvent j’ai l’impression que le procès en incohérence est une manipulation politique : on fait semblant d’ignorer la complexité d’un problème pour montrer l’incompétence de son adversaire.

 

En réalité, l’incohérence c’est la vie, c’est ce qui justifie la compétence et même l’intelligence

Henri Dès lui-même, quand il s’agit d’expliquer « comment on fait les bébés » se rend compte que « machins et zinzins » sont un peu limités. 

Si l’on convient que l’évolution des espèces est une recherche d’adaptation à l’environnement, alors comment le cerveau humain a-t-il pu se développer si fortement, si ce n’est en devant résoudre des tas de problèmes et de contradictions ?

Résoudre un problème, intellectuel ou physique, vaincre une incohérence, c’est tout simplement le sel de la vie, le principal plaisir de l’Homme

La vie dans son ensemble est une immense marmite de contradictions : protéger son enfant ET le laisser se casser la figure pour qu’il apprenne. Vouloir faire quelque chose vite ET vouloir le faire bien. Dire que la qualité est une priorité ET vouloir optimiser la productivité aussi. 

Et puis la contradiction, l’incohérent c’est aussi la base du génie, ou au moins du coup de génie : Picasso est son cubisme, Kennedy et ses 10 ans pour aller sur la lune, Michel Ange qui fait de la peinture érotique (pour l’époque) sur le plafond d’une église, Christophe Colomb qui part plein ouest direction l’Inde.

Résoudre un problème, intellectuel ou physique, vaincre une incohérence, c’est tout simplement le sel de la vie, le principal plaisir de l’Homme : courir pendant 42 km, absurdité physique et défi si excitant ! Vaincre le sudoku force 9, apprendre une langue rare, monter un meuble Ikea… autant de défi qui peuvent nous vaincre ou nous rendre fiers. L’incohérence c’est la vie. Vivre avec, la surmonter, c’est ce qu’il y a de meilleur.

Bref un monde qui vise à supprimer les incohérences, ça s’appelle le totalitarisme, et le seul état parfaitement cohérent, c’est la mort… Pas envie.

Dans l’entreprise c’est même ce qui justifie la compétence, voire le salaire : la gestion des contradictions. Parce que si on me confie un site industriel à manager avec un seul indicateur bien cohérent, genre 0 accident, je suis cohérent : je ferme le site, j’ai gagné. Si on me rajoute un objectif, et donc un peu moi de cohérence par exemple : pas d’accident ET produire 1000 produits… Là, je suis obligé de réfléchir, et mon incompétence est démasquée.

Si on attend la fin du virus COVID 19 pour réouvrir les écoles, on sacrifie des millions écoliers de tous niveaux… Si on ouvre les écoles à vitesse grand V sans se soucier du virus, on remplit les hôpitaux en moins temps qu’il en faut pour dire coronavirus. Il faut donc choisir le flou, une forme d’incohérence subtile qui doit permettre de poursuivre différents objectifs.

Bref un monde qui vise à supprimer les incohérences, ça s’appelle le totalitarisme, et le seul état parfaitement cohérent, c’est la mort… Pas envie.

 

Alors comment faire en management ?

Bien sûr cette joie de la difficulté, cette acceptation de la complexité ne peut pas être une excuse pour dire n’importe quoi et s’exonérer de toutes nos décisions. C’est là que le stoïcisme et les philosophies zen doivent probablement prendre le pas sur le fatalisme. Constater que le monde est incohérent, c’est nous inviter à vivre avec, et pas à ne rien faire.

 

Comment ménager la chèvre et le chou en management : 

  • D’abord, bien sûr, il faut expliciter les différents objectifs et admettre leur apparente contradiction : oui nous devons trouver un équilibre ! Par conséquent on évitera les formules définitives et forcément fausses comme « 1 seule priorité : la qualité » Impossible.
  • Ensuite, la résolution de l’équation avec ses variables contradictoires est le défi à poser aux équipes et sera un excellent exercice de transversalité entre équipes. Faites un atelier avec les équipes concernées et demandez-leur : « augmentez-moi la qualité sans augmenter les coûts. Vous avez 4h » Pris comme un jeu, l’exercice sera source de créativité, et les idées qui émergeront seront astucieuses, habiles, intelligentes. S’il faut soutenir ensuite avec un petit investissement, allons-y. Le ROI sera là parce que le surcroit de motivation, non mesurable, va polir le diamant.

 

Après, vous serez sujet à des critiques pour votre incompétence et votre incohérence. Alors comment répondre aux questions de plus ou moins bonne foi :

  • D’abord si l’incohérence c’est la vie, il est bon d’avoir un cap stable. Je ne suis pas fan des valeurs affichées et imposées mais c’est quand même une façon d’être cohérent sur le long terme : « j’assume une part d’incohérence au quotidien, mais sachez que je cherche globalement à ce que nous trouvions des solutions ensemble pour nous développer ».
  • Mais les valeurs, on le voit, ne peuvent suffire à faire accepter les contradictions. Il faut aussi un cap opérationnel simple et clair, auquel chacun peut se raccrocher et qui permet de jongler avec plus d’habileté avec les contradictions : « Oui, nous avons des choix cornéliens à faire au quotidien, et ce qui doit nous faire choisir plutôt un côté ou plutôt l’autre, c’est le service client qui est aujourd’hui notre talon d’Achille ».
  • Ensuite, c’est la pédagogie qui va faire la différence. Montrez, dessinez votre problème en 2 dimensions pour que les enjeux ne s’opposent pas et que l’on cherche l’optimum. Laissez les équipes tester un peu trop d’un côté ou un peu trop de l’autre. Comme quand on apprend à barrer un bateau… On essaye avec des petits coups, et ensemble, et puis on peut laisser les équipes prendre la main et affiner la technique. Elles seront fières de jongler avec 2 balles puis 3 ou 4… Parce qu’avec 1 seule balle, on ne se rate pas, mais c’est pas marrant.

 

Et puis face à la mauvaise foi, et bien presque rien n’à faire… Ah si, un truc efficace et une petite pirouette :

  • LE TRUC EFFICACE : rendre le travail avec les contradictions amusant, excitant, valorisant pour qu’il attire de plus en plus. 
  • LA PETITE PIROUETTE : vous pourrez toujours dire « s’il n’y avait aucune contradiction à résoudre, je pourrai prendre mon neveu de 7 ans pour votre job. C’est parce que c’est complexe que j’ai besoin de quelqu’un de compétent… » A utiliser avec parcimonie….

Je vous laisse… J’ai sport pour maigrir, et après on s’est préparé un bon petit diner avec ma femme.

Dis-moi comment tu gères l’agent d’accueil, je te dirai quel manager tu es !

C’est l’un des scandales les plus admis de la vie en entreprise : la gestion des postes considérés comme subalternes : agent d’accueil, assistant, cantinier, agent de sécurité, etc. Pourtant, le bon management de ces postes n’est pas seulement une question d’éthique, c’est une question stratégique que de nombreux managers oublient comme on rate un éléphant dans un couloir…


Nous faisons face à une négligence, parfois à une discrimination

Nous n’allons pas faire un classement des discriminations en entreprise, mais nous pouvons affirmer sans peine que la discrimination sociale que subisse les métiers dits subalternes en entreprise est probablement l’une des plus répandues et des moins combattues.

Qui valorise l’agent d’accueil qui accomplit sa tâche avec brio, c’est quoi d’ailleurs être un brillant agent d’accueil ?

Pourtant, qu’ils soient des salariés ou des prestataires, les métiers de l’accueil, de l’assistanat et des services internes sont lourdement déconsidérés. Leurs postes ne sont pas toujours clairement définis (un assistant est parfois considéré comme une petite main plus que comme un poste à part entière), leurs salaires progressent moins vite, leurs évolutions de carrière sont souvent inexistantes.

Et cela va plus loin… au-delà du salaire, c’est la valorisation au sens large de ces collaborateurs qui est oubliée. Qui valorise l’agent d’accueil qui accomplit sa tâche avec brio, c’est quoi d’ailleurs être un brillant agent d’accueil ? Là encore, le fait que ce soit un prestataire ne change rien : son manager ne le voit pas au quotidien, ses « clients » sont parfois aimables mais ne se sentent certainement pas responsable de la valorisation de son travail.

Beaucoup de ces métiers se trouvent entre le marteau et l’enclume. Le marteau de la digitalisation et de l’uberisation qui questionnent l’avenir même de ces fonctions, et l’enclume de la barrière sociale qui crée une distance relationnelle discriminatoire.

Les manager, c’est donc déjà une responsabilité éthique

Renforcer le management de ces profils, c’est donc au moins une question de considération. Montrer l’attention nécessaire à tous les collaborateurs sans distinction, c’est envoyer le message que l’entreprise n’est pas la caricature de cynisme utilitariste que beaucoup ont en tête. Consciemment ou inconsciemment, cela marque les esprits quand un manager renvoie par ses actes l’image de « dans mon équipe, tous mes collaborateurs comptent quelles que soient leurs fonctions ». C’est vrai pour les habituels déconsidérés mais pour tous les autres aussi.

Nous voyons en ce moment une top manager, dans une des plus grandes entreprises françaises, qui est plébicitée spécialement pour son combat visant à casser les barrières entre cadres et non cadres. Et ses défenseurs les plus ardents sont aussi nombreux dans ces deux catégories.

Mais y arriver, c’est surtout un gisement de performance énorme !

Ils sont les premières personnes vues par vos équipes le matin quand elles arrivent au travail, ils organisent la venue de vos partenaires et les accueillent, ils ont parfois la main sur vos agendas, sur vos moments de convivialité, sur votre sécurité, sur votre confort, sur votre matériel… Mais non, ils ne méritent sûrement pas que nous les considérions comme des leviers de performance…

Dans le monde des consultants, il y a un adage qui dit qu’un bon assistant pourrait faire baisser la prestation de conseil de 50% (et inversement). Personne ne le fait vraiment, mais c’est pour vous dire que tout le monde semble reconnaître ce que les managers ne voient plus, l’importance de ces soi-disant « petits métiers » sur votre efficacité.

Un management qui peut être simple, mais qui n’est pas si facile

L’opportunité est forte, car c’est souvent un terrain vierge, un levier inexploité. Apprenez à vos agents à accueillir les personnes arrivant chez vous de façon chaleureuse, originale, individuelle. Intégrez votre assistant(e) à des réunions métier pour qu’il/elle comprenne mieux vos priorités du moment. Animez-les avec un minimum de considération et de valorisation pour que leur épanouissement soit visible, écoutez leurs propositions pour optimiser le temps passé à l’accueil, à la cantine, etc. Et vous verrez qu’au-delà du mieux être humain, vos actions auront un rapport effort/efficacité imbattable !

Vous n’êtes pas là pour lui apprendre son métier mais pour l’aider à se projeter, créer les bonnes conditions pour réaliser sa mission et l’aider à se fixer des objectifs réalistes et ambitieux

Au-delà de ces actions simples et efficaces, il est vrai que le management d’un assistant par un manager qui, très souvent, ne l’a jamais été dans sa carrière est un challenge. Il a donc du mal à l’évaluer, le coacher et l’accompagner malgré des ressentis sur sa fiabilité et sur sa maîtrise des outils. Ça s’arrête là et c’est un peu court.

Il faut faire comme les managers non-experts qui managent des collaborateurs experts. C’est-à-dire que vous n’êtes pas là pour lui apprendre son métier mais pour l’aider à se projeter, créer les bonnes conditions pour réaliser sa mission et l’aider à se fixer des objectifs réalistes et ambitieux. C’est simple et difficile à la fois, car il faut éviter tous les raccourcis managériaux qu’on utilise quand on connaît le métier de son collaborateur. Alors dites-vous que, déjà, vous poser la question de « comment je manage cette personne ? », c’est un grand pas de franchi !

Manager punk

Dans la lignée de notre article de début d’année sur le manager punk, nous nous demandons comment faire exister ses opinions dans un monde qui se norme, dominé par la finance et les process hyper cadrés et comment rester alignés avec ses valeurs, ses convictions quand ce que l’on nous demande de faire s’en éloigne… La réponse est probablement dans une forme de rébellion personnelle, proche du mouvement punk !

* Pour aller plus loin *

// A lire //
Managers, soyez punk
Stop au management par les valeurs

// A écouter //
Punk, génération No Future – France culture – 4 épisodes

// Les extraits //
Georges Brassens – « Mourir Pour Des Idées »
Bernard Lavilliers – « Les Mains D’Or »
Punk, génération No Future – France Culture

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil
Au micro : Camille Riou et Patrick Bois.
A la réalisation : Laëtitia Peyre

Eric Bellion, le Shackleton moderne !

Vous vous souvenez de Shackleton, cet illustre explorateur parti en 1914 à la conquête de l’Antarctique avec 26 matelots ?

Une centaine d’années plus tard on regarde cette Aventure comme une vieille légende : géniale mais absolument intransposable dans notre monde d’aujourd’hui !

Et pourtant, en 2012, Eric Bellion, navigateur, redonne un nouveau souffle à cette épopée en constituant l’équipage de sa team Jolokia sur un appel à volontaires dans le même esprit que celui de son prédécesseur :

« Recherche hommes et femmes pour voyage hasardeux. Pas de salaire. Vie spartiate, tâches d’équipage impitoyables, implication exigée. Priorité aux Borgnefesse sociaux ou physiques. Trop normal s’abstenir. Honneur et reconnaissance garantis en cas de succès ».

250 personnes y répondent parmi lesquels des jeunes, des seniors, des hommes, des femmes, des handicapés, des valides, d’origines et de milieux sociaux complètement différents. Il en retiendra 20 parmi lesquels un aveugle, un paraplégique, un malvoyant et un amputé du pied.

Après une année d’entraînement, la team Jolokia embarque en tant que seul équipage non pro pour la Fastnet Race, une course difficile en Manche et mer d’Irlande.

Que nous enseigne-t-il ?

Qu’il croit à la diversité, c’est certain. Qu’elle a des vertus d’efficacité pour une équipe, on n’en doutait pas ! Mais surtout, qu’elle est amenée par une chose : le fait de recruter d’abord sur le critère de la motivation et du partage d’un même but et d’un état d’esprit commun avant celui de la compétence pure.

Une des leçons que l’on peut en tirer : prenez des risques dans vos recrutements : passer outre les critères très normés dont sont encore trop souvent prisonnières les entreprises d’aujourd’hui – et ce non pas pour répondre aux injonctions des quotas de diversité – mais bien pour avoir des énergies, des intelligences, des expériences complémentaires plutôt qu’une équipe de clones.  

À regarder d’abord l’engagement, vous obtiendrez une belle diversité et si tout va bien, la performance ! Preuve en est, qui aurait parié au départ sur le fait que cet équipage d’amateurs – au sens premier du terme – arriverait 8ème sur 18 à cette fameuse course, battant à plate couture des navigateurs a priori plus compétents…

Si les aventures de ce navigateur vous intéressent, n’hésitez pas à aller voir son documentaire sorti en début d’année « Comme un seul homme » retraçant son Vendée Globe.

Et si vous n’avez jamais entendu parler de Sir Ernest Shackleton, on ne peut que vous conseiller de vous précipiter sur le livre retraçant son épopée, L’Odyssée de l’Endurance.

Senior, les HiPo les moins bien exploités

Il n’est pas rare, par les temps qui courent, de discuter avec un ou une manager de 45-50 ans qui se demandent s’il pourra trouver un job, s’il n’est pas un peu vieux…. Et c’est vrai que dans les grands groupes, on ne cache à peine un jeunisme très fort… Mais à 50 ans, en France, on a encore 15 ans de carrière devant soi… Changeons de regard.


En plein paradoxe

C’est fou de voir que dans le même temps, le monde n’a jamais été aussi court termiste, incapable de se projeter au-delà d’un exercice, 3 quand on a de la chance, et qu’on a peur d’embaucher un manager de 50 ans ou plus qui a plus de 10 ans de carrière devant soi….

Tout se passe comme si la performance à court terme serait le fait des jeunes principalement, comme si l’énergie et une certaine fraicheur était plus importante et utile que l’expérience.

C’est faux évidemment, et on devrait embaucher des jeunes pour préparer l’avenir à 10, 15, 20 ans, et des seniors pour avoir des résultats rapides. Sauf que notre système est tellement structuré, normé, outillé qu’il peine à réfléchir et donc à utiliser l’expérience. C’est d’ailleurs intéressant d’entendre des anciens du terrain parler avec leur passion du métier mais se plaindre qu’on ne les écoute pas ou plus…

En fait, on a un système frénétique, qui préfère manager des jeunes, ambitieux, malléables, résistants et n’a pas très envie de se confronter à la complexité, à l’épaisseur.

Et donc en France, on peine à utiliser les plus de 50 ans, et donc on est frileux quand il faut embaucher après 45 ans, sauf pour des profils de très hauts niveaux.

En pleine erreur

Cette situation, en plus d’être socialement impossible, est totalement absurde. Bien sûr que les jeunes sont utiles et indispensables (les auteurs de cet article ont moins de 40 ans ;-)) mais le mix des générations est la meilleure chose à faire. On trouvera la densité chez les seniors, souvent la sérénité, un brin de flegmatisme, plus rare chez les plus jeunes. On aura souvent chez les seniors une ambition voire un ego moins fort et donc des attitudes plus extérieures, plus rationnelles. On trouvera souvent chez les plus jeunes de l’énergie en abondance, une fraicheur pour imaginer des solutions en rupture, une ambition qui peut pousser à la créativité.

Et en faisant ça, on se prive d’une immense richesse, de maturité

Mais on les dit rétifs au changement ces seniors, en roue libre, peu à l’aise avec les nouveaux outils…. C’est parfois vrai, mais il faut dire que tous les processus doivent s’appliquer pour tous, que l’on ait 5 ou 30 ans d’expérience ; il faut dire que les programmes de haut niveau sont réservés au plus jeunes ; il faut dire que bien remplir le SAP semble parfois plus important que bien faire son métier ;  il faut dire que l’ambiance générale est au jeunisme… Et donc ne nous étonnons pas que nos seniors soient un poil défensifs…

Et en faisant ça, on se prive d’une immense richesse, de maturité. On se prive aussi de managers qui peuvent être redoutables justement parce qu’ils sont en fin de carrière : moins à gagner et donc moins à perdre. Nous avons de nombreux exemples de leaders particulièrement courageux dans leur dernier poste, parce qu’ils ne jouent rien et veulent partir sur un succès, laisser le terrain propre, assurer la pérennité pour les générations futures.

Total met souvent des directeurs dans leur dernier poste pour diriger sa plus grande raffinerie : c’est malin, parce que le site est difficile, nécessite courage et savoir faire. Les presque retraités y excellent depuis plus de 10 ans. Dans les équipes mixtes, on voit bien que les différences de point de vue augmentent la qualité des décisions.


Apprendre à les managers

Evidemment, pour tirer le meilleur des seniors, il faut manager un peu différemment, surtout quand on est bien plus jeune. On peut comprendre qu’on a pas trop envie à 55 ans de s’entendre passer des consignes par un jeunot comme si on avait 24 ans. On peut comprendre que l’exécution soit un peu difficile à assumer quand on travaille dans un métier depuis 30 ans.

L’expérience se manage avant tout en co-construction avec une attitude principalement en curiosité, en questionnement. Avec quelqu’un de très expérimenté, le plus efficace est l’interview : comment tu as fait ça ? Comment tu ferais pour ? Quelles solutions as-tu déjà expérimenté dans ce genre de situation ? Il ne s’agit pas de prendre tout pour argent comptant, mais de creuser les raisons des doutes, de comprendre les pourquoi. On utilise alors notre interlocuteur comme mentor. C’est Obi Man Kenobi : il n’a pas raison sur tout mais donne un point stable à Luke Skywalker, une référence qui le conforte dans ses choix. C’est souvent une bonne posture, une relation efficace.

L’expérience est une magie qui fait émerger naturellement des solutions quand elle est en liberté.

L’expérience se manage beaucoup en valorisant la transmission bien entendu. Mais cela nécessite du temps, et des moments peu structurés. Parce que 30 ans d’expérience ne se modélisent pas aisément en 3 points, dans un PPT synthétique ou dans un knowledge management formaté et dénué d’humanité. L’expérience humaine est une histoire, un récit qu’il faut se faire raconter. Récemment, nous avons passé 2h avec 2 managers à nous faire raconter l’histoire de leur industrie : passionnant, et au bout du compte la stratégie vient d’elle-même. L’expérience n’est pas un calculateur qui analyse des paramètres pour sortir une solution. L’expérience est une magie qui fait émerger naturellement des solutions quand elle est en liberté.

L’expérience dans une équipe doit en fait nous pousser à adopter avec tous un management plus ouvert, qui cherche plus la profondeur que la vitesse, la pertinence que la fulgurance. Le management des seniors est probablement celui qu’il faudrait adopter avec tous, pour valoriser les avis individuels et ne pas normer les décisions.

Managers, soyez Punk

Managers, vous êtes écartelés sur le terrain entre vos convictions (ce que vous aimeriez faire) et ce que l’on vous demande de faire ? Vous êtes soumis à la pression du résultat court terme alors que vous savez que la performance est un sport d’endurance ? Vous êtes mis sous pression et vous aimeriez éviter de mettre sous pression votre équipe ? Alors le diagnostic est simple : vous êtes managers au XXIème siècle ! Et le remède idéal : être punk !


Le système mondial actuel n’est pas tout noir

A écouter les gens se plaindre de notre système, de nos élites, de nos médias, des actionnaires court termistes, des logiques financières, des contraintes venues du central, on en finit par se dire que nous vivons dans un monde pour le moins décadent…

Mais c’est une caricature, et une expression du penchant humain à regarder d’abord le verre à moitié vide.

Notre système est aussi le plus pluriel qui n’ait jamais existé, notamment avec l’explosion des moyens de communication, les libertés n’ont probablement jamais été aussi fortes, notamment parce que l’accès à l’information n’a jamais été aussi libre. Le système libéral n’est pas seulement cynique. Il est cynique ET généreux. Il engendre violence ET bienveillance. Il sait être court terme ET long terme. Le système libéral est vertigineux parce qu’il s’adapte à tout, digère tout : à Montreuil par exemple, il y a une boulangerie anarchiste auto-gérée, une mutuelle municipale ET des cadres de grandes entreprises, des starts-up de l’économie numérique.

La question dans ce système dur, mais libre, est donc de savoir comment utiliser cette liberté pour diriger la société (à petite ou grande échelle) dans la direction souhaitée.

En revanche, il est difficile à contester globalement

Ce qui est vrai en revanche, notamment dans les entreprises, c’est que les décisions se morcellent, s’éloignent, se globalisent et donc deviennent très difficiles à contester quand elles prennent le mauvais chemin. Il est très fréquent que des conflits sociaux s’enlisent parce que les élus exigent des décisions avec lesquelles le RH est d’accord (au moins partiellement) mais qu’il ne peut pas prendre, alors qu’il le pouvait quelques années auparavant. C’est évidemment le cas des dépenses au niveau national, qu’on ne peut plus augmenter (puisqu’il faut emprunter à l’extérieur) ou dans les entreprises, où les politiques salariales ne sont souvent plus à la main du RH local.

La contestation directe est donc de plus en plus vaine et donne le sentiment que la marche du système est absolument inéluctable.

En réalité, le système est tout à fait contestable, et probablement plus facilement qu’aux époques où les opposants pouvaient encore être matés par la force (En France il n’est pas nécessaire de remonter très loin : Rainbow Warrior en 1985, manifestant noyé dans la Seine en 1986). Seulement il ne peut être contesté dans sa globalité et sans tenir compte des multiples interactions dans le monde entier.

Comment être managers dans ce contexte

Notre manager (et notre syndicaliste d’ailleurs) doit donc revoir sa méthode de contestation et de résistance. Aujourd’hui, elle doit reposer sur les actes citoyens, sur le fait de faire différemment pour inspirer les autres, et finalement changer les décisions globales. Le changement est plus que jamais dans les mains de chacun qui doit trouver dans ses degrés de liberté, évidents ou oubliés, les leviers de défense de ses convictions.

Evidemment en temps que managers, le problème est plus aigu encore que pour le citoyen : parce que vous êtes de fait une partie de ce fameux système avec un impact sur un groupe de gens : autrement dit, si vous vous plaignez du court termisme ambiant, mais que vous le transmettez à vos équipes, vous souffrez peut être du problème, mais vous en faites partie.

La position du manager est donc probablement de moins en moins tenable, entre un système à contester mais une contestation plus dangereuse encore que le mal.

La solution, le retour au Punk

Ce n’est pas une blague, même si bien évidemment la crête rouge reste facultative. Le mouvement Punk est une contestation par les actes et non pas par des valeurs dogmatiques : le mouvement Punk est une philosophie qui prône le fait de se construire ses propres valeurs et de les défendre, sans se soucier du qu’en dira-t-on. On n’a jamais vu un punk exiger de vous de porter les mêmes vêtements que lui. En revanche, il revendique le droit de les porter lui même.

Nous croyons beaucoup à cette subtilité pour le manager d’aujourd’hui : ne pas prendre les valeurs de l’entreprise toutes crues, mais comprendre ses propres valeurs, et se battre pour les faire vivre au quotidien. Si les valeurs de votre entreprise sont contraires aux vôtres, quittez la. Si elles sont différentes sans être opposées, alors agissez au quotidien en fonction de vos valeurs, et revendiquez le droit de le faire, sans les imposer aux autres. 

Le manager Punk est un manager qui apprend à utiliser les libertés du système pour faire exister ses valeurs et se soucie peu de savoir s’il plaît aux autres, ni si tout le monde fait comme lui. Il est plus danois (les danois sont les plus vertueux en matière d’écologie sans se soucier de leur impact à l’échelle de la planète) que français (qui aimeraient beaucoup que le monde leur ressemble sans forcément se soucier de respecter eux mêmes les vertus qu’ils prônent). 

Le manager Punk qui croit au long terme et veut développer ses équipes, peut le faire dans notre système, contrairement à ce que l’on dit souvent ; il va organiser des échanges sur la carrière des équipes (qui l’en empêche ?), programmer des moments de réflexion sur le long terme (qui le lui refusera ?), envisager les actions sur 2/3 ans plutôt que sur 1 (qui le contestera ?)

En revanche le manager Punk ne passera pas ses journées et son énergie à se plaindre que les actionnaires veulent des résultats cette année (vont-ils changer ?), ne va pas rebalancer les objectifs qu’on lui donne sans les expliquer, les critiquer, les adapter à la réalité.

Mes Punks à moi

Dans notre podcast sur la vision, nous classons De Gaulle dans cette catégorie, parce qu’il résiste malgré la capitulation, parce qu’il ne s’aligne pas avec les États Unis malgré les pressions, parce qu’aussi il résiste aux progrès sociaux malgré les demandes de la rue…Le Punk n’a pas toujours raison…

Dans les entreprises, il y a des exemples de Punk, nombreux :

  • Un directeur de Raffinerie qui refuse d’afficher un objectif de 0 accident, inaccessible… et qui bat un record historique 1 an plus tard.
  • Un DRH de la même usine qui dit : faites ce qu’il y a à faire, et si nous avons des contestations, je défendrai les convictions que je partage.
  • Un patron de réseau de distribution qui défend des objectifs de moyens, des primes collectives, face à un système qui exige des résultats court terme et 100% CA/renta.
  • Une patronne de site qui défend sa vision de son site et ose se faire mal voir de sa hiérarchie (et freine sa carrière) mais fait de son usine la meilleure de son groupe en moins de 5 ans (et on partait de loin).
  • Une manager qui dit la vérité à ses équipes, un autre qui préfère dépasser ses droits pour pouvoir donner plus de sens, un qui refuse de virer son n-1 dont tout le monde veut la peau parce qu’il croit encore en lui, un autre qui va chercher son fils à la fin de la journée, et tant pis pour les réunions après 18h.

Il y a beaucoup de contraintes dans les entreprises, mais un grand nombre sont aggravées par notre docilité, et une résignation injustifiée. Avant de faire du reste du monde les coupables, le Punk s’aligne avec ses propres visions.

Et pour ceux qui s’inquiètent de la dimension anarchique du mouvement Punk, rassurez vous : le monde du XXIème est probablement le plus proche de l’anarchie dans l’histoire de l’humanité, d’où probablement le regain d’intérêt pour les fascismes. Mais avant d’avoir recours au remède le plus inquiétant qui soit, tâchons de profiter de la liberté que nous avons pour défendre les valeurs auxquelles nous croyons, par les actes, pas par la morale.

Punks not dead.

La reconnaissance au travail, l’histoire sans fin

Aujourd’hui on ne connaît pas une seule entreprise dont les collaborateurs ne se plaignent pas d’un manque de reconnaissance : c’est tout le temps, c’est partout, c’est jamais assez et l’aspect financier s’en mêle toujours… Bref ça ressemble un peu à l’histoire sans fin ! Et en tant que managers ce n’est pas facile de s’en sortir… Or vous le savez, un bon système de reconnaissance est l’une des conditions sine qua none de l’engagement des équipes.

Au cours de cette discussion, on essayera de comprendre en quoi ce sujet de la reconnaissance – grandement lié à la psychologie humaine – est si complexe, pourquoi l’argent est souvent un leurre et quels sont les autres moyens de motiver vos troupes, et surtout de les rendre fières de ce qu’elles font, car au fond, c’est bien là tout le cœur du sujet !

* Pour aller plus loin *

// A lire //
De l’art de la reconnaissance
Féliciter
Animer et récompenser un allié
Le manager minute de Ken Blanchard

// A voir //
Le Lauréat de Mike Nichols

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil
Au micro : Camille Riou et Patrick Bois.
A la réalisation : Laëtitia Peyre

Plutôt qu’une réorganisation, proposez des épisodes organisationnels !

La réorganisation, un concept « has been » ? Non, si on regarde leur fréquence dans les entreprises qui n’a jamais été aussi importante. Oui, si on voit à quel point elles sont décevantes pour les acteurs qui les vivent et qui n’en attendent plus grand chose…

En fait, c’est un peu les deux. L’organisation doit bouger mais l’idée qu’une réorganisation offre LA solution au problème est illusoire. Osons parler de l’organisation évolutive, à chaque étape son organisation adaptée !


La réorganisation unique, une solution désormais inadaptée 

Sans refaire l’histoire des organisations, nous sortons de deux cycles de 20 ans. Le premier cycle (1980-2000), c’est celui des organisations stables : l’organisation est pérenne (autour de 8-10 ans) mais on change des modes de fonctionnement suffisamment disruptifs pour apporter des sauts de performance sans restructuration (le lean, les nouvelles technologies, la mondialisation). 

Une fois ces outils connus, quoique diversement bien utilisés, et face à l’accélération du rythme business, cela n’a plus suffi. On est donc entré dans un second cycle (2000-2020) où les organisations changent désormais tous les 3-4 ans, voire plus fréquemment encore. Aujourd’hui, quel que soit le secteur et le type d’organisation (même dans le public), ça restructure à tour de bras. Souvent, les organisations font des mouvements de balancier. Les plus taquins disent que l’on présente comme nouvelle une organisation qui existait 10 ans plus tôt, mais à y regarder le plus près on fait des allers-retours : une structure se met  en place par métiers ou expertises, cela crée des silos donc on l’organise 3 ans plus tard par type de produits ou business, cela crée des doublons et on revient à la case départ. 

Aujourd’hui, on arrive au bout de la logique : après 5 ou 6 allers-retours, les équipes sentent intuitivement que la structure parfaite n’existe pas et elles accueillent mi-résignées, mi-effarées les projets d’organisation survendues par leurs chefs. 

Les règles ont changé

En fait, deux choses ont changé de façon telle que le concept même d’organisation est remis en cause : les marchés et les gens. 

Le marché, nous ne vous l’apprenons pas, est devenu imprévisible. Il y a 3 ans encore, on était dans l’accélération mais on réussissait à peu près à planifier. Aujourd’hui, les marchés explosent ou s’écroulent sans que les leaders n’aient influencé ou prévu quoi que ce soit. Les youtubeurs influencent des pans entiers de notre économie. Comment imaginer avoir l’organisation idéale pour les 3 années à venir ? 

Les gens eux, ne tiennent plus en place. Ils plaquent des boulots en or pour aller dans des start-up improbables, ou bien ils attendent de leur entreprise qu’elle leur propose des expériences différentes constamment, pour que la routine ne s’installe jamais. 

En bref, l’organisation ne joue plus le même rôle qu’hier. Avant, l’organisation était une décision STRATEGIQUE : je sais quels sont mes atouts et mes perspectives, donc je décide de l’organisation gagnante qui me permettra de remplir mes objectifs. 

Désormais l’organisation doit devenir un choix tactique : ne sachant pas grand-chose de ce qui m’entoure, je définis un plan d’objectifs réalistes et j’adapte mon organisation à chaque étape de ce plan. 

 

Voici venir le temps de l’organisation plurielle et séquentielle

Plutôt qu’une organisation complexe qui veut tout concilier, pensée par des stratèges pour des opérationnels qu’ils ne connaissent pas vraiment, pourquoi ne pas envisager des épisodes organisationnels qui prennent les enjeux-clés les uns après les autres. 

Plutôt que de changer l’organisation tous les deux ans en laissant imaginer que c’est « une bonne fois pour toute », pourquoi ne pas annoncer tout de suite les 3 prochaines organisations ? 

Par exemple, la direction R&D d’un grand groupe industriel a annoncé trois épisodes de 18 mois chacun : 

  1. Une organisation par expertise, pour construire les standards métier, installer les basiques et mettre en place les filières d’évolution.
  2. Puis une organisation qui favorise le mode projet, en s’organisant en transversal et par ligne de produit, pour travailler sur le délai de mise sur le marché et l’efficacité en cassant les silos.
  3. Et dans un troisième temps, une organisation qui s’organise par régions pour adapter le travail de recherche aux spécificités de chaque zone géographiques et favoriser le lien avec le business

Cela demande un travail de vision et d’alignement important mais cela redonne surtout de la crédibilité au travail de réorganisation, une meilleure convergence sur les priorités et un combat de fatalisme de ceux qui souffrent de leur position actuelle dans l’organisation.  

Manager-technicien ou non, telle est la question…

Faut-il savoir faire tout ce que ses équipes font, et prendre la main à tout instant ? Ou faut-il garder un œil extérieur et s’appuyer sur les compétences de son équipe sans les acquérir soi-même ?

Cette question revient fréquemment et on trouve des défenseurs très convaincus des 2 côtés… Etat des lieux.

 

Un débat éternel

On entend souvent dire dans les équipes qui critiquent leur manager « de toute façon mon chef ne sait pas faire mon job ». Et on voit que ça reste polémique, avec « un chef qui ne connaît pas le travail de ses équipes, ça ne sert à rien », ou alors « un chef qui fait le job de ses équipes, y’a rien de pire ! »

C’est un débat que l’on retrouve dans tous les secteurs, jusque dans le gouvernement pour lequel à chaque fois qu’un nouveau ministre est nommé, les journalistes commentent « Ah enfin un écrivain à la Culture » ou « Oh encore un débarqué qui ne connaît rien à l’Education ». Evidemment, c’est surtout dans les métiers techniques que le sujet se pose.

 

2 positions :

  • Les défenseurs du manager-technicien qui maintiennent que, pour savoir de quoi il parle, le chef doit connaître les métiers de son entreprise, en tous cas au minimum les activités cœur de métier. Il est certain que ça serait bizarre d’avoir le patron de Google qui n’a jamais touché un ordinateur…
  •  Mais les détracteurs argumentent que c’est absurde de vouloir à tout prix un manager-technicien car les entreprises sont parfois tellement grandes qu’il serait impossible d’attendre cela de la part de son responsable ; et qu’un manager ça sert d’abord à manager. Effectivement le patron d’EDF peut ne pas avoir fait dans sa vie tous les métiers associés aux activités de l’électrique, du nucléaire, de l’éolien et du solaire…


La technique a évidemment sa place

Avoir un héritage technique quand on accède à un poste de manager dans une équipe c’est évidemment utile, au moins pour 3 raisons :

  • D’abord parce que la technique peut aider à légitimer un manager à son poste. Déjà on connaît le jargon des équipes ; et puis on est de facto reconnu par ses pairs. C’est le fameux Ministre de la Justice qui a été avocat pendant 30 ans : cela ne va pas convaincre tout le monde mais cela va aider, au départ, pour éviter quelques à priori.
  • Ensuite parce que cela peut permettre au manager de faire progresser techniquement les personnes qu’il encadre. Par exemple sur un tournage, le réalisateur peut donner des conseils au jeune caméraman, ou au preneur de sons en début de carrière.
  • Mais surtout parce que les connaissances techniques permettent à un manager de maîtriser les enjeux de l’entreprise et donc de bien orienter ses décisions. Et cela est nécessaire sur des activités cœur de métier (par exemple si je suis chef de quart sur un site industriel, je comprends les risques de sécurité donc en cas de crise je suis capable d’évaluer la gravité de la situation et de prendre les décisions adéquates), mais aussi sur des activités support à la technique qui vont impacter les activités cœur de métier (par exemple si je suis RH pour une entreprise de logistique, je sais ce que cela entraîne en terme de business de réduire le nombre de personnes sur un centre logistique)

Il y a d’ailleurs des entreprises qui proposent aux personnes qui vont prendre un poste d’encadrement de faire d’abord plusieurs stages dans les métiers opérationnels ; c’est par exemple le cas chez Sodexo.

Mais la technique ne remplacera jamais le bon management

Mais ne nous y trompons pas : si la connaissance de la « technique » ou du métier de vos équipes est importante, il faut se dire que le management est un métier à part entière. Son objectif : rendre les autres meilleurs… Et pour ça, ce n’est pas la technique qui vous l’apportera, mais la capacité relationnelle, l’écoute, les encouragements, le challenge, etc.

Que vous soyez manager technicien ou non, vous devez vous concentrer sur votre métier : manager, manager, manager. En 3 essentiels :

  • S’intéresser aux enjeux et conditions de réussite de ses équipes. En réalité, connaître les détails techniques du métier est inutile, mais comprendre les risques et difficultés est vital pour aider les équipes à réussir.
  • Se plonger dans les sujets. Un bon technicien n’a que rarement besoin d’un autre technicien que lui (et si c’est le cas, pourquoi cela devrait-il être son manager ?), mais il a souvent besoin de prendre du recul. Pour l’aider à le faire, plongez vous dans les sujets ; pas pour les comprendre mais pour faire réfléchir votre collaborateur qui trouvera la solution grâce à vos questions.
  • Surtout, se préoccuper de vos équipes. Il n’arrive jamais qu’on reproche à un bon manager de ne pas connaître la technique ; et ce n’est pas parce que ce manager fait extrêmement bien semblant de connaître le métier, c’est parce qu’il a le souci d’aider et de rendre les choses possibles. 

Parfois, même la technique empêche de bien manager

Combien de fois avons-nous entendu cette histoire : « nous l’avons promu manager car il était vraiment le meilleur techniquement de l’équipe, mais il n’a jamais vraiment pris le rôle. Aujourd’hui, ça ne marche pas du tout. »

La maîtrise du métier peut empêcher l’émergeance de la posture managériale. C’est logique d’ailleurs : puisque l’on doit sa promotion, et donc sa légitimité, à la technique, elle devient une valeur refuge. Une zone de confort dans laquelle on se cantonne plutôt de se risquer dans l’inconnu si complexe et incertain du management. Inconsciemment même, cela peut emmener le manager-technicien à bloquer les montées en compétence de ceux qui pourraient un jour contester sa légitimité au poste. De l’anti-management donc.  

Evidemment, il n’y a pas de réponse dogmatique

L’ambition de cet article est surtout de combattre les dogmatismes. Aux ayatollahs du management moderne qui disent qu’un bon manager n’a pas à maîtriser la technique, nous disons que dans certains cas, la maîtrise du métier est une porte d’entrée indispensable à une prise de leadership. Par exemple, il serait difficile de réussir pour un Général qui ne serait pas issu de l’armée, ou pour un entraîneur qui n’aurait jamais fait de sport ?

Et aux eternels convainus que seuls peuvent réussir les managers experts du métier de leur équipe, nous voulons donner de la nuance : un manager qui ne connaît pas le métier ce n’est pas évident, mais un manager qui connaît la technique mais ne manage pas, c’est bien pire ! Donc soyons exigeant au bon niveau : d’abord sur le management, puis sur la technique.

Et puis finalement de ne pas connaître la technique cela oblige à s’appuyer davantage sur les équipes pour prendre les décisions et donc en valorisant leur savoir-faire.

ALBUS CONSEIL