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Managers, tirez sur vos bons soldats !

Assez fréquemment, on voit dans les entreprises se former des équipes de bons soldats. Alors, sur le papier, soyons honnêtes, c’est alléchant. Efficaces, fiables, ils délivrent et ça nous rassure. Mais cette situation est-elle vraiment profitable pour vous et pour votre entreprise sur le long terme ? Et quelles en sont les implications pour vos bons soldats ? Je vous propose d’y réfléchir ensemble.

 

On a tendance à s’entourer de bons soldats et à les promouvoir

Dans nos équipes, on a tendance à recruter ou s’entourer de profils similaires au nôtre. Parfois, ce n’est pas conscient, mais souvent, c’est avec eux qu’on a le feeling en entretien, et puis c’est quand même bien plus simple de communiquer et de travailler avec des personnes qui fonctionnent comme nous. Les ressemblances sont parfois telles, que le collaborateur prend son manager comme modèle vers lequel tendre. Il fait tout ce qui est en son pouvoir et met toute son énergie pour être à la hauteur : il va vite, rend un travail toujours impeccable, respecte les délais en ayant toujours cette petite voix dans un coin de sa tête « mais comment mon manager aurait fait à ma place ? ». Au final, quand on est manager et qu’on a un bon soldat dans notre équipe, on est rassuré. 

D’ailleurs, c’est souvent les bons soldats qu’on veut promouvoir. On les identifie comme talents, ressources précieuses et on les met dans tous les projets à haute visibilité ou qui peuvent contribuer au développement futur de l’entreprise. 

En fait, on se voit en eux, du coup on est fiers de promouvoir nos poulains. On leur donne le coup de pouce qu’on n’a pas eu à notre époque et on en jubile. Ils sont notre prolongement, et nous, leur modèle.

En retour, ces collaborateurs se sentent redevables qu’on leur fasse confiance, qu’on mise sur eux et une sorte de loyauté implicite s’instaure envers le manager. Cette loyauté est entretenue voire exacerbée par une injonction à tout réussir par des petites phrases telles que « je compte sur toi », « ne me déçois pas » qui sous-entendent que les collaborateurs partent au combat et seule la victoire est à la hauteur des attentes de leur manager.

 

Le problème, c’est qu’en plébiscitant les bons soldats, les managers se tirent une balle dans le pied

Le problème de s’entourer de mini-nous loyaux est double. 

Pour les collaborateurs, l’injonction voire même la pression à réussir se traduit par « je dois être comme toi », « je dois faire comme si c’était toi ». Cela gomme donc toute prise d’initiatives et tout leur antagonisme, c’est-à-dire leur capacité à faire preuve d’un esprit créatif et critique, dans le but de donner de la robustesse aux projets de leur manager. Dans les deux cas, cela est perçu par le manager comme hors du cadre de ses attentes et donc impropre à l’expression. Mais cela revient à nier la singularité de leur collaborateur, à oublier qui ils sont, à laisser de côté leur âme d’enfant curieux et capable de remettre les choses en question dans le seul but de tendre vers leur modèle : vous, leur manager. C’est ce qu’exprime bien Kurt Cobain lorsqu’il affirme que « vouloir être quelqu’un d’autre, c’est gâcher la personne que vous êtes ». Et si on tire le fil, et qu’au fur et à mesure, tous les bons soldats deviennent presque une armée de clones, comment ferez-vous la différence entre eux ? A qui confierez-vous telle ou telle tâche ? Qui choisirez-vous pour être promu à tel poste ?

Quant au manager, s’entourer de bons soldats produit une forte synergie autour de lui : dans tous ses moments de partage avec ses collaborateurs, ils sont tous d’accord avec lui et vont dans son sens, sans remettre ses idées en question ni exprimer un point de vue différent. Les managers ne sont donc pas challengés, et se retrouvent souvent en posture de « sachants », incapables d’envisager une autre solution, une autre idée que la leur, puisqu’ils ont pris l’habitude qu’elles fassent l’unanimité. En situation extrême, on en arrive à Trump et ses « trumpistes », qui lui vouent un culte, peu importe l’absurdité qu’il sort. Au final, plus personne n’est capable de lui dire si ce qu’il propose fait sens, ce qui aboutit aux dérives que l’on connait : un ayatollah du savoir qui ordonne à ses exécutants. Un management « top down » finalement …

 

Alors reprenez la balle au bond, et renvoyez-la-leur !

Avoir des bons soldats dans son équipe, ça peut aller un temps car ça nous rassure en tant que manager, et ça permet aux collaborateurs de se former, mais ce n’est pas une situation pérenne. Vous ne pouvez pas vous en satisfaire, vous ne pouvez pas les laisser tranquilles pour toutes les raisons évoquées plus haut. Il est temps de changer votre fusil d’épaule car vous avez besoin d’eux pour vous développer, autant qu’ils ont besoin de vous pour s’affirmer.  

Alors c’est sûr, ça ne va pas être facile. Et je me demande également comment faire car qu’est-ce que ça veut dire ? Il faut arrêter d’être gentil ? Passer du « rapide efficace » au « lent moins performant » ? Ne plus solutionner les problèmes et donc générer du chaos ? Au final, c’est à vous d’y réfléchir et de trouver votre propre méthode. Vous pouvez commencer par tester quelques « quick wins » pour vous aiguiller. 

Tout d’abord, allez réveiller l’antagonisme de vos collaborateurs : interdisez-leur systématiquement pendant un temps d’être d’accord avec vous, même si vous êtes persuadés d’être sur le bon chemin. Cela les forcera à réfléchir à un autre angle, presque comme un jeu. Vous verrez, ils y prendront goût, surtout si ce sont leurs idées qui sont finalement retenues. D’autre part, essayez de déconstruire tactiquement le « modèle » que vous avez donné jusqu’alors pour en façonner un autre : challengez devant eux votre manager à vous, mettez-vous en posture de rebelle dans des réunions d’équipe. En bref, surprenez-les pour qu’ils s’accordent le droit de le faire également. 

Ensuite, sortez-les de leur posture d’exécutants. Donnez-leur plus de marge de manœuvre sur leurs sujets, notamment en les autonomisant et en les laissant prendre des décisions par eux-mêmes. S’ils vous sollicitent constamment pour valider ou solutionner des problèmes, refusez de leur donner une réponse ou une solution trop rapide, et cherchez à ce qu’ils la trouvent par eux-mêmes. 

Enfin et surtout, préparez-vous. Entrainez-vous à accueillir le challenge de la part de vos collaborateurs, et à aimer ça. Plus votre posture sera ouverte, et plus vos équipes auront envie de tenter certaines actions.

The Office : Et si Michael était vraiment le World’s Best boss ?

Pendant 9 saisons, et sous un format quasi-documentaire, la série The Office décrit le quotidien des employés d’une filiale de l’entreprise de papier, fictive, Dunder Mifflin. Ils sont managés par ce qui s’apparente au pire boss de tous les temps : Michael Scott, éternel enfant coincé dans un corps d’adulte.

Pourtant, par surprise, cette branche d’une entreprise en faillite est la seule qui reste rentable et résiste à l’arrivée d’internet et des grossistes de papier en ligne. Et si c’était justement grâce à la nullité de son manager que son équipe réussit si bien ?


Peut-être d’abord parce que Michael ne fait rien

Son emploi du temps est décrit dans la série : « Michael passe 80% de son temps à distraire les autres, 19% à procrastiner, et à peine 1% à utiliser son esprit critique ». Bref, Michael s’amuse ! Il organise les Oscars de Dunder Mifflin ou les Jeux Olympiques du bureau … Plutôt que d’utiliser ses (pourtant excellentes) capacités de vendeur, il rythme l’année de l’équipe et les laisse briller à sa place.

Et puis aussi parce que Michael est trop émotif

Michael joue beaucoup, mais Michael pleure aussi souvent. Incapable de jouer un rôle, il ne cherche pas à rationaliser les événements. Si la situation est triste, il laisse l’équipe aller à la tristesse quelques instants : ainsi lorsqu’il trouve un oiseau mort sur le parking de l’entreprise, il organise ses funérailles. Et permet donc à tous de rebondir.

Et puis surtout parce que Michael se fiche complètement de la réussite de son entreprise

Si la comptable de son équipe se sent investie d’une mission quasi-divine en organisant les anniversaires des membres de l’équipe, alors c’est une priorité absolue pour Michael de s’assurer que sa tâche se déroule sans accro, quitte à passer des heures à parler de la couleur des guirlandes au mur. Parce que le reste peut bien attendre, tant qu’on développe les hommes et qu’on leur confie des projets qui les enthousiasment.

Bref, et si pour améliorer la performance de votre équipe, vous cherchiez à parler de travail un peu moins, et à vous amuser un peu plus ? Faites parler l’enfant en vous, et soyez nuls comme Michael !

Qui ne dit mot…. Ne consent pas

On a coutume de louer, au moins en théorie, la diversité, la richesse des avis divergents, la force du débat. C’est important bien sûr. Mais dans nos entreprises, on est aussi très souvent exposés au silence de ceux qui sont d’accord. On observe que les accords sont très souvent tacites, que l’on ne ressent pas le besoin de s’exprimer quand son avis a été donné par quelqu’un d’autre… Quel dommage !


L’opposition s’exprime naturellement, pas l’accord

Ce vieil adage de sociodynamique semble être une réalité profonde des projets : « l’opposition s’organise et s’exprime naturellement, pas les alliés » Pour les retraites, l’opposition s’organise et prend la parole, infiniment plus que ceux qui sont d’accord, pourtant nombreux. A l’exception notable du mariage pour tous, je ne me souviens pas de manifestation « pour » ; ou alors d’une ampleur totalement anecdotique par rapport à l’opposition.

Cette tendance n’est pas que française. Il y a probablement chez l’humain un instinct de conservation qui le pousse à réagir quand il sent qu’un de ses acquis est menacé. Il veut sauver un état dans lequel il a ses habitudes et qui, même s’il est passablement inconfortable, le rassure. En revanche, si le projet, l’idée émise va dans le sens de ses attentes ou de son avis, son instinct de survie reste au repos et il laisse d’autres défendre le mouvement pour lui.

Cette description est un peu caricaturale sûrement mais il me semble qu’elle correspond à ce que nous pouvons voir dans le management : vous avez sans doute vécu ce sentiment de solitude quand vous avez fait face au silence d’une assemblée que vous savez majoritairement favorable à votre idée mais qui ne le dit pas et laisse une opposition isolée prendre la parole, parfois avec force.


Et puis, la mode s’en mêle

En plus, depuis quelques années, le consensus est de plus en plus vécu comme quelque chose de mou. Les idées modérées sont moquées pour leur tiédeur. La capacité à trancher est louée.Nous sommes les premiers à valoriser les opinions différentes et minoritaires, parce qu’elles portent sûrement les innovations, les pas de côté qui vous donneront de l’avance sur vos concurrents. Ok.


Mais le consensus, c’est quand même vachement bien

Philosophiquement déjà : accorder plusieurs avis, éventuellement des centaines, c’est une noble quête. Si le processus a été ouvert, l’accord est une destination souhaitable.

De nombreux projet échouent parce que les gens d’accord n’ont pas dit qu’ils l’étaient.

Mais plus pragmatiquement, il faut bien dire qu’avec toutes ses considérations, on oublie qu’un avis positif c’est quand même un avis ; que si tu penses comme moi et que tu le dis, on sera donc 2 à le dire, et l’idée n’aura pas le même poids. Mieux, dans un collectif qui vise la co-construction et l’écoute des différentes opinions, il est indispensable, vital, que les opinions identiques s’expriment, y compris en se répétant. Non pas pour faire valoir la majorité mais pour que les opinions ne s’opposent pas sur la seule force de leur rhétorique mais qu’elles aient le poids du nombre de personnes qui la portent. 

Quelques années en arrière, quand a été construite la LGV Lyon Marseille, elle a rencontré une opposition tout à fait estimable d’exploitants agricoles de la vallée du Rhône. Respectable et digne de considération bien sûr, mais lorsqu’on a entendu l’envie de ceux qui parmi le million d’habitants de la région marseillaise voulaient être à 1h de Lyon et 3h de Paris, il a bien fallu traiter cette opinion comme la première, avec le poids que lui confère le nombre.

De nombreux projet échouent parce que les gens d’accord n’ont pas dit qu’ils l’étaient.


En management, il faut favoriser l’expression de toutes les opinions

La clé d’un débat équilibré et d’une décision saine qui engagent ceux qui la prennent, c’est pouvoir connaitre et entendre TOUTES les opinions :

  • La proposition, le constat et l’intuition initiale bien sûr ;
  • Les détracteurs, les idées concurrentes, les nuances, les désaccords profonds et superficiels ;
  • Les accords, enthousiasmes, ajouts qui appuient le projet, les validations profondes ou superficielles.

Autrement dit, il vaut infiniment mieux que tout soit exprimé clairement que de se contenter de 2/3 opinions caricaturales et difficiles à concilier. D’autant qu’en ayant toutes les opinions, plutôt que d’avoir la sensation de camps (les pours et les contres), vous avez toutes les chances de voir apparaitre une continuité, des nuances qui permettront de faire émerger un consensus sain.


Et pour ça, allez-y franco !

Mais du coup, comment obtenir ça alors que ce n’est pas naturel ? Je vous propose d’éviter la finesse : en cherchant finement à donner la parole à celui qui est d’accord avec vous, vous pouvez donner l’impression de manipuler les gens à votre profit. C’est faux en réalité puisque vous ne cherchez qu’à faire s’exprimer une opinion qui existe déjà. 

Ne prenez pas ce risque : Il est bien plus simple et efficace de présenter votre idée et de demander explicitement à toutes les opinions de s’exprimer : par exemple, vous présenterez un tableau diviser en 2 parties : « les raisons qui vous font espérer ce changement » et « les raisons qui vous font craindre ce changement ». Ce type de présentation permet de faire s’exprimer toutes les opinions sans caricature puisque chacun pourra exprimer ses 2 tendances. Et vous vous retrouverez avec les peurs mais aussi les espoirs. 

Ce n’est qu’un exemple, très animation de réunion, et il existe bien d’autres solutions, globales ou pour un moment donné. Elles passent souvent par l’écrit qui permet de différer le débat et de prendre la hauteur. A l’oral, le collectif aura souvent tendance à débattre de la première remarque (souvent négative). En procédant en 2 temps, le collectif pourra prendre conscience du tableau global et s’exprimer par rapport à cette représentation plus complète plutôt que de se concentrer sur les instincts et les réactions les plus spontanées.

Ce passage par le tableau complet ne prend pas tant de temps que ça, quand on imagine tous les non dits et frustrations qu’il évite. Investissez donc dans le temps de l’opinion libre et calme, sans polémique, et puis comptez sur l’intelligence pour traiter l’information ainsi obtenue…. 

Vive le mode pompier !

Pauvres pompiers… On utilise leur image pour décrire le pire de la vie professionnelle d’aujourd’hui.

Le mode pompier, dans la bouche de tous les managers qu’on connait, c’est la frénésie, la non priorisation, le court terme au détriment du long terme. C’est faire tourner toutes les assiettes en s’interdisant d’en faire tomber une seule. Et du coup tout le monde veut sortir du mode pompier !

Et il faut bien admettre que ce mode pompier, quand il est constant, il est insupportable. Mais c’est un symptôme ! Un symptôme de notre rapport aux problèmes, qu’on voudrait tous résoudre, comme si c’était possible… Et un symptôme de notre allergie à la lenteur et à la respiration.


Mais ce mode-là, c’est tout sauf le quotidien des pompiers

Eux, ce sont des professionnels de l’urgence. Tout leur environnement est axé autour d’un objectif : les rendre merveilleux face à l’urgence. Ils s’entraînent, sont disponibles, sont managés pour ça.  

Et eux, ils sont calmes, ils sont l’inverse du mode qui emprunte leur nom. Ils ne sont jamais frénétiques. Jamais. Ils savent prioriser et, encore plus incroyable, ils savent ne faire qu’une chose à la fois…


Le vrai mode pompier, c’est la tranquillité face à l’urgence

Et ce vrai mode pompier, à certains moments, on en a vraiment besoin dans les entreprises. On devrait l’encenser, pas le décrier.  Le pompier, c’est celui qui sauve des vies : des enfants, des parents, des grands-parents. C’est de ce type d’urgences dont on parle.

Dans ces situations-là, le mode pompier, c’est extrêmement noble : c’est le moment où le courage passe au-dessus de la raison.

Ça place la barre de ce qu’est une urgence dans l’entreprise : une situation qui menace la survie, non pas des gens qui y travaillent (ça c’est un accident ou un presqu’accident), mais de l’entité, du site ou de l’entreprise elle-même. La perte d’un énorme client, d’un produit vache-à-lait, un scandale sanitaire, un retournement de marché, etc.

Dans ces situations-là, le mode pompier, c’est extrêmement noble : c’est le moment où le courage passe au-dessus de la raison, parce qu’on a des trucs à sauver. C’est le moment où on est court-termistes et on l’assume. C’est le moment où on montre qu’on sait vivre de grosses difficultés et réinventer autre chose après.


Le pompier, lui, sait pourquoi il brave l’adversité : il sait ce qu’il sauve

En demandant à tous vos salariés de se battre, vous leur demandez de sauver quoi ? Le pompier, lui, sait répondre à cette question. Et vos équipes ?

Seul le « pourquoi » permet de faire émerger 150 « pompiers » déterminés à déjouer tous les pronostics, sur un site de 170 salariés.

Quand vous leur demandez de se mobiliser malgré une incertitude extrême, au mépris de toutes les raisons rationnelles de se dire que c’est mort, vous leur demandez de lutter pour quoi ?  Il vaut mieux le savoir… Cette boite, elle incarne quoi ? Quelle idée de son marché ? Quel est son « pourquoi » ?

C’est pour ça qu’il est si dangereux de ne définir une entreprise que par ce qu’elle produit et comment elle le produit. En cas de coup dur, personne ne se bat pour un « quoi » ou un « comment ». Seul le « pourquoi » permet de faire émerger 150 « pompiers » déterminés à déjouer tous les pronostics, sur un site de 170 salariés.


Et le vrai mode pompier, c’est mettre toute l’organisation au service des héros de l’histoire

Durant l’incendie du World Trade Center, aucun sous-officier n’a demandé aux pompiers de New York de ranger la caserne, d’entretenir les camions, ou de faire l’inventaire du matériel. Si vous voulez mobiliser face à l’urgence, il vous faudra aussi alléger tout ce qui relève des affaires courantes, et matérialiser la gravité de la situation par des décisions inédites.

Comme cette manager d’une entité menacée, lorsqu’elle a dit : « Pendant les 2 prochains mois, les chiffres, ce n’est pas ce qui m’intéresse. Ce qui m’intéresse, c’est votre engagement, vos initiatives. C’est que vous partagiez vos idées sur comment redresser la barre. C’est vos efforts, votre énergie. Du coup, durant cette période, le variable ne sera plus basé sur le CA, qui va forcément baisser, mais sur votre nombre de visites clients. Vous serez aussi dispensé de la rédaction de vos comptes-rendu de visite, et on va suspendre tout besoin de validation N+1 dans le process de remboursement de frais ».


Et pourtant, ce vrai mode pompier, on a du mal à l’activer, par peur de faire peur…

Même face à des dangers mortels pour l’entreprise, on hésite… Parce qu’en tant que managers, on veut rassurer, et du coup on minimise. On veut croire soi-même et/ou faire croire que la situation n’est pas si grave. Et surtout qu’on a des réponses, en haut… Et alors on fabrique une illusion fatale : la direction vous protège, elle prend les choses en main.

Il faut unir face au danger, plutôt que chercher à rassurer.

C’est faux ! Pour activer ce mode pompier, qui est vital dans ces circonstances, il faut pouvoir dire le contraire, il faut unir face au danger, plutôt que chercher à rassurer. Il faut pouvoir dire, comme cette même manager : « Ce n’est pas la direction qui va sauver le site. C’est un effort de tout le monde. On doit tous être pompiers dans cette histoire. La question, c’est pas de savoir si la situation est grave. Elle l’est car elle est soudaine, car elle nous privera des ressources sur lesquelles on comptait pour mener à bien notre projet stratégique, et parce qu’elle nous met à risque en termes d’emploi. Elle l’est car elle pourrait nous décourager à un moment où on va avoir besoin de l’engagement de chacun d’entre nous. Dans les prochaines semaines, on va gérer de l’urgence, on va avoir d’autres surprises. Vous pouvez être en colère, être dans la déception, l’incompréhension. Vous pouvez aussi être furieux contre moi, contre la direction au-dessus, et vous aurez vos raisons de l’être. Mais nous allons avoir besoin de l’implication de tous ».

C’est ça, le vrai mode pompier. Aussi exceptionnel, aussi courageux et aussi puissant que ça.

Et ce n’est pas la frénésie du quotidien. Cette frénésie, c’est le contraire de ce qu’incarne le pompier : c’est le mode entreprise…

Alerte aux managers qui ne managent plus !

On se pose très souvent la question de comment mieux manager sans jamais se poser la question de savoir si on manage tout court… Et ça ne va pas de soi car il n’est pas si rare de voir des managers qui ne managent plus.

Vous ne managez plus 

Comme Nicole, manager dans une entreprise de l’économie digitale. Elle est en charge d’une équipe de 12 jeunes pros ultra-motivés et ultra-compétents. Ses équipes portent des initiatives dans leur périmètre et parfois même au-delà ; elles sont toujours partantes pour prendre plus de responsabilités, ou pour faire des feedbacks à Nicole pour qu’elle puisse s’améliorer.

Alors Nicole, elle s’est dit qu’elle n’a pas vraiment besoin de manager ses équipes, et on la comprend. Après tout, elles sont autonomes et si quelque chose ne va pas, elles viendront la voir. Et puis ça tombe bien son équipe est très chargée, alors elle met la main à la pâte, coordonne les opérations, donne un coup de main par-ci par-là, défend le périmètre de son équipe face aux autres managers. Et ça, ça remplit déjà très largement ses journées.

Comme Nicole, et puis comme Jacques aussi, qui est chef de service dans une usine. Il gère une petite équipe de spécialistes. Ils sont compétents, mais pas bien simples à manager. En réunion, ils ont tendance à se prendre le bec plus qu’à faire avancer les projets. Quand Jacques propose des idées de projets à mener tous ensemble, ils commencent par se plaindre, par dire qu’ils sont des spécialistes et qu’ils ne comprennent pas bien en quoi ils devraient former une équipe. Après tout, ils ont des métiers assez différents. Et comme individuellement ils ne se débrouillent pas trop mal, Jacques a laissé tomber. Il gère le quotidien, qui est déjà assez lourd comme ça, traite les urgences et essaye de ne pas se laisser trop affecter, l’équilibre vie pro/vie perso, c’est important.

Ou encore comme Carole, talentueuse directrice d’usine. La production va bien, on est dans les attentes du Groupe, déjà exigeantes. Le CODIR est solidaire, compétent, mobilisé. Le dernier lancement s’est bien passé et les clients internes savent que l’usine de Carole est ok. Alors bien sûr tout n’est pas tout rose. L’ambiance sur le site n’est pas terrible, il y a toujours cette espèce de peur du changement, de conviction que même si on est performant, on n’est pas la priorité du Groupe qui n’investira pas dans l’usine.

Mais bon, l’entreprise ce n’est pas une quête de perfection. Carole n’a plus 18 ans, elle a perdu avec raison un peu de son idéalisme. Ok l’ambiance n’est pas exceptionnelle, mais la prod est faite et bien faite. Elle s’en contente.

En fait, on comprend Nicole, Jacques et Carole. À leur place on ferait probablement la même chose. Rien n’est vraiment à côté de la plaque, mais rien de ce qu’ils font ne s’apparente à du management.

Nicole, Jacques et Carol ont renoncé à manager, ils ont doucement perdu la foi, puis perdu pied.

Les effets que cela produit

Mais ça pose un petit problème quand même cette affaire. Parce que si Nicole, Jacques et Carol ont ce poste de manager, c’est bien pour une bonne raison. Et voilà ce que ça donne réellement à terme.

En management, le statu quo, c’est assez souvent synonyme de détérioration.

Pour Nicole, le risque c’est d’avoir des équipes ultra-motivées et ultra-compétentes qui n’iront pas plus loin que leurs limites individuelles. Ils vont se sentir efficaces mais pas plus. Or ce dont ils ont envie, c’est d’aller très loin. Et c’est là que doit intervenir le manager en leur permettant de se dépasser. Pour eux, le principal risque c’est la démotivation, et Nicole risque bien de perdre assez vite les meilleurs.

Pour Jacques, son risque, c’est de perdre encore plus pied. Son équipe va continuer à se désagréger. L’ambiance va s’étioler un peu plus. Des questions de sens vont commencer à se poser. À terme, il va perdre quelques-uns de ses collaborateurs qui n’ont pas que des qualités mais qui au moins sont compétents.  Et ça peut s’aggraver encore, des clans peuvent se former et il peut finir par se retrouver en dehors de ses équipes.

Pour Carole, les choses peuvent rester intactes pendant des années. Son usine va continuer à produire comme elle en a l’habitude. Ses clients internes continueront de reconnaître son expertise. En revanche si un jour il y a un changement fort à porter, comme un changement des horaires de travail, un changement de métiers que le Groupe en difficulté imposera, alors là, ça risque d’être une autre affaire. Et on sait que ces choses-là arrivent, et qu’elles peuvent être difficiles à prévoir parce que dans ces cas-là, c’est rarement Carole qui décide. Et quand Carole va devoir porter un ce projet difficile, et bien elle aura un vrai problème : elle n’aura pas de réserve d’énergie. Alors les lignes vont dérailler, et là on va regretter de ne pas avoir anticipé.

En fait en management, le statu quo c’est assez souvent synonyme de détérioration. C’est comme au tennis, si tu ne frappes pas la balle quand elle est devant toi, c’est qu’elle est derrière.

Alors par quoi on commence ?

D’abord, il faut vous poser une première question : est-ce que c’est un problème que je ne manage plus ? si je fais un petit refus d’obstacle côté management, ce n’est pas le bout du monde…

Nous on n’en est pas si sûrs justement. Parce qu’un manager qui manage moins, qui fait au lieu de faire faire : c’est une perte de sens pour les équipes. Donc à terme une démobilisation des équipes.

C’est aussi des équipes qui commencent à tourner en rond et qui ne progressent plus. Donc à terme une démobilisation des équipes.

Et c’est des clans qui commencent à se former, avec une installation des individualismes. Donc à terme une démobilisation des équipes.

En fait c’est l’histoire de la grenouille qu’on plonge dans une casserole sur le feu. Si l’eau est chaude, elle en ressort aussitôt. Si elle est froide, elle s’habitue à la chaleur qui grimpe progressivement et elle finit par mourir.

Il est vrai que reprendre la main sur son management quand on l’a perdu, c’est difficile et coûteux. Est-ce que ça vaut la peine ?

Alors là c’est à vous de répondre.

Nous, on a juste une ou deux billes qu’on retire de l’histoire de Carole : elle a ses équipes, qui produisent bien, et qui maîtrise le quotidien. C’est bien. Pour le moment…

Devenez un autre manager : investissez le contraire de votre management d’avant.

Parce que vous êtes dans une jungle, alors tant qu’il y a assez de fruits pour tous les singes, pas de problème, vous survivrez. Mais si un changement intervient, si les fruits viennent à manquer et que ça redevient la loi du plus fort, alors c’est celui qui aura été le plus exigeant qui s’en sortira. Celui qui a les muscles pour courir le plus vite, sauter le plus loin, ou crier le plus fort prendra la plus grosse part.

Et comme les changements interviennent systématiquement, sous une forme ou une autre, il vaut mieux prendre les devants.

Et si vous répondez encore oui à cette question, alors il faut réfléchir à un moyen de changer la situation. Nous, on a une astuce à vous proposer : Devenez un autre manager : investissez le contraire de votre management d’avant.

C’est comme de redonner vie à son couple. Si votre couple bat de l’aile, vous n’allez pas essayer de faire plus de ce que vous faisiez déjà. Non, vous allez tenter de faire les choses différemment. En changeant votre restaurant habituel, en changeant de destination de week-end, en essayant des attentions inattendues…

C’est pareil pour votre renouveau managérial : si votre management d’avant vous a amené à ne plus manager aujourd’hui, c’est qu’il faut changer de management.

Alors faîtes l’inverse de votre style. Vous étiez cadré ? soyez inattendu. Vous étiez visionnaire ? laissez le soin de la vision à vos équipes. Vous étiez très « prise de hauteur » ? soyez très terrain.

Et n’ayez pas peur d’être un peu caricatural dans votre posture. Vous aurez tout le temps de la réajuster.

Eddy Merckx disait : « la révolution est comme une bicyclette, quand elle n’avance pas, elle tombe ! »

Eh bien c’est pareil pour le management !

Arthur et Lancelot : deux visions du management

Dans la course effrénée à la performance, il est utile de se poser la question de la stratégie pour aller plus vite que ses concurrents !

On constate que nombre d’entreprises misent sur 20% (voire moins !) de leur effectifs pour faire avancer leur organisation et lancent à ce titre des programmes pour les fameux « hauts potentiels ». Ce qu’on en pense ? Quel dommage de laisser de côté tant de potentielles forces vives ! Ce en quoi on croit ? Considérer chaque collaborateur comme un talent et miser sur chacun d’entre eux en les aidant à tous progresser : c’est la stratégie Arthurienne (qui valorise d’abord le progrès), qui s’oppose à celle de Lancelot (qui valorise plutôt la performance), en vigueur généralement.

* Pour aller plus loin *

// A lire //
La revanche managériale d’Arthur

// A voir //
Tout « Kaamelott » d’Alexandre Astier et particulièrement les saisons 3, 4 et 6
Les yeux dans les bleus de Stéphane Meunier
Les interventions de José Mourinho

// Les extraits //
Claude Onesta : « Manager, c’est s’intéresser aux autres »
La diplomatie dans le sport 1 – Aimé Jacquet (parle aux attaquants)
Kaamelott : le médiateur Livre III épisode 96
Kaamelott : la dispute Livre III épisode 99
Kaamelott : la dignité des faibles Livre VI épisode 37

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil
Au micro : Camille Riou et Patrick Bois.
A la réalisation : Laëtitia Peyre

Vive le projet concurrent

Combien de projets super bien ficelés recueillent l’assentiment général mais peinent à se traduire en action? Pas mal ! Manque de temps, de moyens ; noyés dans la masse, sûrement. Mais aussi parce qu’on veut tellement éteindre les contestations avant qu’elles n’arrivent qu’on enlève le sel de nos projets.

Pimentons-les en faisant vivre les projets concurrents !

Tout se passe bien et il ne se passe rien

Imaginons Jean-Luc, aimable manager dans une usine d’une grande entreprise du CAC 40. Sensible aux idées de développement durable et de responsabilité sociale des entreprises, il décide de les incarner dans sa vie professionnelle. Il réunit donc son équipe pendant une journée au vert et lui propose de travailler à réduire les déchets, faire progresser la sécurité des équipes et améliorer la relation avec les petits fournisseurs locaux. L’équipe semble emballée et propose des pistes d’amélioration. La journée se passe dans une ambiance excellente.

Un mois plus tard, Jean-Luc ne comprend pas, aucune idée n’a finalement été mise en œuvre et pourtant, quand il demande à son équipe, personne ne dit avoir changé d’avis.

Que s’est-il passé ? 

Eh bien au retour du séminaire, la vie quotidienne a repris ses droits, tout simplement. On a bien pensé à éteindre la lumière cette fois-ci, mais face à l’avalanche habituelle d’événements à traiter, les bonnes résolutions n’ont pas su exister. En fait le séminaire s’est bien passé parce qu’il tournait autour de valeurs (stimulantes) et qu’il était déconnecté de la réalité (et donc rafraichissant !)

Mais ça, Jean Luc aurait pu l’éviter en laissant exister le ou les projets concurrents.

Ce que permet un projet concurrent

Un des premiers avantages quand on fait face à un autre projet, c’est qu’il rend possible la contradiction. Et la contradiction, c’est un des éléments clés de votre projet.

Il suffit de regarder, pour s’en convaincre, l’audience des vœux de début d’année d’un chef de parti politique et celle d’un débat politique entre deux chefs de partis opposés… On s’intéresse davantage à la contradiction dans un débat plutôt qu’à un discours sans réponse où l’orateur peut se permettre toutes les facilités sans craindre une réponse cinglante.

La contradiction rend votre projet visible, il lui permet d’exister et de l’étoffer.

Etudier les scénarios, y compris l’échec, aurait permis à Jean-Luc de faire exprimer des doutes ou des difficultés qu’il n’était pas difficile d’anticiper.

Pourquoi on ne l’utilise pas ?

Avec l’intérêt qu’offre un projet concurrent, difficile d’expliquer qu’on l’utilise si peu. Il est peut-être lié à la peur de l’opposant, au goût pour la consensualité, à la peur d’abîmer la relation par un désaccord, à la priorité donnée au court-terme ou à la croyance plus générale que souffrir de l’apathie des équipes vaut mieux que mener un projet qui suscite le débat.

Ce n’est bien sûr pas le cas de Jean-Luc, mais c’est celui de Suzanne, sa belle-sœur, qui dirige un atelier de conception et de production de cuves en inox. Elle a annoncé un lundi matin à ses équipes, après 3 mois de travail avec un conseiller stratégique, un grand projet de réorganisation des équipes et un changement de stratégie pour toute l’entreprise. 

Et Suzanne n’est pas la seule à faire ça, on voit sans cesse chez nos clients des managers qui font tout pour éviter des projets concurrents :

  • En soumettant un projet pensé en vase clos pendant 6 mois et présenté aux équipes à son lancement, en présumant que c’est la meilleure option possible. Voire en le faisant avancer au maximum, dans le but d’atteindre au plus vite un point de non-retour ;
  • En proposant des projets sans informer trop de monde pour empêcher le plus possible l’agglomération d’opposants qui seraient justement susceptibles de porter un projet concurrent ;
  • En demandant à leurs équipes un avis sur leurs projets déjà ultra-préparés sans être, et on le comprend, véritablement prêt à prendre en compte leurs remarques.

Les managers sont-ils si peu sûrs de leurs projets qu’ils craignent de ne pas savoir répondre à une contradiction ? ou de convaincre face à une alternative ? 

Pour ce qui est de Suzanne, elle va avoir quelques difficultés à embarquer ses équipes, qui vont lui reprocher une approche hors-sol, l’utilisation de consultants parisiens qui n’y connaissent rien, ou de ne pas reconnaître leur expertise en les consultant en amont. Et quand elle leur reprochera de ne pas être impliqués, ils auront beau jeu de lui reprocher de ne pas les avoir impliqués elle-même.

Comment utiliser le projet concurrent ?

            Favorisez la polémique ! 

Parlez tôt de votre projet, avant d’en savoir trop et de ne plus savoir écouter. Informez toutes vos équipes, les alliés et les opposants présumés. Proposez des moments de dialogue ouverts où tout le monde peut s’exprimer, ne préparez pas trop vos réponses, laissez les gens répondre ! 

Un projet concurrent, ce n’est pas nécessairement une antithèse irréconciliable de votre projet. C’est souvent une variante de votre projet.

La polémique a du bon : un de nos clients nous a raconté que sur un chantier, la meilleure solution qui avait été trouvé pour permettre le travail d’une pelleteuse en toute sécurité a été de réduire le nombre de mesures de sécurité pour réveiller la vigilance du conducteur ! 

Et créez-là si nécessaire…

Reprenons l’exemple de Jean-Luc, qui, tenace, décide malgré tout de faire progresser son équipe sur la gestion des déchets, la sécurité des équipes ou la relation avec les petits fournisseurs. Tout le monde est d’accord pour s’améliorer sur ces trois sujets. Difficile donc de leur faire critiquer l’une ou l’autre de ces initiatives. 

Mais pour y arriver il pourrait reformuler sa question ainsi : Nous ne pouvons pas mener de front ces 3 sujets, nous allons donc nous occuper d’un de ces projets chaque année, lequel d’entre eux vous semble le plus important pour cette année ?

De cette manière, Jean-Luc n’aura aucun mal à faire critiquer ces 3 sujets, justifiés individuellement aux yeux des équipes, et à créer des partisans qui mèneront à bien les actions nécessaires au projet qui sera retenu, d’autant qu’ils se seront publiquement engagés en choisissant de le défendre. On le voit bien ici, un projet concurrent, ce n’est pas nécessairement une antithèse irréconciliable de votre projet. C’est souvent une variante de votre projet, sur les modalités, la priorisation des sujets ou encore le calendrier.

Avec la pratique et en gagnant en confiance, vous pourrez aller chercher la concurrence sur des projets de plus en plus cruciaux.

Quand on joue au tir à la corde, on ne gagne pas parce qu’il n’y a personne en face, on gagne parce qu’on tire plus fort que l’équipe d’en face.

 

Leadership, l’injonction impossible

L’injonction au leadership est placardée dans toutes les salles de réunion, et répétée sans arrêt dans les formations de management… Mais sommes-nous tous des leaders en puissance, et si oui, par où commencer pour révéler ce qui en vous, fera lever les foules ?

* Pour aller plus loin *

// A lire //
Améliorer son management : la matrice Boss/Leader/Coach
L’autorité est de retour, il était temps (HBR France)

// A voir //
Tout « Kaamelott » d’Alexandre Astier

// Les extraits //
President Obama sings Amazing Grace
Tony Parker France Espagne (No Escape)
Les portes de la Gloire (Le briefing)
Podium (le jogging)
Les randonneurs (la marche expliquée aux marcheurs)

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil
Au micro : Camille Riou et Patrick Bois.
A la réalisation : Laëtitia Peyre

Pourquoi faut-il se méfier des tests de personnalité ?

En entreprise, on entend beaucoup parler des tests de personnalités qui permettent aux gens de mieux se connaître, aux équipes de mieux communiquer, aux boss de mieux manager leurs collaborateurs …. 

Nos clients nous en parlent souvent et nous demandent de les administrer pendant les séminaires comme ils nous demandent d’organiser des teams building … Mais on les aime peu, on s’en méfie beaucoup donc on les refuse passionnément.

Pourquoi me direz-vous ? Je vais tenter de vous l’expliquer en quelques lignes.

A quoi servent-ils ?

Les tests/questionnaires de personnalité sont assez nombreux : MBTI (le plus célèbre), PAPI, SOSIE, les 4 couleurs et j’en oublie. Ils sont, souvent, utilisés dans un cadre de travail ou de recrutement par les RH ou les cabinets de conseil.

Les intentions de ces tests/questionnaires sont claires : elles permettent d’abord aux personnes de mieux se connaître pour mieux comprendre les autres en identifiant sa manière de voir les choses et de prendre des décisions. L’enjeu est d’arriver à cerner ses « zones de confort et d’effort », c’est-à-dire les situations dans lesquelles on est à l’aise et celles dans lesquelles on est tendu.

Leur principal objectif est d’aider à se positionner et dans ce cadre, ce sont des outils individuels de développement personnel qui peuvent-être efficaces et utiles.

Jusque-là rien d’alarmant me direz-vous ! Pourtant, leur usage est très souvent dévoyé :  ce n’est pas l’outil qui pose problème, c’est l’utilisation qui en est faite. Les intentions sont bonnes mais leur usage est mauvais, et nous connaissons peu d’équipes qui en font bon usage parce que ces tests/questionnaires n’ont pas vocation à prédire la réussite ni à être utilisés en collectif…

Pourquoi leur usage est mauvais ?

Parce que le problème des tests et de leurs grilles de lecture est qu’ils enferment inévitablement les personnes dans des cases. On devient bleu ou n’importe quelle autre couleur/case pour les autres. Ils commencent à nous voir et à analyser nos interactions à travers ce prisme, comme s’il était la vérité absolue sur notre manière de fonctionner. Et finalement on ne s’intéresse plus à la personne, à l’écoute de ses problèmes ou besoins.  On la regarde à travers un filtre, à l’affût des moindres réactions qui permettraient de confirmer le résultat du test. Même le MBTI avec ses 16 cases finit par coller des étiquettes aux personnes et après il est compliqué de s’en débarrasser…

Et c’est pour ça que les équipes et les managers aiment ça : dans un 1er temps ça donne l’illusion de mieux comprendre les autres avant de mieux tomber dans le piège !

Même sans tests, c’est plus fort que nous, en collectif, on a l’art de plaquer des étiquettes sur les autres, parce que ça nous rassure. Qui n’a pas souffert d’être tagué dans son équipe ? Combien de fois on ne s’est pas senti écouté parce que tout le monde, dès le 1er mot avait décidé qu’il fallait mettre ça sur le compte d’un trait de caractère/étiquette ?!  

Le problème de ces tests, c’est qu’ils légitiment davantage cette mauvaise pratique… Et c’est pour ça que les équipes et les managers aiment ça : dans un 1er temps ça donne l’illusion de mieux comprendre les autres avant de mieux tomber dans le piège !

Et pourquoi leur légitimité peut-être aussi remise en question ?

Ces tests créent des clivages, parce que même s’ils affirment que toutes les cases se valent, la réalité est autre. Il n’y a aucun jugement de valeur entre les différents profils mais en fonction des postes/métiers on peut en dénigrer certains.         

Par exemple, dans une équipe de commerciaux, il vaut mieux être un extraverti selon MBTI qu’un introverti…

Apprendre à mieux connaître (en petite partie) ses collaborateurs grâce à un test ne permet pas de mieux les manager. 

Dernier point à souligner mais qui est davantage sujet à discussion : c’est la validité scientifique de ces tests/questionnaires.  La plupart sont administrés à partir de séries de questions auxquelles la personne répond isolée dans une salle. Elle y répond différemment selon son humeur, selon son niveau de stress (test de recrutement…) et tout cela n’est pas pris en compte du tout. Ces résultats sont ensuite extrapolés pour essayer de décrypter la réaction d’une personne, dans un contexte de travail, au milieu d’un groupe de plusieurs personnes, donc dans des conditions très différentes.  Pourtant, penser que l’on est une personne avec des caractéristiques absolues, indépendamment du contexte dans lequel on se trouve, est assez contestable. Par exemple :  on peut être introverti en famille et extraverti au travail, on peut être respectueux du code de la route dans un pays où la loi est très stricte et moins dans un pays plus laxiste, on peut vouloir construire des process avec jalons face à une personne qui ne parle que résultat juste par esprit de contradiction …

Comme pour les team building, on leur appose des vertus magiques : apprendre à ramer ensemble pendant 1h ne permet pas, une fois de retour au travail, de mieux collaborer ; apprendre à mieux connaître (en petite partie) ses collaborateurs grâce à un test ne permet pas de mieux les manager. 

C’est pour toutes ces raisons que l’on n’aime pas beaucoup ces tests. Ils sont des odes au statu quo collectif et au « je suis comme ça » ! Ces test desservent, plus qu’ils ne servent. 

High Rise, l’oppression de l’organisation idéale

High Rise, film britannique de science-fiction actuellement en salle et réalisé par Ben Wheatley, crée chez ceux qui le visionnent un sentiment très fort d’inconfort. C’est aussi une réponse cinglante à ceux qui, en entreprise, veulent tout clarifier et régenter par des procédures et des fiches de poste.

Le film prend exclusivement place dans une Tour où tout est organisé jusqu’au moindre détail, pour donner un sentiment de bien-être lié à la sécurité et à l’ordre qui permet à chacun de savoir exactement où est sa place. Toutes les infrastructures nécessaires s’y trouvent, tels un supermarché ou une école ; le monde extérieur n’a plus lieu d’être. Les niveaux hiérarchiques également sont parfaitement définis ; de l’Architecte en haut, aux plus modestes en bas. De même, des règles sont édictées pour tout, comme par exemple comment sortir les poubelles ou faire le ménage chez soi.

Un jour, l’électricité ne fonctionne plus. Un seul élément de la chaîne et c’est toute l’organisation qui est alors chamboulée ; les règles sont balayées les unes après les autres et la décadence s’installe. Toutes les classes se confondent et finissent par se comporter en animaux dans une atmosphère de fin du monde.

Pour l’entreprise, le parallèle est assez clair ; réguler l’ensemble des paramètres et ne plus laisser aucune place à l’incertitude semble simple et parfait. Cependant, si le moindre rouage rouille, le système meurt ; trop habitués à être dirigés sans prendre de décisions, les employés, tout comme les habitants de la Tour, ne savent plus quoi faire.

S’il y a bien une leçon à retirer de ce film, c’est celle-là ; le problème de l’Architecte n’était pas qu’il manquait un paramètre à sa Tour mais qu’il y en avait trop.

Alors n’oubliez pas de laisser la liberté à vos équipes de combattre leurs propres peurs. Fiers, ils en ressortiront grandis et porteurs de leur propre système.  

ALBUS CONSEIL