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Comment donner du sens quand on ne sait pas où on va?

A l’approche de la fin d’année, il faut faire les bilans de 2015, et dans peu de temps, il faudra présenter ses voeux et lancer 2016… Que dire ? Facile, il faut donner du sens !

Cette injonction est en train de devenir l’une des plus impossibles de toutes, tant les incertitudes sont nombreuses, et les décideurs nombreux, éloignés, variés.

Comment faire ?

Un besoin primaire

Donner du sens reste un besoin primaire de l’humain, quel que soit le contexte. Contrairement à nos voisins animaux, pour qui la stricte survie de l’espèce est le but, l’humain a conscience de son existence et de sa finitude… Du coup, s’il supporte (parfois difficilement) l’idée de la mort, ce n’est que parce qu’il a le sentiment que son existence a un sens. Et du coup, il cherche à « se sentir utile », à travers sa famille, son activité associative, religieuse, sportive, et évidemment professionnelle.

L’absence totale de ce sentiment d’utilité, même modeste, s’appelle la dépression.

Bref, dans leurs journées de travail, vos collaborateurs ont besoin de comprendre que leurs actions sont utiles à quelque chose… Que ce soit un projet collectif gratifiant, une utilité concrète évidente, ou un plaisir à faire ensemble. C’est pourquoi il faut « donner du sens ».
S’il ne trouve pas cette clef, alors l’utilité du travail n’est mesuré qu’à travers le salaire : le salaire est ce qui permettra de réussir plus vite et mieux ce pour quoi on a envie de se sentir utile ailleurs.

L’objectif n’est pas le sens

On l’a déjà dit à de nombreuses reprises, la rentabilité, le chiffre d’affaires ne peuvent être le sens. Ils sont la définition de l’entreprise, pas sa raison d’être.

Un peu comme si on était fier de sa voiture parce qu’elle roule…. La voiture peut avoir du sens parce qu’elle permet de nous conduire quelque part (sa destination), ou parce qu’elle procure un plaisir quand on l’utilise (sa charge émotionnelle). Mais le fait qu’elle roule n’est que sa définition.

Pour l’entreprise idem. Elle doit gagner de l’argent ok. Mais ce qui fédère peut être ce qu’elle crée pour la société (sa destination) comme les frères Wright au moment de l’invention de l’avion. Ça peut être aussi le plaisir qu’elle procure (sa charge émotionnelle).

Bref, animer les objectifs (coûts / CA / qualité / etc…) comme s’ils donnaient du sens c’est la meilleure façon de mettre vos interlocuteurs en position de rouages et pas d’acteurs, c’est donc l’inverse de l’utilité au sens psychologique du terme.

Seulement, l’utilité se dilue

Si les objectifs ne remplissent pas la mission de donner du sens, il faut donc bâtir une ambition ! C’est bien gentil, mais dans notre monde ô combien incertain, et avec des entreprises aux contours complexes et aux organisations parfois obscures, ce n’est pas si simple.

Dans un grand groupe français, l’IT devient officiellement une BU, mais ne peut décider de ses règles RH par exemple….
Dans un groupe américain globalisé, le Président de l’entité légale France se voit dicter des éléments d’organisation très précis….
Dans un point de vente luxe en France, la croissance est de 60%, mais sans que les équipes n’y soient pour grand chose : c’est le flux de touristes chinois qui écrase tout.

Bref, les marchés sont mondialisés, et difficiles à anticiper ; les décisions sont éclatées et hyper rationalisées ; les règles de compliance rigidifient les structures.

Pour un manager opérationnel, donner du sens devient une difficulté quasi insurmontable. On lui demande d’être stratège, d’avoir une vision… Mais bien souvent, ceux qui passent ces commandes sont incapables d’en avoir une eux-même, et se contentent d’animer les objectifs en faisant semblant de croire que « si c’est bon pour l’entreprise, c’est bon pour vous ».
Or soyons honnêtes, la redistribution des bénéfices est rarement suffisante pour justifier ce précepte, et les décisions souvent drastiques sur les coûts rendent la formule carrément mensongère.

Bref, le mal de la décennie si ce n’est celui du siècle en management, est qu’il paraît de plus en plus difficile de nourrir le besoin d’utilité de l’Homme par le travail… Et c’est une révolution, car c’est par le travail que l’humain se définit depuis des millénaires.

La solution c’est le Comment

Si vous êtes manager et que vous avez envie de dire « où on va ? », ou qu’on vous demande de le faire, la principale solution est de bâtir une ambition sur le COMMENT.

En gros «  Quelle que soit la destination, voilà comment j’aimerais que nous nous y rendions »

C’est un peu la logique BIC. Peu importe ce qu’on produit, pourvu que ça soit simple. Et on se retrouve avec des briquets, des planches à voile, des stylos et des rasoirs, tous devenus intemporels, et en dehors des effets de mode.

En management vous pouvez faire la même chose : « Je ne sais pas ce qui va nous tomber sur la tête ni exactement où nous irons dans 3 ans, mais en tous cas, je suis sûr que nous devons évoluer vers tel type d’interactions ».

Concrètement, une équipe que nous accompagnons fonde désormais sa cohérence sur sa capacité à accompagner les autres, fluidifier la matrice, influencer sans forcer, bref être l’huile dans les rouages du matriciel. Avec une telle ambition, on voit bien que l’équipe peut absorber toutes les décisions, et il est clair que la capacité dont elle veut se doter va grandement simplifier la vie de tout le monde, dans et en dehors de l’équipe.

Autre exemple, dans un grand magasin, le directeur va désormais diminuer drastiquement son animation CA et rentabilité, pour se concentrer sur la façon dont les gens vont vivre ensemble, avec les clients.

Vous trouvez que c’est un pis-aller ? Peut être. Mais d’abord, comme le sens sur le « Quoi » est impossible dans bien des cas, c’est toujours mieux que rien. Surtout, nous ne sommes pas certain que le fait de travailler le comment ne soit pas au contraire un levier plus fort et plus moderne que le « Quoi » .

Plus fort parce qu’il contribue davantage au développement de chacun et à son adaptation au monde qui l’entoure.

Plus moderne parce que travailler sur le comment permet plus de co-construction, et renforce l’idée de mission, chère à la soi-disante génération Y, et qui s’étend en fait à toutes les catégories d’âge. 

Et donc l’individu reprend le pas sur le collectif

Pour conclure, on ne peut raisonner chiffres en permanence, tailler dans les coûts sans cesse, et s’étonner que les salariés soient moins fidèles ou motivés.

Autrefois, et jusqu’aux années 80, la grande histoire d’amour entre un salarié et son entreprise était possible parce que sauf accidents assez rares, cette aventure durait 40 ans. De fait, la sécurité de l’emploi existait et l’on était un « Peugeot », un « Michelin » ou un « France Telecom ». Aujourd’hui Peugeot est devenu PSA, a fermé je ne sais combien d’usines et a réduit toutes les autres. Des carrières se sont réorientées, on est passé chez Renault, à La Poste, ou ailleurs. Mais il fallait bien que le constructeur s’adapte à son marché.

Donc plutôt que de regretter le temps où l’entreprise était une famille, extrêmement réglementée mais fidèle et chaleureuse. Il est temps de comprendre que l’entreprise est désormais une pourvoyeuse de missions pour Hommes libres. Missions plus ou moins longues, que l’on enchaîne ou pas et dans lesquelles le collaborateur doit à chaque fois s’enrichir.

De quand date votre dernier mea culpa ?

Cueillis à froid par le scandale de Volkswagen qui fait la Une depuis mi septembre, nous avons observé avec attention la gestion de crise du constructeur. Autant la triche est ahurissante, autant la réaction est exemplaire. Résumée par les mots du patron de Volkswagen America : « we totally screwed up ». Un mea culpa net et sans ambages qui permettra sûrement à l’entreprise de se reconstruire plus rapidement que si les dirigeants avaient dissimulé et nuancé comme c’est trop souvent le cas.

Le mea culpa, c’est une arme que les managers utilisent peu voire pas du tout. Pourtant, l’amende honorable n’est pas preuve de lâcheté mais de courage, ce n’est pas se défausser mais, au contraire, prendre ses responsabilités.


L’erreur, l’inséparable prix de la décision

On ne pourra pas éviter l’adage latin tarte-à-la-crème « Errare humamum est ». On ne peut pas l’éviter notamment parce que tout le monde n’en a pas conscience.

Comme le disent de nombreux philosophes actuels, nous vivons dans un monde où la peur prolifère. Nous avons peur de tout dans l’entreprise notamment : le chômage, la crise, la concurrence, les syndicats (qui ont peur, eux aussi), le manque de crédibilité, etc.

Ceux qui cherchent surtout à ne pas faire de fautes ne seront jamais des leaders et seront toujours dépassés par ceux qui décident.

Cette peur omniprésente, de tout et de son contraire, amène à ne plus prendre de risque, ce qui a d’ailleurs été constitutionnalisé en France par le principe de Précaution, intention louable mais qui en dit long sur l’aversion actuelle aux risques. 

Et cette non prise de risque amène le manque de responsabilité que l’on peut résumer ainsi : j’ai tout fait pour ne pas prendre de risques, donc cette erreur était inévitable et ce n’est pas ma faute. Ainsi dans l’affaire du sang contaminé, une des ministres concernées ose déclarer qu’elle est « responsable, mais pas coupable », une défausse restée célèbre.

Certaines personnes se félicitent constamment des décisions qu’ils n’ont pas prises et qui auraient amené des erreurs. Nous disons que ceux qui cherchent surtout à ne pas faire de fautes ne seront jamais des leaders et seront toujours dépassés par ceux qui décident.

Un bon manager n’est pas celui qui ne fait pas d’erreurs mais celui qui décide, prend des risques et compense ses échecs par la grandeur de ses succès.

Accepter les erreurs ok. Et accepter ses erreurs ?

Il n’est pas rare que des managers, ayant adhéré au raisonnement ci-dessus qui n’est pas neuf, prône le droit à l’erreur. Parmi eux, il arrive même que certains managers tiennent leurs engagements de ne pas sanctionner systématiquement l’erreur, quand elle est faite suite à une prise de risque calculée et dans le sens du projet collectif. C’est un premier pas qui n’est pas simple à faire et qui est à même de libérer les énergies. Bravo à eux.

On croît rester crédible en ne parlant pas de ses erreurs alors que c’est le contraire.

Beaucoup plus rares sont ceux qui acceptent leurs propres erreurs. Bercés par l’illusion de renvoyer l’image du manager parfait, nous sommes souvent les seuls à croire que nos erreurs ne se verront pas si nous n’en parlons pas. Quelle erreur !

On croît rester crédible en ne parlant pas de ses erreurs alors que c’est le contraire : personne n’achète le mythe du manager infaillible, la reconnaissance des erreurs donne à l’inverse de la force aux autres éléments. 

On croît se montrer fort en ne parlant pas de ses échecs, alors que c’est l’opposé : le manager qui ne les reconnaît pas apparaît faible à son équipe, effrayé de se montrer vulnérable, en manque de confiance. 

On croît protéger l’entreprise, ce qui a été construit, en cachant les erreurs comme  pour éviter sa conséquence immédiate, et par définition négative. Mais assumer le droit à l’erreur, c’est d’abord oser regarder les choses sur un temps plus long et conserver des bases saines. Pour VW, on voit bien que le mal est fait et qu’il faut préserver l’essentiel : l’avenir. C’est l’inverse du cas Mediator, où l’on cherche à sauver le présent quitte, si la stratégie échoue, à hypothéquer l’avenir.

Le mea culpa, un art indispensable à tout manager 

Pour ceux qui sont décidés à reconnaître leurs propres erreurs, la moitié du chemin est faite. Le reste repose sur la façon de le faire.

Ce sont toutes les différences entre les mea culpa habituels (en politique notamment, autour du beaucoup trop utilisé « j’ai changé ») et celui de Volkswagen suite au récent scandale.

Listons-en 4 :

  • Honnêteté : un mea culpa doit être sincère, sinon il est démasqué tout de suite par ceux qui l’écoutent. Les politiques ont tendance à battre leur coulpe d’erreurs du passé pour mieux vanter leurs décisions actuelles, cela n’a aucune valeur. Le stratagème est facilement éventé. Un bon mea culpa se fait à chaud, sans trop de forme ou de calcul.
  • Absence de nuance : symbolisé par DSK qui qualifiait imprudemment ses actes de « légèreté », la nuance tue le mea culpa. Ce n’est certainement pas à vous de minimiser votre erreur. Elle doit être exposée sans atténuation, sans auto flagellation non plus bien sûr. Laissez les autres minimiser l’erreur pour vous si elle doit l’être, ce n’en sera que plus fort.
  • Ne pas trop personnaliser : l’enjeu est de parler d’une erreur, pas d’une faiblesse structurelle dont vous ne maîtriseriez pas la portée à l’instar du « péché de naïveté » de Lionel Jospin en 2002. Soyez franc sur l’erreur, ses conséquences et la responsabilité que vous endossez, mais un jugement sur vous-même n’est pas à propos et surtout pas en public.
  • Rester exigeant : pour être efficace, le mea culpa doit servir votre projet, quel qu’il soit. L’amende honorable qui ne servirait qu’à soulager sa conscience est inutile, elle le sera si vous demandez un effort à votre équipe pour rebondir (se remettre également en question, aider à trouver les solutions pour faire face à la situation provoquée, etc.)

Nous avons assisté récemment à un mea culpa de grande classe fait par un manager humble et courageux, cela a participé à relancer une dynamique d’équipe avec puissance et enthousiasme. Nous vous souhaitons la même chose !

Un bon séminaire au vert est un séminaire incomplet

 En cette époque estivale fleurissent les séminaires au vert. Pendant un à trois jours, les plus malchanceux verront un enchaînement de présentations interminables de chiffres et de détails techniques, les autres auront peut-être des ateliers de réflexions sur l’année écoulée et l’année à venir. Mais comment en faire un moment vraiment utile ?

Souvent un satisfecit général

Sans avoir de statistiques officielles, nous sommes convaincus que 90% des séminaires sont jugés positivement par les participants. D’abord parce que passer deux jours dans un cadre convivial avec ses collègues, c’est une respiration qu’on ne peut qu’apprécier. Ensuite parce que faire part de son insatisfaction et de ses regrets à chaud, et donc prendre le risque de passer pour l’éternel grognon, peu de gens le font. A quoi bon ?

Un de nos clients dit que l’on sait si un séminaire est réussi six mois après. Nous pensons qu’il a raison.


Séminaire au vert : déception annoncée ?

Soyons clairs, nous sommes des utilisateurs réguliers des séminaires au vert. Notamment car ils créent l’opportunité, si difficile à obtenir autrement, de se sortir du quotidien et des problématiques opérationnelles court-termistes qui pourrissent souvent les réflexions.

Mais nous faisons de ces séminaires une utilisation parcimonieuse, non systématique. Car contrairement aux retours à chaud, nous pensons qu’une majorité des séminaires au vert échouent partiellement voire complétement.

Dès le lendemain et le retour au « réel », les actions déterminées paraissent irréalistes et les sujets importants certes, mais pas urgents.Certains de ses échecs sont difficilement excusables, ce sont ceux où les leaders, considérant que le cadre suffit à créer le décalage et le caractère événementiel du séminaire, le préparent et l’animent comme n’importe quelle autre réunion. Sur le fond (on traite tout ce que l’on n’a pas eu le temps de faire dans l’année) ou sur la forme (ordre du jour inexistant ou surréaliste, peu de place à l’échange, interventions peu préparées, tout le monde sur son ordinateur ou son téléphone). Le pire, c’est que dans ces cas-là aussi les retours des participants sont bons, souvent pour s’assurer que le séminaire ne sera pas, en plus, supprimé l’année suivante.

Un autre grand type d’échec, c’est le séminaire au vert qui promet beaucoup mais qui accouche d’une souris. Pendant le séminaire, les échanges sont bons et sur des sujets qui intéressent vraiment les participants, des décisions courageuses sont prises avec des timing ambitieux pour les réaliser car les points relevés sont dit-on essentiels… puis, rien ! Dès le lendemain et le retour au « réel », les actions déterminées paraissent irréalistes et les sujets importants certes, mais pas urgents, il faut d’abord s’occuper de ci ou ça.

On dit souvent dans ce genre de cas que l’on n’a pas réussi « à transformer l’essai » comme si le problème se situait dans les suites données au séminaire. Nous pensons que tout se joue avant et pendant, l’après est une conséquence.

Le séminaire au vert doit sortir l’équipe de sa zone de confort

Si nous devons trouver une qualité commune à tous les séminaires réussis, c’est qu’ils permettent de changer les comportements en sortant durablement les participants de leurs zones de confort.

Beaucoup n’envisagent pas un séminaire sans un planning, un plan d’action ou une synthèse montrant que l’on a bouclé les sujets à l’ordre du jour. Or c’est une double erreur.

Cela se joue avant bien sûr, par le choix des sujets ou par le niveau d’exigence. Par exemple : demander à un comité de direction d’une entité à discuter et travailler des sujets habituellement dévolus au directeur général seul, ou à décider de manière collégiale là où ils n’étaient que consultés avant. C’est aussi de s’attaquer à des sujets sensibles, où les non-dits sont forts pendant l’année et sur lesquels les esprits s’échauffent parfois. Alors le séminaire au vert devient non seulement une « récréation » mais aussi une solution pour aborder des sujets qui ne peuvent être traités au quotidien.

Cela se joue surtout pendant, et notamment en fin de séminaire. Beaucoup n’envisagent pas un séminaire sans un planning, un plan d’action ou une synthèse montrant que l’on a bouclé les sujets à l’ordre du jour. Or c’est une double erreur.

D’abord car définir un planning ou un plan d’action dans ce cadre, c’est très souvent faire l’erreur de décider sans prendre en compte les contraintes. Résultat, on se rend vite compte que les décisions sont trop ambitieuses et c’est le séminaire entier qui n’est plus crédible.

Ensuite car en décidant, en « bouclant » comme on dit souvent, on ferme la réflexion des participants. Nous avions un problème à l’entrée du séminaire, mais nous l’avons résolu par ce plan d’action, donc je peux passer à autre chose.

Si vous aviez dans l’idée de faire un séminaire qui lance une réflexion, c’est râpé car vous l’avez au contraire terminée en deux jours.

Soyez volontairement incomplet

Ne pas finir un sujet, cela permet de laisser les esprits en alerte sur les réflexions ouvertes pendant le séminaire. C’est aussi ne pas se forcer à prendre des décisions trop rapides pour un sujet de fond qui mérite plus de maturation. C’est laisser la ligne ouverte se prolonger au-delà des deux jours passés au vert.

Une bonne conclusion doit donc ouvrir aussi sur ce qui n’a pas été abordé, ce qui n’est toujours pas clair, ce qui nécessitera d’être approfondi, ce qui n’est pas satisfaisant, etc.

Plusieurs façons d’être intelligemment incomplet : ne pas faire de plan d’action en est une, ou en tous les cas rester flou ou incomplet pour que vous ayez BESOIN d’y revenir ensemble pour qu’il se passe quelque chose. C’est aussi de finir non pas sur une synthèse des réponses apportées mais par des questions ouvertes. Cela va désarçonner les participants, car c’est inhabituel et que le réflexe naturel serait de montrer que l’on a bien avancé et que l’on peut passer à la suite, et cela va générer de la perplexité, donc de la réflexion, donc de l’intelligence.

Et puis il y a la conclusion, ce moment si crucial dans un séminaire et si souvent négligé. Bien sûr elle doit commencer par être positive mais elle ne peut pas être que positive, sinon elle donne à chacun le sentiment du devoir accompli et le repli, de fait, dans une zone de confort abandonnée pour quelques heures seulement. Une bonne conclusion doit donc ouvrir aussi sur ce qui n’a pas été abordé, ce qui n’est toujours pas clair, ce qui nécessitera d’être approfondi, ce qui n’est pas satisfaisant, etc. Une conclusion doit valoriser mais aussi appeler à la vigilance, à l’exigence ou à la responsabilité.

Les mots qui s’usent

 Dans Caméra Café, The Office, et dans les autres pastiches de la vie professionnelle, on se moque du vocabulaire, souvent abscons de l’entreprise.
Il peut être ridiculement anglicisé, truffé d’acronymes, voire les 2 ensemble si l’on considère par exemple le très courant ASAP !
Mais les mots peuvent être aussi tout simplement usés à force d’être utilisés : EXEMPLARITÉ par exemple.
En management, il est essentiel d’avoir conscience de l’importance des mots choisis. Faisons le point.

Le cycle de vie du mot

Nous avons tous joué, enfants, à répéter très vite le même mot banal pour se rendre compte qu’il finissait par perdre sa substance. Il reste le son mais le sens, lui, a disparu.

En management, c’est pareil et on se rend compte que les mots suivent des cycles…

  1. Ils sont incongrus ou décalés quand ils apparaissent,
  2. Puis ils sont à la mode et ont un sens fort,
  3. IIs deviennent de plus en plus creux en se généralisant, 
  4. Enfin ils finissent par être des mots valises sans intérêt, ou par disparaître.

Selon nous, le mot QUALITÉ est entre les stades 3 et 4. L’EXEMPLARITÉ idem. L’expression GAGNANT/GAGNANT est clairement au stade 4. La notion de BONHEUR AU TRAVAIL est au stade 2, mais s’use vite. Parfois, ce cycle de vie du mot semble guider celui de l’action. Par exemple, en RH, il y a quelques années, on ne parlait que de HARCÈLEMENT MORAL, maintenant on craint les RISQUES PSYCHO-SOCIAUX. Je ne suis pas sûr qu’il y ait de réelle différence entre ces 2 risques dans la réalité. Les mots ont changé.
Il y a des exceptions, comme le mot VISION qui n’a pas l’air de prendre d’âge, alors qu’il est très utilisé. Peut-être parce qu’il est associé à des éléments très positifs.

 

Les mots marqués

En plus des mots usés, il y a des mots marqués. C’est à dire qu’en plus de leur sens littéral, ils ont pris une connotation (souvent péjorative) et sont souvent associés à une profession. Entre nous, nous plaisantons du mot ASSERTIVITÉ à la mode dans certains cercles et marqueur infaillible du fait que vous vous adressez à un coach. CO-CONSTRUCTION est un bon mot de consultant, il nous brûle parfois les lèvres…

Plus courant, la notion de PRODUCTIVITÉ est devenue synonyme de perte d’emplois, et donc porte une charge très négative, alors que c’est initialement une notion mathématique neutre qui signifie un rapport entre effort et résultat, qu’il serait donc logique de vouloir l’optimiser sans cesse (certains en font même le moteur de l’histoire). Dans le même style vous trouverez SANCTION et CRITIQUE, notions neutres en français, devenues nettement négatives.

Pourquoi c’est un problème

Evidemment, il y a d’innombrables exemples. Chaque profession à les siens, chaque entreprise a usé certains mots et d’autres moins. Dans certaines, vous ne pouvez plus employer le mot AMBITION, dans d’autres, sa simple évocation est un soulagement. Ce n’est ni bien ni mal, c’est l’histoire des organisations qui a besoin de se raconter. Il est logique que des moments-clés fassent émerger des mots (le changement commence par là) puis que le temps les rende obsolètes.

Vous pouvez perdre toute crédibilité parce que vous avez employé des mots usés, des phrases « Corporate » répétées avec la régularité du métronome

Mais au quotidien, pour le manager, cette usure est gênante parce qu’elle nuit fortement à sa communication. En effet, lorsque vous employez un mot usé, votre public n’écoute plus ce que vous dites car l’attention dévie sur le mot lui-même :
Soit parce qu’il en connait le sens d’usage dans l’organisation et se dispense donc d’écouter avec précision.
Soit parce qu’il se dit qu’il a entendu ça 1000 fois et abandonne immédiatement toute écoute.

Bref, vous pouvez perdre toute crédibilité parce que vous avez employé des mots usés, des phrases « Corporate » répétées avec la régularité du métronome. « LA SÉCURITÉ EST L’AFFAIRE DE TOUS » est une de ces expressions qui décrédibilisent le discours.

Les actions simples

Les remèdes anti-mots usés sont simples mais demandent de l’attention… Il suffit de les identifier et de les éviter.

Pour vous aider, vous pouvez vous fixer quelques règles :

Parlez simplement et en Français
D’abord parce que les anglicismes s’usent très vite. Par exemple, RÉUNION s’use moins que MEETING.
Plus largement, préférez les expressions communes aux expressions très marquées Business. Préférez par exemple SE METTRE D’ACCORD à CONVERGER. Si votre mot a le même sens partout et qu’il est utilisé fréquemment dans la rue, il est plus solide que s’il est spécifique à un univers.

Changez de champs lexical
Les entreprises et les secteurs développent leurs propres champs lexicaux. Pour surprendre votre interlocuteur et éveiller l’attention, vous pouvez en sortir.
Piochez dans le vocabulaire de l’industrie quand vous êtes dans la distribution et vice versa. Par exemple la notion de QUALITÉ est usée jusqu’à la corde dans l’industrie mais n’a pas dit son dernier mot dans les services.
Vous pouvez aller plus loin en piochant dans le sport, dans l’art, dans la politique. Mais attention, le rugby  par exemple a des références elles-mêmes très convenues.

Ce que ça va changer de plus profond
On peut avoir le sentiment de faire de la cuisine en choisissant ses mots mais souvenez-vous des points suivants :

  • D’abord, un orateur a la responsabilité de se faire comprendre et de maintenir l’attention. Il doit avoir conscience des doubles sens de ce qu’il dit, ou de l’absence de sens.
  • Ensuite, en cherchant vos mots, vous devez vous imaginer votre interlocuteur et vous intéresser à lui. Il est probable qu’en plus d’être mieux compris, vous soyez plus intéressant sur le fond.
  • Enfin, et surtout, en changeant de mots vous changerez peut-être des éléments plus profonds. Parce que derrière des mots nouveaux, vous trouverez certainement de nouvelles actions… 

Manager, ce n’est pas forcément résoudre

Magistrale prise de parole de Barak Obama après la terrible tuerie raciste de Charleston !
Jetez vous sur Youtube au moins pour regarder la fin de son discours https://www.youtube.com/watch?v=WmRAxJIa0u8 voire le discours entier https://www.youtube.com/watch?v=RK7tYOVd0Hs.

Obama est un grand orateur, d’accord. Il nous rappelle en particulier que gouverner ce n’est pas forcément donner une solution technique surtout quand le problème est si complexe. Gouverner c’est inspirer, faire réfléchir, unir et élever le débat.
 
Dans notre management quotidien, idem. Nous ne pouvons pas diriger en étant toujours concret, opérationnel et terre à terre. Il faut régulièrement rappeler le sens de ce qui nous réunit. Rappeler ces raisons supérieures qui font que nous faisons partie non pas seulement d’une organisation tournée vers un objectif de résultat mais d’une communauté unie par une vision.

Pour la raviver, rien ne vaut la grâce d’une prise de risque personnel (ici un chant a cappella) ou d’une parole purement émotionnelle.

Manager c’est souvent faire réfléchir, et pour faire réfléchir, il y a 1000 méthodes. Et dieu merci, inutile d’avoir le niveau de prise de parole d’Obama pour fédérer et unir.

La sincérité suffit souvent.

Pour être un leader, soyez irrationnel !

Au fil des siècles, et surtout des dernières décennies, les outils et les systèmes de performances (stratégique, industrielle, managériale, sociale) se sont accumulés. Cela nous a conduit à construire un fantasme : celui du management parfait, bâti sur l’application des meilleures pratiques du monde, absolument rationnelles. Mais peut-on être un leader, et donc un bon manager, en n’étant que raison ?

La grande complexité du monde des entreprises fait peur. Les paramètres, les changements de contextes brutaux, la hargne concurrentielle font craindre aux managers d’être mis en défaut à tous moments.

Pour contrer ce phénomène, des outils rationnels ont progressivement séduit les managers. Des méthodologies complètes, complexes aussi, pour parer à toutes éventualités, pour se rassurer. 

C’est aussi le syndrome « Sudoku », une approche intellectuelle gratifiante même si elle n’est pas forcément utile.

 

La standardisation des managers

Nous sommes très favorables, très admiratifs parfois, des méthodologies élaborées pour soutenir la performance, la maintenance, la valeur ajoutée dans les entreprises. Le Lean Manufacturing est une mine d’or, le TPM est truffé de trouvailles, etc.

Tous ces outils sont des segments de rationalité pure dont l’efficacité est presque mathématique. Jusque-là, pas de problème si ce n’est que leur adaptation n’est pas toujours réussie et que, de ce fait, l’efficacité n’est pas toujours au rendez-vous.

Les actions sont prévisibles, les messages uniformisés. A l’instar des processus qu’ils entendent régenter, les managers sont standardisés.

Leur accumulation surtout pose problème. Les segments de rationalité recouvrent peu à peu toute la réalité du management. Pour faire les EFA, c’est pensé pour vous. Pour construire vos priorités, c’est pensé pour vous. Pour répondre aux IRP, pour construire son budget, pour communiquer, pour recadrer un collaborateur… ne vous inquiétez pas, c’est pensé pour vous.

Le grand bénéfice, c’est que même un manager faible ou fragilisé réussit. C’est caricatural ? Peut-être un peu, mais admettez que les agendas types, les chantiers Lean et les formations managériales laissent peu de place au hasard ou à l’erreur.

Dans ce système, rien ne rien ne ressemble plus à un manager qu’un autre manager. Les actions sont prévisibles, les messages uniformisés. A l’instar des processus qu’ils entendent régenter, les managers sont standardisés.

 
De manager à leader, le rationnel est un obstacle 

Un bon manager est une personne réfléchie, compréhensible de tous, faisant des choix clairs et éclairés par un raisonnement pertinent. C’est d’ailleurs dans cette optique que ces méthodologies sont construites.

Mais un bon manager, ce n’est pas que ça quand même :

  • C’est le porteur d’une vision fédératrice. Une vision, c’est un choix sur l’avenir qui ne soit pas seulement une déduction des éléments rationnels à disposition mais aussi une prise de position discutable.
  • C’est quelqu’un qui surprend, qui propose des expériences hors du cadre et qui donne à son équipe l’impression de vivre des moments singuliers, que l’on ne vit pas ailleurs.
  • C’est quelqu’un qui sait exprimer et transmettre des émotions, qui se laisse parfois guider par elles plutôt que par la sacrosainte raison. 

Surtout dans nos cultures latines, nous aimons les moments de folie, les actions inattendues et les projets un peu fous. Le prévisible c’est bien, mais rien d’autre que le prévisible c’est ennuyeux. Le rationnel, c’est légitime mais rien d’autre que le rationnel, c’est fade. 

 

Ne pas suivre les moutons sur sa stratégie

Être rationnel dans sa stratégie, c’est ouvrir une chaîne de cigarettes électroniques au moment de son essor, cela fonctionne parfois mais ce n’est pas être leader, mais opportuniste.

Être irrationnel dans sa stratégie, c’est suivre une autre raison que la raison commune. Comme Nick Hayek, président cofondateur de Swatch, qui au plus fort de la crise économique de 2008 a refusé les licenciements économiques à contre-courant de toutes les entreprises cotées. Perdre un peu tout de suite, gagner beaucoup après, marquer de son empreinte une vision et une culture d’entreprise. 5 ans après sa mort, l’esprit « Hayek » est intact dans le Groupe.

  

Incarner ses valeurs par ses choix 

Être rationnel dans ses choix, c’est pour un manager à succès de prendre progressivement de plus en plus de responsabilités, puis de rester à la tête de l’entreprise le plus longtemps possible quand on y est installé.

Être irrationnel dans ses choix, c’est de ne pas faire forcément ce que l’on attend de vous mais ce que vous dictent vos valeurs. Le patron d’Oxylane (Décathlon) a cédé sa place il y a quelques semaines. Pas pour prendre la tête d’un plus gros groupe, ni parce que ça se passait mal, mais pour partir en Chine toujours pour Oxylane. Il n’est pas devenu fou, il a juste suivi ses valeurs. Il a lancé un grand mouvement pour développer le Groupe à l’international, et c’est en faisant cela qu’il sert le mieux son projet. Imaginez le sens, les valeurs, le message pour les collaborateurs du Groupe. Admettons que cette décision est peut-être logique, mais sûrement pas rationnelle à 100%.

Sortir du « que rationnel », c’est envoyer un message à votre équipe, c’est incarner les valeurs, le projet que vous voulez mettre en place. Et vous, avez-vous fait un acte délibérément irrationnel ? Et le prochain, c’est quand ?

Le manager peut s’en sortir face à la mondialisation financiarisée

La globalisation et la concurrence mondiale sont devenues des lieux communs de l’analyse économique et géopolitique de notre siècle… Les politiques, peu au fait du sujet et parfois démagogues laissent penser à un système polarisé entre grands financiers, qui tirent les ficelles depuis Bruxelles ou le Qatar, et victimes qui en subissent les foudres en Lorraine ou à Detroit.

Dans la vraie vie, il y a aussi tous ceux qui font fonctionner le système sans qu’on leur demande leur avis : les managers intermédiaires des grandes entreprises… Aidons les !

 

L’équation de la mondialisation

Chaque jour, les managers de terrain des grandes et moyennes entreprises doivent jongler entre leur conscience et leur devoir ; entre leurs missions et leurs idées.

Tous les plans sociaux sont mis en œuvre par des managers de terrain qui n’ont rien décidé et parfois suppriment leurs propres postes dans l’affaire.

Des milliers de managers doivent répondre à leurs équipes qui fustigent la faiblesse de leurs primes par rapport à celles du top management, ou la fermeture d’un site par rapport à un résultat net exprimé en milliards d’euros. 

Vous me direz que ce n’est pas seulement la mondialisation qui est en cause. Certes, mais elle joue beaucoup. Si les grands groupes (Sanofi, Carrefour, Vivendi) cherchent continuellement à optimiser leurs marges alors que le résultat net est très important, c’est que le marché impose une attractivité immense des capitaux, sans quoi les investisseurs iront voir la concurrence.

Avec ces capitaux, Sanofi garde ses investisseurs, apprécie son action, poursuit sa croissance et continue d’employer près de 100 000 personnes en France !

Toujours est-il que cette analyse macro n’est d’aucune utilité sur le terrain et que nos managers de terrain sont concrètement en difficulté au quotidien.


 

Un dilemme

Avant d’aborder les solutions concrètes, reconnaissons d’abord un dilemme cornélien :

  • Dois-je résister aux excès du système, mais risquer de me mettre en marge ?
  • Dois-je assumer ce que je ne cautionne pas ?

Evidemment, il y a aussi les supporters du système mais soyons honnêtes, sur le terrain ils sont peu nombreux. Le sentiment de subir est trop fort.

Ce dilemme, nous le vivons aussi : en tant que consultant, doit-on refuser les projets qui nous heurtent ou tâcher de les accompagner pour qu’ils se passent au mieux ? Nous avons décidé de les accompagner parce que nous espérons, à notre minuscule échelle, limiter les excès et permettre aux managers de s’adapter.  

C’est d’ailleurs la posture que nous proposons : le système en place dans le monde est efficace globalement, et montre peu de faiblesse structurelle. Le mieux nous paraît être d’essayer de bien le comprendre pour en tirer le meilleur pour les organisations/équipes dont nous avons la charge.

 

Mais concrètement ?

Parce qu’évidemment, il ne suffit pas d’être en paix avec le système pour être efficace et parvenir à en démêler les complexités.

Comment mener un PSE dans une entreprise rentable ? Que dire à des équipes qui utilisent le niveau de résultat du groupe comme argument ?  

Oser le débat contradictoire avec ses managers intermédiaires :  

À éviter : leur demander d’appliquer sans discussion, de « tenir la position » sans savoir ce qu’ils en pensent, c’est l’assurance qu’ils seront mal à l’aise. Demander à un manager de dire qu’il est tout à fait logique de réduire les effectifs alors qu’un Groupe est bénéficiaire, c’est une illusion. Certes, on peut le rationnaliser intellectuellement, mais à chaud, face à un opérateur, c’est mission impossible. 

À essayer : Accepter la contradiction, leur permettre d’exprimer leurs doutes, les accepter et parfois même les partager. Qui n’est pas dubitatif aujourd’hui sur la marche du monde et le pouvoir des financiers londoniens, qataris ou américains ? Le nier n’avance à rien. Il vaut mieux évoquer la question et trouver ensemble le message managérial qui concilie les valeurs avec les décisions corporate.

 

Renforcer la puissance du projet local

À éviter : décliner sans filtre les projets et demandes du corporate et user du « ça vient de tout là-haut » pour couper court à la discussion. C’est à la fois simpliste et inefficace parce qu’un projet qui n’est pas compris par une équipe est l’assurance qu’il ne portera pas ses fruits.

À essayer : bâtir de vrais projets d’équipe, d’entité, d’usine ou de service et les déployer aux équipes en ayant intégrer les projets corporate, actuels et futurs permet de garder la main. Plus l’acteur de terrain peut se référer à une ambition locale, une aventure à laquelle il donne du sens et adhère, moins il verra le marché ou le Groupe comme des menaces insaisissables. Les acteurs sont beaucoup plus sereins que les spectateurs face au changement.

 

Ne pas s’enfermer

Nous ouvrons ce débat, mais évidemment avec moins de certitude que jamais. Nous vivons dans un système où les décisions sont difficiles à tracer, soumises aux aléas boursiers, stratégiques, politiques.

La seule voie que nous avons trouvée est celle qui consiste à être le plus agile possible dans cet océan très agité… Et pour reprendre la métaphore de Lynch et Kordis (La stratégie du Dauphin, éditions de l’Homme, 2006) : il y a ceux qui subissent et espèrent que le boulet passera à côté, les carpes ; ceux qui décident de tuer pour se faire leur place, les requins ; et ceux qui inventent des solutions hors du cadre pour créer de la valeur, les dauphins…

Nous croyons plus à l’intelligence qu’à la violence ou à la passivité, autant vous le dire.

La dernière fois que vous avez surpris votre équipe, c’était quand ?

A l’instar de la célèbre « routine du couple » qui dévitalise la relation amoureuse, l’engagement et la mobilisation des équipes sont en danger quand s’installe la « routine managériale ». De la première on fait des milliers de livres et d’articles dans les magazines, de l’autre on ne dit rien. Attention, sinon vos équipes iront voir ailleurs… 

 

La routine vient d’abord de la volonté de bien faire 

C’est toujours pareil, au début on a plein de petites attentions, on se dit qu’on sera différent, meilleur, on prend des bonnes résolutions. C’est la période que, y compris dans le cadre professionnel, on appelle souvent la « lune de miel ». Mais nous sommes dans des sociétés qui, à coups de surcharge et de reporting, nous ramènent vite dans le rang.

Souvent après une crise ou un rush, la peur de faire des erreurs reprend le dessus, efface nos ambitions premières et les remplace par un comportement plus « classique » destiné surtout à ne pas faire de faute.

C’est souvent comme cela que la routine s’installe… 

Certains ont alors tendance à reproduire ce qui a marché ailleurs, comme une bonne recette… aucune raison que ça ne fonctionne pas cette fois-ci ! D’autres se contentent de faire ce que tout le monde fait : un directeur d’usine va travailler son schéma directeur, son plan à 3 ans, ses processus façon Lean ; un DG va lancer un projet de relance « CAP 20XX » ou « XXX 2.0 » qui sera déployé strate par strate et lancé à l’occasion d’une messe très solennelle.

Deux façons de faire qui ont le même défaut, celui de ne pas construire une dynamique par et pour les équipes, qui elles commencent à avoir l’impression que « l’on a déjà vu cela ailleurs ». 

Bien sûr, nous ne jetons pas l’opprobre sur les managers qui jonglent entre leur volonté de marquer leur empreinte et la rigidité d’un système qui, comme nous l’avons dit le mois dernier, réduit leurs marges de manœuvre.

Avant (Il y a 20 ans et plus), nous avions des organisations qui changeaient peu et, en revanche, des managers assez différents. Aujourd’hui, c’est l’inverse : les organisations changent sans cesse et les managers sont de plus en plus uniformes, pas interchangeables encore mais c’est un risque pour l’avenir.

Les managers s’enchaînent, se ressemblent, se font prévisibles et presque invisibles.

La routine est là.

 

La routine, le manque d’écoute, la lassitude

Le premier effet de la routine, c’est le manque d’écoute. Celui du haut de l’organisation d’abord qui, lancé dans une démarche lourde et parfois sourde, ne s’attache plus à prendre en compte les remontées du terrain ou même à s’assurer que les équipes suivent encore. 

Manque d’écoute du bas vers le haut aussi, car les équipes lassées ne s’impliquent plus dans l’énième projet ou l’énième plan d’action qui leur est proposé. On cesse de se remettre en question et on continue à faire un peu plus de la même chose, la force des habitudes. 

Et comme dans un couple, on risque de finir par aller voir ailleurs : soit le manager, qui change de terrain de jeu pour commencer un nouveau cycle, soit des membres des équipes qui, sans forcément changer d’entreprise, ne sont plus vraiment là.

Vous devez avoir UNE idée en tête : surprendre. Surprendre en n’organisant jamais deux événements collectifs de la même manière (hors rituels), en rajoutant toujours un élément qui étonnera et marquera les esprits. 

La solution : des rituels mais pas de routine

Pourtant, l’amour est encore là. Nous voyons tant de collaborateurs qui ont un fort sentiment d’appartenance à leur entreprise, qui aiment leur métier et en sont fiers. Nous voyons tant de managers engagés, passionnés, donnant sans compter de leur temps et de leur intelligence pour faire progresser leurs équipes. L’envie est rarement partie, elle est endormie plutôt.

L’enjeu n’est donc pas de tout jeter ou de tout faire différemment. Au contraire la première chose à faire est de poser des bases saines : un projet d’entreprise stable, des rituels solides et pérennes. Prendre des décisions prévisibles, parce qu’elles sont connectées à une vision qui est claire pour tout le monde, ce n’est pas un défaut, c’est un socle. Mais il ne faut pas s’arrêter là.

Ce qu’il faut faire, c’est changer votre manière de faire. Là-dessus, vous devez avoir UNE idée en tête : surprendre. Surprendre en n’organisant jamais deux événements collectifs de la même manière (hors rituels), en rajoutant toujours un élément qui étonnera et marquera les esprits.

Surprendre, ce n’est pas de faire quelque chose d’incroyable mais quelque chose de différent. De donner l’impression à votre équipe que vous vous remettez en cause personnellement, vous ou votre Codir, que vous savez prendre des risques, que vous vous exposez. Si vous faites cela, vos équipes auront envie de venir, de vous écouter et, pour certains, de prendre des risques eux aussi.

Après, une grande partie des conseils applicables aux couples sont parfaitement adaptés à la relation managériale :

  • Improviser : être spontané, ne pas tout ficeler à l’avance, éviter de tout planifier et laisser de la liberté à votre équipe.
  • Tenter de nouvelles choses : ne pas croire que « ça ne marchera jamais » et que « ça ne vaut même pas le coup d’essayer ». Accepter le droit à l’erreur.
  • Communiquer, communiquer, communiquer.
  • Multiplier les petites attentions : pour valoriser et soutenir quand vos équipes en ont besoin. 

Bien sûr, surprendre n’est pas une fin en soi. Ce qui soude à long terme, dans le couple, dans l’amitié ou en entreprise, c’est ce que nous vivons ensemble, ce que nous construisons ensemble.

 

Et cette construction n’est pas qu’un fait : ce n’est pas le fait d’avoir un enfant qui construit, c’est de l’élever ; ce n’est pas le fait d’emménager dans un nouvel appartement, c’est de vivre dedans. Bref, l’animation de l’équipe doit se rythmer par les réalisations communes et pas uniquement par l’animation astucieuse et originale du quotidien.

Managers cherchent responsabilités…

C’est un retournement de situation comme seul le monde de l’entreprise sait les faire. Depuis toujours, les managers cherchent des outils pour responsabiliser leurs équipes : une quête noble. Seulement, nous constatons dans nos missions que le fléau de la déresponsabilisation touche tout le monde, et probablement davantage les managers eux-mêmes que leurs équipes. Managers, et si le temps était venu de briser vos chaînes  ? 

 

Prison en bas, prison en haut

Les équipes que nous croisons lors de nos pérégrinations managériales nous le disent toutes, quelle que soit leur activité ou la taille de leur entreprise, elles ont le sentiment d’un flicage grandissant, d’un management gendarme, d’être infantilisées. 

Et il faut bien admettre que nous les comprenons. Au fil du temps, les modes de fonctionnement des grandes entreprises se sont rigidifiés. À coups de procédures hyper cadrées, d’indicateurs pléthoriques et de plans d’action superposés, les entreprises ont créé une prison d’outils et de systèmes.

Pour les équipes et les managers de terrain, ces contraintes pèsent surtout sur le climat social. Bien sûr, nous pensons que l’autonomie donnée aux équipes est une source extraordinaire de création de valeur, mais admettons que leurs degrés de liberté ayant souvent été très limités, ils ont surtout eu la désagréable sensation de passer de pas grand chose à rien du tout.

Quand on remonte la hiérarchie en revanche, c’est la dégringolade.

Ces mécanismes privatifs de responsabilité ont cruellement vidé les missions managériales de leur substance. Dans les grands groupes industriels, autrefois, la responsabilité du chef d’atelier était grande : définition et amélioration des processus de fabrication, détection et évolution des talents, achats, etc. Aujourd’hui, un directeur d’usine n’a, pour les budgets, que l’autorisation d’écrire exactement ce que l’on attend de lui, on lui dicte aussi ses choix de recrutement et il doit faire des rapports presque quotidiens sur les rendements de ses machines. 


Le serpent qui se mord la queue

Dans ces entreprises, il est devenu vain de rechercher qui est responsable parce qu’il y a toujours quelqu’un qui réglemente le fonctionnement de l’autre (un supérieur hiérarchique, une fonction corporate voir un acteur extérieur qu’il soit certificateur, inspecteur du travail ou consultant).

Et puis le fait de piloter les contraintes de l’autre est, en soi, une contrainte : n’a-t-on jamais vu un responsable se plaindre du nombre de réunions qu’il a lui-même mises en place pour piloter l’ensemble des processus de sa propre entité ? 

 

La surcharge de travail, meilleur ami de la déresponsabilisation 

Les procédures et les contraintes à elles-seules ne permettent pas d’expliquer le triste mais galopant succès de la déresponsabilisation en entreprise. Il est en effet surprenant de constater la relative docilité avec laquelle les managers ont accepté de voir leurs prérogatives dévorées, leurs marges de manœuvre mises en miettes. 

La raison est toute simple : ils avaient autre chose à faire…

Plusieurs managers, passant d’un poste opérationnel à un poste projet, même temporaire, nous ont fait part de leur désarroi et d’un sentiment de vertige dû à cette autonomie retrouvée

La surcharge de travail est probablement la plus redoutable des armes de déresponsabilisation massive. Elle agit comme une drogue sur les managers qui la subissent. Elle détourne le leader de sa responsabilité car elle le saoule de mails, de réunions, de reporting.

Elle est agréable aussi, même si tout le monde s’en plaint, car elle fait passer la journée plus vite et donne à sa victime le sentiment du devoir accompli.

Elle se rend même indispensable chez certains, car un manager qui a un agenda et une boîte mail vides se sent désemparé, il n’a plus l’habitude, il a l’impression d’être inutile.

Plusieurs managers, passant d’un poste opérationnel à un poste projet, même temporaire, nous ont fait part de leur désarroi et d’un sentiment de vertige dû à cette autonomie retrouvée et dont ils ne savaient pas quoi faire. Ils étaient en manque de surcharge.

 

Seul remède, la cure de transgression 

Comme face à toute addiction, il faut d’abord du courage pour s’en sortir. Personne ne s’attend à ce que vous luttiez comme le mouvement inexorable de déresponsabilisation, il va donc falloir provoquer vous-même cette recherche du retour au management responsable.

Prendre des risques ? Voilà le retour de la responsabilité.

Pour cela, vous devrez d’abord redonner de l’air à votre agenda et à ceux des membres de votre équipe. Diminuer les sources de pression qui asphyxient toujours un peu plus les capacités d’initiatives. 

Comme rien ne vous sera donné, il faut gagner ces espaces de liberté. En optimisant vos tâches d’aujourd’hui ? Oui bien sûr, même si le gain sera faible et avec le risque que l’espace libéré soit immédiatement repris par d’autres tâches.

L’arme la plus efficace, c’est la transgression. Vous devez questionner les lois de votre entreprise et remettre en cause celles qui vous semblent inadaptées, inutilement chronophages ou à faible valeur ajoutée. Transgresser implique de prendre des risques, et seuls les résultats obtenus vous permettront de justifier vos choix a posteriori. Prendre des risques ? Voilà le retour de la responsabilité.

Bien sûr, le mouvement de retour à un management responsable est progressif. Nous croyons sur ce sujet à l’efficacité de la tactique des petits pas : pas d’effet d’annonce présentant le retour triomphant du manager-entrepreneur mais des petites victoires successives qui, tenues dans la durée, créeront le cycle vertueux de la reprise en main d’un rôle responsable. Le temps long, lui aussi, est un signe de responsabilité.

Nous savons à quel point le rôle du manager est difficile, nous n’en sommes que plus admiratifs de ceux qui, à tous les niveaux, se battent pour retrouver la responsabilité, seul gage crédible de liberté et d’audace.

 

Ne soyez pas parfaits !

Il est étonnant de voir que les managers que nous portons aux nues sont rarement des êtres parfaits : égocentriques, colériques, désordonnés voire carrément fous. Ont-ils plus de défauts que les autres ? Pas sûr. Les assument-ils davantage ? Sans doute. Et c’est là leur force. 

 

Grands leaders = grandes qualités = grands défauts ?

En accompagnant des top managers de grandes entreprises, nous rencontrons des personnes de grande valeur, mais pas des êtres extraordinaires. Ou plutôt nous avons remarqué qu’ils n’étaient pas parfaits… 

Un leader doit savoir utiliser les deux : ses atouts pour gagner, ses défauts pour ne pas perdre (de temps, de confiance, de lisibilité) 

Au-delà de la naïveté de notre croyance voulant qu’il n’y ait que des personnes exceptionnelles à la tête des grandes entreprises, nous avons affiné notre sentiment. Oui, ces leaders ont des qualités rares : de courage, de créativité, d’exigence, d’empathie selon les cas ; mais ils ont des défauts tout aussi remarquables : foutraque ou au contraire d’une rigidité maladive, complexé ou en excès de confiance, habitué des bourdes, etc.  

Nous avons tous des exemples publics de leaders aux défauts abyssaux. De Napoléon à Margareth Thatcher, en passant par Richard Branson, Winston Churchill, Steve Jobs ou Eugène Schueller (le fondateur de L’Oréal), nous avons un catalogue complet de défauts presque caricaturaux.

Peut-être l’un ne va pas sans l’autre, mais je crois surtout qu’un leader doit savoir utiliser les deux : ses atouts pour gagner, ses défauts pour ne pas perdre (de temps, de confiance, de lisibilité) 


Assumer ses défaut, c’est se libérer des contraintes

C’est en essayant de camoufler nos défauts que nous créons des contraintes qui freinent l’action et grignotent la confiance en soi. Les chercheurs en Analyse Transactionnelle ont identifié plusieurs messages contraignants fondamentaux que nous nous imposons.  Notamment ceux-là :

  1. « Sois parfait » : Nous amène à viser la perfection. Comme elle est impossible, nous vivons mal l’échec,  nous sommes déstabilisés par les moindres erreurs et sommes de perpétuels insatisfaits.
  2. « Sois fort » : Nous intime l’ordre de ne pas montrer nos faiblesses, d’être sur la défensive, de nous sentir agressé par la moindre critique.
  3. « Fais plaisir » : Nous pousse à rechercher l’adhésion, le consensus, la sympathie de l’autre plutôt que de regarder à la pertinence de nos actions.
  4. « Fais efforts » : Nous incite à nous justifier en permanence, à prouver que nous fournissons une énergie remarquable… et nous met en obligation de moyens plutôt que dans une obligation de résultats. 

En résumé, ces mots d’ordre que nous nous infligeons pour améliorer notre image nous coûtent du temps, brouillent notre image plus qu’autre chose, nous décrédibilisent parfois. Ils rongent notre leadership en tant que manager.

Bien sûr, le rapport que nous entretenons avec nos défauts est difficile à maîtriser. Tout cela est irrationnel et inconscient. 

C’est en se libérant de ses contraintes, et donc en acceptant d’être imparfait, vulnérable ou vu comme tel, décrié parfois et ne devant rien prouver à personne que par le résultats de nos actions, que nous gagnerons une posture de leader.

Les défauts, on ne les maîtrise pas, on les dompte !

Non, cet article n’est pas un appel à l’autosatisfaction. On peut assumer des défauts ET chercher à s’améliorer ou en limiter les effets néfastes sur les autres. Bien sûr, le rapport que nous entretenons avec nos défauts est difficile à maîtriser. Tout cela est irrationnel et inconscient. 

On devient un grand leader non pas en étant bon partout mais en étant excellent sur certaines qualités, et en utilisant ces qualités au maximum.

Pour commencer, il faut identifier clairement ses défauts. Là-dessus tout existe : 360°, test de personnalité MBTI, coaching, mais aussi retour de son manager. Bien sûr, l’identification de ses défauts est un exercice pénible, émotionnellement. Dites-vous surtout que c’est en les connaissant que vous diminuerez leur emprise sur vous. 

Et si vous croyez déjà les connaître, dites-vous que vous êtes, de votre famille, de vos amis et de vos collègues, celui qui les connaît le moins. Cela demande donc un peu d’humilité et de remise en question. 

Ensuite, il faut en dompter les conséquences sur les autres et sur vous-même. Sur les autres en limitant les dégâts de vos défauts (ex : si vous êtes vite énervé, en limitant les débats en public ou en soignant la préparation des recadrages de vos collaborateurs, etc.). Sur vous-même l’enjeu est d’ASSUMER, assumer que l’on ne vous changera pas et que l’enjeu n’est pas de vous changer en un être meilleur mais d’agir plus efficacement étant donné vos défauts. Derrière cette subtilité, il y a énormément de bénéfices.

Enfin, puisque la meilleure défense c’est l’attaque, la meilleure façon de faire accepter ses faiblesses est de mettre en avant vos forces décisives. On devient un grand leader non pas en étant bon partout mais en étant excellent sur certaines qualités, et en utilisant ces qualités au maximum.

La série BD « Quai d’Orsay », que nous vous conseillons ardemment et qui raconte la période de Villepin au Ministère des Affaires Etrangères avant la seconde guerre d’Irak, en est un exemple parfait. Obnubilé par sa propre personne, croyant qu’un coup de stabylo peut bouleverser le monde et changeant d’avis en permanence, le ministre est néanmoins un leader respecté par toute son équipe. Charisme, courage et dynamisme exacerbés aidant, il fédère ses conseillers de gauche comme de droite qui le critiquent bien sûr, mais donnent aussi toute leur énergie pour écrire les 125 versions d’un même discours, qui finira par marquer l’Histoire un 14 février 2003 aux Nations Unies.

La recherche de perfection est paralysante. Et nous rendons hommage à tous les managers qui assument leurs défauts et s’en font un tremplin pour avancer et changer les choses.

ALBUS CONSEIL