Catégorie : liberté

RH, Devenez Conquérants

Frustrés et agacés de voir la fonction RH souvent plus exécutante que leader, nous avons envie de donner à ceux qui l’incarnent des clés pour gagner enfin leur place : devenir des catalyseurs d’engagement, des sentinelles de la culture d’entreprise, des challengers de haute volée…Bref leur permettre de jouer le rôle majeur qui est le leur pour que nos organisations soient plus innovantes, plus prospères, plus sereines, plus humanistes. Cette crise mondiale qui a tant exposée les équipes RH n’est-elle d’ailleurs pas une très belle opportunité pour elles de prendre enfin le pouvoir ? Dans ce podcast, nous allons notamment parler de comment s’ouvrir à son écosystème et créer une vraie intimité avec les enjeux business et stratégiques pour devenir de solides business partners, d’aller sur le terrain et au contact des collaborateurs pour gagner en pertinence dans ses actions, de ne pas céder aux sirènes des modes actuelles, et de bien d’autres choses encore !

L’opposition ce n’est pas la guerre

Dans les entreprises, l’opposition fait peur. On la combat… Dans la société, l’opposition est devenu un sport clanique, une confrontation de haine et de préjugés réciproque. A-t-on perdu l’art de s’opposer sans se faire la guerre ? 
Et si demain on s’opposait à nouveau sans se détester ?

 

On déteste la pluralité

Dans une entreprise de quelques milliers ou même de quelques dizaines de milliers d’employés, ou dans un pays de 60 millions voire de 300 millions d’habitants, le consensus est impossible, pas souhaitable, suspect. Parce que nous avons des éducations, des sensibilités, des expériences, des sentiments, des objectifs différents, nous avons des opinions différentes et des façons différentes de les défendre.

Pourtant, tout se passe comme si on détestait cette pluralité ; comme si on détestait tous ceux qui ne pensent pas comme nous.

L’opposition à Sarkozy a coulé le Grenelle de l’environnement avant même son démarrage. Celle d’Obama n’a pas voté son plan suite à la crise des subprimes pour ne pas lui donner cette victoire. Aujourd’hui les opposants à Macron comme hier ceux de Hollande ne sont pas capables de sauver ne serait-ce qu’une idée, qu’une action. 
Tous ces opposants se discréditent en refusant la nuance. Ils se rendent repoussant pour ceux dont ils voudraient conquérir les coeurs et se retrouvent à travailler presque exclusivement cet électorat conquis qui vote pour eux sans même les écouter.

Aujourd’hui on ne peut plus critiquer un élu vert sans être un affreux productiviste irresponsable, on ne peut pas accorder le bénéfice du doute à l’action d’une multi-nationale sans être un agent pervers du capitalisme sauvage. Dans l’entreprise, les opposants, les élus des syndicats veulent la mort de l’entreprise dès qu’ils émettent une objection… Et inversement, les patrons serait systématiquement en train de nous la faire à l’envers à chaque prise de parole….. Des dogmes s’opposent, des intérêts contraires, et de moins en moins des idées, des arguments.

Pourquoi déteste-ton autant la pluralité ?

 

Le problème c’est que tout le monde y perd

Cette société s’organisent en factions rivales. Les cadres font face aux non-cadres ! Les « gens de gauche » sûrs qu’ils sont les seuls à avoir une morale, prêtent aux autres la seule volonté de s’en mettre plein les fouilles. Les écologistes détestent ceux qui défendent l’industrie (forcément des affreux), les « manif pour tous » accusent les autres de vouloir tuer la famille… On cherche à opposer les choses : la culture et l’économie, la qualité et la productivité, l’industrie et l’écologie… C’est plus simple, plus vendeur… Ça ressemble aux mauvais films américains de Marvel.

Et donc coup, on n’avance pas, on attend que l’autre se plante, on le désire même. On le rejette en bloc, de la première à la dernière phrase, on ne sauve rien… En réduisant l’autre à des intentions maléfiques, on envoie le message qu’on ne sera jamais convaincu, jamais embarqué… C’est en jugeant sans nuance et sans analyse que l’on fait le lit des Trump qui ne cherchent même plus à parler au peuple et se contentent de draguer son électorat pour l’électriser… Trump est ce que je crains le plus au monde mais il n’est selon moi que le symptôme d’une vie politique où l’opposition est si caricaturale, dans un sens ou dans l’autre, que la meilleure tactique est finalement de ne parler qu’à ses partisans.

On n’avance pas, on se chamaille. On n’avance pas, on fait et on défait. On freine et on dénonce. On n’avance pas. Mais s’agissant du Grenelles de l’environnement, n’aurait-il pas fallu tout faire pour réussir en 2007, et gagner 15 ans ?

Dans l’entreprise on continue d’avancer malgré tout parce qu’on est un peu plus à l’abri du n’importe quoi médiatique dans lequel on déchaine les passions plutôt que de chercher à faire réfléchir. Dans l’entreprise, on avance toujours parce qu’avec le vrai immobilisme on est vite tous perdants : point de salut si les produits ne se vendent plus. Mais le danger rôde, et l’aversion au risque se développe, probablement chez nous plus qu’ailleurs… On peine de plus en plus à avancer vite parce qu’on se craint, parce qu’on ne sait plus s’engueuler franchement.

Mais n’ayez pas peur de ne pas être d’accord ! C’est impossible d’être tous d’accord !  Impossible.  C’est même l’intérêt de l’humanité d’avoir ses différences. Moi je suis content qu’il y ait des militants de toutes les couleurs politiques, même d’extrême droite. Cela fait partie de la vie. Mais je suis navré qu’ils ne sachent plus se parler.

 

Alors revenons à un monde qui s’oppose GAIEMENT !!

La vie c’est le débat et la confrontation, la palabre comme dirait Edouard Baer. Ne rêvez pas de consensus, c’est impossible et chiant. 
Désirez l’opposition et la confrontation, mais n’oubliez pas les 3 règles d’or de l’opposition :

Votre opposant n’est pas le diable

Il est évidemment facile de dire que le patron veut du fric à tout prix, et exploite les ouvriers sans vergogne. Il est confortable de taxer le leader de la CGT de dogmatisme et de vouloir faire mourir l’entreprise pour prouver qu’il a raison. Il est évidemment tentant de prêter à la droite une absence totale de morale et à la gauche une absence de réalisme et de se taxer mutuellement de tentation autoritaire. Il est galvanisant de dire qu’un ministre de l’éducation veut la mort de l’école ou qu’un maire de Poitiers veut régir les rêves des enfants et les uniformiser.

Mais tout ceci est aussi faux que bête. Votre opposant a 99 fois sur 100 l’ambition d’améliorer les choses, mais son passé, son expériences et sa sensibilité l’amène à voir des solutions différentes des autres.

Nier qu’il puisse avoir une éthique, une intention louable c’est non seulement envenimer le débat mais en plus s’aliéner ses partisans en plus. 

Accepter l’idée que l’immense majorité des gens veulent le bien du plus grand nombre, c’est la première pierre du dialogue. Chercher à se comprendre plutôt que chercher à avoir raison. Si je devais débattre avec Marine Le Pen, je partirais du principe qu’elle veut le bien du pays… Parce qu’en lui prêtant des intentions diaboliques, non seulement le dialogue est impossible, mais en plus j’insulte ceux qui sont tentés par elle, et je les pousse vers elle.

 

Il y a bien plus de complexité que de complots

Dans la même veine et sans faire de ce court article un pamphlet anti-complotitiste, il est généralement absurde de lier une cause et sa conséquence directement : celui qui augmente les allocations chômage ne désire pas la mort du travail. Celui qui les baisse ne désire pas la mort des travailleurs. Ils expriment tous les deux les conclusions de modèles sociologiques anciens, qui visent l’un et l’autre au bien collectif. Adam Smith et Karl Marx sont des humanistes, ne l’oublions pas.
Mais surtout les décisions sont complexes et doivent prendre en compte de multiples facteurs. La décision de fermer les cinéma pendant le covid (que je regrette) doit néanmoins être comprise dans un système complet. De même on ne devrait pas privilégier les voitures électriques sans débat sur la production d’énergie ; on ne devrait pas passer au tout télétravail sans se soucier des retombées psychologiques et même relationnelles.

Quand vous vous opposez, quand vous ne comprenez pas la position de votre interlocuteur, c’est souvent qu’il prend en compte un autre facteur, une autre conséquence. Par exemple oser parler du coût de la santé publique est vécu comme une attaque du service public par certaines personnes d’extrême gauche… Mais ne pas en parler est vécu comme une attaque contre le service public par les électeurs de droite. Chez nous, ce débat n’est pas sur le but (en France, personne ne remet en cause la nécessité d’un hôpital public) mais sur les moyens d’y arriver. Et ce débat est passionnant. Mais il ne peut aboutir à une solution intelligente que dans la pluralité, pas dans le dogmatisme.

Donc cherchez à comprendre les conséquences que voit votre contradicteur, même si parfois il les exprime mal à vos yeux.
Le monde est trop complexe pour qu’un seul Homme le comprenne seul.

 

L’analyse et l’écoute sont les transgressions du monde moderne, adoptez les

Pour finir, soyons clairs : l’analyse et la réflexion ont perdu beaucoup de terrain ces dernières années. La colère et l’émotion en ont beaucoup gagné. On caricature les autres à l’extrême et on se replie dans le confort d’un cercle de gens qui pensent comme nous contre tous les autres.

La faute aux médias, fan des idées basiques ? Aux partis politiques qui draguent plus qu’ils ne réfléchissent ? A ceux qui ont eu le pouvoir qui n’ont pas eu le courage d’expliquer ? Aux réseaux sociaux qui donnent la prime aux pensées les plus extrêmes ? A nous tous qui préférons l’analyse séduisante qui cochent les cases de notre éducation ? Au monde plus complexe, si difficile à comprendre ? Probablement un peu de tout ça, et bien d’autres choses encore.

Mais du coup, la transgression suprême en entreprise comme dans la société, c’est de tenir compte des voix discordantes, d’envisager le débat avec les opposants, de reconnaitre à l’autre dont les idées sont si éloignées des miennes des intentions aussi nobles que les miennes.

J’ai eu la chance en 15 ans de conseil, de rencontrer des centaines de managers, des dizaines de dirigeants, de travailler indirectement pour des milliers de salariés, et je peux tenir le compte des situations auxquelles j’ai assistée dans lesquelles la seule explication possible est la malhonnêteté : 10 personnes, 20 max. Sur des milliers.
Le reste du temps, il y a de la paresse, des erreurs, de la peur, de la résignation, des préjugés, des généralisations, et puis parfois du génie, de la générosité, de l’écoute, du courage.

La transgression du monde moderne, c’est d’écouter les opposants, pour sortir de la paresse intellectuelle et réhabiliter l’écoute.
La transgression du monde moderne, c’est de recommencer à palabrer.

Appelez vos collaborateurs à l’aventure !

Motiver ses équipes est forcément une des missions les plus ardues du manager. Et cela entraîne fréquemment une tension avec ses collaborateurs : comment faire faire à quelqu’un quelque chose qu’il ne veut pas faire, ou du moins faire comme vous le souhaitez ? La solution est loin d’être simple mais avec les bons ingrédients, elle devient possible. Il faut leur proposer une aventure capable de les rendre fiers de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font. Votre job ? Créer les conditions pour rendre l’Aventure possible !

* Pour aller plus loin *

// A lire //

Motiver et mobiliser un collectif : le modèle de l’aventure

Le héros aux mille et un visages – Joseph Campbell

Le guide du scénariste – Christopher Vogler

// A voir //

Masterclass Christopher Vogler – Point de vue d’Alexandre Astier
Tout Star Wars, Le seigneur des anneaux, Kaamelott, Harry Potter, etc…

// Les extraits//

Le dîner de cons – Francis Veber
Walter Mitty – Ben Stiller
Star Wars, épisode IV : Un nouvel espoir – George Lucas
Le Seigneur des anneaux : Le Retour du roi – Peter Jackson
007 Spectre – Sam Mendes
Kaamelott livre IV – Alexandre Astier

Jacques Higelin – Lonesome Bad Boy

 

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil

Au micro : Camille Riou et Patrick Bois. 

A la réalisation : Laetitia Peyre

Manifeste pour l’entreprise apaisée

Stress au travail, empreinte carbone, sur-consommation… Et si on était en train d’assister à la fin de l’entreprise telle qu’elle a triomphé… Et si les espoirs trop souvent déçus de la bienveillance, de la liberté, de la culture du feedback s’expliquaient par le fait que ces démarches cherchent en fait à préserver un système déjà moribond… Et si était venu le temps de l’entreprise apaisée ?

L’entreprise apaisée, c’est la fin de la fuite en avant

Je n’ai jamais entendu parler d’un modèle d’organisation de l’entreprise qui ne visait pas la performance. Même l’entreprise libérée, qui me séduit jusqu’ici, est un pari de la performance par la responsabilisation.

Pourtant la croissance pose question d’un point de vue environnemental autant qu’elle interroge sur la place de l’individu là-dedans : dans les systèmes productivistes, communistes ou capitalistes d’ailleurs, l’individu est rapidement réduit au rang de ressource, de facteur, compensé par la possibilité de consommer en occident, et brimé tout court dans les systèmes soi-disant humanistes qui se réclament du collectivisme (d’où leur déclin inexorable probablement). 

Imaginer une entreprise apaisée c’est laisser tomber la croissance comme objectif en tant que tel. Elle peut être là dans certains cas, absente dans d’autres. En tous cas, la croissance doit devenir ce qu’elle aurait toujours dû rester : la conséquence d’un travail de qualité, obtenue après un juste effort, suffisant pour donner la sensation d’exister et alimenter le besoin de fierté individuelle, vitale à chaque humain. 

Plutôt que la croissance, on rechercherait l’équilibre année après année.

Dans laquelle la réduction des coûts serait remplacée par la réduction de l’empreinte

 Parce que l’un des grands facteurs de stress dans les entreprises c’est la recherche de gains marginaux en réduisant les coûts. Mais cette démarche de réduction permanente des coûts, violente pour les individus, a 2 bénéfices importants dont on parle peu et qu’il faut conserver :

  • Elle pousse à l’ingéniosité, stimule les esprits, fait évoluer les organisations et les empêche de s’encrouter.
  • Elle est très souvent une économie de ressource, et donc souvent un progrès écologique.

Justement, l’entreprise apaisée doit l’être avec son environnement. Il me semble donc que l’obsession des coûts peut être petit à petit remplacée par l’envie de consommer mieux, de produire mieux. Et bien sûr, il y aura parfois des emplois détruits dans l’entreprise apaisée parce que le progrès humain, y compris humaniste et écologique continuera à appeler la mutation des métiers, à entrainer le déclin de certaines activités au profit d’autres.

Inventer les façons de produire sobrement est une source d’ingéniosité sans fin, et la promesse de victoires aussi satisfaisante que de piquer un marché après une vilaine guerre des prix.

Douceur managériale, modération salariale

Apaisée évidemment veut dire que l’on prend plus le temps. Le temps pour progresser et apprendre. Il faut probablement renoncer aux promotions mitraillettes tous les 18 mois. Apprendre, progresser, développer les autres et améliorer les produits prend du temps. Trop souvent l’hyper stress est engendré par une promotion qui arrive trop vite, ou par une promotion trop désirée, trop tôt. 

Alors si l’on remet du temps long dans le management, il faudra aussi ralentir le rythme de l’augmentation des salaires. Mais n’est-ce pas cohérent de toutes façons avec la nécessité de moins consommer ?

Apaisée veut dire aussi une entreprise plus souple, moins in or out. Trop de stress pour préserver une position où on ne se sent pas bien. Il faut désacraliser la sortie. Apprendre à manager densément pour préparer des départs, des breaks, des retours. La vie en entreprise n’est pas un mariage à vie: on n’a pas la charge d’enfants, ou de devoir moral inconditionnel.

La vie en entreprise doit devenir pour chacun un parcours plus libre, plus varié, peut-être moins obsédé par la réussite et la nostalgie des temps anciens. Une entreprise est faite pour servir les Hommes aujourd’hui et demain.

Une entreprise apaisée doit donc laisser une certaine liberté de mouvement de décision et de débat. Non par démagogie mais pour faire au mieux de chacun et ne pas exiger une sorte de moyenne de tous.

Activité centrée sur le produit et le client

C’est l’artisan qui a finalement la clé de la modernité : une production patiente, durable, qui fait la fierté de son auteur et le bonheur de son client. Le tailleur de costume met 6 mois à réaliser votre vêtement. Le jean qui n’exploite pas les enfants et les ressources locales est plus cher mais aussi plus beau, vieillit infiniment mieux. Il faut réapprendre à ne vendre et à n’acheter qu’un jean tous les 3 ans. Un avion fabriqué trop vite peut avoir des défauts graves. C’est long de faire un bon avion. 

L’activité dans l’entreprise doit alors revenir au fondamental. A bon vin pas d’enseigne disait l’adage. Il faut ralentir les dépenses de marketing absurdes qui poussent à l’hyper consommation, revoir l’idée même de soldes et se concentrer sur la qualité de ce que l’on fait, chaque jour. Cette attitude vous amènera des tracas quand vos concurrents agiteront leurs égéries payées des millions, mais le client au final reconnaitra que votre produit est le meilleur.

 Une entreprise centrée client ne devrait pas s’épuiser dans des process complexes et des campagnes d’un autres temps. Comme l’artisan, elle devrait se concentrer sur la qualité de ce qu’elle fait.

 L’entreprise apaisée est donc soucieuse de la santé de ses fournisseurs, éviter de les contraindre excessivement sur les coûts au risque qu’ils perdent leur qualité, voire la vie.


Pacte avec les actionnaires d’un nouveau genre

Cette quête ne veut pas nécessairement dire des entreprises peu rentables. Mais 2 choses seront désormais difficiles à promettre aux actionnaires :

  • Une performance parfaitement stable et prévisible dans le temps.
  • Des niveaux records certaines années.

Il est probable qu’il faille, comme pour les salariés, chercher à séduire les investisseurs qui partagent tout ou partie de ces valeurs. Ce n’est pas illusoire tant les capitaux sont abondants en ce moment. Il est probable qu’une partie de finance solidaire, des fonds plus durables soient des partenaires de choix.

En tous cas, l’entreprise apaisée devra rémunérer ses actionnaires, avec des accords de long terme qui permettent l’ajustement d’une année sur l’autre.


Et pour y arriver, l’aventure, l’aventure, l’aventure

 L’idée de l’entreprise apaisée vous parait utopiste, inaccessible ? Réservé aux PME conçues comme ça ?

 Oui et non.

Oui c’est une forme d’utopie parce que c’est une quête infinie. On ne sera jamais 100% apaisés.

On aura toujours des démons intimes qui généreront du stress ; l’entreprise n’est pas responsable de tout. On aura toujours des coups durs, des épidémies paniques qui pèseront sur le moral et le sang-froid. Mais les progrès humains ont toujours été rendus possible par des idées, souvent la liberté, parfois l’égalité, ou encore l’harmonie.

Non parce qu’apaiser une équipe, un site est possible en commençant demain, même au sein d’un grand groupe, même dans une entreprise côtée et concurrentielle. L’entreprise apaisée doit être une quête unique et modeste, pour grands et petits, pour industriels et services, pour jeunes et vieux. Il ne s’agit pas de compétition mais d’artisanat.  

Il faut commencer par revenir aux 3 piliers essentiels de toutes discussions dans toute équipe dans toute entreprise : Le client, le produit, le salarié… Ou plutôt, dans l’ordre : le salarié, le client, le produit. Il n’y a que ça qui compte. Parler boutique, parler client et se parler. Lâchez le plus possible les discussions sur les indicateurs, forcément anxiogènes, sur les processus interne, toujours imparfait. 

Ensuite, on étirera le management dans le temps, pour regarder les progrès dans le temps long. On évitera de glorifier les équipes au moindre record (en donnant le message que les records, c’est le top) et on s’abstiendra de blâmer trop fort au moindre écart. Le management et la performance se mesure sur le temps long ; en regardant les efforts, le comment, plutôt que le Quoi, toujours malmené dans un monde aussi complexe que le nôtre.

Et puis, pour soi, on évitera de penser que le bonheur c’est d’avoir. D’avoir ce poste, ce titre, ce salaire, cette prime, cette gratification. Le bonheur c’est la vie au travail, performante, harmonieuse, qui permet de ramener à la maison des récits et des anecdotes, mais pas trop de stress et de tension. 

Éloge de la lenteur en management

Quand vous écoutez les anciens parler du monde du travail aujourd’hui, il revient régulièrement la phrase « ça va trop vite, maintenant, c’est fou ! ». On a tendance à prendre cela comme un compliment : on est plus efficace, on a accéléré…

Et s’il fallait prendre cela au pied de la lettre ? et si ça allait vraiment trop vite ? Et si on était vraiment devenu fou ?

L’optimisation sans fin

En entreprise, depuis le taylorisme, c’est toujours la même histoire. On doit accélérer, on doit optimiser, on doit réduire le « time to market », on doit chercher plus d’efficacité et de productivité. Les innovations vont toutes dans ce sens-là. Optimiser quoi qu’il en coûte.

D’ailleurs, le fait d’aller plus vite a permis de faire des progrès. Dans les transports, dans l’industrie, dans la transmission d’information notamment, beaucoup d’avancées ont été obtenues en accélérant le rythme parfois jusqu’à l’instantané.

Nous avons créé des organisations exsangues qui produisent des projets à n’en plus finir, sans que personne – ni en haut, ni en bas – s’en satisfasse

Comme souvent, c’est quand l’accélération est devenue l’unique mot d’ordre, une obsession, que les problèmes ont commencé à se poser. Quand on a brulé sur l’autel de la recherche de vitesse tous les autres enjeux : la prise de hauteur, le lien social, l’oxygénation. Nous avons créé des usines boulimiques, insatiables où les systèmes compressent le travail des hommes. Nous avons créé des organisations exsangues qui produisent des projets à n’en plus finir, sans que personne – ni en haut, ni en bas – s’en satisfasse. Nous avons créé un monde sans prise de recul où les erreurs se répètent, les femmes et les hommes s’épuisent, les progrès restent éphémères. Oui, les « anciens » ont raison, nous sommes devenus fous.

La lenteur, un ingrédient essentiel dans le travail

Étonnamment, la lenteur est devenue une tare. Rapprochée de la paresse ou de la bêtise, la lenteur est vue comme un défaut dans toutes les entreprises que nous connaissons.

C’est d’abord dû à la fascination de l’homme moderne pour la vitesse. Comme le dit Milan Kundera : « la vitesse est la forme d’extase dont la révolution technique a fait cadeau à l’homme ». Cette citation est tirée d’un ouvrage intitulé La Lenteur (Harper Perennial, 1994).

Dans ce livre, il explique que le bannissement de la lenteur dans la société moderne pose un problème majeur d’oubli. La mémoire a besoin de temps pour s’imprimer, et plus on va vite, plus on oublie. Nous le voyons tous les jours en entreprise : plus personne ne se souvient de la grande vision « Ambition 2025 » lancé par l’ancien directeur en 2015, tout le monde sait quand commencent les innombrables projets qui vont révolutionner notre vie en 6 mois mais ils ne vont jamais au bout, et on refait invariablement les mêmes actions, avec les mêmes erreurs, toujours un peu plus vite…

Jouer une partie à toute vitesse, ce n’est souvent que reproduire une partie que l’on connaît

Un joueur d’échecs ou de Go vous expliquera que l’innovation a besoin de lenteur. Jouer une partie à toute vitesse, ce n’est souvent que reproduire une partie que l’on connaît ; un artisan vous dira que la lenteur est nécessaire pour mettre en œuvre tout son savoir-faire, pour prendre le temps de penser ce qu’il fait, tout simplement. 

D’ailleurs, dans nos temps libres, nous recherchons souvent la lenteur : bricoler tranquillement, marcher sereinement, etc. Nous le faisons pour nous reposer, mais aussi parce que la lenteur fait du bien, permet à notre esprit de vagabonder et d’apporter à notre conscience des choses nouvelles, des idées différentes.

 Se souvenir, innover, développer notre savoir-faire, nous oxygéner… tout cela manque tellement en entreprise aujourd’hui !

Redonnons une place à la lenteur dans le monde du travail

Essayer de réinjecter tout cela en entreprise, c’est remettre de la lenteur et donc aller à contre-courant de la frénésie omniprésente. Ainsi, c’est d’abord un acte de courage !

Sur certains sujets choisis, la lenteur est utile voire indispensable

Pour que ça fonctionne, nous avons donc deux conseils : choisir ses combats et y aller à fond. Choisir ses combats, c’est une façon de rester compatible avec le rythme de l’entreprise dans laquelle vous évoluez. Mettre de la lenteur partout, ce serait désorienter tous ceux qui travaillent avec vous et vous y perdriez plus que vous y gagneriez. En revanche, sur certains sujets choisis, la lenteur est utile voire indispensable : un changement d’organisation, un changement de culture et plus globalement les grands enjeux humains, tout ceci nécessite prise de hauteur et maturation comme la lenteur seule peut vous en fournir.

Sur ces points-là donc, allez-y à fond dans la lenteur. C’est presque un art de manager, un modèle anti-hackathon. Il consiste à challenger à l’inverse vos collaborateurs. Par exemple, s’ils vous disent qu’ils peuvent traiter un de ces sujets en 1 mois, demandez-leur de le traiter en 6 mois mais de le commencer tout de suite.  L’un de nos clients a dit à son Codir récemment : « D’habitude, nous mettons 5 sujets-clés à l’ordre du jour d’un séminaire ; aujourd’hui, je vous propose de ne mettre qu’un sujet à l’ordre du jour des 5 prochains séminaires : notre modèle managérial ». C’est l’idée.

C’est un ajustement complet qu’il faut opérer : savoir sanctionner une action qui a été faite correctement mais trop vite, savoir valoriser la lenteur et la profondeur de telle autre, etc. Fixer un délai du type « pas avant… » plutôt que par ASAP.

Cela peut paraître caricatural mais nous luttons ici contre un réflexe très ancré. Pour réussir à être lent, il vous faudra justement être patient !

Managers, soyez Punk

Managers, vous êtes écartelés sur le terrain entre vos convictions (ce que vous aimeriez faire) et ce que l’on vous demande de faire ? Vous êtes soumis à la pression du résultat court terme alors que vous savez que la performance est un sport d’endurance ? Vous êtes mis sous pression et vous aimeriez éviter de mettre sous pression votre équipe ? Alors le diagnostic est simple : vous êtes managers au XXIème siècle ! Et le remède idéal : être punk !


Le système mondial actuel n’est pas tout noir

A écouter les gens se plaindre de notre système, de nos élites, de nos médias, des actionnaires court termistes, des logiques financières, des contraintes venues du central, on en finit par se dire que nous vivons dans un monde pour le moins décadent…

Mais c’est une caricature, et une expression du penchant humain à regarder d’abord le verre à moitié vide.

Notre système est aussi le plus pluriel qui n’ait jamais existé, notamment avec l’explosion des moyens de communication, les libertés n’ont probablement jamais été aussi fortes, notamment parce que l’accès à l’information n’a jamais été aussi libre. Le système libéral n’est pas seulement cynique. Il est cynique ET généreux. Il engendre violence ET bienveillance. Il sait être court terme ET long terme. Le système libéral est vertigineux parce qu’il s’adapte à tout, digère tout : à Montreuil par exemple, il y a une boulangerie anarchiste auto-gérée, une mutuelle municipale ET des cadres de grandes entreprises, des starts-up de l’économie numérique.

La question dans ce système dur, mais libre, est donc de savoir comment utiliser cette liberté pour diriger la société (à petite ou grande échelle) dans la direction souhaitée.

En revanche, il est difficile à contester globalement

Ce qui est vrai en revanche, notamment dans les entreprises, c’est que les décisions se morcellent, s’éloignent, se globalisent et donc deviennent très difficiles à contester quand elles prennent le mauvais chemin. Il est très fréquent que des conflits sociaux s’enlisent parce que les élus exigent des décisions avec lesquelles le RH est d’accord (au moins partiellement) mais qu’il ne peut pas prendre, alors qu’il le pouvait quelques années auparavant. C’est évidemment le cas des dépenses au niveau national, qu’on ne peut plus augmenter (puisqu’il faut emprunter à l’extérieur) ou dans les entreprises, où les politiques salariales ne sont souvent plus à la main du RH local.

La contestation directe est donc de plus en plus vaine et donne le sentiment que la marche du système est absolument inéluctable.

En réalité, le système est tout à fait contestable, et probablement plus facilement qu’aux époques où les opposants pouvaient encore être matés par la force (En France il n’est pas nécessaire de remonter très loin : Rainbow Warrior en 1985, manifestant noyé dans la Seine en 1986). Seulement il ne peut être contesté dans sa globalité et sans tenir compte des multiples interactions dans le monde entier.

Comment être managers dans ce contexte

Notre manager (et notre syndicaliste d’ailleurs) doit donc revoir sa méthode de contestation et de résistance. Aujourd’hui, elle doit reposer sur les actes citoyens, sur le fait de faire différemment pour inspirer les autres, et finalement changer les décisions globales. Le changement est plus que jamais dans les mains de chacun qui doit trouver dans ses degrés de liberté, évidents ou oubliés, les leviers de défense de ses convictions.

Evidemment en temps que managers, le problème est plus aigu encore que pour le citoyen : parce que vous êtes de fait une partie de ce fameux système avec un impact sur un groupe de gens : autrement dit, si vous vous plaignez du court termisme ambiant, mais que vous le transmettez à vos équipes, vous souffrez peut être du problème, mais vous en faites partie.

La position du manager est donc probablement de moins en moins tenable, entre un système à contester mais une contestation plus dangereuse encore que le mal.

La solution, le retour au Punk

Ce n’est pas une blague, même si bien évidemment la crête rouge reste facultative. Le mouvement Punk est une contestation par les actes et non pas par des valeurs dogmatiques : le mouvement Punk est une philosophie qui prône le fait de se construire ses propres valeurs et de les défendre, sans se soucier du qu’en dira-t-on. On n’a jamais vu un punk exiger de vous de porter les mêmes vêtements que lui. En revanche, il revendique le droit de les porter lui même.

Nous croyons beaucoup à cette subtilité pour le manager d’aujourd’hui : ne pas prendre les valeurs de l’entreprise toutes crues, mais comprendre ses propres valeurs, et se battre pour les faire vivre au quotidien. Si les valeurs de votre entreprise sont contraires aux vôtres, quittez la. Si elles sont différentes sans être opposées, alors agissez au quotidien en fonction de vos valeurs, et revendiquez le droit de le faire, sans les imposer aux autres. 

Le manager Punk est un manager qui apprend à utiliser les libertés du système pour faire exister ses valeurs et se soucie peu de savoir s’il plaît aux autres, ni si tout le monde fait comme lui. Il est plus danois (les danois sont les plus vertueux en matière d’écologie sans se soucier de leur impact à l’échelle de la planète) que français (qui aimeraient beaucoup que le monde leur ressemble sans forcément se soucier de respecter eux mêmes les vertus qu’ils prônent). 

Le manager Punk qui croit au long terme et veut développer ses équipes, peut le faire dans notre système, contrairement à ce que l’on dit souvent ; il va organiser des échanges sur la carrière des équipes (qui l’en empêche ?), programmer des moments de réflexion sur le long terme (qui le lui refusera ?), envisager les actions sur 2/3 ans plutôt que sur 1 (qui le contestera ?)

En revanche le manager Punk ne passera pas ses journées et son énergie à se plaindre que les actionnaires veulent des résultats cette année (vont-ils changer ?), ne va pas rebalancer les objectifs qu’on lui donne sans les expliquer, les critiquer, les adapter à la réalité.

Mes Punks à moi

Dans notre podcast sur la vision, nous classons De Gaulle dans cette catégorie, parce qu’il résiste malgré la capitulation, parce qu’il ne s’aligne pas avec les États Unis malgré les pressions, parce qu’aussi il résiste aux progrès sociaux malgré les demandes de la rue…Le Punk n’a pas toujours raison…

Dans les entreprises, il y a des exemples de Punk, nombreux :

  • Un directeur de Raffinerie qui refuse d’afficher un objectif de 0 accident, inaccessible… et qui bat un record historique 1 an plus tard.
  • Un DRH de la même usine qui dit : faites ce qu’il y a à faire, et si nous avons des contestations, je défendrai les convictions que je partage.
  • Un patron de réseau de distribution qui défend des objectifs de moyens, des primes collectives, face à un système qui exige des résultats court terme et 100% CA/renta.
  • Une patronne de site qui défend sa vision de son site et ose se faire mal voir de sa hiérarchie (et freine sa carrière) mais fait de son usine la meilleure de son groupe en moins de 5 ans (et on partait de loin).
  • Une manager qui dit la vérité à ses équipes, un autre qui préfère dépasser ses droits pour pouvoir donner plus de sens, un qui refuse de virer son n-1 dont tout le monde veut la peau parce qu’il croit encore en lui, un autre qui va chercher son fils à la fin de la journée, et tant pis pour les réunions après 18h.

Il y a beaucoup de contraintes dans les entreprises, mais un grand nombre sont aggravées par notre docilité, et une résignation injustifiée. Avant de faire du reste du monde les coupables, le Punk s’aligne avec ses propres visions.

Et pour ceux qui s’inquiètent de la dimension anarchique du mouvement Punk, rassurez vous : le monde du XXIème est probablement le plus proche de l’anarchie dans l’histoire de l’humanité, d’où probablement le regain d’intérêt pour les fascismes. Mais avant d’avoir recours au remède le plus inquiétant qui soit, tâchons de profiter de la liberté que nous avons pour défendre les valeurs auxquelles nous croyons, par les actes, pas par la morale.

Punks not dead.

L’irrésistible Monsieur Trudeau

Il est jeune et peu expérimenté et pourtant il fait l’unanimité (ou presque) dans son pays et ailleurs… Depuis octobre 2015, Justin Trudeau, 1er ministre du Canada, ne cesse de fasciner et de faire parler de lui en prenant le contre-pied de la tendance conservatrice mondiale.  

Il aime le multiculturalisme, il aime la parité, il aime l’ouverture et il accueille les immigrés à bras ouverts. Et cet amour de la diversité il le montre à travers la nomination de son cabinet ministériel : autant d‘hommes que de femmes, des sikhs, des autochtones, des musulmans, des juifs…

Les profils très différents de cette équipe de choc, sont le vrai atout de ce nouveau type de leader : il cherche leur complémentarité autant que leur antagonisme. Justin Trudeau veut une équipe pour co-construire des solutions innovantes mais surtout pour être challengé. Il est convaincu que le mode participatif est l’optimum de la collaboration.

Il appelle ça « le government by cabinet » :  Chaque ministre est libre d’avoir des opinions dans son domaine et de les partager publiquement.  Ils peuvent discuter et tester leurs idées directement avec le public, sans avoir nécessairement eu un consensus du gouvernement avant : c’est du « test and learn » en direct des idées. Le partage de l’information se fait alors même qu’elles sont encore embryonnaires pour tester leur viabilité !

A côté de ça il assume complétement un énorme optimisme, une humilité avec des mea culpa… Bref, vu sous cet angle il semble être le manager idéal !

Sans rentrer dans le détail de ses réformes et de leur succès qui restent discutables, il est évident que son style de management est bon.

Alors inspirez-vous : acceptez la différence dans vos équipes et profitez de la richesse du challenge que cela engendre. N’ayez pas peur de partager vos idées et projets, très tôt avec vos équipes pour les mobiliser.

Et surtout restez optimistes !  

Et si on jouait plus dans le travail ?

 

C’est frappant à quel point les gens ne sont pas les mêmes dans la vie professionnelle et la vie de loisir. Les tentatives louables (serious game, teambuilding, babyfoot dans la salle de pause) permettent de faire jouer avec les collègues, à côté de l’entreprise, mais pas dans l’entreprise. Et pourtant le jeu n’est pas qu’un divertissement, c’est un mode d’apprentissage, et même un mode de relation.

 

La vie en entreprise, on n’a pas le temps de s’amuser

Nous travaillons dans beaucoup d’entreprises, des PME aux grands groupes, et il faut bien dire que l’on ne prend pas vraiment le temps de jouer. D’abord parce que le stress et la pression ne semblent pas le permettre. Le rythme est trop dense, soyons efficaces et ne perdons pas de temps.

En fait, on nous apprend plutôt l’inverse : on travaille sa posture pour paraître professionnel (l’inverse de l’amusement), comme un masque que l’on met en entrant dans les locaux de son bureau et que l’on garde jusqu’à sa sortie. Dans le monde du paraître où l’on tremble à l’idée de faire mauvaise impression, et où le jugement par les autres est en effet si rapide, on se blinde et on reste sérieux. 

Ce n’est pas vrai partout peut-être, mais c’est très majoritaire un peu partout, et particulièrement dans un Codir, dans un groupe de responsables ou de managers. Les gens se drapent d’une autorité qui doit se voir de l’extérieur : « soyons pressés, décideurs, efficaces, bref soyons sérieux ».

 

La vie à l’extérieur du bureau, on a besoin de jouer

Pourtant, une fois sortis de l’enceinte de l’entreprise, le soir, le week-end ou pendant les vacances, les gens ont besoin de s’amuser, de se détendre, de jouer. Ce n’est pas qu’un besoin d’évasion, c’est aussi par le jeu que l’on apprend, que l’on entre en relation avec l’autre, que l’on passe à l’action. En jouant, nous activons une autre partie du cerveau, nous créons plus en réfléchissant moins avant d’agir, nous sortons de l’activité directement et nécessairement utile, nous entrons plus facilement en contact et en relation avec les autres car nous n’avons pas besoin de dire quelque chose d’intelligent ou de vérifié, nous créons des liens par le biais d’échanges sans enjeu.

Regardez comment on brise la glace dans un dîner ou une soirée entre personnes qui se connaissent peu : un jeu de société, un quizz, etc. Sans jouer, l’homme serait beaucoup moins l’animal social décrit par Aristote.

Et pourquoi ne le faisons-nous pas au travail ?

Nous sommes les mêmes personnes dans et hors du travail, avec la même sensibilité, les mêmes valeurs, les mêmes émotions, la même maturité. En étouffant au travail notre besoin de jouer, nous nous coupons d’une partie de nos ressources intellectuelles, mentales, sociales.

Pourtant, tous les héros jouent

Il y a plus d’Obélix que d’Astérix dans la vraie vie. Obélix ne peut pas aller au bout de sa mission sans jouer, ce qui est une façon de prendre le sujet (souvent sérieux, comme se sortir du labyrinthe de la pyramide) pour trouver les solutions et l’énergie nécessaires pour avancer. Mais l’on pourrait citer James Bond, Frodon, Harry Potter, Indiana Jones, etc. presque tous les héros jouent en faisant leurs exploits.

Comment mettre le jeu DANS le travail ? 

Les jeux d’entreprise aujourd’hui sont trop encadrés, trop artificiels ou trop événementiels. Le plus souvent, ils se résument à une activité de Team Building, astucieusement placée en juillet (car l’activité est souvent plus faible) et agrémentant un séminaire d’équipe ou une fête de fin d’année. Sous cette forme, cela permet de se détendre et de passer un bon moment ensemble mais ça ne change ni les relations ni la façon de travailler.

Le serious game est un genre intéressant, il permet de se poser des questions opérationnelles ou business par le biais du jeu. Malheureusement, il est peu utilisé, souvent ponctuel et ne traite pas de sujets réels mais de cas fictifs.

Reste le babyfoot (ou équivalent) en salle de pause, qui est encore le plus intéressant. Il peut permettre de se parler différemment, de réfléchir à un sujet sérieux tout en se détendant, de faire des arbitrages ludiques, de se détendre aussi. Il est surtout intéressant car il est quotidien, son usage est répété, facile, intégré dans l’environnement de travail.

Le manager peut et devrait utiliser davantage le levier du jeu

Pour aller plus loin, il faut jumeler le levier du jeu avec l’action managériale, pour lui donner plus de terrains de jeu et plus d’utilité potentielle :

  • En utilisant des règles de jeu pour cadrer une réunion de travail. Ainsi il faut commencer chaque phrase par « oui et » pour favoriser l’écoute et passer le messsage à une équipe trop systématiquement critique qu’une idée même bancale peut servir à en trouver une bonne. 
  • En donnant des rôles comme dans les chapeaux de Bono (article wikipedia) pour favoriser la créativité et le collaboratif, et montrer aussi que l’autre, même trop optimiste ou trop négatif pour nous, peut avoir une place dans une co-construction.
  • En préparant des surprises : au lieu de la réunion de service habituelle, proposer une réunion à part. Par exemple, en proposant à votre équipe de n’envisager que des actions au bénéfice des autres pour leur apprendre à décloisonner, ou en se mettant dans la salle habituellement réservée au comité exécutif pour essayer de leur faire prendre du recul, ou en invitant des personnes d’autres services, sans avoir une raison particulière de le faire, pour leur demander leur vision extérieure.

Ces idées, et bien d’autres, vont activer différemment vos équipes. Pour être plus créatif bien sûr, pour changer notre rapport à l’erreur et arrêter les non-dits aussi (on peut passer les messages de façon beaucoup plus directe et dépassionnée par le jeu), et donc éviter ou sortir de blocages importants. Bref, jouer n’est pas qu’un luxe, c’est un besoin et un levier qu’il serait bête de ne pas exploiter.

Pour être de bons idéalistes, soyons réalistes !

Nous avons été voir L’île des esclaves au théâtre du Nord Ouest. La pièce de Marivaux met en jeu deux couples maître-esclave dont les rôles sont inversés pour servir de leçon aux maîtres. Dans cette version, le metteur en scène a trouvé la fin trop belle : contrairement à la pièce originale, les maîtres libérés de leur esclavage reprennent le pouvoir sur leurs anciens esclaves.

Mais pourquoi ces derniers acceptent-ils ?

Ce n’est pas rationnel mais assez réaliste finalement, surtout quand on compare à ce qu’on voit dans nos entreprises.

Les projets de libération des entreprises se heurtent souvent à ce phénomène : on donne de la liberté mais les salariés finissent par la refuser. Ce n’est pas dit ouvertement mais au fond, le retour au confort de ne pas avoir à décider et à se gérer soi-même est trop tentant.

En fait, chez Marivaux, comme dans nos entreprises, surtout quand elles sont dirigées par des personnes ambitieuses, on a tendance à aller trop vite. Le changement brutal crée un traumatisme qui rend difficile l’acceptation du nouvel état d’égalité et de liberté. Les plus avancés dans la hiérarchie veulent reprendre le pouvoir, les moins avancés dans la hiérarchie veulent retrouver leur confort.


Alors comment faire ?

Le plus important dans la libération des entreprises c’est de garder son idéal mais en étant réaliste. Conserver son ambition à long terme mais en acceptant que ça doit être un processus pour lequel il faut du temps et de l’accompagnement. Sinon, l’effet balancier vous ramènera à la case départ. 

Réhabilitons l’enfant en management

Il y a quelques mois, nous fustigions la tendance au management-Parent de beaucoup de managers. Mais pour compléter, nous voulions réhabiliter le management-Enfant au sens de l’analyse transactionnelle. Un peu de théorie managériale pour une fois, aussi accessible que possible, c’est promis.

(comprendre l’analyse transactionnelle)

 

Le règne de l’adulte, sous le régime du parent

L’entreprise aujourd’hui, c’est un peu le régime politique iranien (sans ironie). En Iran, le président est élu au terme d’un processus démocratique assez avancé, si si. En revanche il est inféodé aux Ayatollahs, régime permanent, discret officiellement mais presque tout puissant quand la nécessité l’exige.

Notre entreprise est pareil si l’on regarde le régime managérial sous l’angle de l’Analyse transactionnelle : on prône l’Adulte comme point stable de la relation, et implicitement on exclue les 2 autres penchants naturels : Enfant et Parent… Et puis, dans la réalité, mais sans se l’avouer, nos entreprises hiérarchiques créent en fait une série de relations « Parent/Enfant » non assumées, avec une injonction contradictoire : « Obéis, mais soit autonome ». Résultat, de la passivité à grande échelle.

Dans tout ça, on refoule finalement l’Enfant, souvent en le confinant dans des parcs très contrôlés : séances de brainstormings, teambuildings… Allez, là on s’amuse, et après, on arrête. 

 

Pourtant l’enfant ce n’est pas l’immaturité

Ecoutant récemment « La tête au carré », émission scientifique de France Inter où il était question des rapports entre les humains et leurs chiens ou chats, l’invité faisait la remarque suivante : « l’enfant ne se comporte pas avec l’animal en se demandant si son attitude est normale ou pas, efficace ou pas. Il considère (sans même se poser la question) que l’animal est un autre être, sensible, avec lequel il peut jouer mais dont il doit aussi prendre soin. Naturellement, sans morale ».

L’adulte c’est le rationnel, certes, mais c’est donc aussi le calcul. La relation Adulte/Adulte est une relation de compromis et d’intérêts croisés bien compris. Ceux qui en font l’apologie font aussi l’apologie du libéralisme le plus pur, celui d’Adam Smith et de David Ricardo : les relations entre les hommes se régulent dans la comparaison des intérêts de chacun. 

L’Enfant, et en particulier la relation Enfant/Enfant, c’est au contraire une relation qui peut être très productive mais dont la base n’est pas le calcul mais l’envie, le plaisir de faire des choses ensemble et on verra bien ce qu’il en sortira. Réduire l’enfant à la créativité, c’est oublier que ce qui fait d’abord la finalité de cet état : la volonté de créer des liens.

Récemment en mission dans une usine normande, nous travaillions avec une manager très « Enfant libre » dans son management. Elle est créative, mais sa plus grande force est de nouer des liens avec une rapidité incroyable et sans calcul : dans ses équipes, avec ses pairs, avec les extérieurs. C’est cela qui fait d’elle une manager supérieure à la moyenne sans avoir à cocher toutes les cases du manager parfait. Elle sait fédérer, résoudre des conflits, pousser les autres à se dépasser. Etonnamment, les résultats suivent !

 

Pas de oui mais !

Une fois qu’on dit ce genre de chose, on a le droit à des « oui mais » : oui, mais quand même, il faut fixer des limites et ne pas tomber dans l’affectif et le copinage. Oui mais la raison et la rigueur c’est plus important, pour aller au bout de toutes les priorités demandées et être efficace, etc.

Comment fait l’enfant pour apprendre l’équilibre, les couleurs, les sensations, les réflexes ? Il joue !

Oui mais non, nous ne sommes pas d’accord. L’entreprise manque d’Enfants, et même de ses excès. Il faut retrouver du plaisir au travail. Il faut retrouver l’énergie que procure la sensation de faire les choses parce qu’on s’éclate à les faire, et pas seulement parce qu’un calcul rationnel a dit que c’était nécessaire !

Nous cherchons à faire des équipes redoutables, qui dépasseraient les attentes… et bien, vous savez quoi ? Sur le papier c’est impossible. Parce que les gens travaillent d’abord pour gagner leurs vies et que les objectifs sont toujours trop ambitieux, parce que les projets sont trop lourds et qu’on n’a plus les moyens de tous les mener de front !

Sur le plan du rationnel, ce que vous leur demandez est impossible. Donc, créer une équipe insouciante est le seul moyen de résoudre la quadrature du cercle.

D’ailleurs, comment fait l’enfant pour apprendre l’équilibre, les couleurs, les sensations, les réflexes ? Il joue ! Sur le papier, la to do list des 2 premières années d’un nourrisson est invraisemblable. Mais comme il ne se pose pas la question, et aborde toutes les épreuves sans calcul et par le jeu, il y arrive.

 

C’est google qui a raison alors ?

Google, ses toboggans et son goût du jeu ont-ils finalement raison ? Et leur modèle est-il une référence ?

Nous n’en sommes pas sûr. Ce qui est bon chez Google c’est la moindre inhibition de l’enfant mais d’un autre côté, il est plus encadré qu’il n’y paraît car le jeu est planifié. Et il ne faudrait pas oublier que la population qu’ils adressent n’est pas celle de 90% des entreprises d’Occident.

Nous préférons une approche moins totale et donc plus réaliste pour nos entreprises.

L’idée est de mettre en place un traitement en mini-doses régulières. On libère un peu les réunions, avec une séance post-it et une question un peu décalée avant de passer aux sujets plus classiques. On prend 5 min en début de réunion sans sujet particulier pour commenter l’actu, sérieuse ou non, pour se détendre. On retrouve le plaisir simple d’un gâteau maison partagé, d’une journée porte ouverte pour montrer à nos enfants qu’on est sérieux, mais pas ennuyeux.

Et puis on arrête de confondre compétence et sérieux. Einstein n’était pas austère… Etait-il dilettante ?

ALBUS CONSEIL