Catégorie : Management

Faut-il vraiment être franc ?

Nous sommes nombreux à nous considérer francs et pourtant, il nous arrive à tous de repenser à des vérités non dites. Sommes-nous des hypocrites ?

J’espère que non et en tout cas, je n’ai pas envie de l’être. Mais la franchise c’est dur et ça peut nécessiter une approche particulière. Voyons laquelle…

La franchise est essentielle pour collaborer

Nous sommes presque tous d’accord pour dire qu’un système ne fonctionne pas sans franchise. Peut-on envisager une collaboration saine fondée sur le mensonge ? Imaginez-vous devoir reconsidérer tous les propos en permanence par peur (ou conviction) de mensonge. De même, pensez à cette personne qui cache toujours ses intentions réelles, exagère en permanence ses hauts-faits ou masque ses erreurs. Vous en avez une en tête et vous soupirez ? Moi aussi. 
 
Si bien que ce bon vieux Kant considère qu’on ne devrait mentir sous aucun prétexte pour une réelle bienséance. Pas du tout extrémiste le bougre…

Mais l’idée est là : sans franchise comment faire confiance ? Comment aider un collaborateur sans lui dire honnêtement où il peut progresser ? Comment faire évoluer une posture sans pointer les bons axes d’amélioration ? Comment aider votre oncle sur son horrible bœuf bourguignon si vous prétendez l’avoir adoré ? 

Mais c’est dur, alors ça en devient rare
 

Mais si nous sommes nombreux à être convaincus de sa nécessité, nous le sommes aussi de la difficulté de l’exercice. 

Vous avez peut-être déjà entendu parler de l’idée de « la collection de timbres » ? Cette idée selon laquelle une personne qui aurait un feedback, un désaccord ou une frustration ne l’exprimerait pas à l’instant T puis accumulerait ces non-dits et finirait par exploser contre un de ses collègues et lui reprocher tous les timbres précédents. Le dit-collègue, ne l’ayant pas du tout vu venir, se plaindra alors : « Mais pourquoi n’as-tu pas été honnête plus tôt ?? » Effectivement, pourquoi ? Pourquoi c’est si dur ? 
 
C’est dur parce qu’on a peur. Peur des réactions. Peur que ce ne soit pas le moment. Peur de ne pas être légitime à donner son opinion. Peur des représailles. Peur d’être exclu. Peur de blesser tout simplement. A tort ou à raison, on associe parfois la franchise au conflit. Parce que les moments où l’on a du mal à être franc sont des moments où cette honnêteté peut être mal reçue. On a généralement moins de problèmes pour dire que le plat était délicieux, ou que le travail rendu était excellent. Encore qu’on a peut-être tendance à l’oublier aussi. Et on peut y voir un lien : si on ne dit pas ce qui est difficile ou en deçà des attentes, comment dire c’est qui est bien ou mieux ? 
 
Mais si on a si peur, c’est qu’on risque peut-être de s’exclure. Auquel cas, c’est peut-être à raison ?

 

Il peut y avoir de bonnes raisons de ne pas l’être
 

Comme toute vertu, utilisée à tort et à travers, elle peut devenir néfaste et la difficulté de l’exercice peut signifier qu’il ne faut pas toujours foncer tête baissée. Cette fameuse intuition, qui rend la franchise si ardue peut en être un indicateur. Elle n’a pas toujours tort et ELLE, elle est franche à tout moment. 
 
Alors non, n’allez pas mentir comme des arracheurs de dents… Mais il arrive de vouloir être honnête pour les mauvaises raisons ou aux mauvais moments.

Les personnes se targuant d’être trop franches ou n’ayant aucun problème à exprimer les vérités difficiles peuvent être violentes. Vous en connaissez sans doute. Celles qui, sous couvert d’honnêteté, se permettent de flirter avec l’agression verbale. Elles n’ont pas peur, elles. Peut-être que de temps en temps elles devraient…

Elles devraient parce que de temps en temps, la franchise n’apporte rien et n’est même qu’un prétexte pour blesser. Annoncer à un de vos collègues que vous trouvez son bébé répugnant n’aura pas d’autres impact que de le heurter. Votre manager a peut-être une coupe de cheveux que vous trouvez franchement ridicule mais ça ne l’aidera pas à améliorer sa posture managériale. A quoi bon être franc ici ?
 
On peut aussi vouloir l’être pour se venger d’une remarque (honnête) qu’on aurait mal prise. Là encore, on peut se demander si la franchise a pour vocation d’aider l’autre ou si elle n’a que pour objectif de nous soulager. D’évacuer une frustration. Se questionner sur l’objectif derrière le partage du message peut aider pour savoir si c’est la bonne chose à faire ou non. « A quoi bon être franc ? »

Mais comment faire quand on doit l’être ?
 

Parfois, on conviendra qu’il faut l’être. Il faut l’être parce que le message peut aider un collègue. Il faut l’être parce que s’épargner la difficulté d’être franc, c’est se passer le message qu’on n’est pas capable de la surmonter, et la prochaine fois sera encore plus difficile. Il faut l’être parce qu’en voulant éviter de blesser un collaborateur on peut lui laisser des œillères qui rendront son travail encore plus difficile. Parfois il faut l’être parce que le bœuf bourguignon de votre oncle est VRAIMENT IMMONDE. Parfois il faut l’être parce qu’avoir peur peut ne pas être une raison suffisante. 
 
Alors on se doit d’être franc, pour nous même et pour autrui. 
Si c’est difficile pour vous, dites-le ! Cela facilitera la réception de l’information par le destinataire. Être franc, c’est aussi l’être sur soi-même. De la même manière, ce petit exercice qui consiste à se demander pourquoi on pense qu’il est important de l’être à cet instant peut être intéressant à partager. Là aussi, on partagera sa gêne, on sera honnête sur son propre ressenti, on déclenchera l’empathie de la personne en face de nous et on agira en faveur d’une ambiance et d’une confiance nécessaire à une franchise efficace.
 
Et si c’est difficile c’est aussi peut-être que le cadre n’y est pas du tout propice et on peut travailler dessus pour favoriser la réception du message. Peut-être que votre entreprise n’a jamais facilité les retours réguliers et que cela aiderait les 2 partis ? Peut-être que vous n’avez jamais créé de relation en amont avec votre collaborateur et que, sans utiliser cela pour se défiler, un autre collègue aura plus de succès dans l’exercice pour éviter un dialogue de sourd et donc permettre l’amélioration voulue ? Peut-être qu’un peu d’humour, sans pour autant l’utiliser pour brouiller le message, rendrait l’atmosphère plus légère et vous aiderait aussi bien-vous que votre interlocuteur ?
 
Malheureusement, l’exercice ne deviendra jamais une partie de plaisir mais la grande méchante franchise paraitra surement un peu moins effrayante et avec un peu de chance, le bœuf bourguignon de votre oncle un peu plus comestible.

« Bojack Horseman » : Devenez le biographe d’un con

« Bojack Horseman » c’est l’histoire d’un con. Un con irascible, dépressif, arrogant, millionnaire et condescendant. Difficile de s’identifier à lui ou de faire preuve d’une quelconque bienveillance à prime abord. On le découvre en étant jugeur, critique et peu empathique. Cette série vient s’ajouter à la longue liste des plaidoyers sur le bénéfice du doute. Sans échapper à la règle, elle mettra en scène un changement chez le héros de manière pointue et satirique. Et quand le rideau final se baisse, on a l’impression d’avoir vécu une expérience aussi introspective qu’instructive. On connaît Bojack et on le comprend mieux. Peut-être qu’on se comprend et qu’on se connait mieux.

Alors oui, le crédit d’intention, supposer que les intentions d’autrui sont bonnes et positives, on connaît. On nous l’a martelé. On peut avoir de « mauvais comportement » sans vouloir faire le mal. L’arrogance peut cacher la peur de l’incompétence. L’hyper-contrôle renferme parfois la peur de l’inutilité. Et la condescendance est bien souvent révélatrice d’insécurité. Ainsi de suite. Garder ça à l’esprit devrait nous aider à être plus empathique. À cesser d’étiqueter les autres en considérant leurs comportements comme immuables. Nous sommes souvent d’excellents avocats pour nous et de très bons juges pour les autres. Nous devrions tâcher d’être de bons avocats pour tout le monde. 

On le sait, pourtant ça reste dur. C’est dur parce que, parfois, « X agit comme un vrai con ». Parfois Bojack dépasse les bornes peu importe ses raisons. C’est dur parce que quand on y arrive, on s’attend à ce que ce soit réciproque. Ça l’est rarement. Quelqu’un de condescendant ne fera pas toujours l’effort de vous rendre la pareille, d’être votre avocat. Mais souvent, on n’a pas le choix, on doit quand même créer la relation. Notamment quand on doit manager, ou pire, se faire manager par un « Bojack ». Alors qu’est-ce qu’on peut faire dans ce cas ?

On peut l’étudier. On peut l’étudier sans rien attendre en retour ou, en tout cas, pas de bienveillance immédiate. Dans cette série, le personnage le plus important pour Bojack est une autrice nommée Diane. Diane, plus ou moins contre son gré, a pour mission initiale d’écrire la biographie du héros. Elle n’a pas le choix et ne peut pas se permettre de l’étiqueter. Ni de résumer son livre en une phrase : « Voilà un piètre être-humain ». Alors elle va essayer de le comprendre. Elle va se forcer à le comprendre, sans attendre de réciprocité. Elle va se forcer à le connaitre. Et elle va lui permettre de s’ouvrir. N’ayant rien d’autre à donner en retour que son temps, il finira par lui offrir de l’honnêteté. Puis de la confiance. Et là seulement, la relation se crée. Là seulement, nous devenons témoins des tentatives de changement chez cet anti-héros. Là seulement, Diane va permettre à Bojack de se sentir compris et d’essayer de comprendre les autres, de devenir ce fameux avocat. On se mettra alors à le juger plus justement, à le soutenir plus fréquemment. À l’encourager dans ses défaites et à le féliciter dans ses victoires. Et là seulement, on peut retirer l’étiquette de « vieux con » et la remplacer par « Bojack Horseman ».

Ne demandez pas aux managers intermédiaires de porter vos décisions

Pas une boite où les managers intermédiaires ne soient « coincés entre le marteau et l’enclume ». Difficultés à tenir la position, trop souvent « du côté du terrain », tiraillés entre leur loyauté à la hiérarchie et celle à leurs équipes, les managers de terrain sont presque toujours le maillon faible des organisations. Mais pourquoi est-ce si systématique ? Depuis si longtemps ? A-t-on les bonnes attentes vis à vis d’eux ?

Vous voulez débattre de cet article ? Critiquer ou abonder ? Rejoignez-nous le vendredi 19 mars de 13h à 14h sur Zoom.

 

L’héritage du contremaître…

Il parait si loin le contremaître des fabriques d’autrefois. Cet homme avec un petit h, au choix autoritaire ou paternaliste est sans ambiguïté aucune la courroie de transmission entre un patron, le juge, le bienfaiteur et le tortionnaire, et les ouvriers exécutants. 
Les frontières se sont brouillées et des subtilités sont apparues dans cette pyramide. Les ouvriers sont moins nombreux et plus qualifiés (en Europe occidental) ; le tertiaire a pris une place considérable, les patrons sont en moyenne plus éclairés. Les organisations sont moins pyramidales, plus ou moins matricielles, et les discours sont plus ouverts. Le chef est de plus en plus souvent une cheffe.

Mais le manager intermédiaire, malgré tous ces changements, me semble garder beaucoup de points communs avec notre contremaître :

  • il est supposé avoir voix au chapitre mais en réalité, on sait peu l’écouter et tenir compte de ses avis;
  • il est supposé faire preuve de leadership mais en réalité, il a peu de marge de manœuvre, et s’il en a en théorie, la pression sur les résultats et la logique de « best practice » tend à uniformiser leurs actions.

 

… Mais les attentes d’un entrepreneur

Sauf que nous lui demandons de porter les projets, de tenir la posture du manager, de ne pas tomber dans le copinage, de savoir sanctionner, d’être un véritable manager d’équipe et pas un simple leader technique….

Et on s’étonne, presque partout que le manager intermédiaire tienne mal son rôle. D’autant plus qu’il est souvent issu du rang, promu pour ses résultats d’opérationnel et pas ses qualités managériales.

À bien y réfléchir, je ne suis pas surpris que ces managers soient si rarement les leaders dont nous rêvons : il y a une contradiction fondamentale entre le rôle qu’ils doivent tenir dans des organisations qui cherchent à sécuriser les processus, à normaliser les résultats, à prévoir, à piloter, et le rôle que l’on espère désespérément d’eux autour de la créativité, de l’initiative et de la contradiction (constructive) permanente. Comme si vous demandiez à votre enfant de 4 ans d’inventer sa propre façon de traverser la route à condition qu’il reste dans les clous, passe au bonhomme vert et tienne la main.

Le paroxysme de ce rêve éveillé, c’est l’injonction à l’entrepreneuriat, à raisonner comme si c’était votre entreprise. Mais non. Ce n’est pas leur entreprise. Même avec quelques actions. Ils ne sont pas chez eux, ne soyons pas hypocrites.

 

Les solutions en noir et blanc

Alors évidemment, on peut échapper au paradoxe en assumant un modèle, ou l’autre.

Le modèle où on est vraiment leader se trouve parfois dans les entreprises libérées, dans les coopératives d’indépendants. Mais surtout, ce qui est très flagrant c’est que la seule vraie façon d’être entrepreuner est d’entreprendre. Avec le temps je me rend compte qu’il n’y a aucun moyen de proposer à un entrepreneur véritable une place durable dans une organisation. Un entrepreneur entreprend. Il n’est pas salarié, il n’est pas dans vos équipes, ou ne va pas y rester.

Le modèle franchement hiérarchique existe aussi, mais il est de moins en moins affirmé. Disons qu’il se trouve dans des orchestres, des cuisines de chefs, sur des navires, dans l’armée ou chez les pompiers. Il n’est pas nécessairement synonyme d’autoritarisme et de maltraitance et doit probablement marcher au moins un temps s’il est profondément choisi par tous et qu’il est générateur d’excellence.

Sauf que la plupart des entreprises n’ont les moyens ni de l’un ni de l’autre :

  • le modèle tous leaders est objectivement impossible quand la production nécessite la coordination de centaines voire de milliers de personnes, et que les équipes sont constituées d’individus aux attentes extrêmement diverses, issues de personnalités et d’histoires quasi infinies;
  • le modèle hiérarchique est passé de mode dans la plupart des secteurs, et il ne correspond plus aux besoins d’agilité et de réactivité dont la centralisation est l’ennemi.

Alors que faire ? Qu’attendre de nos managers intermédiaires ?

 

La solution en couleurs 

Avec tout ça, je pense que c’est un tort de vouloir leur faire porter les décisions qu’ils n’ont pas décidées. Par porter je veux dire défendre, répondre aux objections. C’est une chose qu’ils peuvent faire bien entendu. Mais imaginer qu’ils doivent TOUS le faire n’est pas pertinent. Vous serez déçus : ça serait moins bien fait que par vous même, ils se sentiront mal à l’aise, et vos équipes recevront un message sans enthousiasme quand il ne sera pas transformé ou même tout simplement oublié.

Non. Assumons.

C’est votre décision ? C’est à vous de la défendre.
Vous l’avez vraiment co-construite avec votre codir ? Tout le codir peut la défendre.
Vous voulez qu’un ou plusieurs managers défendent une décision ? Alors ça sera la leur et il faut laisser de grandes libertés !
Un de vos managers est si convaincu qu’il veut bien porter la décision ? Ok mais n’étendez pas aux autres.

Et si vous voulez changer ce rôle de courroie de transmission ?

Eh bien, raisonnez temps long et abordez le sujet autrement :

=> D’abord, ne vous attaquez pas au sujet à un moment où vous avez besoin de vos managers. Si vous voulez les repositionner, faites-en le coeur de la transformation et pas une modalité d’un projet plus grand. Ça évitera (un peu) le procès en manipulation.

=> Ensuite, avant de leur faire faire des tas de nouvelles choses, commencez à votre niveau : ne leur faites pas porter vos décisions, faites le vous-mêmes. Ne vendez pas la co-construction quand l’essentiel est déjà décidé, etc.

=> Enfin, offrez une liberté claire, concrète, dont l’usage sera fréquent, éventuellement demandée par eux depuis longtemps, et qui rend leur action « dangeureuse »… Oui, dangereuse. Tant que vous ne confiez que des décisions sans grands enjeux, vous passez de la pommade. Et autour de cette nouvelle liberté, bâtissez votre mobilisation ! Une quête spéciale et enthousiasmante, périlleuse mais patiente, inédite mais outillée.

La mobilisation d’un groupe ne peut être un processus aussi réglé qu’une chaine industrielle : il faut respecter l’humain et ses temps d’appropriation. Pour vous rapprocher de vos managers intermédiaires, cessez de leur demander d’être vous.

Vous voulez débattre de cet article ? Critiquer ou abonder ? Rejoignez-nous le vendredi 19 mars de 13h à 14h sur Zoom.

En ces temps confinés quoi de mieux que de (re)regarder Parasite ?

Qui n’a pas vu cette satire sociale, largement récompensée ? Cette fable explosive, drôle et corrosive qui nous fait passer par tous les genres cinématographiques ? Surement personne… Top ! Enfermés entre nos 4 murs et quelques habitudes : regardons la d’un œil neuf.

2 familles : Les Park et les Kim. L’une riche, l’autre pauvre. Des drames familiaux, peu de liberté et bientôt chaque famille aura l’autre dans le pif. 
2 lieux de confinement : une villa vitrée, un taudis exiguë. Et puis il y a ceux qui volontairement s’enferment et ceux qui le sont malgré eux, ceux qui cherchent à fuir pour un brin d’aventure ou un brin de prospérité.

Alors qu’on les découvre à plier des cartons à pizza en famille, les Kim réussissent la prouesse de tous se faire employer au service des Park en un temps record! On peut légitimement se demander ce qu’on peut en retenir pour nos propres ascensions professionnelles… car au jeu de cette famille, les cartes sont vite rebattues et la partie démarre bien ! 
 
C’est tout simple : à peine recommandé par un copain, le fils recommande sa sœur, qui en fera de même pour son père puis pour sa mère. Et cela sans révéler ni leurs liens familiaux ni leur absence de diplômes … 

Tout se résume en une phrase: « Je ne fais confiance qu’aux gens qu’on me recommande »… Petite phrase presque anodine, si souvent entendue … (mais qui, ici, annonce une chute bien noire).

En entreprise, comme dans le film, une confiance aveugle est offerte à certains « qu’on nous a recommandés » alors que son coût s’avère souvent très élevé pour tous les autres… 
N’est-ce pas archaïque de baser son recrutement ou les avancés pro sur des cooptations, réseaux d’alumni, CV ou une simple connexion LinkedIn… Ne devrait-on pas (enfin) sortir de nos murs pour se fier aux rencontres, aux intuitions, aux compétences ou aux débuts de collaboration ? Se laisser surprendre quel que soit le profil ? Et cela non pour satisfaire des quotas ou une image plus inclusive, mais avec conviction ! Sinon (avec ou sans mensonge) on risque de perpétuer un entre-soi biberonné aux mêmes idées et nourri des mêmes peurs.

A l’heure où penser « out of the box  » sonne comme un impératif, le temps est sûrement venu de vérifier, en recrutant, que toutes les cases ne sont pas cochées !

Il faut soigner (aussi) ses mauvaises relations !

Il n’y a rien de plus important que d’établir de bonnes et saines relations avec ses collègues, son chef ou ses équipes. Pour cela, il y a beaucoup de moyens et d’outils (teambuilding, feedbacks, communication, projet commun). Mais dans la vraie vie, il y a aussi de mauvaises relations de travail. Et là, on n’a plus rien pour nous aider à les gérer. Que faire de nos mauvaises relations ?

 Admettons déjà qu’elles existent

Soyons clairs pour commencer, il y a toujours des choses à faire pour créer de meilleures relations de travail avec ceux qui nous entourent. C’est un effort sans fin et la majorité de nos articles publiés depuis 6 ans y sont consacrés.

Pour autant, il faut considérer le nombre de relations bilatérales que nous entretenons au travail. Si on prend en exemple une équipe managériale de premier niveau dans une entreprise moyenne : disons qu’ils sont 15 managers de terrain, qu’ils ont 6 responsables au Codir, et que chacun encadre 5 personnes. Le nombre de relations bilatérales est de plus de 10 000 ! Impossible que tout le monde s’entende avec tout le monde, même avec les meilleures intentions du monde.

Si vous êtes managers et que vous n’avez pas ce type de difficultés à gérer, c’est que vous ne les avez pas repérées.

Une mauvaise relation peut être rationnelle (on n’évalue pas l’autre comme un bon contributeur à la bonne marche de l’entreprise ou d’un projet), personnelle (on ne s’entend pas bien, on n’a pas de caractères compatibles, on n’a pas aimé une action passée de l’autre) ou purement émotionnelle (méfiance, dégoût, haine). Dans tous les cas, la mauvaise relation n’est pas figée, elle peut s’améliorer, tout comme une bonne relation peut s’envenimer.

Si le travail managérial consiste en priorité à soigner et à étendre le nombre des bonnes relations, il est aussi de reconnaitre et de gérer les mauvaises. Si vous êtes managers et que vous n’avez pas ce type de difficultés à gérer, c’est que vous ne les avez pas repérées car elles existent toujours au-delà d’un certain nombre de personnes dans l’équipe.

 Peu voire pas de boîte à outils à disposition

Pour gérer les relations, on a un éventail très large de solutions. Si elles sont naissantes ou neutres, on choisit des actions pour se connaître mieux ou apprendre à travailler ensemble (teambuilding), on construit un projet commun qui nous donne une raison de collaborer, etc.

Si elles sont bonnes ou au moins saines, on les cultive avec des rituels de communication, avec des moments de célébrations, avec des feedbacks (c’est vrai que l’on peut faire des feedbacks à tout le monde, mais quand la relation est mauvaise, c’est quand même moins facile…), etc.

Pour les mauvaises relations, les choix proposés sont plus limités. Google et Linkedin ne sont pas les meilleurs experts mais ce sont les plus utilisés. Leurs réponses sont : « risque de burn-out », « gestion de personne toxique » (l’autre évidemment) et « démission ». Autant dire que ce n’est pas très subtil… surtout que souvent, c’est juste une relation qui ne marche pas à l’instant t, entre deux personnes parfois maladroites mais bien intentionnées.

Pour améliorer les choses, il y a déjà deux choses à ne pas faire

La première erreur, la plus naturelle et la plus répandue, c’est de faire intervenir ou de laisser intervenir une tierce personne dans la relation. C’est aussi naturel que de se gratter un bouton de moustique : on cherche un moyen de sortir d’un problème qui nous préoccupe, et l’intervention d’un « casque bleu » nous soulage sur le coup car il vient apaiser ou arbitrer pour sortir de l’impasse du moment. Le problème, c’est qu’en le faisant il vient rendre ok une relation qui ne l’est pas, ou qui ne le sera désormais qu’avec cette troisième partie. Et donc c’est parti pour vous « gratter » longtemps et de plus en plus.

La deuxième chose à éviter, c’est de faire comme si la relation était bonne. Pour sauver les apparences, pour ne pas avoir à confronter le problème, on a tendance à jouer le jeu de la bonne relation en espérant que les gens seront dupes et, pourquoi pas, que ça s’améliore tout seul avec le temps. Alors j’ai deux grandes nouvelles à vous communiquer : petit 1 nous sommes tous de très mauvais acteurs dans ces cas-là, donc non seulement personne n’y croit mais les autres remarquent le malaise d’autant plus que vous essayez de le cacher ; petit 2 les relations difficiles ne s’améliorent pas comme par enchantement, si on ne fait rien elles pourrissent à coup sûr !

 La solution : bâtir une entente cordiale

Petit point d’histoire pour ceux qui l’ignorerait : l’entente cordiale est un processus diplomatique qui a permis, au XIXème siècle, aux empires anglais et français de dépasser leurs nombreux désaccords et de conclure des traités malgré tout. Il a tenu avec des hauts et des bas pendant un siècle, il s’est finalement raffermi jusqu’à un grand rapprochement au début du XXème siècle.

C’est ce que nous vous conseillons de faire avec vos mauvaises relations du moment.

Il s’agit de définir un contrat de relation

Cela nécessite d’abord de prendre acte avec la personne concernée de l’état actuel des relations. La forme peut être variée mais l’esprit reste le même : oui nous avons des difficultés à travailler ensemble, bien sûr nous aimerions que cela se passe mieux mais certains sujets étant aujourd’hui trop antagonistes, nous ne les résoudrons pas rapidement. C’est pourquoi nous devons trouver un moyen de collaborer.

Ensuite, il s’agit de définir un contrat de relation. Ce n’est pas un contrat formel mais plus il sera précis, plus il sera utile. Il remplace ainsi ce que l’alchimie relationnelle ne produit pas. Il définit a minima des choses à faire absolument (ex : traiter tel ou tel sujet entre nous avant d’en parler aux autres pour éviter de les prendre à partie) et des choses à éviter absolument (ex : ne pas traiter nos difficultés par mail, étant donné que ce type d’échanges s’envenime toujours entre nous).

Après la définition de cet « accord », il faut l’animer avec des hauts et des bas inévitables au cours du temps. Pour cela, il faut s’en parler assez régulièrement, pour s’assurer que chacun est toujours ok dans ce fonctionnement et repérer éventuellement les progrès ou les erreurs commises.

Avec un peu de chance, cela finira par améliorer le relationnel lui-même et le contrat deviendra inutile. Mais même sans cela, tout le monde peut en sortir gagnant.

La petite poule rousse

Il y a 2 histoires qui portent le même nom ; celle qui nous intéresse aujourd’hui est la suivante : c’est une petite poule rousse qui trouve un grain de blé et qui propose à ses amis le canard, le cochon et le renard de l’aider à les semer. Mais ses amis ne veulent pas venir l’aider car ils sont tous très occupés… Alors elle se débrouille toute seule, et lorsqu’elle a planté, récolté, moulu, pétrit et cuit son pain, ses amis se présentent pour le manger, elle refuse alors et garde le pain pour elle seule.

Toute ressemblance avec un chef de projet qui veut faire agir ses collaborateurs n’est pas si fortuite que ça !

Si nous faisions du conseil pour animaux, nous pourrions expliquer à La Petite Poule Rousse qu’elle a fait 2 erreurs de management :

D’abord pour chaque étape besogneuse de transformation du blé, elle demande aux animaux de l’aider et tous refusent à chaque fois. Mais elle ne leur explique jamais ce que ce grain de blé pourrait devenir. Elle gagnerait sûrement des supporters en essayant de les faire rêver : la vision d’un bon pain bien chaud qu’ils dégusteraient tous ensemble…

Ensuite à la fin de l’histoire elle veut leur donner une leçon en refusant de partager son pain avec les autres animaux. Mais c’est une vision un peu court-termiste des choses car la sanction qui tombe ne va pas forcément donner envie aux animaux d’aider la fois suivante. Elle gagnerait sûrement sur le long terme en faisant vivre aux animaux un bon repas qu’elle pourra leur rappeler la prochaine fois qu’elle demandera de l’aide. 

Nous pourrions donc proposer une autre version de La Petite Poule Rousse : c’est une petite poule rousse qui trouve un grain de blé.

Elle réunit le canard, le cochon et le renard et leur demande leur avis sur l’ambiance de la ferme ; ils échangent sur le fait que c’est de plus en plus « chacun pour soi » et que l’hiver approchant il faudrait penser à faire des réserves. La Petite Poule Rousse explique alors son projet : lancer un cours de cuisine sur le thème « savoir faire son pain » ; le cochon et le canard sont emballés. Trois rendez-vous sont pris : un 1er le lendemain pour le cours de cuisine, un 2ème le jour suivant pour la dégustation, un 3ème à la fin de la semaine pour imaginer d’autres ingrédients à cuisiner, rendez-vous auquel se joint finalement le renard. Et devinez quoi : au printemps suivant ils ouvraient tous les 4 un restaurant.

Sentez-vous libre de lire cette version de l’histoire à vos enfants pour leur apprendre à être de futurs managers astucieux !

L’innovation frugale, une école d’optimisme

Ce mois-ci ce n’est pas une oeuvre que nous vous proposons de regarder à travers l’oeil du manager mais un concept : l’innovation frugale. 

L’innovation frugale c’est le terme qu’on utilise pour parler des inventions qui se font avec pas grand chose. Elle est surtout développée dans les pays en voie de développement pour répondre à des besoins réels avec moins de moyens. Le principe c’est qu’on ne simplifie pas le besoin mais on simplifie la solution. Un peu l’équivalent de ce qu’on appelle le système D.

Par exemple, aux Philippines, on a inventé des ampoules à eau pour les maisons sombres (car sans fenêtre) et sans électricité. Une bouteille en plastique, un peu d’eau, de l’eau de Javel et du soleil. On glisse la bouteille dans un trou dans la toiture (en tôle) et le soleil rentre par un bout de la bouteille et ressort par l’autre bout. L’eau permet de diffuser la lumière dans toute la maison.

En Inde aussi, un ancien potier a créé un réfrigérateur en terre glaise qui fonctionne sans électricité. Le principe ? C’est un réfrigérateur spécial pour les pays chauds qui utilise la chaleur ambiante pour refroidir grâce à l’évaporation de l’eau. Les aliments peuvent ainsi être conservés trois fois plus longtemps. 


En management, on a encore plein de choses à apprendre de l’innovation frugale. Pourquoi ?

Parce que l’innovation frugale ça demande de faire avec ce qu’on a sous la main. Et en management on est souvent contraint et on peut avoir l’impression de n’avoir aucune influence sur le monde qui nous entoure. Comment donner du sens à ses collaborateurs quand ce qu’on fait n’en a pas? Comment leur donner de la liberté quand ils ont 1001 règles à respecter? Toutes ces questions « cul de sac » qu’on se pose souvent nous invitent à regarder le monde autrement. 

Et pour ça, parmi tous les principes de l’innovation frugale, on peut en retenir trois : 

– D’abord avoir un état d’esprit OPTIMISTE : on va trouver une solution même si on n’a encore aucune idée de comment. 

– Ensuite, avec la philosophie de RECYCLAGE : qu’est-ce qui existe déjà et que je pourrais réutiliser? que ce soit des groupes de travail, une envie des collaborateurs, un document, etc.

– Enfin, avec la logique de SIMPLICITÉ : quelles sont les solutions qu’on a tendance à évincer parce qu’elles nous paraissent trop basiques pour un problème aussi complexe? Testons-les ! qu’est-ce qui serait un petit pas vers la solution même si ça ne règle pas tout? etc.

Si vous voulez aller plus loin, cliquez ici pour un documentaire sur le Jugaad (mot indien pour parler de la même chose) : http://www.francetvinfo.fr/monde/inde/video-un-oeil-sur-la-planete-jugaad-le-syteme-d-a-lindienne_1495211.html

Le long terme, c’est ceux qui en parlent le plus…

A bas la dictature du court terme ! Le slogan est en vogue. Linkedin fourmille de citations emphatiques sur la nécessité du temps long : vous savez, le char qu’il faut accrocher à une étoile.

Le long terme est une sorte d’Eldorado perdu dans les entreprises… Tout le monde le souhaite, mais on ne le trouve jamais.

Pourquoi est-ce si dur ? Comment y arriver enfin ?

L’intérêt du temps long

Est-il besoin de défendre l’intérêt du long terme ?

Mais alors c’est un mystère : pourquoi une alternative si évidente aboutit si souvent à la réalité la moins vertueuse : le court terme qui bouffe tout ?

On se rend bien compte chaque jour des défauts du court terme : les décisions contredisent le bon sens des opérationnels ; on fait et on défait ; on ne tient pas compte de la nécessité de préserver des savoir-faire ; on multiplie les injonctions contradictoires (« innovez mais ne dépensez pas ») ; on brûle une énergie énorme à réduire le petit budget voyage ; etc.

Alors qu’avec le long terme, tout roule : on a le temps de former et d’organiser la transmission des savoirs ; les décisions sont cohérentes dans la durée ; on peut faire confiance aux objectifs d’une transformation.

Mais alors c’est un mystère : pourquoi une alternative si évidente aboutit si souvent à la réalité la moins vertueuse : le court terme qui bouffe tout ?

Pourquoi c’est si dur de ne pas être happé par le court terme ?

 

C’est structurel

L’explication la plus évidente est que le court terme change tout le temps et demande des réponses réflexes. Imaginez que vous avez décidé une politique de long terme qui privilégie les services, et que votre concurrent lance une campagne sur des super services, moins chers que les vôtres… C’est tentant de réagir dans l’urgence.

Autrement dit, la magie de notre monde c’est que des milliers de choses changent chaque jour sans vous demander votre avis… Et donc vous êtes soumis à un feu nourri de sollicitations qui vous amènent à vous adapter en permanence et donc à vivre dans le court terme.

Ça nourrit l’ego

Au delà de la nature même des actions, il se trouve que les événements du court terme ont un atout, c’est qu’ils nourrissent l’ego, le besoin de prouver sa légitimité à soi-même et aux autres, c’est l’effet pompier : les catastrophes du quotidien créent des héros alors que la prévention aura des effets supérieurs mais qu’on ne verra jamais vraiment. Le long terme ne brille pas. C’est d’ailleurs ce qui piège nos élus politiques : ils veulent être décorés et honorés maintenant (pour être réélus) alors que raisonner long terme, c’est anticiper des catastrophes avant qu’elles n’arrivent, et donc sans gloire. On ne se souvient des généraux qu’en temps de guerre, des pompiers un 11 septembre à New York… en gérant le long terme, on sombre dans l’oubli. Poincaré, quasi inconnu aujourd’hui, a évité l’hyperinflation en France (la même qui a conduit au nazisme en Allemagne), pendant que Churchill, le chef de guerre, est une figure que les enfants connaissent encore. 


Et parce que la méchante finance rôde

Mais enfin, s’extraire du court terme est difficile parce que notre monde semble régi par les loi d’une finance devenu folle qui « trade » à la vitesse de la lumière et exige des rentabilités dingues sans se demander de quel business model on parle, ou si une utilité sociale se cache derrière le cours de bourse.

Je dis « semble régi », non par aveuglement, mais parce que si nous constatons fréquemment que les actionnaires ne se soucient pas du réel, il ne faut pas caricaturer. Le fameux monde de la finance n’est pas univoque : tous les comportements existent même les plus vertueux. Bref cette explication, si elle est réelle, ne doit pas être exagérée, et surtout ne pas servir d’alibi.

 

Comment résister efficacement ?

Evidemment, la martingale n’existe pas. Pour autant, nous constatons que dans une même entreprise, il peut y avoir des écarts immenses entre des managers qui sont submergés par le court-terme, et d’autres, à des postes comparables, qui semblent faire exister le long-terme dix fois plus. Quels sont leurs secrets ?

D’abord en étant productif

Il faut, en premier lieu, tordre le cou à une erreur très commune : la productivité n’est pas une préoccupation de court-termistes ; ni la maîtrise des coûts.

Au contraire. La productivité crédibilise le long terme. Elle permet de concentrer l’énergie sur l’essentiel. Elle crédibilise aussi vos demandes de budget ou de moyens en général : sans elle, on sait que vous donner 100 €, c’est en fait vous en donner 40 ou 50 efficaces. Si le collègue est plus productif, il attirera les investissements. Bien utiliser chaque euro dont on dispose, c’est permettre le long terme.

Ensuite en poursuivant des buts qui dépassent le contexte

C’est l’enseignement des philosophies asiatiques : on peut résister aux aléas du monde, non pas en cherchant à les prévoir mais en choisissant des buts qui sont peu ou pas du tout impactés par les aléas.

Les réflexes en Europe c’est d’être proactif, en essayant de prévoir les problèmes du lendemain… Mais on échoue (de plus en plus) face à l’ampleur de la tâche.

Le réflexe en Asie c’est d’être stable, en essayant de rester fidèle à ses buts ultimes.

  • Des buts perso : Quelles sont vos convictions ? Comment pensez-vous qu’il faille manager les humains ? Quelle trace souhaitez-vous laisser ? Quel manager voulez-vous être ?
  • Des buts business : Quelle finalité a votre activité ? Quels besoins fondamentaux auront encore vos clients dans 10 ans ?

Paradoxalement, le monde à 10 ans est souvent plus facile à appréhender que le monde à 3 ans… Parce que vos clients sont nombreux, agissent indépendamment de vous et prennent des décisions à court-terme… Mais à 10 ans leurs besoins sont prévisibles : si vous travaillez dans la pharma, tout peut arriver dans les 3 ans à venir (être vendu, fusionner, se réorganiser) mais à 10 ans on sait que les patients seront toujours là et voudront les meilleurs soins ; on sait que les états voudront toujours contrôler les dépenses, etc.

En management aussi. A court terme, vous ne pouvez pas connaître les besoins de vos équipes. Mais à long terme, ils auront besoin d’être reconnus, d’être fiers, de réaliser des exploits, de mieux vivre au travail et à la maison, etc.

Pour faire exister le long terme, visez ce type de but et partagez-le avec vos équipes. A la fin vous aurez avancé dans la bonne direction, peut-être pas aussi vite que prévu, malgré d’innombrables aléas.

Et puis se mettre en danger, parfois.

Défendre une stratégie à long terme implique parfois d’être à contre-courant pour défendre vos convictions et à tenir malgré les demandes venues d’en haut. C’est un risque mais ne vaut-il pas mieux être sanctionné pour avoir tenu bon qu’être félicité pour avoir tout lâché ?

Le mouvement actuel est que les salariés réclament plus de sens, sous l’impulsion des jeunes générations bien relayées par les plus anciennes… Il faut écouter cette aspiration. Et si les grandes entreprises détenues par des actionnaires borgnes perdent les éléments les plus dynamiques et entrepreneurs… tant pis pour elles.

Le non-dit, LA cause des crises relationnelles en entreprise

Nous le voyons tous les jours quand nous intervenons auprès d’équipe en crise relationnelle, le non-dit est toujours là, en cause racine. Prenant des formes multiples, datant de la veille ou de plusieurs années, dans une relation bilatérale ou dans toute l’entreprise, nous en venons à croire qu’il serait le facteur 0, celui qui explique tout ou presque. Comment le combattre ?

La crise relationnelle peut venir sans prévenir

Des irritants, il y en a dans toutes les entreprises, c’est tout à fait logique que dans les millions d’interactions qui ont lieu, certaines frottent. Comment imaginer que dans une usine, les rapports entre une Production qui veut sortir ses produits pour tenir son planning et une Qualité qui veut les sortir pour respecter ses normes, tout se passe sans anicroches.

Les conflits aussi sont légion, quand la somme des irritants font se confronter deux personnes ou deux équipes. Soit cela se résout, soit non et les deux services s’ignorent ou se confrontent à répétition. Cela joue sur l’efficacité globale, rien de rare.

Parfois, il y a crise relationnelle. C’est à dire littéralement une rupture d’équilibre brusque et intense dans les relations. Quelle que soit sa durée, son occurrence est très déstabilisante et destructrice de valeur. Une entreprise ne peut mourir des irritants ou des conflits qu’elle abrite mais elle peut mourir d’une crise.

On pourrait penser, comme la pyramide de la sécurité, que plus il y a d’irritants et de conflits, plus la crise est probable mais ce n’est pas notre point de vue. C’est un phénomène de nature différente et sans corrélation.

Les exemples ne manquent pas. Une équipe semble vivre très sereinement et soudain se déchire à l’heure d’un changement d’organisation ou du départ d’une personne. Deux services entretiennent des rapports cordiaux et vivent un aléa « technique » qui vire rapidement à la guerre relationnelle. Un Codir est un peu passif mais tranquille et, sans prévenir, menace collectivement de démissionner si les choses ne changent pas.

Cherchez bien, il n’y a pas de crise relationnelle sans non-dit

Dans tous ces exemples, rien de très visible, que des signaux faibles : des gens qui se parlent peu, des conflits évités parce que l’on ne met pas le sujet sur la table, des critiques étouffées, échangées dans le dos des personnes concernées. Et c’est ainsi qu’insidieusement, la crise se prépare sur une accumulation de non-dits.

C’est un phénomène que nous appelons le carnet de tickets, un ticket étant un reproche que l’on n’exprime pas directement et qui pourrit dans notre poche. Sa conséquence, c’est que les griefs rationnels que nous avions se transforment en irrationnel : procès d’intention, surinterprétations, jugements. Puis naît « l’historique » qui a justement pour effet de nous faire perdre le fil de l’histoire : causes et conséquences de l’histoire se mélangent, on en vient à reprocher à l’autre partie de ne pas avoir répondu à un problème que nous ne lui avons jamais exprimé, etc.

Evidemment, nous n’inventons rien et cela est vrai en dehors de l’entreprise, une crise familiale prend toujours racine dans un non-dit remontant parfois à plusieurs générations.

Comment le combattre ?

On pourrait se dire : super, éviter un non-dit ne suppose aucun outil, aucune compétence, aucune ressource technique ou financière. On a besoin ni de faire un chantier pour repréciser les rôles et responsabilités, ni d’une enquête du personnel, ni d’outil informatique fiable, bref tous les obstacles habituels n’ont pas d’effet ici.

Oui mais… cela demande quelque chose de plus difficile encore : une prise de risque. C’est déjà difficile à obtenir habituellement, c’est plus difficile encore quand c’est un risque lié aux relations humaines. C’est d’ailleurs l’absence de prise de risque qui amène la crise. N’empêche, on ne peut résoudre une crise dans une équipe sans une purge, c’est-à-dire un moment dépassionné où les non-dits sont mis sur la table. L’idée n’est pas forcément de traiter les sujets (c’est souvent impossible au moins en partie) mais de les exprimer et de s’en expliquer. Grâce à cela, on peut enfin regarder devant. 

Ensuite, il faut proposer une cible qui soit de nature à dépasser la crise. Comme cette crise est relationnelle, et donc en partie émotionnelle, il faut une cible qui soit également en partie émotionnelle. Fît donc de la réorganisation, de la redéfinition de fonction, des objectifs cartésiens. Assumez de proposer un projet qui parle aux tripes.

Enfin, pour lancer l’action, prenez en compte le fait qu’une équipe en crise n’arrive pas à se projeter. Un plan d’action à plus de six mois ne peut donc pas être pertinent. Visez le pied dans la porte, les petits pas, bref les 3 premières étapes concrètes qui vont mettre l’équipe à nouveau sur les rails. Ensuite, il sera toujours temps de vous éclater à nouveau avec des plans d’action à n’en plus finir !

Evidemment, le préventif est toujours la meilleure solution

Quitte à vous livrer un poncif, sachez que le mieux pour combattre la crise est d’éviter quelle survienne. Et pour cela, vous pouvez mettre en place des solutions toutes simples pour éviter les non-dits, le carnet de tickets dont nous parlions plus haut. Trouvez le système qui vous convient le mieux pour exprimer les désaccords.

Si vous voulez des idées, vous pouvez les trouver dans wikimanagement.net !

Captain Fantastic – ou arrêtons avec le cache-cache en foret

Le pitch : 6 enfants vivent en totale autarcie dans la forêt, éduqués et guidés par leur père. Cette tribu vit en décalé du monde moderne, et s’est façonné un univers singulier avec leurs propres façons de penser, codes, organisation etc.

Tout comme le père, en tant que manager, vous êtes face à cette tentation : surprotéger vos équipes pour éviter que le changement soit vécu comme frontal.

Dans Captain Fantastic, les enfants apparaissent très heureux de vivre dans cette bulle. Mais dès qu’ils sont confrontés au monde extérieur, ils se rendent compte de leur isolement en 3 points :

  1. Choc entre monde réel et celui de la forêt
  2. Incompréhension de la société actuelle et donc difficultés à interagir avec les autres
  3. Rébellion contre le père, qui les a volontairement isolés

Minimiser la réalité et les risques, cacher une démission, dissimuler une difficulté, taire un conflit… Cela déstabilise tant votre équipe que votre management. Pourquoi ?

  1. La confrontation avec la réalité sera vécue comme un tsunami émotionnel : vos équipes auront l’impression d’avoir été trompées
  2. Vos collaborateurs ne seront pas préparés au changement, ils ne comprendront pas les enjeux et donc auront des difficultés à s’adapter
  3. Vous perdez du temps. Le temps passé à minimiser la réalité n’est pas du temps utilisé pour les accompagner.

Isoler ses équipes dans une réalité de coton c’est comme allumer une bombe à retardement. Dans tous les cas, ça explose, sauf qu’à la fin vos équipes ne seront pas prêtes à accepter le défi parce que chamboulées.

Ne laissez pas vos collaborateurs à l’écart dans la forêt.

Et, si le sujet vous intéresse, lisez cet article sur comment manager dans l’incertitude.

ALBUS CONSEIL