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Syndrome Kennedy en management : comment faire quand tout ce que vous dites est mis en doute ?

Parfois en gestion des temps difficiles, un manager se trouve démuni parce qu’il voit que, quoi qu’il dise, le terrain doute de sa bonne foi, ou suspecte l’info cachée… 

Comment créer de la confiance face à la défiance généralisée ? On est en plein débat Kennedy : comment résister avec un interlocuteur qui argumente sur ce qui est caché ?

En management, on est parfois désarmé pour donner du sens

Les équipes de toutes les entreprises appellent de leur voeux que leurs leaders donnent du sens à l’action, que l’on parle du dirigeant stratège, ou du manager de terrain tacticien. C’est évidemment légitime.

Mais parfois, notamment en temps de crise mais pas que, la volonté de donner du sens se heurte à une défiance généralisée, à une mise en doute systématique de la parole managériale : on pense que quelque chose est caché, que les décisions de fond sont déjà prises. On refuse alors toutes les affirmations qui ne collent pas à la certitude que l’on a.

C’est par exemple le cas sur la réforme de la SNCF : les opposants affirment que la réforme vise la privatisation par exemple. Ce n’est pas le cas, mais l’opposition dit que c’est l’enjeu masqué, que c’est la porte ouverte à la réforme suivante. C’était le cas avec le mariage pour tous, qui devait amener mécaniquement la GPA. Dans les entreprises, ça arrive également avec des réorganisations que certains voient comme le dernier pas avant la fermeture.

Nous ne disons pas que ces anticipations sont systématiquement fausses. C’est parfois faux, parfois vrai. Mais pour le manager qui doit donner du sens, cette situation est désarmante parce qu’il est difficile de rassurer, même quand on est de bonne foi.

La force de la théorie du complot c’est de ne pas avoir besoin d’argument

La stratégie d’opposition qui consiste à contester un projet sous prétexte d’éléments cachés ou de conséquences possibles est redoutable. Pourquoi ? Parce qu’il n’est pas nécessaire d’avoir de preuves ou d’arguments pour défendre cette position, alors qu’il est nécessaire d’en avoir pour la combattre.

Et du coup, le débat devient rapidement un dialogue de sourd entre ceux qui défendent leur projet en jurant qu’ils sont de bonne foi et que le projet ne comporte rien de plus que ce qu’il contient ; et ceux qui s’y opposent en affirmant que les décideurs sont de mauvaise foi et que le projet suivant est déjà dans les cartons. Comme aucune des 2 positions n’est prouvable (il faudrait voir l’avenir), c’est alors l’émotion qui fait loi (au sens propre) et plus la raison… Danger.

En politique, on voit chaque jour des débats qui deviennent stériles dans un schéma de ce genre. Mais dans l’entreprise, on a aussi parfois cette même voie sans issue, avec des managers qui doivent se débattre entre le marteau et l’enclume :

  • Marteau des opposants qui pilonnent de questions et d’affirmations sur cette prétendue malhonnêteté.
  • Enclume du top management qui souvent se borne à affirmer ses choix avec vigueur mais sans apporter de réponse à cette inquiétude sourde.


Et y résister c’est agir

S’agissant du complot Kennedy, on est vraiment coincé parce qu’on parle d’un passé qui s’éloigne et que les protagonistes sont morts, ou en tous cas plus au pouvoir.

Mais dans nos entreprises, il existe des solutions parce que les fantasmes sont liés au futur, et pas au passé. Reste que c’est sacrément compliqué et épuisant. Alors comment faire ?


D’abord, éviter le syndrome Virenque : « on m’aurait menti à l’insu de mon plein gré ? »

Votre voix de manager est souvent discréditée par l’envie de se contenter de l’information qui vous est donnée sans la questionner. On vous demande de « tenir la posture », mais cette injonction est contre-productive. Parce qu’en vous demandant de cacher votre esprit critique, vous allez alimenter la théorie du complot. Votre position paraitra naïve ou suspecte et mettra de l’eau au moulin de ceux qui croient à la manipulation.

Votre devoir et votre honnêteté tiennent donc d’abord dans la nécessité de questionner votre hiérarchie. De vous assurer activement que le projet que vous allez défendre est bien celui qui sera mis en place. On ne peut pas transmettre l’info en prévoyant de se défendre dans le futur en disant « qu’on se savait pas ». Virenque a fait ça, et il est passé pour un idiot ; Papon a fait ça et il a été jugé comme un criminel.

Donc ne soyez pas trop bon élève. Osez demander. Si vous avez peur des représailles de votre patron suite à votre question, je vous invite à réfléchir à celles de votre équipe suite à votre passivité. Et puis, s’il y a vraiment un projet caché, que ferez-vous ?


Ensuite, défendre le projet avec enthousiasme mais sans naïveté

Les mots des autres dans votre bouche sonnent souvent faux. Ils ne vous ressemblent pas ; ils ne sont généralement pas 100% adaptés à votre contexte, et aux enjeux concrets de votre équipe. Ils prêtent donc le flan à une méfiance difficile à gérer.

Il est donc indispensable de reformuler le projet et ce de 3 façons :

  1. En employant vos mots, vos exemples, votre rhétorique.
  2. En traduisant concrètement le projet en enjeux opérationnels pour votre équipe.
  3. En vous assurant que les équipes dont vous avez la charge auront un intérêt à faire ce projet ; qu’elles ne scient pas la branche sur laquelle elles sont assises.  

Nous employons parfois le terme de contrebandier pour décrire l’attitude que nous prônons : il ne s’agit pas d’agir contre les intérêts du projet mais de profiter du changement pour faire passer vos convictions, vos mots, vos ambitions managériales. Profitez de chaque changement pour tenter d’améliorer votre fonctionnement, pour donner plus de liberté, écouter plus, etc. Ainsi, vous développerez l’intérêt réel de vos équipes dans le projet. Et ces changements-ci ne dépendent que de vous, donc pas de risque de manipulation. 


Enfin, agir malgré tout

Il est logique que malgré votre travail, des oppositions s’expriment, de bonne ou de mauvaise foi, fondées ou non. Ces oppositions vous agacent peut-être et vous gênent certainement mais ne focalisez pas votre énergie sur elles.

D’abord parce qu’elles ont le droit d’exister. Nous ne vivons pas dans un régime totalitaire, et le monde est trop incertain pour que nous puissions garantir que tout ira comme prévu. Face à ces incertitudes, il est légitime que certains aient peur et cherchent à résister tandis que d’autres voudront agir. Il est capital de respecter toutes les positions, vraiment. Après, appuyez-vous sur ceux qui veulent agir et n’attendez pas que tous soient convaincus pour avancer. C’est dans l’action que les pessimistes et les méfiants seront éventuellement convaincus.

C’est le temps qui prouve l’honnêteté des intentions, pas les déclarations. Pensez à la RDA qui affichait Démocratique dans son nom ! Bien des choses ne peuvent pas être prouvées autrement qu’en actes ; les déclarations ne font qu’attiser la méfiance.


Manager, c’est militer

En conclusion, dans notre monde si complexe, manager ce n’est plus être le rouage docile de décisions prises au loin. Manager aujourd’hui ce n’est pas encadrer le travail, c’est essayer de donner à une équipe une véritable cause pour qu’elle progresse et s’épanouisse quoi qu’il arrive.  

Bref manager c’est militer, c’est défendre par ses actes une vision du vivre ensemble (dans le monde du travail). Ainsi, vous montrerez que la résistance n’est pas forcément dans les ZAD et les oppositions les plus idéologiques mais aussi dans une pratique différente au quotidien.

Manager c’est militer.

 

Descendez dans le métro !

La jolie scène du métro n’aura pas échappé à ceux qui ont vu le film « Les heures sombres », réalisé par Joe Wright avec Gary Oldman.

Pour les autres, ce film retrace les premiers jours de l’arrivée au pouvoir de Churchill en 1940, alors que l’Angleterre se posait la question de pourparlers de paix avec l’Allemagne.

D’abord fermement opposé à négocier quoique ce soit avec le dictateur allemand, les arguments de ceux qui étaient pour et leur insistance, finissent par faire douter le premier ministre. Après tout, son devoir n’est-il pas de sauver la vie des Britanniques et notamment de tous les jeunes hommes bloqués à Dunkerque ? Churchill doute… jusqu’à ce que, sur l’incitation de sa femme, il décide de demander au peuple ce qu’il en pense.

On le voit alors descendre de son taxi et, pour la première fois de sa vie, s’engouffrer dans le métro londonien. Il y rencontre des hommes et des femmes prêts à donner leur vie pour lutter contre le fléau nazi. Il a trouvé sa réponse.

En management, « descendre dans le métro » ce n’est pas, quand on a une question,  réunir son CODIR, faire un audit ou appeler des consultants (aussi brillants soient-ils), mais c’est mettre ses chaussures de sécurité et aller à la rencontre des équipes, partager nos questions, telles qu’on se les pose.

Ca paraît simple mais c’est parfois rendu compliqué si on est éloigné des équipes, en transverse ou autre. Et du coup, on réduit les budgets sans demander leur avis aux équipes qui auraient des idées pour réduire les coûts, on fixe des priorités sans avoir pris le temps d’écouter les équipes, on fait des plans de comm’ qui sentent le Corporate et qui ne parlent pas aux équipes, tout simplement parce qu’on n’a plus le même langage.

Alors, conseil tout simple qu’on connaît tous mais qu’il est bon de se rappeler : demandez-vous régulièrement si ça ne vaudrait pas la peine de descendre dans le métro et de partager vos questions avec vos équipes comme vous le feriez avec votre CODIR ou des consultants.

La prise de poste, la réussir sans agir

La prise de poste est un moment important pour un manager ; c’est un changement pour tout le monde, le manager et les managés. C’est le moment où l’on pose les bases de son management. 

Et on a donc tendance à vouloir aller vite. Et bien nous nous pensons qu’au contraire, il faut aller lentement.

 

On agit vite pour prouver rapidement qu’on est légitime à ce nouveau poste

On voit par exemple souvent des managers qui, à peine arrivés, lancent des réformes : modifier l’organisation, revoir les priorités, imposer de nouvelles règles…

Ou parfois, les managers décident de faire la tournée de leurs équipes avec des messages-clés à faire passer : une orientation, des valeurs, un calendrier, un projet…

Toutes ces actions, tournées ou annonces ont pour vocation de mettre en avant le leadership du nouvel arrivant. Et on les justifie soit parce qu’on a reçu une lettre de mission de son n+1 en ce sens, soit parce qu’on connaît déjà les équipes, soit encore parce qu’on a été nommé avec une situation d’urgence à traiter. Bref toutes les raisons d’agir vite.

 

Mais c’est une erreur

Une évidence d’abord : aller trop vite dans l’action, c’est ne pas prendre le temps d’écouter les équipes, de s’intéresser à ce qu’elles font bien, à leurs craintes et espoirs.

Conséquence, c’est avoir une vision superficielle de ses équipes (même si vous les connaissez déjà), ne les voir qu’à travers les préjugés des prédécesseurs ou par une première impression forcément trompeuse parce que votre équipe n’est pas 100% elle-même dans un moment où elle ne vous connaît pas.  

Cela génère donc 3 gros risques qui peuvent se cumuler :

  • Les 1ères mesures sont un peu à côté de la plaque parce qu’elles ne tiennent pas compte d’un détail, d’une action en cours. Elles paraissent donc faites à la va-vite et un peu théoriques. C’est un peu le syndrome Hollande avec des premières lois mal ficelées.
  • Les 1ères mesures sont déconnectées les unes des autres et ne s’insèrent pas dans une logique globale. Les équipes les comprennent mal et votre démarrage pied au plancher ressemble à de l’agitation. C’est le démarrage Sarkozy. Trop d’agitation, pas assez de fond et de cohérence.
  • Votre démarrage renforce les éventuels clivages dans l’équipe alors qu’une prise de poste est un moment rêvé pour rétablir la confiance.

 Ce démarrage rapide est donc le meilleur moyen de perdre du temps parce qu’il vous fait partir vite mais seul et possiblement dans la mauvaise direction.

 

Objectif lenteur et 0 leadership 

Il faut avoir pour seul premier objectif de comprendre. Comprendre ce que les équipes aiment faire, ce dont elles sont fières, ce qui les distingue des autres. Comprendre aussi là où c’est difficile, comment ils l’expliquent, ce que cela génère chez eux comme frustration, comme conséquences. Comprendre comment s’organisent les équipes, pas seulement dans leur métier mais aussi en termes de dynamique entre les personnes.

La prise de poste est un moment qui ouvre des tas de possibilités si on prend le temps de les construire. 

Ça paraît évident, mais cela veut dire un tour de l’équipe sans opinion ni sur les équipes ni sur ce que l’on va faire avec elles.

Bien sûr, on ne veut pas caresser les équipes dans le sens du poil. Mais pour avoir la possibilité de remettre en cause l’existant, il faudra être précis, factuel, juste. Bref, être lent, c’est être tactique :

  • C’est d’abord pour préserver et amplifier les points forts.
  • C’est pour changer des choses en faisant cas de ce qui a déjà été fait. Rien de plus insupportable qu’une mesure qu’on annule de façon dogmatique sans en préserver les aspects positifs : regardez Trump avec l’Obamacare !
  • C’est aussi pour utiliser les bons mots. Ne négligez pas cette dimension émotionnelle. Les équipes sont comme une bande de copains avec leurs expressions et private jokes… Les ignorer c’est rester en dehors de la bande.
  • C’est aussi pour s’appuyer sur VOS alliés dans les 1ères mesures. Souvent, on se borne aux alliés connus du système, et on ne va pas chercher de nouvelles énergies… C’est dommage ; c’est bien plus facile à ce moment là.

La prise de poste est un moment qui ouvre des tas de possibilités si on prend le temps de les construire.  Evidemment le temps de la lenteur est relatif : les fameux « 100 jours » pour un manager de terrain ce n’est pas tenable ; dans une équipe de 10 personnes prévoyez 2 semaines. Mais 100% écoute.

 

Même dans les cas où la vitesse semble une évidence

 

Si on connaît déjà très bien l’équipe :

C’est évidemment un avantage et on peut bien sûr accélérer un peu. Mais attention, vous avez changé de position et les attitudes vis-à-vis de vous vont nécessairement changer. Et puis, vous avez changé de poste, ce n’est pas pour faire la même chose.

 

Dans une situation d’urgence :

Réflexe (de pompier), aller au feu. Mais vous n’êtes pas un surhomme donc vous ne changerez pas la situation en un claquement de doigts. Prenez le temps de comprendre les causes de la crise, et donnez-vous la possibilité de l’aborder différemment, pour vous attaquer aux causes racines.

 

Quand tout va bien :

Là au contraire, ne prenez pas le risque de casser la belle machine en la touchant trop vite et sans habileté. Cherchez à comprendre les raisons de sa performance, pour les développer et vous attaquer aux nouveaux enjeux ; pour préparer le long terme. 

La prise de poste est un moment court, mais précieux ; à ce moment, vous n’avez fait encore aucune erreur et vous vous préparez pour 3 à 6 ans à la tête de cette équipe. Osez perdre 2 semaines à 1 mois pour être le plus ajusté possible ; oubliez le leadership, vous en ferez plus tard. Le meilleur démarrage n’est pas fulgurant, il est stratège. Pensez tortue, pas lièvre !

Chirac, le dialogue des cultures et la force du Graal

Manager parisien ou de passage à Paris, courez voir au musée du quai Branly l’exposition « Chirac ou le dialogue des cultures » jusqu’au 9 octobre 2016.

L’exposition est hagiographique peut-être mais vous le supporterez même si votre coeur penche à gauche. Car au-delà des oeuvres, on y voit la conviction se former petit à petit pendant le long parcours de l’ex-président, autour de la nécessité de faire dialoguer les cultures pour défendre la paix dans le monde.

La guerre en Irak évidemment, mais nombre d’autres initiatives montrent comment on peut tisser une vie politique autour d’une idée pour finalement lui donner de la force. C’est ce que nous appelons graal dans notre vie de consultant : cette étoile que l’on suit et qui nous aide à faire des choix difficiles, à donner un sens aux milliers de décisions que nous devons prendre jour après jour. Ici, s’agissant d’un président de la République, les décisions sauvent ou coûtent des vies, mais à notre niveau de managers, elles orientent des vies professionnelles, assurent ou non la pérennité d’une usine ou d’un site tertiaire.

Chirac ne restera probablement pas dans l’histoire pour sa politique intérieure, mais il sera peut-être pris en exemple dans 100 ans pour sa vision du monde ; parce qu’il avait un graal.

Et vous, manager de terrain ou dirigeant, avez-vous un graal ?

Les groupes de travail : beaucoup, passionnément… mais surtout un peu !

Les groupes de travail… On les lance, la tête remplie de bonnes intentions… On veut faire du collaboratif, du transverse pour sortir du cadre hiérarchique habituel… On espère générer des idées différentes, créatives, avec des regards extérieurs… Donc on les commence plein d’enthousiasme et d’espoir mais on termine souvent déçu avec un arrière goût d’inachevé.

Alors pourquoi ça ne fonctionne que rarement ? Est-ce que ça veut dire qu’il ne faut pas en faire du tout ou qu’il faut les animer différemment ?


Pourquoi cela ne marche pas ?

Combien d’entre nous ont lancé des groupes de travail comme une solution miracle, comme s’ils se suffisaient à eux-mêmes ? « J’ai un problème alors je vais faire un groupe de travail, ils ont intérêt à être créatifs ! »

Combien d’entre nous ont voulu un groupe de travail pour prouver que l’idée que nous avions en tête était la bonne ? « Je veux qu’ils adoptent telle solution mais je préfèrerais que l’idée vienne d’eux. »

Des groupes de travail lancés pour de telles raisons ont toujours du mal à avancer, ils commencent par brainstormer… et ne s’arrêtent jamais.

Et, le pire c’est quand un groupe se coupe du reste des équipes et réfléchit en vase clos. Alors le jour où il a besoin d’aide ou veut que tout le monde adopte ses idées, c’est le grand flop.

Du coup, est-ce qu’on arrête tout ?

A force de voir des groupes de travail qui se cassent la figure, on se pose vraiment la question de leur utilité. Et parfois on se dit qu’il est plus simple de supprimer quelque chose qui ne marche pas.

Mais heureusement, on a vu chez nos clients des groupes de travail qui fonctionnent, avec des managers et des équipes heureuses ! Donc c’est possible d’en ressortir de bonnes idées qui se traduisent ensuite en actions.

Et puis, un groupe de travail ça a du bon quand même… Ça permet d’arrêter le temps pendant quelques heures pour se concentrer sur un sujet précis et essayer de trouver une solution. Ça casse le rythme habituel, ça sort de la relation hiérarchique traditionnelle, et c’est déjà beaucoup ! Les équipes se retrouvent dans un processus qui laisse du temps, qui sécurise et qui permet de changer sa façon de raisonner.

 Donc, bien sûr, continuez à en faire, mais pas comme d’habitude.

Un groupe de travail doit être libre, nécessaire et ouvert

Quand on lance un groupe de travail, on pense souvent au QUOI (sujet traité, objectifs à atteindre, livrables attendus). Nous pensons que le succès d’un groupe de travail se fait plutôt sur le comment : comment on constitue le groupe, comment on prépare la mise en œuvre dès la conception, comment on crée les conditions d’un bon échange.

Pour commencer, un premier NON ! Un groupe de travail n’est pas une usine à blanchir vos propres idées ou à s’approprier vos propres décisions. Il doit réellement apporter un plus à la réflexion. Dites-vous bien, de toutes façons, que les gens sont perspicaces et que si les marges de manœuvre n’existent pas, le groupe s’en rendra compte et vous le fera payer pendant le groupe de travail ou après, dans la phase de déploiement.

Et un second NON ! au recrutement exclusif sur la compétence. Laissez au maximum les choses se faire sur la base du volontariat, la motivation est le 1er talent utile à un groupe de travail. Si certaines compétences sont indispensables, affichez-le dès le départ et laissez les places restantes aux volontaires. Bref, laissez-les LIBRES autant que possible !

Dernier élément indispensable : l’ouverture à l’extérieur. Les décisions qui vont sortir du groupe vont devoir à un moment être prises, ou au moins comprises, par ceux qui ne font pas partie du groupe de travail. Ce dernier ne doit donc pas se fermer mais réfléchir dès le début à communiquer avec les autres. Par exemple, la fin des travaux du groupe doit-être marquée par un événement, celui où il montre ce qu’il a fait aux autres et où il y a un passage de flambeau.

Et avoir une animation exigeante et aérée

Vous avez le choix :  soit vous allez vers la facilité qui coûte cher, en engageant un animateur professionnel, soit vous avez quelques astuces à disposition. Bien animer un groupe c’est arriver à le faire avancer, sans brider sa créativité mais en gardant l’action comme finalité.

Sur le fond, ce qui est difficile dans l’animation d’un groupe de travail, c’est de sortir par le haut de la phase de brainstorming… Pour faire fuser les idées, il y a beaucoup de techniques qui ont été développées et beaucoup fonctionnent. Sauf qu’objectivement, ce n’est pas le plus dur. Ce qui est compliqué c’est de choisir, abandonner des idées, pour permettre de prendre des décisions. La première chose à faire est d’en avoir conscience, de le partager avec le groupe dès le début.

Ensuite plusieurs astuces peuvent aider : commencer par analyser et critiquer précisément la situation actuelle pour concentrer le brainstorming sur la recherche de solutions et non simplement d’idées ; créer avant même le brainstorming des règles de sélection qui nous permettront d’arbitrer plus facilement ensuite ; limiter la phase de brainstorming dans le temps (mais ne pas cadrer les idées pour préserver la créativité) ; etc.

Sur la forme, l’important est de mettre de l’air :

  • N’organisez pas les réunions dans la salle habituelle (par exemple, un de nos clients a animé une réunion à son domicile, dépaysement garanti à prix raisonnable).
  • Evitez les réunions-conclaves, interminables, qui usent le groupe et ne donnent pas envie de revenir.
  • Faites beaucoup de pauses, une par heure selon nous, car la fraîcheur d’esprit ne peut se maintenir sans cela.
  • Laissez un peu de temps entre 2 réunions pour mûrir les idées.
  • Pensez à l’animation visuelle : pour le groupe ça permet de se représenter l’état d’avancement, les étapes, le but, donc de prendre du recul. Ça rend aussi visible les avancées à l’extérieur du groupe. Vous pourriez avoir une salle dédiée aux groupes et ouverte afin que les autres collaborateurs puissent « visiter », et commenter.

En conclusion, on ne lance pas des groupes de travail à la légère, n’importe comment et tout le temps. On doit l’utiliser comme un outil précieux et exigeant. C’est alors qu’il peut devenir redoutablement efficace.

Alexis Pinturault serait un bon manager !

Ce mois-ci, découvrons une interview illustrant le travail de neurophysiologistes sur la simulation mentale dans le ski. Pour la voir : http://education.francetv.fr/videos/simulation-mentale-et-precision-du-geste-sportif-v106370

Lobservation des skieurs de haut niveau par les neurophysiologistes a permis de comprendre quil leur est impossible de traiter consciemment l’ensemble des informations sensorielles (la trajectoire idéale, langle, la vitesse, etc.) pendant les épreuves ! Alors comment font-ils ?

Un skieur professionnel, comme tout sportif, sentraîne inlassablement sur le parcours de sa prochaine course. Pendant son entraînement, de manière inconsciente, son cerveau emmagasine et enregistre les informations nécessaires au bon déroulement de la compétition.

Lors de la course, le cerveau du sportif simule ces informations mémorisées, les compare à la réalité sans que le sportif y pense et lui permet de gérer tous les paramètres de son épreuve.

Tel un sportif, le manager ne peut pas maitriser tous les éléments externes, lors d’une réunion par exemple. En conséquence, lors de moments managériaux-clés, seule votre préparation (répétition à blanc, simulation du moment sur les lieux, etc.) vous permet de garder lesprit libre et d’être concentré sur linstant.

Puis, le moment venu, faites-vous confiance ! Votre cerveau fera le travail sans que vous ayez à y penser.

Rabibochons le central et le local !

Des liens entre les services dits centraux et les entités locales, on pourrait écrire des livres entiers. La plupart serait des drames, tant la relation avec le siège est souvent décriée. Mais parfois, ça marche ! Alors, on fait la paix ?

Le Siège manque de visibilité et se plaint du manque de communication des autres sites qui, eux, fustigent l’interventionnisme du Corporate. 

Procès d’intention à gogo

Des PME jusqu’aux grands groupes, à partir du moment où une activité est multi-sites, la question du lien entre le Siège et les autres sites se pose.

Souvent, cette relation tourne vite à la méfiance. Le Siège manque de visibilité et se plaint du manque de communication des autres sites qui, eux, fustigent l’interventionnisme du Corporate.

Très vite, le cercle vicieux s’installe : l’entité locale, par crainte de l’ingérence du Corporate, fait une communication a minima et refuse au maximum les mains tendues. Du coup, le Siège a l’impression qu’on lui cache quelque chose et force l’entrée (au moment des budgets ou à l’occasion d’une crise sociale ou qualité que tout site traverse à un moment ou à un autre). Cette intrusion du Siège valide les pires craintes des « locaux » qui renforcent les barricades, etc.

 

Pourtant, le besoin de coopération est vital

C’est d’autant plus frustrant de constater cette mauvaise alchimie que chacune des deux parties a, objectivement, besoin de l’autre pour avancer.

Encore faudrait-il imaginer que les technocrates du Siège peuvent apporter quelque chose…

Pour le Corporate, c’est évident : leurs décisions et projets ne trouvent de réalité que dans la traduction opérationnelle qui en est faite par les sites. Sans cela, les initiatives du Siège tournent à vide et cela désespère jusqu’aux plus enthousiastes.

Bien sûr, les partisans de la manière forte y trouveront là une justification pour asséner à coups de démarches « top down » des prescrits de toutes sortes. Mais ces projets étant subis par les sites, ils ne produiront que des leurres utilisés pour faire « comme si ». 

Les sites aussi pourraient utiliser intelligemment les apports du Corporate. Presque tous ceux sur lesquels nous intervenons se plaignent d’avoir en permanence « le nez dans le guidon », happés qu’ils sont par le quotidien opérationnel et la gestion des urgences. Pourquoi ne pas s’appuyer sur le Siège qui, justement, n’est pas prisonnier de l’opérationnel ? Encore faudrait-il imaginer que les technocrates du Siège peuvent apporter quelque chose…

Par ailleurs, structurellement, le Corporate concentre les compétences techniques, la connaissance des marchés et des clients. Le terrain serait bien présomptueux d’ignorer cette manne de savoirs mis à sa disposition.

 

Ce n’est pourtant pas une fatalité

Nous observons tellement cette incapacité de coopération efficace que nous pourrions imaginer qu’elle est structurelle, inévitable. Pourtant il suffirait de pas grand chose pour que l’interaction rugueuse devienne coopération.

Pour les sites, le plus dur est de demander de l’aide 

La première erreur serait de croire que la bonne relation entre Siège et sites dépendrait d’abord et avant tout de la posture du premier. Bien sûr, un Groupe bienveillant et à l’écoute favorise les chances de bonne coopération.

Mais il n’y a rien de plus efficace qu’un site qui sort lui-même du schéma classique et demande spontanément de l’aide. L’effet est celui d’une bombe ! 

Certes, cela nécessite de ne pas considérer une demande d’aide comme un aveu d’échec. Certes, cela nécessite de considérer que l’autre partie pourrait éventuellement être utile, mais ce travail en vaut la peine : le cercle vicieux est pris à contre-pied et les bonnes volontés émergent.

Notre conseil aux sites est simple : vous avez un Siège qui essayera de toutes façons de vous aider, avec ou sans votre demande. Plutôt que de faire du karaté (essayer de contrer la force de l’autre), essayez le judo (utiliser la force de l’autre à votre profit) en émettant des besoins ciblés et finis dans le temps. Vous serez surpris de constater le changement de relation que cela produit.

Le service qui marche, ce n’est pas le meilleur mais celui qui est compris et demandé par les sites.

Pour les services Corporate, passer en mode Coach

Le changement de posture des services Corporate est plus dur car c’est culturel. Il nécessite de faire le deuil de la croyance souvent ancrée « Si je produis le meilleur service ou le meilleur outil possible, il sera accepté par les sites ».

Et bien non, les contre-exemples sont partout. 

Le service qui marche, ce n’est pas le meilleur mais celui qui est compris et demandé par les sites.

Vous pensez que la création d’une université Groupe est l’idée du siècle ? Si les opérationnels ne la demandent pas, elle sera une coquille vide. Idem pour le SI RH ou l’arsenal de communication sur les valeurs Groupe. 

L’enjeu, c’est de passer d’un système de VRP (qui fait du porte-à-porte pour vendre son produit au plus grand nombre) à un système de boutique (qui fait venir son client interne dans sa boutique pour lui faire exprimer ses besoins, lui répondre au juste nécessaire et essayer de le fidéliser). 

 

Nous avons récemment observé des entreprises où ce système fonctionne, nous croyons donc qu’il n’est jamais trop tard pour bâtir, enfin, une relation utile et apaisée entre d’historiques frères ennemis.

Managers cherchent responsabilités…

C’est un retournement de situation comme seul le monde de l’entreprise sait les faire. Depuis toujours, les managers cherchent des outils pour responsabiliser leurs équipes : une quête noble. Seulement, nous constatons dans nos missions que le fléau de la déresponsabilisation touche tout le monde, et probablement davantage les managers eux-mêmes que leurs équipes. Managers, et si le temps était venu de briser vos chaînes  ? 

 

Prison en bas, prison en haut

Les équipes que nous croisons lors de nos pérégrinations managériales nous le disent toutes, quelle que soit leur activité ou la taille de leur entreprise, elles ont le sentiment d’un flicage grandissant, d’un management gendarme, d’être infantilisées. 

Et il faut bien admettre que nous les comprenons. Au fil du temps, les modes de fonctionnement des grandes entreprises se sont rigidifiés. À coups de procédures hyper cadrées, d’indicateurs pléthoriques et de plans d’action superposés, les entreprises ont créé une prison d’outils et de systèmes.

Pour les équipes et les managers de terrain, ces contraintes pèsent surtout sur le climat social. Bien sûr, nous pensons que l’autonomie donnée aux équipes est une source extraordinaire de création de valeur, mais admettons que leurs degrés de liberté ayant souvent été très limités, ils ont surtout eu la désagréable sensation de passer de pas grand chose à rien du tout.

Quand on remonte la hiérarchie en revanche, c’est la dégringolade.

Ces mécanismes privatifs de responsabilité ont cruellement vidé les missions managériales de leur substance. Dans les grands groupes industriels, autrefois, la responsabilité du chef d’atelier était grande : définition et amélioration des processus de fabrication, détection et évolution des talents, achats, etc. Aujourd’hui, un directeur d’usine n’a, pour les budgets, que l’autorisation d’écrire exactement ce que l’on attend de lui, on lui dicte aussi ses choix de recrutement et il doit faire des rapports presque quotidiens sur les rendements de ses machines. 


Le serpent qui se mord la queue

Dans ces entreprises, il est devenu vain de rechercher qui est responsable parce qu’il y a toujours quelqu’un qui réglemente le fonctionnement de l’autre (un supérieur hiérarchique, une fonction corporate voir un acteur extérieur qu’il soit certificateur, inspecteur du travail ou consultant).

Et puis le fait de piloter les contraintes de l’autre est, en soi, une contrainte : n’a-t-on jamais vu un responsable se plaindre du nombre de réunions qu’il a lui-même mises en place pour piloter l’ensemble des processus de sa propre entité ? 

 

La surcharge de travail, meilleur ami de la déresponsabilisation 

Les procédures et les contraintes à elles-seules ne permettent pas d’expliquer le triste mais galopant succès de la déresponsabilisation en entreprise. Il est en effet surprenant de constater la relative docilité avec laquelle les managers ont accepté de voir leurs prérogatives dévorées, leurs marges de manœuvre mises en miettes. 

La raison est toute simple : ils avaient autre chose à faire…

Plusieurs managers, passant d’un poste opérationnel à un poste projet, même temporaire, nous ont fait part de leur désarroi et d’un sentiment de vertige dû à cette autonomie retrouvée

La surcharge de travail est probablement la plus redoutable des armes de déresponsabilisation massive. Elle agit comme une drogue sur les managers qui la subissent. Elle détourne le leader de sa responsabilité car elle le saoule de mails, de réunions, de reporting.

Elle est agréable aussi, même si tout le monde s’en plaint, car elle fait passer la journée plus vite et donne à sa victime le sentiment du devoir accompli.

Elle se rend même indispensable chez certains, car un manager qui a un agenda et une boîte mail vides se sent désemparé, il n’a plus l’habitude, il a l’impression d’être inutile.

Plusieurs managers, passant d’un poste opérationnel à un poste projet, même temporaire, nous ont fait part de leur désarroi et d’un sentiment de vertige dû à cette autonomie retrouvée et dont ils ne savaient pas quoi faire. Ils étaient en manque de surcharge.

 

Seul remède, la cure de transgression 

Comme face à toute addiction, il faut d’abord du courage pour s’en sortir. Personne ne s’attend à ce que vous luttiez comme le mouvement inexorable de déresponsabilisation, il va donc falloir provoquer vous-même cette recherche du retour au management responsable.

Prendre des risques ? Voilà le retour de la responsabilité.

Pour cela, vous devrez d’abord redonner de l’air à votre agenda et à ceux des membres de votre équipe. Diminuer les sources de pression qui asphyxient toujours un peu plus les capacités d’initiatives. 

Comme rien ne vous sera donné, il faut gagner ces espaces de liberté. En optimisant vos tâches d’aujourd’hui ? Oui bien sûr, même si le gain sera faible et avec le risque que l’espace libéré soit immédiatement repris par d’autres tâches.

L’arme la plus efficace, c’est la transgression. Vous devez questionner les lois de votre entreprise et remettre en cause celles qui vous semblent inadaptées, inutilement chronophages ou à faible valeur ajoutée. Transgresser implique de prendre des risques, et seuls les résultats obtenus vous permettront de justifier vos choix a posteriori. Prendre des risques ? Voilà le retour de la responsabilité.

Bien sûr, le mouvement de retour à un management responsable est progressif. Nous croyons sur ce sujet à l’efficacité de la tactique des petits pas : pas d’effet d’annonce présentant le retour triomphant du manager-entrepreneur mais des petites victoires successives qui, tenues dans la durée, créeront le cycle vertueux de la reprise en main d’un rôle responsable. Le temps long, lui aussi, est un signe de responsabilité.

Nous savons à quel point le rôle du manager est difficile, nous n’en sommes que plus admiratifs de ceux qui, à tous les niveaux, se battent pour retrouver la responsabilité, seul gage crédible de liberté et d’audace.

 

ALBUS CONSEIL