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Surcharge de travail : lancez votre « projet Loch Ness »

Insaisissable, permanente, mystérieuse et légendaire…

La surcharge de travail semble habiter dans un grand lac écossais.

Une des grandes aspirations de vos équipes ces prochains mois sera de ne pas repartir dans la frénésie d’avant… Mais comment faire ? Un peu partout, réduire la surcharge de travail est une quête sans fin. Et ce qui rend cette quête décourageante, c’est que malgré tous les efforts, on a souvent l’impression de ne pas progresser.

Si on ne progresse pas, c’est parce qu’on prend ce sujet trop au sérieux
Il y a deux manières d’être trop sérieux et rationnel en s’attaquant à la surcharge : le mode « parent bienveillant » et le mode « process ».

Le mode du parent bienveillant, c’est celui qui consiste à rappeler aux équipes qu’il est fondamental de déconnecter et de prioriser. C’est celui du rappel des « bonnes pratiques », qui le plus souvent ne suffit pas. Parce que se déconnecter est toujours perçu comme une prise de risque (« je pourrais rater quelque chose », « je dois terminer de régler ce problème »), et parce que décider de prioriser revient à avoir un rapport rationnel, dépassionné à son agenda, ce qui n’est jamais le cas… Je m’occupe d’abord (ou je repousse d’abord, c’est selon) ce qui me fait le plus peur, le plus envie, le plus briller, etc. Mieux prioriser doit rester un objectif, mais il n’est presque jamais atteint en demandant aux personnes de mieux le faire.

Le mode process, c’est celui qui part du principe que la surcharge est le fruit d’un empilement des structures qui composent l’organisation : toujours plus de process, de reporting, d’étapes de validation, etc. Le raisonnement est imparable, et ouvre la voie à une solution logique : simplifier l’organisation, la rendre plus agile. C’est simple, mais loin d’être facile. Là aussi parce que la complication de l’organisation a une fonction : rassurer, donner un sentiment de maîtrise, contrôler ce qui paraît incontrôlable. Et du coup on n’ose jamais retirer plus vite qu’on ajoute.

 

D’abord, il va falloir réveiller l’envie de s’y mettre

Et il ne faut pas sous-estimer cette étape : vous avez besoin de managers qui ont vraiment envie d’agir ensemble sur ce sujet, alors que ça prend du temps, que ça paraît ardu, et que les expériences des uns et des autres montrent que les résultats sont rarement au rendez-vous.

On évitera d’être en mode parent, mais on peut très bien être en mode enfant… Ce qui veut dire jouer : le projet Loch Ness, qui invite des managers à terrasser ce fameux serpent de mer (à moins que ce soit un dragon d’eau douce ?), est une aventure qui vaut le coup d’être vécue ! Parce qu’elle est une respiration dans le quotidien des managers qui vont y participer, parce qu’elle normalise le sujet, et parce qu’on y teste des trucs marrants, inhabituels. On joue à manager différemment, et on assume de dédramatiser le sujet.

C’est un projet dans lequel on apprend à manager différemment, sur au moins 3 leviers : 
 

Levier 1 : Responsabiliser des personnes avant qu’elles ne l’aient mérité

Pour faire baisser la quantité de travail, on ne jouera ni sur l’injonction à prioriser, ni sur la simplification de l’organisation, mais on peut mieux répartir le travail entre les individus. Cela paraît simple, mais le faire vraiment représente souvent une vraie révolution managériale. Il s’agit d’aller chercher beaucoup plus bas dans l’organisation des candidats pour participer aux projets importants ou aux sujets transverses. L’effet recherché est de libérer les 20 ou 30% de l’effectif à qui on pense tout le temps (les usual suspects), et qui sont certes bons, mais au bord de la rupture. Et puis de renforcer le plaisir et la fierté de ceux qui sont choisis pour la première fois. Bref, on s’appuie vraiment sur 100% des effectifs.

C’est un vrai changement culturel, car cela veut dire responsabiliser tout le monde, y compris des personnes qui ne l’ont pas encore mérité. Et ça veut dire faire progresser tout le monde : arrêter de laisser 40 ou 50% de l’effectif dans un état de relative stagnation, en partant du principe qu’ils font le minimum et que c’est déjà pas mal.

 

Levier 2 : Formuler des objectifs qui rendent intelligents

Prioriser, c’est un peu comme s’endormir le soir, ça ne se décrète pas. Voire même, plus on se force, moins ça fonctionne. Ce n’est pas une décision qu’on peut prendre rationnellement, c’est au contraire la conséquence d’une possibilité de discernement.

Le discernement, c’est ce qu’on perd quand on verse dans la frénésie. C’est la capacité à identifier ce qui est essentiel, ce qui produit de la valeur. Et ce côté essentiel est toujours relatif. C’est pourquoi les équipes ont besoin d’une boussole. Si l’objectif de mon service est « gagner 3 points de productivité », il y a fort à parier que je bascule dans la frénésie. Parce que toute action peut potentiellement y contribuer. Cet objectif n’augmente pas ma capacité de discernement.

Un objectif qui rend intelligent, c’est le contraire de ça… C’est un objectif qui focalise les efforts, en décrivant un effet à produire plutôt qu’un chiffre à atteindre. Voici l’exemple d’un objectif qui a permis de focaliser les efforts des membres d’une direction financière : « Notre objectif est que d’ici deux ans, nos clients internes nous sollicitent d’eux-mêmes pour avoir des conseils, et pensent naturellement à intégrer l’un(e) d’entre nous dans leurs équipes projet ». Dans le contexte d’alors de cette direction, cet objectif a servi de point de repère très fort en termes de priorisation des actions (ce qui y contribue directement / ce qui n’y contribue pas directement…)

Les managers doivent s’entraîner à formuler de tels objectifs, sans quoi leurs équipes resteront frénétiques.

 

Levier 3 : Proposer aux équipes un projet en plus (oui, en plus…)

La perception de surcharge est aussi une question de rapport au travail : plus je prends de plaisir dans ce que je fais, moins j’ai le sentiment que ce travail me coûte, représente une « charge ».

Pour tenir compte de cela, les managers qui participeront à votre projet Loch Ness proposeront à leurs équipes un projet en plus : un projet certes utile, mais qui soit surtout pour elles une respiration… Car un des effets négatifs des tentatives habituelles de lutte contre la surcharge, c’est de retirer les projets perçus comme secondaires. Or ce sont souvent ces projets qui donnent de l’air aux équipes, parce qu’on y trouve moins de pression, plus d’échange, plus d’inspiration. Bref, en voulant alléger, parfois on assèche.

L’idée est donc de proposer aux équipes de participer à un projet qui sera utile pour l’entreprise, mais aussi qui va remplir un bout des agendas par du plaisir, de l’exploration, de l’échange. L’autre effet recherché, est que ce projet soit suffisamment important et ambitieux pour rendre impossible le statu quo et ainsi permettre de changer les habitudes dans le sens des leviers 1 et 2 : si les équipes adorent ce projet, elles y trouveront une motivation supplémentaire pour mieux prioriser le reste et mieux répartir la charge…

 

Alors c’est parti !

Lancez votre projet Loch Ness par un appel à l’aventure ! Un appel du genre : « Venez terrasser avec nous la surcharge, cette créature insaisissable ! Ce n’est pas gagné d’avance. On essaiera de lui couper la tête, mais elle repoussera sûrement… On va tout faire pour la rendre moins puissante, moins présente… On ne sait pas si on réussira, mais ce qui est sûr, c’est que cette quête fera de nous de meilleurs managers :  plus astucieux, plus forts, plus détendus. Qui est partant ? »

Vous verrez, avec ce ton et ce contenu, vous n’êtes pas à l’abri d’avoir des candidats… et peut-être même des résultats !

 

Appelez vos collaborateurs à l’aventure !

Motiver ses équipes est forcément une des missions les plus ardues du manager. Et cela entraîne fréquemment une tension avec ses collaborateurs : comment faire faire à quelqu’un quelque chose qu’il ne veut pas faire, ou du moins faire comme vous le souhaitez ? La solution est loin d’être simple mais avec les bons ingrédients, elle devient possible. Il faut leur proposer une aventure capable de les rendre fiers de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font. Votre job ? Créer les conditions pour rendre l’Aventure possible !

* Pour aller plus loin *

// A lire //

Motiver et mobiliser un collectif : le modèle de l’aventure

Le héros aux mille et un visages – Joseph Campbell

Le guide du scénariste – Christopher Vogler

// A voir //

Masterclass Christopher Vogler – Point de vue d’Alexandre Astier
Tout Star Wars, Le seigneur des anneaux, Kaamelott, Harry Potter, etc…

// Les extraits//

Le dîner de cons – Francis Veber
Walter Mitty – Ben Stiller
Star Wars, épisode IV : Un nouvel espoir – George Lucas
Le Seigneur des anneaux : Le Retour du roi – Peter Jackson
007 Spectre – Sam Mendes
Kaamelott livre IV – Alexandre Astier

Jacques Higelin – Lonesome Bad Boy

 

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil

Au micro : Camille Riou et Patrick Bois. 

A la réalisation : Laetitia Peyre

Sortir d’une crise c’est possible

Dans la vie d’un manager il y a malheureusement des crises plus graves que d’autres, qu’elles soient entre les managers et leurs équipes ou au sein des équipes. Des crises qui paraissent souvent insolubles et figées, pourtant, il existe des solutions, pas faciles certes, mais elles existent !

 

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil

Au micro : Camille Riou et Patrick Bois. 

A la réalisation : Laetitia Peyre

En période de changement, priorité aux émotions

Face aux grandes transformations, l’humain réagit avec des émotions fortes qu’il est souvent dommageable de nier ! Pour pouvoir gérer toutes ces turbulences en tant que manager, il faut pouvoir les identifier pour ensuite mieux les accompagner. Voyons comment !

Pour aller plus loin :

// A lire //

https://www.wikimanagement.net/fr/40-maitriser-les-differents-temps-du-changement-la-courbe-en.php

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil
Au micro : Camille Riou et Patrick Bois.
A la réalisation : Laëtitia Peyre

L’outil révolutionnaire pour les managers actuels : Le RETROVISEUR

Un nouveau syndrome managérial est apparu, produit malfaisant de la frénésie galopante des entreprises. De la famille des torticolis, ses symptômes sont clairs : incapacité à regarder derrière, à prendre en compte l’historique pour construire l’avenir, à célébrer les victoires, à s’inscrire dans la continuité. Seul remède : accepter d’être à contre-courant en prenant en compte le passé !

Tout nous porte à ne plus regarder derrière nous

C’est une réalité dans toutes les entreprises : les prospectives sont plus populaires que les REX (retour d’expérience) de nos jours. 

Et quand certains outils nous appellent à faire les deux (Test & Learn : faire et analyser), on « Test » souvent mais on « Learn » très rarement. 

Il y a plein de mauvaises raisons qui expliquent pourquoi on ne prend plus le temps de regarder le passé. D’abord on n’a plus de temps du tout, cela fait des années que tous les managers le disent mais il faut bien reconnaître que c’est un peu plus vrai tous les jours. Du coup, on a tendance à privilégier les sujets « à traiter » et à remettre à plus tard (c’est à dire jamais) les discussions sur ce qui a été fait. 

Et puis de toutes façons, on attend du manager qu’il soit fort et exigeant, ce qui se traduit souvent par : « Avant moi, c’était mou et conservateur, donc j’ai un nouveau projet et qui m’aime me suive ! ».

Ensuite, toutes les innovations de méthodes se concentrent aujourd’hui sur le passage à l’action, l’accélération : Design Thinking, Hackathon, Lean Start-up. C’est de la boulimie de faire et de regarder devant, sans s’arrêter. Et quand certains outils nous appellent à faire les deux (Test & Learn : faire et analyser), on « Test » souvent mais on « Learn » très rarement. 

Rajouter à cela des facteurs aggravants. On change de poste de plus en plus souvent, sans passation avec le prédécesseur le plus souvent. Et puis de toutes façons, on attend du manager qu’il soit fort et exigeant, ce qui se traduit souvent par : « Avant moi, c’était mou et conservateur, donc j’ai un nouveau projet et qui m’aime me suive ! ».

Au final, le passé est un grand flou, qu’on règle un peu vite en disant qu’il est sûrement moins bon que l’avenir et qu’il ne vaut pas la peine de s’y arrêter. 


Sans passé, pas d’histoire

Les grands historiens l’ont théorisé avec le devoir de mémoire : il faut savoir d’où on vient pour savoir où on va. L’absence d’animation du passé a de nombreuses et graves répercussions.

La plus évidente, c’est que sans historique, pas d’apprentissage, et les erreurs se répètent indéfiniment. Et c’est ce que l’on constate, sur des questions opérationnelles bien sûr (non-qualité en usine, gestion client, etc.) mais aussi sur des questions managériales : mettre un collaborateur dans une situation dans laquelle il s’est déjà planté il y a 3 ans, méconnaître les difficultés de fonctionnement entre deux services qui s’expliquent par un incident passé, etc. 

La plus méconnue sans doute, c’est que l’absence de prise en compte de la situation d’avant creuse un fossé parfois définitif entre le manager et son équipe. Nous conseillons souvent à un manager qui arrive de ne pas trop parler, d’écouter et de ne pas partir trop vite avec un projet souvent conçu avant même la prise de poste. C’est parce que nous avons trop souvent constaté que la précipitation à faire sans comprendre le passé envoyait un très mauvais message à l’équipe et créait deux mondes : ceux d’avant, déconsidérés et les nouveaux, déracinés. Irréconciliables. 

La plus démotivante enfin, c’est que sans regarder le passé on passe à côté des petites victoires et qu’en ne les célébrant pas, on essouffle ceux qui les obtiennent : les meilleurs éléments. 

Avec tout ça, bon courage pour mobiliser vos équipes et les emmener vers une nouvelle aventure. C’est tout simplement impossible, sans passé pas d’histoire crédible.  

C’est dans le passé que se puisent les meilleures visions : 

  • Les plus réformatrices. Parce que pour croire en nos exploits de demain, il faut avoir la preuve que nous en sommes capables… et ses preuves sont dans notre histoire. 
  • Les plus crédibles. Pour qu’une vision soit légitime, il faut qu’elle s’appuie sur les forces les plus sûres de l’entreprise. Et ça aussi, c’est dans l’analyse de notre histoire que ça se trouve.

Solution, redonner au passé ses lettres de noblesse

Ce qui est bien avec ce sujet, c’est que la solution n’est pas très complexe. Elle pourrait se résumer en 4 verbes : attendre, écouter, analyser et reconnaître. 

Attendre avant de proposer une énième action de savoir ce qui s’est passé, écouter le récit des acteurs et analyser leur vécu pour reconnaître leur valeur et proposer un avenir crédible, adapté et motivant. 

Le problème, c’est que tout cela va à contre-courant de la frénésie ambiante. Ceux qui attendent sont des attentistes, ceux qui écoutent sont des mous, etc. C’est donc avant tout de courage qu’il vous faudra pour enrayer la machine infernale et reconnecter l’avant et l’après.


Pour cela, il faut réhabiliter le passé. L’histoire c’est cool ! Le vintage fait recette partout. Pourquoi ? Parce que dans la frénésie actuelle, on aime se rappeler du bon vieux temps. Pour supporter les efforts continus de la transformation, il faut savoir ménager des espaces de stabilité, oxygénants, fédérateurs. 

 

Ne faites plus de passation pour les collaborateurs !

Les encadrants dans les grands groupes dansent une valse à 3 temps : récupérer une équipe, la manager, la passer à un autre, récupérer une équipe, etc…

Dans cette ronde, un passage presque obligé, se passer les dossiers, et un drame : ne pas avoir de période de recouvrement suffisante pour tout se dire… Et bien, gagnons un peu de temps et cessons de faire des passations pour les collaborateurs… Complètement !


Tempo accelerando

A force de l’écrire chaque mois, ça finit par devenir un poncif : tout s’accélère, et il faut danser vite, très vite. Alors dans les changements de poste, on se dit que pour démarrer du bon pied, il faut qu’on en sache le plus possible sur les dossiers, les projets, les clients, et les membres de l’équipe. Alors on organise, souvent à la va vite, une réunion où le prédécesseur, parfois la tête déjà ailleurs, vous explique fissa qu’un tel est un pilier, que l’autre sait faire ci et pas ça, et que le dernier est un poison, toujours prêt à réduire vos efforts à la portion congrue….

Et on sort de cette revue d’effectif soulagé : « heureusement qu’on a pris cette heure ! Que de temps gagné ! »

Que neni, vous n’avez pas gagné 1 minute, et vous vous êtes tendu un joli petit piège…. Allez vous tomber dedans ?


Prophéties autoréalisatrices

Pourtant les infos que vous a donné le prédécesseur vous ont bien servies, et se sont révélées très justes ? Effectivement qu’elles sont vraies. Sauf que vous ne vous rendez pas compte qu’elles sont vraies surtout parce qu’on vous les as dites.

Il est tellement difficile d’ignorer une remarque bien présentée et étayée. Et du coup, on reproduit les situations à chaque tour de valse. 

Autrement dit, 

Quand on va vous vanter le pilier de l’équipe, la pépite qui fait vite, bien et sans râler, comment allez-vous regarder cette personne à la première rencontre ? En plus, en pleine bourre, elle vous abordera conquérante pour présenter les sujets en cours ! Et la danse collée serrée risque de se prolonger.

Pas trop grave vous me direz ? Sauf que c’est vrai pour les gens en difficulté :

Quand on va vous inciter à vous méfier de tel collègue, fourbe et jamais content, qui dit qu’il fait et ne fait jamais, comment allez-vous regarder cette personne à la première rencontre ? En plus, méfiante et peu confiante, elle risque de fuir un peu et aura peu de sujets pour vous séduire ! Et il ou elle risque de continuer à regarder le bal en attendant qu’on l’invite. Rappelez vous Carrie (Brian de Palma), ou voyez-le pour rappeler à quel point le regard de la foule peut créer ses propres légendes, et engendrer des monstres. Elle était belle pourtant Carrie, avant d’être humiliée….

Je caricature peut être un peu, mais un peu seulement. Il est tellement difficile d’ignorer une remarque bien présentée et étayée. Et du coup, on reproduit les situations à chaque tour de valse. 


Et la caricature finit par être plus vraie que nature 

Parce que quand vous avez passé 10 ans, et 3 chefs, à être regardé comme le danger, que faire ? La confiance est au plus bas. Vous estimez que le monde est hostile, et de fait, il l’est. Vous vous pensez menacé, et de fait, vous l’êtes. Alors, l’instinct dit de se protéger de cette agressivité. Et il vous recommande de garder vos idées pour ne pas qu’on vous les vole, de vous lier à ceux qui semblent vouloir vous protéger, d’être agressif avec les autres avant qu’on le soit avec vous.

En écoutant ces briefings de passation, vous prenez le risque d’aggraver la situation ; et si vous n’en tenez pas compte, parfait, mais alors pourquoi perdre votre temps ?


Chaque chaussure a son pied

Poser ce postulat ce n’est pas estimer que tous les prédécesseurs sont partiaux et veulent consciemment pousser le bon et écarter le mauvais ; la plupart du temps il veut votre bien et témoigne seulement de son expérience.

Sauf qu’en management, la virginité prime. Parce que votre prédécesseur a ses méthodes et son caractère, vous les vôtres, et votre successeur les siennes.

Pour faire le lien avec un précédent article sur la prise de poste, la meilleure tactique s’agissant des collaborateurs, c’est donc de prendre le temps de rencontrer l’équipe, sans préjugé, surtout pas négatif. 

Il est possible que celui qui est coincé dans la relation avec son manager actuel puisse se révéler avec vous, ou que celui qui est en difficulté avec vous, se libère avec votre successeur. Sauf que pour que ces belles histoires arrivent, il faut y croire, et pour y croire, il est plus facile de ne pas avoir dans la tête la musique lancinante dans films d’horreur. N’oubliez pas, comme dans Carrie, Cendrillon, Rocky, que la laideur est très sociale et qu’en manageant sans écouter la foule, vous révèlerez parfois la beauté.

Pour faire le lien avec un précédent article sur la prise de poste, la meilleure tactique s’agissant des collaborateurs, c’est donc de prendre le temps de rencontrer l’équipe, sans préjugé, surtout pas négatif. En vous présentant positif et plein d’espoir, vous avez une chance que les personnes coincées se débloquent rapidement juste parce qu’elles entrevoient la lumière. Nous le voyons souvent.

Dans mon quotidien de consultant d’ailleurs, je rechigne de plus en plus à être briefé par le manager sur son équipe

Et quand vous partez, inutile de plomber la carrière de votre collaborateur, même si les relations ont été extrêmement difficiles. Si ça se trouve, votre part de tort n’était pas si faible que ça. Alors, évitons de transférer les problèmes et restons-en au factuel : il occupe ce poste, elle fait ça, ils sont sur tel projet.

Dans mon quotidien de consultant d’ailleurs, je rechigne de plus en plus à être briefé par le manager sur son équipe ; ça le rassure lui, mais c’est clair que j’ai du mal à ne pas en tenir compte dans le feu de l’action, et à rester neutre… Pourtant je connais le mécanisme…

Gardez votre temps pour évoquer les projets (ça c’est utile !), et partager les visions, les grands messages managériaux répétés depuis des mois (ça c’est indispensable pour ne pas repartir de 0).

Et la passation pour les collaborateurs, et bien faites là avec les collaborateurs eux mêmes : quelles sont vos envies, vos craintes ?

Mais pour danser, laisser parler l’instinct, l’envie et l’authenticité.

Alabama Monroe : de la country, des tatouages et un drame… – … pour un exemple de gestion de crise très instructive !

C’est ce que nous donne à entendre et à voir Felix Van Groeningen dans son film Alabama Monroe, où la musique joue un rôle prépondérant, et vient sublimer les moments les plus noirs comme les plus joyeux.

Au début, une histoire d’amour incroyable, une relation fusionnelle entre Elise qui tient un salon de tatouage, et Didier fan de bluegrass et joueur de banjo. Quelques temps plus tard, un drame. Leur fille, Maybelle tombe gravement malade, et finit par succomber à son cancer.

Il s’agit ici d’un drame personnel, une situation particulièrement extrême, alors quel lien avec le management me direz-vous ? Eh bien, ce film peut nous apprendre comment éviter le pire quand un drame arrive au travail.

Des coups durs, des drames, une entreprise peut en subir sous différentes formes : évolution négative du marché, nouvelle réglementation pénalisant le business, scandale concernant pratiques immorales… Et même quand les difficultés ne sont pas directement attribuables à des services ou des personnes de l’entreprise, le risque est que le climat dégénère et mène à remettre la faute sur ses collègues.

Comment on peut faire pour éviter que ça dérape ?

D’abord, réaliser ce qui est en train de se passer. A ce moment-là, c’est votre équipe qui doit faire le deuil de quelque chose. Le deuil d’une croissance garantie du business sur tel marché, le deuil d’une image positive de la boîte à l’extérieur, le deuil d’un process de fabrication remis en cause par la réglementation… Bref, on revient à la courbe du changement

Et si en tant que manager on n’a pas conscience de ça, difficile de prévoir un accompagnement collectif pour dépasser cette épreuve, et surtout très facile de se laisser polluer par toutes les conséquences négatives du changement. 

La première étape c’est de prendre les devants en communiquant sur le changement de manière adéquate. Ça veut dire quoi, de manière adéquate ? Être juste c’est dire la vérité et ne pas minimiser les impacts négatifs, choisir le bon moment et la bonne manière : s’assurer que tout le monde est dispo et aura le même niveau d’information et, qu’en tant que manager, vous serez assez serein à ce moment-là pour gérer la plupart des réactions.

C’est l’occasion de présenter une ambition forte et mobilisatrice pour les équipes qui va canaliser l’énergie et permettre la gestion du changement.

Ce qui manque à Elise et Didier dans Alabama Monroe pour surmonter cette épreuve, c’est un projet à deux sur lequel se concentrer pour avancer ensemble. Décider de ne plus subir malgré les événements…

Le Brio, une formation accélérée – sur la prise de parole

Si vous êtes allés au cinéma en fin d’année dernière, vous avez peut-être vu le film Brio. C’est l’histoire d’une jeune fille originaire de Créteil, étudiante à Assas qui se retrouve face à un professeur obligé de la coacher en prise de parole. Celle qui avait le « parlé d’un chauffeur Uber » doit représenter l’université à un concours d’éloquence.

Premier intérêt du film, l’utilisation des principes de Schopenhauer sur l’art d’avoir toujours raison, selon l’idée que : « l’important c’est d’avoir raison, la vérité on s’en fout ». De ces techniques un peu caricaturales mais utiles, on peut retenir par exemple : 

  • L’opposition théorie-pratique : si la personne en face de nous assène des arguments sans failles, mais de manière très théorique, montrer un cas qui ne fonctionne pas dans la pratique, afin de re-questionner toute la thèse.
  • L’antithèse : si la personne en face rejette toutes les questions qui auraient besoin d’une réponse positive pour soutenir notre thèse, l’interroger sur la thèse contraire comme si c’était cela qu’on voulait le voir approuver, ou lui donner le choix entre les deux thèses pour le perdre jusqu’à ne plus savoir quelle est la thèse qu’il veut démonter.

Notons aussi que, dans le film, l’étudiante n’argumente jamais aussi bien que lorsqu’elle met ces techniques au service de ce qu’elle défend avec ses tripes (et d’ailleurs, pour être honnête, on pourrait être un peu critique avec le film sur certaines de ses victoires au concours d’éloquence).

En management c’est pareil, vous pouvez suivre toutes les formations disponibles sur l’art de bien expliquer / raconter / argumenter, vous ne serez jamais aussi bons que si vous parlez avec vos tripes. Du coup, petit conseil pour écrire un discours : prenez un vrai temps pour écrire d’abord vos sentiments, votre sincérité d’abord et, ensuite, travaillez votre discours pour que ce soit percutant.

Descendez dans le métro !

La jolie scène du métro n’aura pas échappé à ceux qui ont vu le film « Les heures sombres », réalisé par Joe Wright avec Gary Oldman.

Pour les autres, ce film retrace les premiers jours de l’arrivée au pouvoir de Churchill en 1940, alors que l’Angleterre se posait la question de pourparlers de paix avec l’Allemagne.

D’abord fermement opposé à négocier quoique ce soit avec le dictateur allemand, les arguments de ceux qui étaient pour et leur insistance, finissent par faire douter le premier ministre. Après tout, son devoir n’est-il pas de sauver la vie des Britanniques et notamment de tous les jeunes hommes bloqués à Dunkerque ? Churchill doute… jusqu’à ce que, sur l’incitation de sa femme, il décide de demander au peuple ce qu’il en pense.

On le voit alors descendre de son taxi et, pour la première fois de sa vie, s’engouffrer dans le métro londonien. Il y rencontre des hommes et des femmes prêts à donner leur vie pour lutter contre le fléau nazi. Il a trouvé sa réponse.

En management, « descendre dans le métro » ce n’est pas, quand on a une question,  réunir son CODIR, faire un audit ou appeler des consultants (aussi brillants soient-ils), mais c’est mettre ses chaussures de sécurité et aller à la rencontre des équipes, partager nos questions, telles qu’on se les pose.

Ca paraît simple mais c’est parfois rendu compliqué si on est éloigné des équipes, en transverse ou autre. Et du coup, on réduit les budgets sans demander leur avis aux équipes qui auraient des idées pour réduire les coûts, on fixe des priorités sans avoir pris le temps d’écouter les équipes, on fait des plans de comm’ qui sentent le Corporate et qui ne parlent pas aux équipes, tout simplement parce qu’on n’a plus le même langage.

Alors, conseil tout simple qu’on connaît tous mais qu’il est bon de se rappeler : demandez-vous régulièrement si ça ne vaudrait pas la peine de descendre dans le métro et de partager vos questions avec vos équipes comme vous le feriez avec votre CODIR ou des consultants.

Perfectionnisme, le faux ami de l’entreprise

Parmi les histoires que tout le monde connaît sur la vie des entreprises, il y a la légende de la réponse parfaite à la question d’un recruteur « quel est votre principal défaut ? » qui serait « Le perfectionnisme ! ».

Après avoir vu les dégâts du perfectionnisme dans de nombreuses entreprises, nous ne partageons pas du tout cette vision. C’est un poison tenace aux conséquences innombrable auquel nous déclarons la guerre !

Côté pile du perfectionnisme, l’image d’Epinal

Persévérance, opiniâtreté, souci du détail. Voilà ce que l’on pense être des synonymes de perfectionnisme. Alors forcément, on a tendance à être indulgent avec ce défaut qui n’en est pas vraiment un, on se dit même qu’avoir quelques perfectionnistes dans l’équipe, c’est l’assurance d’un travail bien fait, d’un certain niveau d’exigence.

Et cela ne vient pas de nulle part. Comme toutes les légendes, il y a une part de vérité. Il est vrai que les perfectionnistes sont de gros travailleurs, très investis dans leurs missions et en constant dépassement de leurs limites. Ils ont aussi un grand niveau d’exigence, inextinguible.

Mais côté face, c’est la catastrophe !

Le prix à payer de cette persévérance, de ce souci du détail, est lourd. Le perfectionnisme, c’est l’éternelle insatisfaction, car tout aurait pu être mieux, toujours. C’est donc l’incapacité à se réjouir totalement d’une victoire obtenue. C’est aussi l’anti-pragmatisme, par dogmatisme, on ne fait une action que quand on est sûr que ça va marcher, ce qui peut ne jamais arriver, et on ne l’arrête que quand on a obtenu 100% de ce que nous attendions, ce qui peut être une perte de temps. Le perfectionnisme, c’est aussi la critique et l’autocritique permanente, car rien n’est jamais au niveau. C’est donc un climat qui peut être dur, démotivant, dépressif même. Au final, le perfectionnisme c’est la perte de confiance, on voit que l’on n’est jamais parfait, et on en vient à penser que l’on ne fait jamais rien de bon, et que les autres non plus. Parfois jusqu’à l’échec auto-réalisateur. C’est aussi la perte de sens car on se concentre sur le « comment faire » et non sur le « pourquoi faire ».

 

Et ça remonte à tous les niveaux de l’organisation


Il y a pire qu’un perfectionniste, il y a les managers perfectionnistes. C’est même assez fréquent car pour toutes les qualités listées dans la première partie de l’article, l’idée de mettre un perfectionniste aux manettes semble excellente pour beaucoup de décideurs, top managers ou actionnaires. Ce serait la certitude d’avoir quelqu’un qui travaille beaucoup, qui ne laisse rien passer, qui ne lâche jamais prise. C’est un pari très risqué, souvent perdant, car le manager perfectionniste laisse peu de marges de manœuvre, contrôle trop, motive peu, donne peu ou mal le sens, impose son exigence personnelle hypertrophiée à son équipe.

C’est non seulement peu vertueux, mais contraire aux aspirations nouvelles où les équipes acceptent plus de responsabilités à condition d’avoir de la liberté, où les bonnes idées sont celles qui sont lancées vite quitte à être imparfaites (logique de Lean start-up).

Il y a pire que des managers perfectionnistes, il y a des organisations perfectionnistes. Celles où la culture du perfectionnisme est si ancrée qu’il ne se trouve plus personne pour la contester ou la compenser. Dans ces structures, on ne fête jamais les succès, on croule sous les projets car on ne les a jamais finis, on défait systématiquement le travail d’un collaborateur ou d’un collègue car « on n’aurait pas fait comme ça ». C’est là où on trouve un niveau d’insatisfaction et de déplaisir au travail parmi les plus élevés.

Comment s’en sortir ?

Quel que soit le niveau de contamination, il est très difficile de se sortir du piège du perfectionnisme. Car au niveau des organisations c’est culturel, et au niveau des individus c’est psychologique. Dans les deux cas, c’est donc difficilement accessible.

La première et la meilleure chose à faire, c’est déjà de prendre conscience que l’on en souffre et que c’est sérieux. Ne plus faire preuve d’indulgence, voire de complaisance avec son perfectionnisme, celui de son entreprise, celui d’un membre de son équipe. Là-dessus, certains outils peuvent aider comme l’analyse transactionnelle qui a identifié le « Sois parfait » comme un des mots d’ordre les plus problématiques des individus et propose des pistes pour l’assouplir.

Ensuite, il faut stopper la contagion. Par exemple en arrêtant de promouvoir ces profils sans qu’ils aient auparavant travaillé sur leur perfectionnisme. Mais aussi en arrêtant d’imposer son niveau d’exigence exagéré aux autres, valoriser la capacité à faire « vite et imparfaitement ».

Enfin, il faut lutter contre les symptômes : redonner une place au « pourquoi faire » en donnant de la vision et pas qu’une feuille de route, valoriser les petites victoires, essayer de donner le droit à l’erreur (tout en reconnaissant que c’est difficile). Là-dessus, quelques pratiques existent (faire la fête des échecs pour dédramatiser, supprimer purement et simplement un moment de contrôle).

Bien sûr, toutes ces pratiques sont imparfaites… alors raison de plus pour les essayer !

ALBUS CONSEIL