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Les objectifs : de bonnes longues vues mais de mauvaises lunettes
C’est un grand classique de nos débuts d’années : à peine les coupes de champagne se sont-elles entrechoquées que la sempiternelle question affleure sur les lèvres : et toi, quelles sont tes bonnes résolutions pour cette nouvelle année ? Quels objectifs te fixes-tu ? Et si cette question concerne souvent plus les projets d’ordre personnel, elle colore également fortement les débuts d’année des managers (« cette année, on double nos ventes ! » « on se forme tous à tel nouvel outil ! » « on recrute davantage ! » etc.). Quand on manage, il est bien compréhensible de vouloir orchestrer l’année de son équipe autour d’objectifs précis. Mais finalement, le recours systématique aux objectifs pour organiser et quadriller son année ne serait-elle pas une fausse bonne idée ? Et si finalement ne pas tenir coûte que coûte ses objectifs était plutôt une bonne chose ?
Ou comment les objectifs nous rendent souvent plus aveugles que clairvoyants
C’est un grand classique de nos débuts d’années : à peine les coupes de champagne se sont-elles entrechoquées que la sempiternelle question affleure sur les lèvres : et toi, quelles sont tes bonnes résolutions pour cette nouvelle année ? Quels objectifs te fixes-tu ? Et si cette question concerne souvent plus les projets d’ordre personnel, elle colore également fortement les débuts d’année des managers (« cette année, on double nos ventes ! » « on se forme tous à tel nouvel outil ! » « on recrute davantage ! » etc.).
Quand on manage, il est bien compréhensible de vouloir orchestrer l’année de son équipe autour d’objectifs précis. Mais finalement, le recours systématique aux objectifs pour organiser et quadriller son année ne serait-elle pas une fausse bonne idée ? Et si finalement ne pas tenir coûte que coûte ses objectifs était plutôt une bonne chose ?
Tout part pourtant d’une bonne intention : fixer des objectifs permet d’avancer et de progresser
Cela peut sembler enfoncer une porte ouverte : au travail on vit, on mange (on dort presque !) objectifs. Notamment parce que ceux-ci se déclinent sous de multiples coutures : il y a les objectifs issus de la nouvelle roadmap de l’entreprise, ceux imposés par son N+1, ceux liés aux attentes des clients, et puis enfin ceux que l’on se fixe à soi-même pour la journée, la semaine, le mois voire, pour les plus audacieux ou stakhanovistes d’entre nous, pour l’année. Et à moins de directement statuer sur un masochisme largement répandu, force est d’en déduire que les objectifs sont de précieuses béquilles pour mettre de la clarté et de la réassurance dans son quotidien.
Pour le manager, on comprend l’intérêt de fixer des objectifs à ses collaborateurs : montrer où l’on va, sans se disperser et se perdre tout à la fois. En offrant une vision organisée et simplifiée du réel, les objectifs dessinent une feuille de route bien bornée dans laquelle il est plus simple de se projeter et d’organiser son activité. Pour une équipe, c’est a priori l’idéal : l’année se divise en 3 ou 4 grands objectifs, c’est clair et net. Et pour le manager c’est pratique : la non atteinte d’objectifs par un des collaborateurs permet d’être alerté sur une éventuelle difficulté, un état de surcharge, des besoins en formation, en accompagnement … autant de questions qui, sans le prisme des objectifs, ne se seraient sans doute pas posées.
Pour les collaborateurs, les objectifs jouent également un rôle d’ « attracteur » efficace car, il faut bien l’avouer, un objectif donne envie d’être atteint. Remplir ses objectifs rassure (« j’y suis arrivé », « je sais faire ») mais distille aussi une aura de réussite (« j’ai montré que j’en étais capable »). D’ailleurs il n’y a qu’à voir l’engouement pour les sports extrêmes qui essaiment aujourd’hui (marathons, trails, iron man et j’en passe) où tout l’enjeu est de déjouer les diagnostics, de repousser les limites : nous avons besoin de nous voir réussir, atteindre une ligne d’arrivée, quelle qu’elle soit, pour se sentir exister et valorisé.
Bref, dans notre quotidien, les objectifs sont de précieuses longues-vues qui permettent de cerner un point d’arrivée avec une certaine acuité et de s’organiser en fonction de ce dernier – pourquoi alors s’en priver ?
Mais en réalité en se concentrant sur les objectifs on loupe l’essentiel
En réalité, l’enjeu n’est pas tant d’arrêter de fixer des objectifs, mais plus de comprendre en quoi manager uniquement par les objectifs nous fait passer à côté de l’essentiel.
L’essentiel c’est la progression de son équipe
L’essentiel, lorsque l’on manage, c’est notamment le progrès, le chemin qui se déploie entre le point de départ et le point d’arrivée, qui devrait être autant valorisé que l’atteinte des objectifs. Or les objectifs sont formulés d’une telle manière qu’ils ne laissent aucune place au progrès, à l’ »entre deux » : il y a ceux qui réussissent et ceux qui échouent, point. Cette vision des choses fait oublier que non seulement commencer quelque chose est toujours mieux que de ne rien faire du tout mais aussi que les objectifs sont souvent fixés arbitrairement et sont donc parfaitement contestables en eux-mêmes. Par exemple, vous êtes-vous jamais posé la question de pourquoi la compétition iron man avait une course de natation de 3,8 km de long et non 4km, 42 km de course à pied et non 40, 180km de vélo et non 200 ? Les objectifs sont certes utiles, mais à la manière de longues vues : focaliser son regard en des points précis de l’horizon pour choisir la bonne direction ou les menaces à éviter. Mais ils ne permettent pas de justement valoriser et manager une équipe, dont la réussite en réalité s’apparente bien plus à un continuum, à une série de petites actions, qu’à une ligne à franchir.
Mais également les opportunités non imaginées au départ
Concentrer son action et son intérêt sur des objectifs précis nous aveugle aussi sur toutes les opportunités non imaginées au départ qui se dessinent souvent en cours de route. La grande perversité des objectifs réside dans leur immuabilité. Une à deux fois l’an (souvent lors de grandes messes de début d’année ou lors des entretiens annuels de fin d’année) des objectifs sont fixés, et puis on n’en parle plus, on ne les conteste plus. Le problème, c’est que si ces objectifs nous aident à gagner en efficacité et rassurent, ils ne nous aident pas à muscler notre capacité à explorer d’autres possibilités. Et cela est problématique dans un monde en constante mutation, où il faut souvent réajuster les choses et où l’on ne cesse d’enjoindre les salariés à davantage de créativité et d’innovation. Il y a donc une vraie contradiction à souhaiter plus de flexibilité et d‘ouverture dans des systèmes au sein desquels l’unique mode d’animation de la vie d’équipes est le suivi méthodique d’objectifs. Manager uniquement via des objectifs pré-établis relègue les tentatives d’exploration et de recherche de solutions différentes à des actions parfaitement accessoires.
Alors pour une fois, troquez plus souvent vos longues vues pour des lunettes !
Bien évidemment, l’idée n’est pas d’arrêter de recourir aux objectifs (qui sont un mal nécessaire) mais plus de cultiver d’autres manières de valoriser le travail de ses collaborateurs et d’animer la vie de son équipe. L’enjeu est d’éviter de se retrouver aveuglés dans une poursuite frénétique d’objectifs que l’on oublie de requestionner et de recalibrer.
Concrètement, qu’est-ce que cela pourrait signifier de troquer la longue vue pour les lunettes :
o Fixez des objectifs qui font progresser vos collaborateurs plutôt que des objectifs qui imposent des niveaux stricts à atteindre : par exemple, au sein d’une usine, ce peut être préférer l’objectif « améliorer notre qualité » à l’objectif « assurer X% des produits finis de qualité », car le pourcentage préfixé ne prend pas en compte la possibilité d’aléas. Cela permet bien mieux de valoriser le progrès, l’avancement par rapport au point de départ
o En réunion d’équipe, parlez autant des progrès en cours que des réalisations visibles. Cela peut paraître simpliste mais souvent l’usage est plus d’attendre que le résultat soit atteint pour avoir un prétexte de valoriser son collaborateur. Cela implique aussi de cesser de faire des objectifs le cœur des discussions et la conclusion de vos réunions d’équipe, donc de juger qu’une réunion réussie doit forcément se solder par la définition d’un plan d’action et d’objectifs subséquents. Parfois il y a besoin de temps pour digérer les choses et fixer des objectifs plus adaptés, de manière moins frénétique.
o Réduisez – drastiquement – le nombre d’objectifs que vous fixez à vos collaborateurs : ce n’est un secret pour personne, courir plusieurs lièvres à la fois est le meilleur moyen de n’en avoir aucun – il vaut mieux prioriser un objectif pour une période de temps, qui prime sur le reste afin
o Tempérez les objectifs avec des gardes fous pour vous assurer que vos objectifs restent pertinents et n’engendrent pas des effets indésirables (comme le fait de vouloir coute que coute atteindre tel objectif – au détriment du bon sens ou de la santé de vos collaborateurs). Concrètement ces gardes fous peuvent être formulés de la manière suivante « je souhaite atteindre cet objectif à moins que je n’atteigne pas le point P au moment t ». Le fait de poser des critères d’élimination vous permettra de vous assurer qu’il n’y a pas d’autres options plus judicieuses en cours de route et le moment opportun pour lâcher des objectifs qui ne sont plus pertinents, car le contexte a changé.