Auteur/autrice : charlie

A-t-on le droit de rêver en travaillant ?

On a tous une part de rêve en nous ! Le fameux syndrome de Peter Pan, est plus ou moins important, plus ou moins fertile selon les individus mais il existe bel et bien ! Cette caractéristique fondamentale de l’homme est celle qui permet d’aller plus loin, de se dépasser et d’être créatif. Alors pourquoi, quand il s’agit du travail, le rêve est-il synonyme de paresse, de bien-pensance, d’inefficacité ? 

Où se cache le rêve ? 

Le rêve est souvent mis de côté dans notre monde actuel car pas assez « réaliste », pas suffisamment « pragmatique » contrairement au court terme où la réalité est omniprésente. 

Les rêveurs ou utopistes sont souvent mal vus, voire moqués. Dès l’école, on fustige les songeurs : « Alors Pierre, vous rêvez ? » 

Pourtant, les neurosciences ont démontré que les émotions des individus sont un des principaux moteurs du mouvement, et permettent un changement plus profond et plus pérenne.

En management aussi, le rêve et l’émotion sont des composantes essentielles qui donnent envie de bouger, autant les organisations que les personnes. 

Rêver permet, par exemple à un Codir, d’imaginer d’autres visions que celle uniquement dirigée par « l’augmentation du chiffre d’affaires de 15% » qui n’est pas forcément audible et enviable par tous. 

Tout le monde est conscient que le chiffre d’affaire est ce qui permet à chacun de toucher son salaire et que c’est un élément important. En revanche, il ne permet pas de gagner l’adhésion de toutes les équipes : comment remobiliser une assistante RH, un idéaliste, un jeune, quand on lui parle d’EBITDA, EBE ou ROI ? 

Si ça parait évident, pourquoi encore trop peu de managers le font ? 

Vous êtes-vous déjà demandé ce que chaque personne de votre équipe pense réellement de son propre travail ? Quelles sont ses envies et ce qui la motive (ou pas) le matin en se levant ? 

Bien évidemment, chaque manager se pose ce genre de question… mais uniquement à lui-même ! Ils ne la posent pas aux équipes, parce qu’ils ne voient pas l’intérêt de le faire ou parce qu’ils ont peur de ne pas pouvoir satisfaire les aspirations de leurs équipes… Une sorte de syndrome de l’autruche en somme.

De la même manière, les managers ont de multiples raisons, objectives et légitimes, de ne pas se poser la question « comment je fais rêver mes équipes » :

  • La direction et les objectifs venus « du siège » 
  • Les équipes et leurs contraintes quotidiennes 
  • Le manque de temps et le manque d’intérêt pour des sujets managériaux parfois pas assez concrets

Mais aussi quelques peurs plus subjectives : 

  • Ne pas savoir comment ou quand en parler aux équipes 
  • Avoir peur des faux espoirs que ça pourrait créer 
  • Avoir l’impression que les équipes manquent de la créativité nécessaire, ou de la hauteur de vue et sont trop focus sur le quotidien
  • Avoir peur de passer pour un Bisounours, déconnecté du réel… 

Si tout cela se comprend, ne pas oser parler de rêve avec ses équipes reste une erreur managériale, c’est la base même du métier de manager. On peut même aller plus loin, le rêve doit être au cœur de chaque projet managérial. Alors autorisez-vous à le faire même si ce n’est pas simple !

Les managers qui nous inspirent ont, en plus de leur talent business, réussi à susciter le rêve autour d’eux-mêmes ou de leur entreprise (Apple, Leclerc, Free, ou encore Tesla…).

Alors comment faire exister le rêve au quotidien ? 

On ne vous propose pas de vous changer en Xavier Niel ou en Steve Jobs, rassurez-vous. Et comme souvent, nous n’avons pas de recette tout faite mais quelques idées que nous partageons avec vous.

Changer votre posture : Pour aider vos équipes à se remettre en question en profondeur, il faut que vous fassiez le premier pas, parce que vous tenez les rênes et pouvez donner l’impulsion.

Alors :

  • Assumez une posture différente (ouverture, écoute…), 
  • Prenez du temps pour réfléchir à votre ambition, votre message, vos propres envies… 
  • Lâchez la bride sur certaines choses.

Créez un cadre partagé par tous : Définissez un cadre avec votre ambition, et partagez-le avec les équipes. Faites confiance à vos équipes et faites-les participer à sa traduction concrète. C’est un moment où on peut enfin poser carte sur table, éclaircir des zones d’ombre et construire un rêve commun.

Laissez de l’autonomie aux équipes : Faites appel à leur créativité, donnez-leur la liberté de s’exprimer, faites confiance à leurs initiatives… Tout cela va permettre à vos équipes de changer leur état d’esprit. 

Par exemple, pourquoi ne pas imaginer de faire réfléchir, en toute liberté, une équipe à ses propres solutions pour remédier à ses nombreux irritants quotidiens (des appels incessants, des tâches ingrates, peu de considération…) ou pourquoi ne pas les faire réfléchir à une question type : « Quelles seraient votre semaine idéale dans deux ans ? ».

Cet exercice permet d’allier utopie et réalité : avoir une feuille de route opérationnelle pour traiter les sujets court terme et rêver sur un sujet plus long terme qu’on peut idéaliser ! 

Le pragmatisme des chiffres et des objectifs sont les rails de votre management mais la locomotive est un mélange d’envie et d’enthousiasme ! Alors rêvez, idéalisez, inventez parce que c’est ce qui fera avancer votre aventure collective.

Alabama Monroe : de la country, des tatouages et un drame… – … pour un exemple de gestion de crise très instructive !

C’est ce que nous donne à entendre et à voir Felix Van Groeningen dans son film Alabama Monroe, où la musique joue un rôle prépondérant, et vient sublimer les moments les plus noirs comme les plus joyeux.

Au début, une histoire d’amour incroyable, une relation fusionnelle entre Elise qui tient un salon de tatouage, et Didier fan de bluegrass et joueur de banjo. Quelques temps plus tard, un drame. Leur fille, Maybelle tombe gravement malade, et finit par succomber à son cancer.

Il s’agit ici d’un drame personnel, une situation particulièrement extrême, alors quel lien avec le management me direz-vous ? Eh bien, ce film peut nous apprendre comment éviter le pire quand un drame arrive au travail.

Des coups durs, des drames, une entreprise peut en subir sous différentes formes : évolution négative du marché, nouvelle réglementation pénalisant le business, scandale concernant pratiques immorales… Et même quand les difficultés ne sont pas directement attribuables à des services ou des personnes de l’entreprise, le risque est que le climat dégénère et mène à remettre la faute sur ses collègues.

Comment on peut faire pour éviter que ça dérape ?

D’abord, réaliser ce qui est en train de se passer. A ce moment-là, c’est votre équipe qui doit faire le deuil de quelque chose. Le deuil d’une croissance garantie du business sur tel marché, le deuil d’une image positive de la boîte à l’extérieur, le deuil d’un process de fabrication remis en cause par la réglementation… Bref, on revient à la courbe du changement

Et si en tant que manager on n’a pas conscience de ça, difficile de prévoir un accompagnement collectif pour dépasser cette épreuve, et surtout très facile de se laisser polluer par toutes les conséquences négatives du changement. 

La première étape c’est de prendre les devants en communiquant sur le changement de manière adéquate. Ça veut dire quoi, de manière adéquate ? Être juste c’est dire la vérité et ne pas minimiser les impacts négatifs, choisir le bon moment et la bonne manière : s’assurer que tout le monde est dispo et aura le même niveau d’information et, qu’en tant que manager, vous serez assez serein à ce moment-là pour gérer la plupart des réactions.

C’est l’occasion de présenter une ambition forte et mobilisatrice pour les équipes qui va canaliser l’énergie et permettre la gestion du changement.

Ce qui manque à Elise et Didier dans Alabama Monroe pour surmonter cette épreuve, c’est un projet à deux sur lequel se concentrer pour avancer ensemble. Décider de ne plus subir malgré les événements…

Syndrome Kennedy en management : comment faire quand tout ce que vous dites est mis en doute ?

Parfois en gestion des temps difficiles, un manager se trouve démuni parce qu’il voit que, quoi qu’il dise, le terrain doute de sa bonne foi, ou suspecte l’info cachée… 

Comment créer de la confiance face à la défiance généralisée ? On est en plein débat Kennedy : comment résister avec un interlocuteur qui argumente sur ce qui est caché ?

En management, on est parfois désarmé pour donner du sens

Les équipes de toutes les entreprises appellent de leur voeux que leurs leaders donnent du sens à l’action, que l’on parle du dirigeant stratège, ou du manager de terrain tacticien. C’est évidemment légitime.

Mais parfois, notamment en temps de crise mais pas que, la volonté de donner du sens se heurte à une défiance généralisée, à une mise en doute systématique de la parole managériale : on pense que quelque chose est caché, que les décisions de fond sont déjà prises. On refuse alors toutes les affirmations qui ne collent pas à la certitude que l’on a.

C’est par exemple le cas sur la réforme de la SNCF : les opposants affirment que la réforme vise la privatisation par exemple. Ce n’est pas le cas, mais l’opposition dit que c’est l’enjeu masqué, que c’est la porte ouverte à la réforme suivante. C’était le cas avec le mariage pour tous, qui devait amener mécaniquement la GPA. Dans les entreprises, ça arrive également avec des réorganisations que certains voient comme le dernier pas avant la fermeture.

Nous ne disons pas que ces anticipations sont systématiquement fausses. C’est parfois faux, parfois vrai. Mais pour le manager qui doit donner du sens, cette situation est désarmante parce qu’il est difficile de rassurer, même quand on est de bonne foi.

La force de la théorie du complot c’est de ne pas avoir besoin d’argument

La stratégie d’opposition qui consiste à contester un projet sous prétexte d’éléments cachés ou de conséquences possibles est redoutable. Pourquoi ? Parce qu’il n’est pas nécessaire d’avoir de preuves ou d’arguments pour défendre cette position, alors qu’il est nécessaire d’en avoir pour la combattre.

Et du coup, le débat devient rapidement un dialogue de sourd entre ceux qui défendent leur projet en jurant qu’ils sont de bonne foi et que le projet ne comporte rien de plus que ce qu’il contient ; et ceux qui s’y opposent en affirmant que les décideurs sont de mauvaise foi et que le projet suivant est déjà dans les cartons. Comme aucune des 2 positions n’est prouvable (il faudrait voir l’avenir), c’est alors l’émotion qui fait loi (au sens propre) et plus la raison… Danger.

En politique, on voit chaque jour des débats qui deviennent stériles dans un schéma de ce genre. Mais dans l’entreprise, on a aussi parfois cette même voie sans issue, avec des managers qui doivent se débattre entre le marteau et l’enclume :

  • Marteau des opposants qui pilonnent de questions et d’affirmations sur cette prétendue malhonnêteté.
  • Enclume du top management qui souvent se borne à affirmer ses choix avec vigueur mais sans apporter de réponse à cette inquiétude sourde.


Et y résister c’est agir

S’agissant du complot Kennedy, on est vraiment coincé parce qu’on parle d’un passé qui s’éloigne et que les protagonistes sont morts, ou en tous cas plus au pouvoir.

Mais dans nos entreprises, il existe des solutions parce que les fantasmes sont liés au futur, et pas au passé. Reste que c’est sacrément compliqué et épuisant. Alors comment faire ?


D’abord, éviter le syndrome Virenque : « on m’aurait menti à l’insu de mon plein gré ? »

Votre voix de manager est souvent discréditée par l’envie de se contenter de l’information qui vous est donnée sans la questionner. On vous demande de « tenir la posture », mais cette injonction est contre-productive. Parce qu’en vous demandant de cacher votre esprit critique, vous allez alimenter la théorie du complot. Votre position paraitra naïve ou suspecte et mettra de l’eau au moulin de ceux qui croient à la manipulation.

Votre devoir et votre honnêteté tiennent donc d’abord dans la nécessité de questionner votre hiérarchie. De vous assurer activement que le projet que vous allez défendre est bien celui qui sera mis en place. On ne peut pas transmettre l’info en prévoyant de se défendre dans le futur en disant « qu’on se savait pas ». Virenque a fait ça, et il est passé pour un idiot ; Papon a fait ça et il a été jugé comme un criminel.

Donc ne soyez pas trop bon élève. Osez demander. Si vous avez peur des représailles de votre patron suite à votre question, je vous invite à réfléchir à celles de votre équipe suite à votre passivité. Et puis, s’il y a vraiment un projet caché, que ferez-vous ?


Ensuite, défendre le projet avec enthousiasme mais sans naïveté

Les mots des autres dans votre bouche sonnent souvent faux. Ils ne vous ressemblent pas ; ils ne sont généralement pas 100% adaptés à votre contexte, et aux enjeux concrets de votre équipe. Ils prêtent donc le flan à une méfiance difficile à gérer.

Il est donc indispensable de reformuler le projet et ce de 3 façons :

  1. En employant vos mots, vos exemples, votre rhétorique.
  2. En traduisant concrètement le projet en enjeux opérationnels pour votre équipe.
  3. En vous assurant que les équipes dont vous avez la charge auront un intérêt à faire ce projet ; qu’elles ne scient pas la branche sur laquelle elles sont assises.  

Nous employons parfois le terme de contrebandier pour décrire l’attitude que nous prônons : il ne s’agit pas d’agir contre les intérêts du projet mais de profiter du changement pour faire passer vos convictions, vos mots, vos ambitions managériales. Profitez de chaque changement pour tenter d’améliorer votre fonctionnement, pour donner plus de liberté, écouter plus, etc. Ainsi, vous développerez l’intérêt réel de vos équipes dans le projet. Et ces changements-ci ne dépendent que de vous, donc pas de risque de manipulation. 


Enfin, agir malgré tout

Il est logique que malgré votre travail, des oppositions s’expriment, de bonne ou de mauvaise foi, fondées ou non. Ces oppositions vous agacent peut-être et vous gênent certainement mais ne focalisez pas votre énergie sur elles.

D’abord parce qu’elles ont le droit d’exister. Nous ne vivons pas dans un régime totalitaire, et le monde est trop incertain pour que nous puissions garantir que tout ira comme prévu. Face à ces incertitudes, il est légitime que certains aient peur et cherchent à résister tandis que d’autres voudront agir. Il est capital de respecter toutes les positions, vraiment. Après, appuyez-vous sur ceux qui veulent agir et n’attendez pas que tous soient convaincus pour avancer. C’est dans l’action que les pessimistes et les méfiants seront éventuellement convaincus.

C’est le temps qui prouve l’honnêteté des intentions, pas les déclarations. Pensez à la RDA qui affichait Démocratique dans son nom ! Bien des choses ne peuvent pas être prouvées autrement qu’en actes ; les déclarations ne font qu’attiser la méfiance.


Manager, c’est militer

En conclusion, dans notre monde si complexe, manager ce n’est plus être le rouage docile de décisions prises au loin. Manager aujourd’hui ce n’est pas encadrer le travail, c’est essayer de donner à une équipe une véritable cause pour qu’elle progresse et s’épanouisse quoi qu’il arrive.  

Bref manager c’est militer, c’est défendre par ses actes une vision du vivre ensemble (dans le monde du travail). Ainsi, vous montrerez que la résistance n’est pas forcément dans les ZAD et les oppositions les plus idéologiques mais aussi dans une pratique différente au quotidien.

Manager c’est militer.

 

Arrêtons d’idéaliser nos grands patrons

Quand on parle de grands patrons, il y a deux sports très pratiqués : le « Boss Bashing » que nous avions déploré dans un précédent article, mais aussi l’idéalisation des Boss. « Il retient tout » ; « il va très très vite » ; « s’il y a une erreur dans la présentation, elle la verra immédiatement » ; « Il connaît tout sur tout », etc. Ce ne sont pas des caricatures, mais des phrases entendues souvent, dans plusieurs entreprises. Pourquoi c’est un vrai problème et comment le résoudre? 

Bien sûr, quand il s’agit de son n+1 ou n+2 que l’on croise tous les jours, on n’a pas ce genre de problème, on connaît bien les forces et les faiblesses de la personne. Mais le top management, celui que l’on ne voit qu’à la grande messe annuelle ou au comité de pilotage ultra-stratégique, là peut se développer parfois une admiration démesurée.

Premier gros problème, l’idéalisation éteint le sens critique

Si le big boss est si fort que vous le dites, pourquoi remettre en cause ce qu’il/elle dit ou fait ? ce serait idiot surtout que si vous n’avez pas compris, c’est que vous n’avez pas la même vivacité intellectuelle que le boss. Si vous avez compris mais que vous trouvez ça bizarre ou contestable, c’est qu’il doit vous manquer certains morceaux du puzzle, car vous ne connaissez pas autant de choses que le boss. Et si vous avez déjà essayé et que ça n’a pas marché, et bien essayez encore puisque l’Être supérieur vous le dit.

Fin de la discussion. Reductio ad patronum !

Ça peut, là encore, paraître extrême mais c’est le comportement que nous rencontrons souvent et qui est le problème principal de l’idéalisation : on se soumet sans se poser de questions. On prend ses suggestions pour des décisions, ses questions pour des doutes, ses doutes pour des jugements, etc.

Le pire, c’est quand ces questions/doutes/suggestions ne sont pas entendus mais rapportés : « Cela ne vient pas de moi mais de Nicolas, désolé ». Fin de la discussion. Reductio ad patronum !

Bien sûr que l’avis du big boss compte, qu’on ne peut pas passer outre. Mais l’écouter sans questionner ou challenger et prendre tout au pied de la lettre, c’est dommageable pour lui, pour vous et pour l’entreprise. Non, il ne connaît probablement pas le contexte du projet aussi bien que vous qui le suivez au jour le jour. Il comprend peut-être vite mais il ne se souvient pas de tout et donc oui… il peut dire de grosses bêtises, et il faut bien qu’il/elle l’entende et donc que vous lui fassiez comprendre d’une façon ou d’une autre.

 

D’autant que c’est une mascarade qui aliène tout le monde

Ce rapport entre le big boss qui rayonne et les collaborateurs qui se soumettent est non seulement inefficace, mais aussi aliénant. Car dans cette mascarade quasi-monarchique, chacun est obligé de maintenir l’illusion de l’autre, même si personne n’y croit vraiment.

Alors on se persuade que c’est brillant et on exécute. Tout le monde y perd mais les apparences sont sauvées. Ouf !

D’un côté, le big boss sait bien que son avis peut être bancal, qu’il n’a pas assez de temps pour faire le tour de chaque question, qu’il ne sait pas quoi dire ou quoi faire parfois. Mais peut-on décevoir des fans, ou en tous les cas des collaborateurs qui attendent une sortie pleine de certitude, un avis tranché ou une critique ciselée ? Alors on essaye de sortir une fulgurance, on en rajoute, on joue le rôle.

Et de l’autre côté on applaudit, en pensant que même si la remarque est discutable, celui ou celle qui l’a prononcé n’est pas là par hasard et que de toute façon, il/elle ne supporterait pas qu’on y trouve quelque chose à redire. Alors on se persuade que c’est brillant et on exécute. Tout le monde y perd mais les apparences sont sauvées. Ouf !

 

Enfin, ce n’est surtout pas vrai !

Car soyons clairs, les grands patrons sont souvent des gens méritants qui ne sont pas là par hasard. Mais rares sont les esprits brillants à ces niveaux-là. Il ne faut pas être hypermnésique, surdoué et cultivé pour devenir un grand patron. Pour être professeur d’université, chercheur ou grand expert oui, mais pour être patron ce serait presque un handicap.

Car la qualité d’un grand leader n’est pas sa supériorité intellectuelle mais un état d’esprit d’entrepreneur, une capacité à prendre des risques, la ténacité, et d’autres qualités de caractère qui lui permettent de fédérer, guider, mobiliser. Pour le reste, il a besoin de son équipe pour l’aider, lui donner des informations et des conseils, pour réfléchir à sa place en quelque sorte. Et en idéalisant, à tort donc, son chef, c’est exactement ce que vous ne faites pas…

Comment y remédier ?

La première chose à faire, c’est de mettre fin à la mascarade dont nous parlions tout à l’heure, celle qui consiste pour un patron à jouer le rôle du génie face à des équipes qui se persuadent qu’il en est un. A priori, ce n’est faisable que par le grand patron lui-même ou par ceux qui tiennent le système de l’entreprise (RH, membres Codir, actionnaires). Pour mettre fin à la mascarade rien de plus simple, exprimer ses incertitudes, ne pas donner d’avis trop tranchés quand ce n’est pas indispensable, poser des questions ouvertes, laisser des alternatives.

Ensuite, ce que tout le monde peut faire, c’est mettre son big boss au boulot. Plutôt que de ne faire que des présentations à juger et des rapports à critiquer, faites aussi des brainstormings, des réunions de travail où vous vous attaquerez ensemble à des questions auxquelles personne n’a la réponse. Essayez même juste de temps en temps, pour changer, cela installera un autre climat, un autre rapport de force. Vous verrez que votre boss est bon mais pas brillant, il ou elle pourra être utile sans avoir à jouer le rôle du je-sais-tout dont beaucoup sont lassés. Tout le monde y gagnera. 

Le Brio, une formation accélérée – sur la prise de parole

Si vous êtes allés au cinéma en fin d’année dernière, vous avez peut-être vu le film Brio. C’est l’histoire d’une jeune fille originaire de Créteil, étudiante à Assas qui se retrouve face à un professeur obligé de la coacher en prise de parole. Celle qui avait le « parlé d’un chauffeur Uber » doit représenter l’université à un concours d’éloquence.

Premier intérêt du film, l’utilisation des principes de Schopenhauer sur l’art d’avoir toujours raison, selon l’idée que : « l’important c’est d’avoir raison, la vérité on s’en fout ». De ces techniques un peu caricaturales mais utiles, on peut retenir par exemple : 

  • L’opposition théorie-pratique : si la personne en face de nous assène des arguments sans failles, mais de manière très théorique, montrer un cas qui ne fonctionne pas dans la pratique, afin de re-questionner toute la thèse.
  • L’antithèse : si la personne en face rejette toutes les questions qui auraient besoin d’une réponse positive pour soutenir notre thèse, l’interroger sur la thèse contraire comme si c’était cela qu’on voulait le voir approuver, ou lui donner le choix entre les deux thèses pour le perdre jusqu’à ne plus savoir quelle est la thèse qu’il veut démonter.

Notons aussi que, dans le film, l’étudiante n’argumente jamais aussi bien que lorsqu’elle met ces techniques au service de ce qu’elle défend avec ses tripes (et d’ailleurs, pour être honnête, on pourrait être un peu critique avec le film sur certaines de ses victoires au concours d’éloquence).

En management c’est pareil, vous pouvez suivre toutes les formations disponibles sur l’art de bien expliquer / raconter / argumenter, vous ne serez jamais aussi bons que si vous parlez avec vos tripes. Du coup, petit conseil pour écrire un discours : prenez un vrai temps pour écrire d’abord vos sentiments, votre sincérité d’abord et, ensuite, travaillez votre discours pour que ce soit percutant.

L’agilité n’est pas un projet

Ne tombez pas dans le piège qui consiste à faire de l’agilité votre projet d’entreprise !

Si « agilité » est votre projet, soit vous avez fait une erreur de marketing qui va desservir votre véritable projet, soit vous avez confondu votre projet d’entreprise et une solution pour atteindre vos objectifs. 

Pourquoi l’agilité ne peut pas être votre projet d’entreprise ?

On rencontre beaucoup de managers qui nous parlent de l’agilité comme de leur projet d’entreprise. Bien sûr, c’est un sujet majeur de notre époque pour être au diapason de changements de plus en plus rapides, et d’une concurrence de plus en plus mondiale et digitale. Pour toutes les entreprises, surtout les plus grandes et les plus anciennes, être agile est une condition de survie.

Alors, pourquoi donc l’agilité, si importante dans nos entreprises modernes ne peut-elle pas être votre projet d’entreprise ?

Parce que l’agilité est une SOLUTION ! Une solution pour s’adapter au monde qui change, mais une solution. Le projet d’entreprise doit évidemment proposer une solution, mais surtout lui donner du sens la liant à une vision. Il est donc essentiel de définir ce que votre entreprise doit devenir (être une entreprise agile n’est pas une finalité), la façon dont elle devra servir ses clients (et quels clients) pour que l’on comprenne pourquoi l’agilité est essentielle.


Mais alors que faire de l’agilité dans un projet d’entreprise ?

Si vous lancez un projet d’entreprise, c’est pour orienter les efforts de tous les collaborateurs vers un but commun. Du coup, il doit être spécifique à votre entreprise, donner de la visibilité sur la destination, être enthousiasmant.


1/ Etre spécifique

Qu’est-ce qui fait que le projet d’entreprise de Suez n’est pas celui de Veolia alors que toutes deux travaillent dans la valorisation de la matière et l’environnement et qu’elles ont également un enjeu d’agilité ? C’est que chacune définit un but singulier et oriente ses propres forces pour déterminer son projet d’entreprise. De même, tous les constructeurs automobiles généralistes doivent proposer plus de modèles plus souvent tout en les rentabilisant ; ils doivent donc tous développer leur agilité. Mais PSA, Renault-Nissan, Toyota, Volkswagen, Fiat ont chacun des visions différentes à atteindre pour donner du sens à l’agilité. 

C’est leur projet d’entreprise qui rend l’agilité nécessaire et non l’agilité qui est le cœur de leur projet.

2 / Montrer la destination

L’agilité est un moyen au service de votre destination. C’est une solution qui permet d’atteindre le cap que vous vous êtes fixés. Ce qui nécessite le changement, ce sont les marchés que vous voulez conquérir, les nouveaux clients.

Le projet d’entreprise doit essentiellement clarifier cet objectif et expiliciter les enjeux stratégiques de l’entreprise. Centrer le projet sur l’agilité (ou la digitalisation), ce n’est pas faux, mais c’est faire de l’ombre à ce qui fera le sens de votre quête. Alors que votre projet doit susciter une mobilisation lucide sur un enjeu stratégique, vous risquez de faire passer votre travail pour une mode, et donner le sentiment de manquer de hauteur.

3 / Etre enthousiasmant pour tous

Enfin, tous vos collaborateurs qu’ils soient cadres, agents de maîtrise, employés ou opérateurs doivent se sentir concernés par votre projet d’entreprise. Votre projet d’entreprise doit susciter une succession de « Yes, we can ! ». Il doit aussi permettre la traduction, pour chacun, du projet en actes concrets : « je sais ce que je dois faire ». 

 L’agilité peut inspirer ces actions mais pas pour tous les collaborateurs.

Or l’agilité est forcément restrictive. D’abord parce qu’il y a sûrement d’autres aspects importants ; dans certains services, l’objectif secondaire peut même devenir la priorité absolue. Axer sur une solution, c’est moyenniser le projet et risquer une appropriation imparfaite partout. 

Le principe du projet d’entreprise, c’est de donner la cible à tous, et de laisser les équipe chercher leur façon de contribuer au mieux. L’agilité peut inspirer ces actions mais pas pour tous les collaborateurs.


Si l’agilité est centrale ; attention aux pièges !

Maintenant, nous ne disons pas qu’une solution comme l’agilité ne doit en aucun cas figurer dans votre projet. Elle peut en être un élément emblématique. Alors si le contexte de votre marché et le fonctionnement de votre organisation fait de l’agilité un point-clé des prochaines années, sachez-le situer au bon endroit.  

C’est du comment, c’est simple, c’est fun

Bon, vous avez bien basé votre projet sur le Pourquoi, sur la cible. Maintenant, votre agilité bien-aimée est non-négociable : vous la mettez donc au coeur des solutions à mettre en place dans les années à venir : ok ! 

La meilleur façon de la vendre selon nous est de la faire briller comment un nouveau « comment », plus excitant que l’actuel ! Et c’est le cas… L’agilité, c’est de savoir faire ce qui est nécessaire, et pas plus. L’agilité c’est tenir compte des contraintes des autres, et donc de communiquer, challenger, élargir son spectre. L’agilité c’est de raisonner fréquemment hors du cadre, trouver des solutions nouvelles. L’agilité, c’est donc une super opportunité de changer les relations de travail et de développer ce fameux esprit start-up dont tout le monde rêve. 

C’est avant tout ce futur enviable qu’il faut vendre.

Et surtout pas un process

Parce que l’agilité, ça peut aussi  être la soupe à la grimace : ce sont des habitudes qu’il faut changer, des territoires qui se percutent, un « qui fait quoi » mouvant. Et ça, peu de gens aiment. 

L’agilité c’est aussi des pouvoirs plus dilués, du management transversal, une nécessaire maturité des équipes. Des défis qui font jolis dans les articles de management, mais en vrai, un chemin de croix pour les équipes.

L’agilité en résumé, c’est Docteur Jekyll et Mr. Hyde : le début de la liberté et du bonheur au travail, où le chemin le plus court vers la perte de repère et la pression à 360°. A vous d’en faire un défi collectif et pas un mal nécessaire.

La bienveillance oui, mais pas bullshit !

Voilà encore un mot star de Linkedin ! Il faut un management bienveillant, c’est bon pour moi et c’est bon pour l’autre… Et puis comme d’habitude sur les réseaux sociaux, c’est mon image de mec bien qui monte en flèche. Mais le problème, comme d’habitude, c’est que quand on va dans les entreprises, la bienveillance est bien moins présente que sur les réseaux sociaux… Pourquoi ?

La bienveillance est un bon concept

Parfois nous critiquons un concept parce qu’il ressemble à une mode ou parce que nous pensons que beaucoup d’effets pervers se cachent sous la bonne intention. C’est le cas des tests de personnalité, ou du management par les valeurs.

Mais ici ce n’est pas le cas. La bienveillance est peut être un terme un peu « bisounours », mais c’est une notion importante et surtout efficace.

En gros, ça dit quoi ? Ça dit que vous tirerez le meilleur de votre équipe en diminuant le niveau d’exigence et en le remplaçant par un gros niveau d’attention et de compréhension. Loin de générer des déviances et des abus, une telle attitude va créer dans la plupart des cas une hausse de la performance en agissant sur 3 facteurs :

  • Diminution du stress chez l’autre, et donc des erreurs.
  • Développement des initiatives et donc de la productivité.
  • Amélioration du climat de confiance et donc anticipation des risques.

Le management bienveillant est donc une source de progrès en plus d’être satisfaisant humainement. Dans nos pays à coût du travail élevé, c’est même une condition de la compétitivité puisque l’initiative et l’anticipation sont les éléments sur lesquels nous pouvons nous différencier.

Enfin, c’est un management qui paraît utopique à certains, mais qui a un gros potentiel de séduction : c’est un objectif que beaucoup aimeraient atteindre


Mais elle se heurte au stress, et disparait donc quand elle est le plus nécessaire

Alors quel est le problème ? Le problème, c’est que c’est bien plus facile à dire qu’à faire, et qu’il y a beaucoup plus de managers bienveillants dans les mots que dans les actes.

Selon nous, ce n’est pas un problème d’honnêteté, mais de stress. Il faut en effet être apaisé pour rester bienveillant. Mais quand la clôture approche, que le client ou le patron râle, que le danger est important, ou que l’on est proche mais pas sûr de signer la vente du siècle, c’est bien plus difficile de rester bienveillant…

La plupart du temps c’est ça qui explique la chute ou l’absence de bienveillance. Les managers sous tension se replient sur eux-mêmes et peinent à laisser du temps et de l’air à leurs équipes, alors que c’est de cette façon qu’ils obtiendraient les meilleurs résultats.

On a donc une situation un peu absurde où le management qu’il faudrait avoir pour surmonter une épreuve tendue est impossible justement parce que la situation est tendue…

La question est donc de savoir comment se maîtriser suffisamment pour pouvoir être bienveillant quand la situation l’exige, c’est à dire dans la tempête ?


Apprendre à la maintenir dans la tempête

Evidemment, l’utopie serait l’absence de tempête et des entreprises qui anticipent et s’organisent suffisamment bien pour ne pas être « charrette ». Mais convenons que c’est largement inaccessible dans le monde actuel.

Alors le manager doit savoir être bienveillant dans la tempête, dans les périodes de stress. Comment faire ?


Prévenir

Les période de stress, qu’elles soient générées par le contexte personnel ou professionnel, sont souvent prévisibles. On se sent tendu ou on sait que ça va venir. C’est important de partager cet état d’esprit avec l’équipe « Bon, vous le voyez je suis un peu tendu, je vais essayer de rester agréable ». Ce genre d’annonce a 2 effets :

  • Elle augmente la bienveillance vis-à-vis du manager, et permet de limiter les énervements.
  • Elle met aussi le manager dans de meilleures dispositions. En exprimant le point, une partie du problème est déjà évité.


Guérir

Ensuite, le manager n’est pas infaillible. Malgré tous ses efforts, et même en prévenant l’entourage, il arrivera que sa bienveillance chute avec le stress et la fatigue. On ne peut l’éviter à 100%. Dans ces moments, l’idéal serait de faire un break et de respirer un peu avant de continuer. Mais ça n’est pas toujours possible. Il faut donc avoir un bon réflexe quand on dépasse les bornes : s’excuser 🙂

Ça peut paraître bête mais s’excuser est un acte managérial pas si fréquent et apprécié. Il générera de la bienveillance en retour.

 

Descendez dans le métro !

La jolie scène du métro n’aura pas échappé à ceux qui ont vu le film « Les heures sombres », réalisé par Joe Wright avec Gary Oldman.

Pour les autres, ce film retrace les premiers jours de l’arrivée au pouvoir de Churchill en 1940, alors que l’Angleterre se posait la question de pourparlers de paix avec l’Allemagne.

D’abord fermement opposé à négocier quoique ce soit avec le dictateur allemand, les arguments de ceux qui étaient pour et leur insistance, finissent par faire douter le premier ministre. Après tout, son devoir n’est-il pas de sauver la vie des Britanniques et notamment de tous les jeunes hommes bloqués à Dunkerque ? Churchill doute… jusqu’à ce que, sur l’incitation de sa femme, il décide de demander au peuple ce qu’il en pense.

On le voit alors descendre de son taxi et, pour la première fois de sa vie, s’engouffrer dans le métro londonien. Il y rencontre des hommes et des femmes prêts à donner leur vie pour lutter contre le fléau nazi. Il a trouvé sa réponse.

En management, « descendre dans le métro » ce n’est pas, quand on a une question,  réunir son CODIR, faire un audit ou appeler des consultants (aussi brillants soient-ils), mais c’est mettre ses chaussures de sécurité et aller à la rencontre des équipes, partager nos questions, telles qu’on se les pose.

Ca paraît simple mais c’est parfois rendu compliqué si on est éloigné des équipes, en transverse ou autre. Et du coup, on réduit les budgets sans demander leur avis aux équipes qui auraient des idées pour réduire les coûts, on fixe des priorités sans avoir pris le temps d’écouter les équipes, on fait des plans de comm’ qui sentent le Corporate et qui ne parlent pas aux équipes, tout simplement parce qu’on n’a plus le même langage.

Alors, conseil tout simple qu’on connaît tous mais qu’il est bon de se rappeler : demandez-vous régulièrement si ça ne vaudrait pas la peine de descendre dans le métro et de partager vos questions avec vos équipes comme vous le feriez avec votre CODIR ou des consultants.

Arrachons les étiquettes managériales !

Nous les avons tous en entreprise : l’éternel grincheux, l’expert nul dans la relation, le jeune loup dévoré d’ambition, la jeune prodige à qui tout réussi, etc. Globalement, nous avons moyen de décrire les gens en 5 mots maximum (sinon, ça ne tient pas sur l’étiquette). Comme une sentence définitive… Et si ces « étiquetages managériaux » étaient aussi des boulets pour l’entreprise ?

Ça a toujours existé, ça existera toujours

La psychologie sociale nous l’enseigne, l’étiquetage est un besoin de l’homme vivant en société. Pour réduire la complexité humaine, nous la résumons par une image courte, grossière, incomplète, afin de simplifier nos relations. C’est également une façon de classer les autres, comme un instinct animal qui nous demande si celui que nous avons en face est « ami » ou « ennemi ». Nous avons rajouté quelques catégories, mais nous n’avons guère plus que 12 couleurs d’étiquettes que nous utilisons pour ranger les autres dans des boîtes, c’est terriblement rassurant.

En entreprise, c’est exacerbé. Le nombre de personnes avec qui nous devons être en interaction est énorme, notamment dans les grands groupes aux organisations matricielles. Le besoin de classer l’autre et de transmettre ce jugement à tout le reste de l’entreprise est donc encore plus fort. Du coup, on s’invente des grilles, appelées aussi tests de personnalité allant jusqu’à colorer les étiquettes ou à qualifier les gens avec 4 lettres, qui dit mieux ?

– Vous là-bas, vous êtes un « vert ISTJ » non ? veuillez me suivre…

Pour se faciliter la vie, on s’appuie aussi sur des stéréotypes très pratiques : le boss est cupide mais bosseur, le commercial est extraverti mais baratineur, le RH est à l’écoute mais pas franc, etc.

Les étiquettes ne sont ni vraies, ni fausses

Bien sûr, les étiquettes que l’on donne (et que l’on porte) ne viennent pas de nulle part. Même si l’analyse est grossière, c’est quand même une analyse et pour qu’une étiquette nous colle sur le front, il faut qu’il y ait une certaine correspondance.

En revanche, elles ne sont jamais exactes, d’abord parce qu’elle résume une personnalité, ses qualités, ses défauts, son potentiel et ses limites en bien trop peu de mots pour que cela soit juste. Ensuite, parce que les étiquettes se bornent à décrire les signaux les plus forts, les parties émergées de nos personnalités, nos comportements explicites. Comme un médecin qui nommerait une maladie par ses symptômes, ou comme juger la qualité d’un livre par son nombre de pages… Le risque de passer à côté du vrai sujet est énorme.

Mais elles sont toujours dangereuses, pour l’individu et pour le collectif

Les étiquetages dans l’entreprise, nous les avons connus aussi à l’école : le premier de la classe, l’étourdi, le matheux. A 10 ans à peine, vous saviez déjà si vous aviez la « bosse des maths ». Sans elle, pas la peine d’essayer, ce n’était pas pour vous, tentez votre chance ailleurs.

Pour les étiquettes dépréciatives, on n’en parle même pas, disons seulement que la force de rébellion est bien moins forte que celle de la résignation.

C’est cela le problème de l’étiquetage : ça reste collé longtemps. À tout jamais parfois. Alors on finit par se l’approprier, on agit conformément à ce qui nous a été collé sur le front. Ce faisant, on donne de nouveaux arguments qui prouvent que c’est vrai (prophétie auto-réalisatrice), on se rapproche de ceux qui ont la même étiquette que nous (cristallisation), on ne s’essaye même pas à ce qui contredirait l’étiquette (autocensure) même si c’est quelque chose qui aurait pu nous plaire. Bref ça nuit à la prise de risque, d’initiative, au progrès, à l’épanouissement individuel et collectif. Un boulet, on vous dit.

Et c’est vrai autant pour les étiquettes péjoratives que mélioratives. Ceux qui sont, en entreprise, considérés comme des « petits génies surdoués » témoignent de la pression que leur confère cette étiquette. Elle leur donne la peur de l’échec, le besoin de montrer qu’ils comprennent vite et agissent bon du premier coup, la crainte d’être déclassé ; combien de « HiPo » qui ne percent jamais ? Pour les étiquettes dépréciatives, on n’en parle même pas, disons seulement que la force de rébellion est bien moins forte que celle de la résignation. Le pouvoir de l’étiquette…

Comment les combattre ?

Evidemment ce n’est pas simple, mais il existe plusieurs leviers dans les mains du manager notamment, pour atténuer voire annihiler le pouvoir de nuisance de l’étiquette.

Certes, il est impossible de les interdire ou d’avoir une action directe sur elles, l’étiquetage est un réflexe humain trop ancré. En revanche, plusieurs actions indirectes sont utiles, la seule condition est d’avoir conscience de ce phénomène d’étiquetage et de ses conséquences.

Il faut aussi changer la nature des étiquetages, que les personnes ne soient plus résumées à leurs qualités ou caractères (« prodige », « grincheux », « introverti ») mais à leurs actions ou comportements (« celui qui a réussi ça », « celui qui ne dit jamais non pour aider », etc.)

Alors, vous pouvez commencer à contredire l’étiquette, à petits pas vous faites essayer des actions qui viennent montrer à la personne elle-même d’abord, puis au collectif, que la caricature est fausse : demander à « l’introverti » une action publique, en s’appuyant sur une passion ou une zone de confort ; autoriser le prodige à se planter ; etc.

Dans la même logique, il ne faut pas manquer de communiquer sur ces actions qui contredisent l’étiquette, soit en feedback à la personne elle-même soit en communication d’équipe. Ne laissez pas passer ces occasions qui peuvent passer inaperçues mais qui vont re-questionner tout le monde sur le bienfondé du préjugé.

Il faut aussi changer la nature des étiquetages, que les personnes ne soient plus résumées à leurs qualités ou caractères (« prodige », « grincheux », « introverti ») mais à leurs actions ou comportements (« celui qui a réussi ça », « celui qui ne dit jamais non pour aider », etc.)

Vous pouvez également coller plusieurs étiquettes sur le même front : ainsi, le tchatcheur flemmard qui sera aussi « monsieur 1000 idées à la minute » et « le roi de l’animation de réunion » ne sera plus tout à fait étiqueté !

Et montrons enfin que sans refuser ses propres faiblesses ou défauts, nous luttons nous aussi contre les étiquettes que l’on nous colle. Ça aidera d’autres à faire de même !

Manager-technicien ou non, telle est la question…

Faut-il savoir faire tout ce que ses équipes font, et prendre la main à tout instant ? Ou faut-il garder un œil extérieur et s’appuyer sur les compétences de son équipe sans les acquérir soi-même ?

Cette question revient fréquemment et on trouve des défenseurs très convaincus des 2 côtés… Etat des lieux.

 

Un débat éternel

On entend souvent dire dans les équipes qui critiquent leur manager « de toute façon mon chef ne sait pas faire mon job ». Et on voit que ça reste polémique, avec « un chef qui ne connaît pas le travail de ses équipes, ça ne sert à rien », ou alors « un chef qui fait le job de ses équipes, y’a rien de pire ! »

C’est un débat que l’on retrouve dans tous les secteurs, jusque dans le gouvernement pour lequel à chaque fois qu’un nouveau ministre est nommé, les journalistes commentent « Ah enfin un écrivain à la Culture » ou « Oh encore un débarqué qui ne connaît rien à l’Education ». Evidemment, c’est surtout dans les métiers techniques que le sujet se pose.

 

2 positions :

  • Les défenseurs du manager-technicien qui maintiennent que, pour savoir de quoi il parle, le chef doit connaître les métiers de son entreprise, en tous cas au minimum les activités cœur de métier. Il est certain que ça serait bizarre d’avoir le patron de Google qui n’a jamais touché un ordinateur…
  •  Mais les détracteurs argumentent que c’est absurde de vouloir à tout prix un manager-technicien car les entreprises sont parfois tellement grandes qu’il serait impossible d’attendre cela de la part de son responsable ; et qu’un manager ça sert d’abord à manager. Effectivement le patron d’EDF peut ne pas avoir fait dans sa vie tous les métiers associés aux activités de l’électrique, du nucléaire, de l’éolien et du solaire…


La technique a évidemment sa place

Avoir un héritage technique quand on accède à un poste de manager dans une équipe c’est évidemment utile, au moins pour 3 raisons :

  • D’abord parce que la technique peut aider à légitimer un manager à son poste. Déjà on connaît le jargon des équipes ; et puis on est de facto reconnu par ses pairs. C’est le fameux Ministre de la Justice qui a été avocat pendant 30 ans : cela ne va pas convaincre tout le monde mais cela va aider, au départ, pour éviter quelques à priori.
  • Ensuite parce que cela peut permettre au manager de faire progresser techniquement les personnes qu’il encadre. Par exemple sur un tournage, le réalisateur peut donner des conseils au jeune caméraman, ou au preneur de sons en début de carrière.
  • Mais surtout parce que les connaissances techniques permettent à un manager de maîtriser les enjeux de l’entreprise et donc de bien orienter ses décisions. Et cela est nécessaire sur des activités cœur de métier (par exemple si je suis chef de quart sur un site industriel, je comprends les risques de sécurité donc en cas de crise je suis capable d’évaluer la gravité de la situation et de prendre les décisions adéquates), mais aussi sur des activités support à la technique qui vont impacter les activités cœur de métier (par exemple si je suis RH pour une entreprise de logistique, je sais ce que cela entraîne en terme de business de réduire le nombre de personnes sur un centre logistique)

Il y a d’ailleurs des entreprises qui proposent aux personnes qui vont prendre un poste d’encadrement de faire d’abord plusieurs stages dans les métiers opérationnels ; c’est par exemple le cas chez Sodexo.

Mais la technique ne remplacera jamais le bon management

Mais ne nous y trompons pas : si la connaissance de la « technique » ou du métier de vos équipes est importante, il faut se dire que le management est un métier à part entière. Son objectif : rendre les autres meilleurs… Et pour ça, ce n’est pas la technique qui vous l’apportera, mais la capacité relationnelle, l’écoute, les encouragements, le challenge, etc.

Que vous soyez manager technicien ou non, vous devez vous concentrer sur votre métier : manager, manager, manager. En 3 essentiels :

  • S’intéresser aux enjeux et conditions de réussite de ses équipes. En réalité, connaître les détails techniques du métier est inutile, mais comprendre les risques et difficultés est vital pour aider les équipes à réussir.
  • Se plonger dans les sujets. Un bon technicien n’a que rarement besoin d’un autre technicien que lui (et si c’est le cas, pourquoi cela devrait-il être son manager ?), mais il a souvent besoin de prendre du recul. Pour l’aider à le faire, plongez vous dans les sujets ; pas pour les comprendre mais pour faire réfléchir votre collaborateur qui trouvera la solution grâce à vos questions.
  • Surtout, se préoccuper de vos équipes. Il n’arrive jamais qu’on reproche à un bon manager de ne pas connaître la technique ; et ce n’est pas parce que ce manager fait extrêmement bien semblant de connaître le métier, c’est parce qu’il a le souci d’aider et de rendre les choses possibles. 

Parfois, même la technique empêche de bien manager

Combien de fois avons-nous entendu cette histoire : « nous l’avons promu manager car il était vraiment le meilleur techniquement de l’équipe, mais il n’a jamais vraiment pris le rôle. Aujourd’hui, ça ne marche pas du tout. »

La maîtrise du métier peut empêcher l’émergeance de la posture managériale. C’est logique d’ailleurs : puisque l’on doit sa promotion, et donc sa légitimité, à la technique, elle devient une valeur refuge. Une zone de confort dans laquelle on se cantonne plutôt de se risquer dans l’inconnu si complexe et incertain du management. Inconsciemment même, cela peut emmener le manager-technicien à bloquer les montées en compétence de ceux qui pourraient un jour contester sa légitimité au poste. De l’anti-management donc.  

Evidemment, il n’y a pas de réponse dogmatique

L’ambition de cet article est surtout de combattre les dogmatismes. Aux ayatollahs du management moderne qui disent qu’un bon manager n’a pas à maîtriser la technique, nous disons que dans certains cas, la maîtrise du métier est une porte d’entrée indispensable à une prise de leadership. Par exemple, il serait difficile de réussir pour un Général qui ne serait pas issu de l’armée, ou pour un entraîneur qui n’aurait jamais fait de sport ?

Et aux eternels convainus que seuls peuvent réussir les managers experts du métier de leur équipe, nous voulons donner de la nuance : un manager qui ne connaît pas le métier ce n’est pas évident, mais un manager qui connaît la technique mais ne manage pas, c’est bien pire ! Donc soyons exigeant au bon niveau : d’abord sur le management, puis sur la technique.

Et puis finalement de ne pas connaître la technique cela oblige à s’appuyer davantage sur les équipes pour prendre les décisions et donc en valorisant leur savoir-faire.

ALBUS CONSEIL