Auteur/autrice : charlie

Le cirque des Romanès, ou comment réussir sans tomber – dans le culte de la perfection et de la performance

Ce mois-ci, nous voyageons dans les Balkans avec le dernier spectacle de cirque de la famille Romanès « Les nomades tracent les chemins du ciel ». Imaginez, samedi après-midi, Porte Maillot à Paris. Vous entrez sous le chapiteau du dernier cirque tzigane d’Europe. Les derniers spectateurs s’installent. Noir. La grande tribu Romanès (du grand-père Alexandre à ses petites-filles) salue le public et hop, ça commence. 

Les numéros alternent entre disciplines purement circassiennes (acrobaties et jonglages) et danses folkloriques sur le rythme effréné des musiques tziganes balkaniques.

Amateurs d’animaux exotiques, d’acrobates perchés à 10 mètres ou autres numéros grandioses, passez votre chemin…

Les Romanès offrent un spectacle qui leur ressemble. L’idée n’est pas d’impressionner par des prouesses à couper le souffle mais d’offrir un moment hors du temps, de la poésie et surtout de la joie. Personne ne recherche la performance comme but unique. Un acrobate rate un cerceau, un autre fait tomber un chapeau et enfin le chien n’obéit pas. Peu importe. Ca fait partie de la vie. Et le public apprécie. Un pur moment d’humanité.   

Et si nous remettions cette fraicheur dans le monde du travail où les non-réussites sont souvent très mal vécues? Soit on les passe sous silence soit on en parle trop jusqu’à ce que quelqu’un endosse la faute personnellement. Pourtant, si on est sincère, personne ne peut sérieusement envisager le sans faute. L’échec faisant partie de la vie des entreprises, ce qui compte, c’est d’accepter ses plantages d’en tirer les enseignements et de continuer simplement le spectacle, comme les Romanès. 

 

Créez des héros, pas des idoles

On a eu Steve Jobs, Richard Branson, Rockfeller il y a plus longtemps ou Elon Musk maintenant. Des David Beckham du business, toujours anglo-saxons (en France, on n’est pas très à l’aise avec la réussite des patrons), qui semblent être l’alpha et l’omega du management, en tous cas, si l’on en croit Linkedin, et dont chaque initiative semble devoir changer le monde.

Comme au temps de l’exode, il nous semble que nous devrions nous méfier de ces idoles.


Pas de problème avec les individus

Ne tombons pas dans le piège de la jalousie. Bien sûr, les Jobs, Branson et autres ont leur part d’ombre, comme Churchill ou Jean Moulin… Heureusement d’ailleurs. Ce n’est pas ce qui pose problème. Ces individus sont, à l’exception peut être de Musk mais nous y reviendrons, des grands pionniers, des leaders qui ont fait avancer leurs entreprises et ont parfois apporté des produits qui ont changé la vie de millions de personnes.

L’enjeu n’est pas ici de discuter de leurs mérites, mais de comprendre pourquoi on passe de la reconnaissance à l’adulation, du talent à la quasi-déification.


Mais une extinction de l’esprit critique du public

Le problème ne vient pas d’eux mais de l’adoration qu’ils suscitent. Dans les séminaires, citer Jobs, c’est apporter un argument définitif… Qui oserait se mesurer à cette réussite ? Même d’ailleurs quand la citation n’est pas à propos, on fait semblant de ne pas le voir et personne ne questionne le bien fondé du parallèle, ni même la véracité de l’enseignement.

Parce que du fait de leur grand succès et aussi (surtout ?) de leur charisme, on ne se pose plus vraiment de questions. Et on avale des argumentaires bancals parce qu’ils sont légitimés, sans leur accord, par ces figures iconiques.

L’idolâtrie de Musk et Tesla conduit à un contre sens quasi généralisé, et au marché absurde des supercars électriques qu’il faudra démanteler dans 10/15 ans !!

Le cas de Musk est frappant, notamment sur Tesla. On a fini par faire de ces voitures des modèles de transition énergétique réussie… Mais c’est absurde : si une Tesla S est une voiture écolo, pourquoi a-t-elle des performances de supercar ? A cause de ces performances, ses batteries sont inutilement grosses (puisqu’on ne peut rouler à 200 km/h nulle part). Or, une Porsche qui roule à 130 km/h consomme moins que quand elle roule à 250 km/h, une Tesla a toujours la même énorme batterie qu’il faudra recycler (comment ?)… Et puis, l’électricité ne doit-elle pas être produite ? L’idolâtrie de Musk et Tesla conduit à un contre sens quasi généralisé, et au marché absurde des supercars électriques qu’il faudra démanteler dans 10/15 ans !!

Au lieu de se fasciner pour Musk ou les autres, on devrait regarder leurs réalisations et leurs échecs et essayer de comprendre les belles intuitions et les erreurs… Plutôt que de gober tout, sans réflexion.


Pourquoi on aime ces idoles

Mais évidemment, ce regard critique sans être rabat-joie, demande un peu de temps, denrée rare.

Les idoles ont l’avantage de recueillir l’assentiment général sans grand risque. C’est d’ailleurs le cas dans d’autres domaines : peu importe que Johnny soit un rebelle de droite, sans cause, conservateur, et une imitation de rockeur américain, il ressemble à un rebelle tout en étant totalement consensuel. Peu importe que le rugby soit un sport aristocratique et bourgeois, s’en réclamer c’est immédiatement adopter des valeurs inattaquables d’esprit d’équipe et de sacrifice.

Je n’ai rien contre le rugby ou Johnny. Mais je trouve que leur popularité manque de discernement et brille tellement qu’on peine à voir les étoiles moins markétées, qui apportent peut-être autant d’enseignements, et en tout cas, donnent une vision plus large du problème considéré, moins simpliste. Par exemple, on critique le puissant football qui concentre les travers de l’argent roi et de la vulgarité. Sauf que le football est ouvert aux plus pauvres, au Brésil, au Sénégal comme en France. On est sûr qu’il n’y a aucun enseignement managérial à en tirer ?


Pourquoi on devrait leur préférer les héros

En fait, en management comme ailleurs, nous aurions intérêt à creuser, à être plus curieux, à ne pas laisser le matraquage nous empêcher de voir les détails, les pépites moins brillantes.

L’autre jour, m’inquiétant de l’implacable OPA menée par Disney sur le divertissement pour proposer une vision aseptisée de nos contes, de nos civilisations, on me demandait si, en fait, je n’avais pas un problème avec les dessins animés… Ben non, il y a, pour le moment, des tas d’autres productions de dessins animés, en France, au Japon, en Angleterre et aux Etats Unis, qui proposent de la diversité, de la subtilité… Mais Disney a déjà racheté Pixar et on consomme ses productions sans se poser la question de ce qu’elles inculquent à nos enfants au plus jeune âge… L’idolâtrie de Disney empêche de voir les marges.

En management, il ne faut pas céder à la facilité qui consiste à reprendre les mantras, les exemples usés jusqu’à la moelle. Prenez plutôt pour exemple les petites histoires du quotidien, celles qui déjouent les pronostics. Les victoires de celui auquel on ne croyait plus, et qui s’est fait violence. Ne croyez pas que l’award de l’innovation décerné en fin d’année par le patron du groupe est la vérité du moment.

La vérité est dans la diversité des expériences de vos équipes. On ne fait pas marcher une entreprise avec 2 ou 3 modèles et quelques succès à plusieurs millions d’euros mais avec des milliers de victoires à 1000 euros.

L’héroïsme est important pour réussir vos aventures ; mais l’héroïsme n’est pas une question ni de notoriété ni de perfection, c’est une question de courage et de plaisir d’accomplir des défis.

 

On est tous fous !

L’adage populaire dit que l’on est tous « le con de quelqu’un ». Je ne sais pas mais il me semble qu’on est tous le fou de quelqu’un. Récemment, une de nos consultantes trouvait rassurant que tous ses collègues soient d’une façon ou d’une autre, complètement dingues, et qu’elle se sentait, par conséquent, normale… Je suis d’accord avec elle, sauf sur un point : elle n’est pas moins folle que les autres.

Mais alors, serions-nous tous fous ?

n.b. : cet article ne repose sur aucune compétence médicale. Les termes, utilisés d’un point de vue d’observateur, ne sont employés que dans le sens commun et populaire.

La folie est partout

Entre nous, un leitmotiv gentil nous aide à appréhender les complexités des cas que nous rencontrons : « Tu ne t’attendais quand même pas à ce qu’ils soient rationnels ? »

Il est en effet fascinant de voir à quel point les individus sont peu rationnels et cohérents. Ou plutôt, à quel point le rationnel est comme la surface d’un lac gelé. En apparence plane, lisse, sans défaut, mais sur lequel on ne peut pas faire 3 pas sans tomber, et qui parfois cède sous notre poids avec des conséquences parfois héroïques (solidarités diverses), parfois fatales (burn-out).

Comment peut-on affirmer son attachement immense à un collectif (par les mots et les actes) et décider totalement égoïstement dans le même temps ? Comment peut-on vouloir faire grandir les équipes plus que tout et affirmer des positions tellement tranchées qu’elles ne laissent aucune place à une opinion différente ? Comment peut-on passer ses journées à développer la lucidité des autres et en avoir si peu sur soi ?

« Je me sens normale au milieu de tous ces fous ».

En fait, ces contradictions sont le fait de nos peurs et des scénarios que nous nous faisons pour trouver notre place dans un collectif, qu’il soit celui de la famille, des amis à l’école, de l’entreprise. En fait, on ne lutte pas pour le bien et la vérité mais pour exister selon des critères et des valeurs stables, qui nous permettent de justifier nos actes à nous-mêmes.

Les comportements des autres sont donc forcément fous, non pas parce que ces derniers sont malades, mais parce qu’ils obéissent à des injonctions profondes, différentes des nôtres et quasi impossibles à appréhender, parce que l’autre lui-même ne les connait pas vraiment. Celui qui se prend pour Napoléon y croit vraiment et pour lui, ce sont les autres qui sont à côté de la plaque.

 

Mais elle nous touche, ou pas

Mais vous allez me dire : « Je ne trouve pas tout le monde fou autour de moi ! » ou, comme notre consultante « Je me sens normale au milieu de tous ces fous ».

L’irrationalité de l’autre est ce qui nous attire et fonde nos amitiés et nos amours… Et cela explique que 20, 30, 40 ans de vie commune c’est difficile. 

Oui heureusement. Mais en fait c’est l’effet de votre profonde subjectivité (la mienne aussi, en passant). Je me sens normal parce que je crée du rationnel autour de moi, cohérent de mon point de vue. Concernant les autres, je les vois fous ou « normaux » parce que leur irrationalité percute trop violemment ou au contraire se fond dans ma réalité. Si ton irrationalité peut me surprendre positivement ou m’agacer profondément, je te prendrai autant pour quelqu’un de génial qu’à côté de la plaque. En revanche, quand ton irrationalité m’échappe totalement, dans ce cas, tu es parfaitement normal à mes yeux. 

Ainsi, nous admirons tous des personnes différentes, pour des raisons différentes. On les prend même pour des héros (et non des fous) quand ils valident, d’une façon ou d’une autre, nos aspirations. 

L’irrationalité de l’autre est ce qui nous attire et fonde nos amitiés et nos amours… Et cela explique que 20, 30, 40 ans de vie commune c’est difficile. Parce que c’est la folie qu’on épouse, et que comme tout, elle évolue, tout comme nous, et à la longue peut devenir agaçante :-).


La gérer c’est d’abord l’admettre

Alors comment gérer ce micmac ? D’abord en l’admettant. Et en l’admettant d’autant plus que cet état de fait n’est pas un problème. C’est parce que les humains ne sont pas rationnels qu’ils inventent, repoussent les limites de la science, de la performance, d’eux-mêmes.

Admettre que la décision ne se prend pas au terme d’un calcul complexe, c’est donc accueillir le résultat avec plus de bienveillance. C’est aussi une chance et pour moi une garantie, que singer le cerveau humain avec l’informatique n’a de sens que pour des actions très isolées même si elle peuvent être très complexes : la prise de décision est, je pense, totalement unique à chaque occurence. Parce qu’elle résulte de l’irrationalité profonde des acteurs, résultant de chaque histoire, ancienne (parfois avant leur naissance) et récente (parfois quelques minutes avant).

C’est aussi pour cette raison que l’opinion est une chose aussi précieuse dans les entreprises et ailleurs. Parce que, résultant d’un processus unique, elle peut potentiellement débloquer les situations les plus fermées. Face à l’opinion de l’autre, qu’elle conforte ou aille à l’encontre de notre propre avis, elle devrait toujours nous pousser à interroger sur les avantages de l’opinion de l’autre. 


Puis de passer de chercher à comprendre à chercher à aimer

Bien sûr, la lucidité ne suffit pas à composer avec la folie des autres. Ça serait si simple… En revanche, vous pouvez changer votre approche de l’autre : habituellement, on cherche à comprendre les raisonnements de l’autre pour mieux vivre avec… mais étant donné l’irrationnalité des humains, la recherche de la cause amène plus de blocages que d’avancées. 

Pour mieux vivre ensemble, on cherchera non pas à comprendre les causes de la décision mais on cherchera à composer avec elle : comment laisser une place aux individus pour profiter de leurs idées, ou, quand c’est impossible, pour qu’ils aient le temps de se recaler à leur rythme ? C’est d’ailleurs une des forces fondamentales de la stratégie des alliés quand elle est bien faite : en laissant les opinions divergentes exister et s’exprimer, sans brusquer l’engagement, non seulement on ne dépense pas d’énergie à une quête inefficace (contre toutes les névroses) mais en plus, on laisse les individus construire des places dans les projets qui leur conviennent.

Plus profondément, c’est en fondant la relation aux autres sur la tentative de les aimer tous, en cherchant non pas les contradictions internes (qui sont toujours là) mais au contraire la valeur de chacun qu’on arrive à travailler avec plus de profils. Evidemment, on n’arrivera jamais à débloquer la relation dans tous les cas, et nos capacités d’acceptation ont leur limite, mais au final, dans la vie de l’entreprise, vous ferez une différence majeure si vous travaillez bien avec 70% des gens plutôt que 50% ou 30%. Les grands managers sont souples dans la relation. 

Mission : impossible – une utile leçon de piraterie

Ce mois-ci, nous regardons un blockbuster musclé, avec un Tom Cruise en pleine forme : le premier « Mission : Impossible ».

Pourquoi ? Pas pour la performance de Jean Réno bien sûr, mais parce que ce film est un authentique acte de piraterie d’un auteur, Brian de Palma, au coeur de la machine hollywoodienne ! Et nous pensons que dans les grands groupes, les managers devraient eux aussi se livrer à ce type de piraterie.

« Mission : Impossible » est donc une belle machine à dollars : acteurs bankables, courses poursuites, scènes spectaculaires, trahisons, explosions.

Mais c’est aussi un film de Brian de Palma accompli, contenant ses thèmes, ses obsessions, son style : la duplicité, la déshumanisation, les références hitchkockiennes, les écoutes, les complots. Je ne rentre pas dans le détail des motifs de Brian de Palma. Ce n’est pas le sujet mais sachez que ce film est considéré par les experts du cinéaste comme l’une de ses oeuvre les plus personnelles. Le tournage a, d’ailleurs, aussi, été  le théâtre d’une lutte avec Tom Cruise, producteur et superstar… 

  

Et donc, vous pouvez regarder le film à 17 ans, entre potes et avec pop corn… Ou le voir et le revoir, lire les livres qui lui sont consacrés (et oui, il y en a) et éprouver une réel plaisir cinéphile.

Nous pensons que cette prouesse doit nous inspirer, en particulier les managers qui travaillent dans les grands groupes : parce que vous sortirez des résultats exceptionnels en respectant les règles du groupe (comme de Palma celles des films d’action) mais en y introduisant votre personnalité, votre patte, vos ambitions de managers (comme lui ses obsessions d’auteur). Il est toujours possible de mettre de la personnalité dans un système, même le plus huilé, même le plus normé. Cela passe par une connaissance fine de ce qui vous habite et de vos croyances managériales pour qu’elles puissent trouver leur place dans les marges du système.

Faire du beau management dans un grand groupe, c’est faire un acte de piraterie mais en préservant l’équipage. 

Ne soyez pas dociles !

  

Le digital ça change tout sauf l’essentiel

Le matin, je regarde souvent la météo sur le téléphone pour choisir ma tenue sans même jeter un oeil par la fenêtre… encore récemment, elle n’annonçait pas de pluie et je me suis retrouvé trempé sur mon vélo… Le smartphone nous donne un autre accès aux informations, mais ne les changent pas… quand il pleut, il pleut !

Il en est de même pour le digital en entreprise : le plus souvent ça révolutionne la façon de travailler, mais sans toucher à l’essentiel du métier. 

Explications.

Une révolution incontestable, et c’est bien le problème

Evidemment, l’informatique, le digital sont des révolutions pour nos modes de vie. Cela change notre rapport au monde, aux autres, à l’information. Cela change nos besoins de démocratie, la façon dont nous apprenons, nous achetons, nous communiquons, nous aimons parfois… Mais ce changement paraît si évident, qu’il finit par devenir un dogme qu’il est inconcevable de questionner sous peine d’être immédiatement vu comme rétrograde, conservateur ou has been.

Comme toutes ces vérités absolues, elles emportent la subtilité et on voit trop souvent des solutions digitales plaquées sans astuce par manque d’esprit critique et aveuglé par la tendance.

Parce que le digital ne change pas tout : l’essentiel demeure

Prenons l’exemple du commerce : il est incontestable que le commerce est très concerné par la révolution digitale : mode de distribution, de livraison, de recommandation, de comparaison. Rien ne sera plus comme avant. Et pourtant le commerce a-t-il fondamentalement changé depuis 50 ans ? Depuis 4000 ans même ? Pas tant que ça. On cherche à acquérir un produit, à un certain niveau de qualité, avec un certain niveau de conseil et de service, et une charge émotionnelle ou non… 

Est-ce que tout ça change vraiment ? Si le produit sur Amazon n’est pas celui attendu, vous serez déçus, comme pendant l’Antiquité.

Idem pour l’industrie : évidemment, on va la piloter autrement, faire l’usine 4.0, communiquer différemment. Mais au final, dans une usine on regardera toujours si la sécurité est assurée, si la qualité est au rendez-vous, si le coût est contenu (et en baisse si possible) et si tout c’est fait en temps et en heure. 

Dans l’aéronautique la fiabilité restera une clé ; dans la télévision, les programmes de qualité en ligne avec leur temps seront toujours ceux qui marqueront les gens ; dans la cosmétique, on cherchera à trouver les meilleurs produits, etc…

Le digital est un outil. 

Le gérer, c’est donc d’abord l’asservir

Le problème du digital, c’est que c’est un enjeu tellement incontestable qu’il ne fait pas assez l’effort de se mettre au service du business. Récemment dans un Groupe industriel, une présentation défendait le digital ; le même document aurait pu être présenté dans l’Assurance sans changer 1 seul mot !

Le digital ne doit donc pas être fainéant. Il doit se poser la question de son utilité pour le business, pour les équipes, pour le client. C’est une question de politesse en premier lieu, mais d’efficacité surtout. 

Comment s’étonner que les gens résistent ? Le métier, le savoir-faire doivent rester le cœur du fonctionnement d’une boite.

Très souvent on nous dit que le digital peine à prendre, que les gens ne se rendent pas compte… Mais quand on regarde de près, on se rend compte que les outils, les process digitaux ont été plaqués, et qu’ils ressemblent trait pour trait à ce qui est fait ailleurs. 

Le digital n’est pas un objectif, c’est un moyen.

Comment s’étonner que les gens résistent ? Le métier, le savoir-faire doivent rester le cœur du fonctionnement d’une boite. Si vous fabriquez des automobiles, des médicaments, des programmes TV ou des chaussures, votre métier restera de fabriquer ou de vendre. Le digital est à votre service pour mieux le faire, pas l’inverse. Et s’il faut pour cela garder du papier ici, une réunion physique là ou un tableau blanc, et bien gardez-les !

Le digital n’est pas un objectif, c’est un moyen.

Etre digital, ce n’est pas « faire une appli », c’est arrêter de décider

Enfin, si on prend un peu de hauteur et qu’on se demande ce que renferme cette révolution, on va s’apercevoir que les appli, les outils de stockage, de communication ou de prévision ne sont que la partie immergée de l’iceberg.

Wikipédia, Google, Wikileaks, Facebook ont révolutionné l’accès à l’information et le pouvoir ne peut plus la contrôler. Diriger devient animer la décision, et non plus la prendre.

Quand on me questionne sur le digital, je dis souvent que l’outil digital par excellence est le post-it… D’ailleurs, il est frappant de voir que chez la plupart des stars du web, le post-it est roi et occupe tous les espaces…

Pourquoi ce paradoxe ?

Parce que le digital change surtout 2 choses : le rapport à l’information et l’expression des opinions.

Avant internet, le pouvoir était proportionnel à l’accès à l’information. C’est vrai depuis le Moyen- Âge, où ceux qui savaient lire dominaient le monde, et jusqu’à il y a une vingtaine d’années dans les entreprises, quand l’accès à l’info était limité et contrôlé par un petit nombre de gens. Wikipédia, Google, Wikileaks, Facebook ont révolutionné l’accès à l’information et le pouvoir ne peut plus la contrôler. Diriger devient animer la décision, et non plus la prendre.

Avant internet, les experts seuls avaient accès à des tribunes, aux médias. On s’exprimait si on était légitime, compétent, reconnu. Maintenant, tout le monde s’exprime sur tout. Pour le pire parfois, mais pour le meilleur aussi, puisque la démocratie avance. 

Etre digital c’est laisser les avis s’exprimer et aider à décider… Et donc le règne du post-it.  

Si vous voulez vivre avec votre temps, la question c’est moins de savoir comment protéger vos données quand elles sont en ligne, que de savoir si vous devez les protéger… Etre digital, ce n’est pas mettre en place un vote électronique pour sonder le terrain, c’est permettre à tous de commenter vos choix et de prendre part à la décision. C’est aussi le grand défi des syndicats : comment réinventer ce rôle important quand les citoyens veulent de plus en plus s’exprimer eux-mêmes ?

Managers, travaillez moins pour gagner plus

 » Je suis à la bourre », « sous l’eau », « j’y vois pas l’jour », « c’est le rush », « je suis épuisé ». 

Ces phrases sont sans doute les plus fréquemment prononcées dans nos entreprises… C’est une fatalité semble-t-il dans un monde hyper concurrentiel, exigeant, bourré de contraintes, de menaces… Mais ne serait-on pas en plein dans un syndrome de l’Autruche ? Et si pour produire plus, il fallait travailler moins ?

La grande bouffe

Pour les managers, l’heure semble être à l’étirement sans fin du temps de travail et de l’intensité ressentie du travail. Et on finit par traverser les bureaux comme on regarde la Grande Bouffe : en assistant au spectacle de managers qui empilent les heures et le stress, jusqu’à l’explosion.

Il faut dire que 4 facteurs au moins se combinent pour remplir les agendas :

  • Il y a d’abord une accumulation objective de tâches : la tendance est à la réduction des effectifs mais aussi aux matrices complexes, dans lesquelles les demandes proviennent d’endroits très différents sans concertation entre elles.
  • Et puis l’effet de nos nouvelles technologies, qui ont considérablement réduit le temps d’exécution des tâches, mais pas leur charge mentale. Avec nos outils, plus d’assistant, moins de délais et donc bien plus de sujets à gérer en même temps : on fait tourner 10 assiettes au lieu de 2 ou 3… Techniquement ça passe, mais l’inquiétude, les risques d’échec, les interactions ont été multipliées par 10 ou plus et nos cerveaux peinent à suivre le rythme.
  • Mais il y a aussi le rapport aux autres : on ne veut pas être le paresseux, celui qui « prend des RTT » en partant à 18h… On ne veut pas laisser seuls ceux qui ont décidé d’y passer la nuit… On ne veut pas laisser un travail sans être sûr qu’il recueillera les lauriers dûs à toute production parfaite…
  • Enfin, on peut s’ajouter soi-même une pression considérable : c’est l’escalade de l’engagement. On s’engage librement dans une tâche et, en voulant l’accomplir bien, on s’y consacre de plus en plus, jusqu’à la déraison parfois, au mépris de sa santé et de sa relation aux autres.

Tout ceci constitue un film très noir de la spirale dans laquelle bon nombre de managers sont embarqués avec, au bout de la pellicule, un final aussi dramatique que pour Noiret et ses amis. Mais alors que les héros du film choisissent l’excès, les managers ont la certitude qu’ils subissent la situation. D’ailleurs, en évoquant le sujet avec nos consultants, eux-mêmes disent que travailler moins « n’est pas possible » et rêvent de solution miracle.

L’illusion parfaite

En realité la solution est à portée de main parce qu’on fait une erreur de jugement sur la surcharge de travail :

On sait bien que quand on travaille trop, on est de moins en moins productif, que la qualité baisse… mais au fond on croit que le travail fait après 20h est mieux que rien, même médiocre. Je crois que ce n’est pas vrai : ponctuellement, sur une soirée, on pourra argumenter le contraire évidemment, mais en vérité, la surcharge ne génère pas une production médiocre, mais une production négative :

  • Parce que les erreurs, les fausses pistes se multiplient et que ça gonfle l’agenda sans aucun apport, jusqu’à s’agacer soi (sans parler des autres).
  • Parce que la perte de lucidité liée à la fatigue fait produire du « à côté de la plaque » : l’action est peut être utile en soi, mais a été faite en lieu et place d’une bien plus importante… Effet négatif là encore.
  • Parce qu’enfin ce qui est fait en étant fatigué et en sur régime est souvent mal vécu par l’entourage qui vous juge dépassé. 

L’illusion est parfaite parce que même si la solution est ultra-simple (en travaillant moins, vous ferez plus), il est difficile de l’assumer (ce que je fais ne sert à rien).

Prenez le contrôle de vous-même

La conséquence, c’est qu’il n’y pas de magie d’organisation ou de priorisation. Il y a d’abord une prise de conscience qu’à partir d’un certain moment, plus vous travaillez, plus votre apport baisse, pouvant finir par être négatif. Et un jour, en supprimant votre poste tous vos collègues gagneront du temps.

Pour éviter cet extrême, sortez de la spirale en arrêtant de vous convaincre que ce que vous faites est pénible, mais nécessaire. Les managers les plus performants que j’ai croisés ne sont pas ceux qui travaillent le plus (sur la durée).

De plus en plus de managers quittent l’entreprise pour gérer des chambres d’hôte en Provence. C’est une solution mais si vous voulez rester encore un peu pour profiter de l’entreprise et de sa dynamique, il faut mettre un coup de frein, arrêter de vous enfermer dans la quantité stérile et regarder froidement votre activité.

Ensuite, embarquez vos collègues

Bien entendu, votre prise de conscience peut être utile, mais elle va se heurter à vos collègues les plus proches. Il est donc bon d’adopter cette stratégie à plusieurs. C’est un choix de Codir par exemple de se concentrer sur quelques priorités ou de travailler la fatigue (physique et psychologique) comme un enjeu en soi.

Prenez le temps de définir vos priorités (1 ou 2 par semestre) et admettez qu’en mettant l’énergie sur elles, les autres sujets avanceront moins… Mais avancent-ils tous aujourd’hui ? Non, assurément ou tellement mal.

Enfin, concrètement, cessez le saupoudrage

Évidemment, toutes ces jolies idées vues plus haut ne répondent pas à la question qui tue : Qu’est-ce que j’arrête ? Qu’est-ce que nous arrêtons ?

La stratégie serait de prendre les problèmes un par un… Comme disent les footballeurs, moins bêtement qu’il n’y parait : prendre les matchs les uns après les autres.

=> Je choisis mon problème principal et/ou le sujet à plus fort potentiel et je le TRAITE ! Pendant ce temps, je ne fais que le minimum sur le reste… Et quand c’est terminé, je passe au problème suivant.

La satisfaction des problèmes traités va rapidement dépasser la frustration des sujets que vous n’avez pas encore abordés. Votre image d’efficacité compensera vite le préjugé absurde sur votre charge de travail «de fainéant».

L’innovation frugale, une école d’optimisme

Ce mois-ci ce n’est pas une oeuvre que nous vous proposons de regarder à travers l’oeil du manager mais un concept : l’innovation frugale. 

L’innovation frugale c’est le terme qu’on utilise pour parler des inventions qui se font avec pas grand chose. Elle est surtout développée dans les pays en voie de développement pour répondre à des besoins réels avec moins de moyens. Le principe c’est qu’on ne simplifie pas le besoin mais on simplifie la solution. Un peu l’équivalent de ce qu’on appelle le système D.

Par exemple, aux Philippines, on a inventé des ampoules à eau pour les maisons sombres (car sans fenêtre) et sans électricité. Une bouteille en plastique, un peu d’eau, de l’eau de Javel et du soleil. On glisse la bouteille dans un trou dans la toiture (en tôle) et le soleil rentre par un bout de la bouteille et ressort par l’autre bout. L’eau permet de diffuser la lumière dans toute la maison.

En Inde aussi, un ancien potier a créé un réfrigérateur en terre glaise qui fonctionne sans électricité. Le principe ? C’est un réfrigérateur spécial pour les pays chauds qui utilise la chaleur ambiante pour refroidir grâce à l’évaporation de l’eau. Les aliments peuvent ainsi être conservés trois fois plus longtemps. 


En management, on a encore plein de choses à apprendre de l’innovation frugale. Pourquoi ?

Parce que l’innovation frugale ça demande de faire avec ce qu’on a sous la main. Et en management on est souvent contraint et on peut avoir l’impression de n’avoir aucune influence sur le monde qui nous entoure. Comment donner du sens à ses collaborateurs quand ce qu’on fait n’en a pas? Comment leur donner de la liberté quand ils ont 1001 règles à respecter? Toutes ces questions « cul de sac » qu’on se pose souvent nous invitent à regarder le monde autrement. 

Et pour ça, parmi tous les principes de l’innovation frugale, on peut en retenir trois : 

– D’abord avoir un état d’esprit OPTIMISTE : on va trouver une solution même si on n’a encore aucune idée de comment. 

– Ensuite, avec la philosophie de RECYCLAGE : qu’est-ce qui existe déjà et que je pourrais réutiliser? que ce soit des groupes de travail, une envie des collaborateurs, un document, etc.

– Enfin, avec la logique de SIMPLICITÉ : quelles sont les solutions qu’on a tendance à évincer parce qu’elles nous paraissent trop basiques pour un problème aussi complexe? Testons-les ! qu’est-ce qui serait un petit pas vers la solution même si ça ne règle pas tout? etc.

Si vous voulez aller plus loin, cliquez ici pour un documentaire sur le Jugaad (mot indien pour parler de la même chose) : http://www.francetvinfo.fr/monde/inde/video-un-oeil-sur-la-planete-jugaad-le-syteme-d-a-lindienne_1495211.html

Pourquoi faut-il se méfier des tests de personnalité ?

En entreprise, on entend beaucoup parler des tests de personnalités qui permettent aux gens de mieux se connaître, aux équipes de mieux communiquer, aux boss de mieux manager leurs collaborateurs …. 

Nos clients nous en parlent souvent et nous demandent de les administrer pendant les séminaires comme ils nous demandent d’organiser des teams building … Mais on les aime peu, on s’en méfie beaucoup donc on les refuse passionnément.

Pourquoi me direz-vous ? Je vais tenter de vous l’expliquer en quelques lignes.

A quoi servent-ils ?

Les tests/questionnaires de personnalité sont assez nombreux : MBTI (le plus célèbre), PAPI, SOSIE, les 4 couleurs et j’en oublie. Ils sont, souvent, utilisés dans un cadre de travail ou de recrutement par les RH ou les cabinets de conseil.

Les intentions de ces tests/questionnaires sont claires : elles permettent d’abord aux personnes de mieux se connaître pour mieux comprendre les autres en identifiant sa manière de voir les choses et de prendre des décisions. L’enjeu est d’arriver à cerner ses « zones de confort et d’effort », c’est-à-dire les situations dans lesquelles on est à l’aise et celles dans lesquelles on est tendu.

Leur principal objectif est d’aider à se positionner et dans ce cadre, ce sont des outils individuels de développement personnel qui peuvent-être efficaces et utiles.

Jusque-là rien d’alarmant me direz-vous ! Pourtant, leur usage est très souvent dévoyé :  ce n’est pas l’outil qui pose problème, c’est l’utilisation qui en est faite. Les intentions sont bonnes mais leur usage est mauvais, et nous connaissons peu d’équipes qui en font bon usage parce que ces tests/questionnaires n’ont pas vocation à prédire la réussite ni à être utilisés en collectif…

Pourquoi leur usage est mauvais ?

Parce que le problème des tests et de leurs grilles de lecture est qu’ils enferment inévitablement les personnes dans des cases. On devient bleu ou n’importe quelle autre couleur/case pour les autres. Ils commencent à nous voir et à analyser nos interactions à travers ce prisme, comme s’il était la vérité absolue sur notre manière de fonctionner. Et finalement on ne s’intéresse plus à la personne, à l’écoute de ses problèmes ou besoins.  On la regarde à travers un filtre, à l’affût des moindres réactions qui permettraient de confirmer le résultat du test. Même le MBTI avec ses 16 cases finit par coller des étiquettes aux personnes et après il est compliqué de s’en débarrasser…

Et c’est pour ça que les équipes et les managers aiment ça : dans un 1er temps ça donne l’illusion de mieux comprendre les autres avant de mieux tomber dans le piège !

Même sans tests, c’est plus fort que nous, en collectif, on a l’art de plaquer des étiquettes sur les autres, parce que ça nous rassure. Qui n’a pas souffert d’être tagué dans son équipe ? Combien de fois on ne s’est pas senti écouté parce que tout le monde, dès le 1er mot avait décidé qu’il fallait mettre ça sur le compte d’un trait de caractère/étiquette ?!  

Le problème de ces tests, c’est qu’ils légitiment davantage cette mauvaise pratique… Et c’est pour ça que les équipes et les managers aiment ça : dans un 1er temps ça donne l’illusion de mieux comprendre les autres avant de mieux tomber dans le piège !

Et pourquoi leur légitimité peut-être aussi remise en question ?

Ces tests créent des clivages, parce que même s’ils affirment que toutes les cases se valent, la réalité est autre. Il n’y a aucun jugement de valeur entre les différents profils mais en fonction des postes/métiers on peut en dénigrer certains.         

Par exemple, dans une équipe de commerciaux, il vaut mieux être un extraverti selon MBTI qu’un introverti…

Apprendre à mieux connaître (en petite partie) ses collaborateurs grâce à un test ne permet pas de mieux les manager. 

Dernier point à souligner mais qui est davantage sujet à discussion : c’est la validité scientifique de ces tests/questionnaires.  La plupart sont administrés à partir de séries de questions auxquelles la personne répond isolée dans une salle. Elle y répond différemment selon son humeur, selon son niveau de stress (test de recrutement…) et tout cela n’est pas pris en compte du tout. Ces résultats sont ensuite extrapolés pour essayer de décrypter la réaction d’une personne, dans un contexte de travail, au milieu d’un groupe de plusieurs personnes, donc dans des conditions très différentes.  Pourtant, penser que l’on est une personne avec des caractéristiques absolues, indépendamment du contexte dans lequel on se trouve, est assez contestable. Par exemple :  on peut être introverti en famille et extraverti au travail, on peut être respectueux du code de la route dans un pays où la loi est très stricte et moins dans un pays plus laxiste, on peut vouloir construire des process avec jalons face à une personne qui ne parle que résultat juste par esprit de contradiction …

Comme pour les team building, on leur appose des vertus magiques : apprendre à ramer ensemble pendant 1h ne permet pas, une fois de retour au travail, de mieux collaborer ; apprendre à mieux connaître (en petite partie) ses collaborateurs grâce à un test ne permet pas de mieux les manager. 

C’est pour toutes ces raisons que l’on n’aime pas beaucoup ces tests. Ils sont des odes au statu quo collectif et au « je suis comme ça » ! Ces test desservent, plus qu’ils ne servent. 

Perfectionnisme, le faux ami de l’entreprise

Parmi les histoires que tout le monde connaît sur la vie des entreprises, il y a la légende de la réponse parfaite à la question d’un recruteur « quel est votre principal défaut ? » qui serait « Le perfectionnisme ! ».

Après avoir vu les dégâts du perfectionnisme dans de nombreuses entreprises, nous ne partageons pas du tout cette vision. C’est un poison tenace aux conséquences innombrable auquel nous déclarons la guerre !

Côté pile du perfectionnisme, l’image d’Epinal

Persévérance, opiniâtreté, souci du détail. Voilà ce que l’on pense être des synonymes de perfectionnisme. Alors forcément, on a tendance à être indulgent avec ce défaut qui n’en est pas vraiment un, on se dit même qu’avoir quelques perfectionnistes dans l’équipe, c’est l’assurance d’un travail bien fait, d’un certain niveau d’exigence.

Et cela ne vient pas de nulle part. Comme toutes les légendes, il y a une part de vérité. Il est vrai que les perfectionnistes sont de gros travailleurs, très investis dans leurs missions et en constant dépassement de leurs limites. Ils ont aussi un grand niveau d’exigence, inextinguible.

Mais côté face, c’est la catastrophe !

Le prix à payer de cette persévérance, de ce souci du détail, est lourd. Le perfectionnisme, c’est l’éternelle insatisfaction, car tout aurait pu être mieux, toujours. C’est donc l’incapacité à se réjouir totalement d’une victoire obtenue. C’est aussi l’anti-pragmatisme, par dogmatisme, on ne fait une action que quand on est sûr que ça va marcher, ce qui peut ne jamais arriver, et on ne l’arrête que quand on a obtenu 100% de ce que nous attendions, ce qui peut être une perte de temps. Le perfectionnisme, c’est aussi la critique et l’autocritique permanente, car rien n’est jamais au niveau. C’est donc un climat qui peut être dur, démotivant, dépressif même. Au final, le perfectionnisme c’est la perte de confiance, on voit que l’on n’est jamais parfait, et on en vient à penser que l’on ne fait jamais rien de bon, et que les autres non plus. Parfois jusqu’à l’échec auto-réalisateur. C’est aussi la perte de sens car on se concentre sur le « comment faire » et non sur le « pourquoi faire ».

 

Et ça remonte à tous les niveaux de l’organisation


Il y a pire qu’un perfectionniste, il y a les managers perfectionnistes. C’est même assez fréquent car pour toutes les qualités listées dans la première partie de l’article, l’idée de mettre un perfectionniste aux manettes semble excellente pour beaucoup de décideurs, top managers ou actionnaires. Ce serait la certitude d’avoir quelqu’un qui travaille beaucoup, qui ne laisse rien passer, qui ne lâche jamais prise. C’est un pari très risqué, souvent perdant, car le manager perfectionniste laisse peu de marges de manœuvre, contrôle trop, motive peu, donne peu ou mal le sens, impose son exigence personnelle hypertrophiée à son équipe.

C’est non seulement peu vertueux, mais contraire aux aspirations nouvelles où les équipes acceptent plus de responsabilités à condition d’avoir de la liberté, où les bonnes idées sont celles qui sont lancées vite quitte à être imparfaites (logique de Lean start-up).

Il y a pire que des managers perfectionnistes, il y a des organisations perfectionnistes. Celles où la culture du perfectionnisme est si ancrée qu’il ne se trouve plus personne pour la contester ou la compenser. Dans ces structures, on ne fête jamais les succès, on croule sous les projets car on ne les a jamais finis, on défait systématiquement le travail d’un collaborateur ou d’un collègue car « on n’aurait pas fait comme ça ». C’est là où on trouve un niveau d’insatisfaction et de déplaisir au travail parmi les plus élevés.

Comment s’en sortir ?

Quel que soit le niveau de contamination, il est très difficile de se sortir du piège du perfectionnisme. Car au niveau des organisations c’est culturel, et au niveau des individus c’est psychologique. Dans les deux cas, c’est donc difficilement accessible.

La première et la meilleure chose à faire, c’est déjà de prendre conscience que l’on en souffre et que c’est sérieux. Ne plus faire preuve d’indulgence, voire de complaisance avec son perfectionnisme, celui de son entreprise, celui d’un membre de son équipe. Là-dessus, certains outils peuvent aider comme l’analyse transactionnelle qui a identifié le « Sois parfait » comme un des mots d’ordre les plus problématiques des individus et propose des pistes pour l’assouplir.

Ensuite, il faut stopper la contagion. Par exemple en arrêtant de promouvoir ces profils sans qu’ils aient auparavant travaillé sur leur perfectionnisme. Mais aussi en arrêtant d’imposer son niveau d’exigence exagéré aux autres, valoriser la capacité à faire « vite et imparfaitement ».

Enfin, il faut lutter contre les symptômes : redonner une place au « pourquoi faire » en donnant de la vision et pas qu’une feuille de route, valoriser les petites victoires, essayer de donner le droit à l’erreur (tout en reconnaissant que c’est difficile). Là-dessus, quelques pratiques existent (faire la fête des échecs pour dédramatiser, supprimer purement et simplement un moment de contrôle).

Bien sûr, toutes ces pratiques sont imparfaites… alors raison de plus pour les essayer !

Dragon Ball Z, où comment renouveler l’aventure dans la routine

Dragon Ball Z, le manga culte d’Akira Toriyama fêtait ses 30 ans l’année dernière. Ce manga connait toujours un énorme succès mondial et a même entamé une nouvelle saison à la demande des fans en 2016.

Pourtant, à y regarder de plus près, cette série est terriblement répétitive : même menace, même dynamique, même moments-clés et mêmes techniques de combat.

Beaucoup d’autres œuvres cultes sont basées sur un schéma unique qui se répète quasi indéfiniment : Saga de super-héros, Star-Wars, James Bond.

Mais comment font-ils pour ne pas lasser l’audience ?

Dans Dragon Ball Z, deux ingrédients font merveille, à savoir la gestion de l’échec et la diversité des profils.

Tout d’abord, la relation à l’échec dans Dragon Ball Z est déroutante, la défaite et même la mort ne sont pas vécues comme un coup d’arrêt. Même morts, les héros continuent à s’entrainer, à apprendre et ils peuvent même revenir pour prendre leur revanche. L’absence de sanction en cas de défaite n’enlève pas le suspense car l’excitation est liée à l’apprentissage, au dépassement de soi plus qu’à l’intrigue elle-même.

Ensuite, la diversité des profils a aussi une grande importance, comme d’ailleurs dans toute bonne histoire. Ici, les caractères sont opposés, ce qui crée de la tension permanente mais génère surtout une émulation et une surprise nécessaire dans ces intrigues répétitives. On sait ce qui va se passer mais on ne sait pas d’où viendra la délivrance.

Dans nos entreprises, les actions et processus répétitifs ne manquent pas. Alors pour ne pas lasser les acteurs, appuyez-vous sur les recettes des mangas comme DBZ : focalisez vos équipes non pas sur la réalisation de la tâche mais sur la progression des savoir-faire, changez le rapport à l’erreur et ne stéréotypez pas les profils.  Merci aux Mangas !

ALBUS CONSEIL