Auteur/autrice : charlie

Samson et Dalila

Qui ne connaît pas Samson et Dalila ? Récit biblique tiré de l’ancien testament et repris en opéra, en film… Cette histoire nous invite à repenser le rapport à nos ennemis, non pas en termes de morale ou par amour du prochain, mais par pure stratégie et pragmatisme

Samson a pour mission de libérer Israël de l’esclavage des Philistins. Au cours de sa quête, il tombe amoureux de Dalila qui le trahit et le livre à ses ennemis. Samson est alors enfermé, ses yeux sont crevés et il devient l’objet des railleries de ses geôliers. Jusqu’au moment où, poussé à bout, il retrouve un instant sa force d’antan, s’appuie aux colonnes du temple et le détruit d’un coup : Samson meurt mais les Philistins aussi et les Hébreux sont vengés.

En entreprise, c’est pareil ; même si la concurrence, interne ou externe, n’est (heureusement) pas toujours aussi violente, le mécanisme est identique. 

C’est une leçon originale de management que nous inspire cette histoire autour du manque de stratégie des Philistins. Oui, ils ont réussi à réduire à néant la force de leur ennemi par la ruse mais, ils ruinent leurs efforts en l’accablant. C’est parce qu’ils poussent Samson au désespoir que ce dernier, retrouve sa force et accepte de mourir pour venger son peuple.

En entreprise, c’est pareil ; même si la concurrence, interne ou externe, n’est (heureusement) pas toujours aussi violente, le mécanisme est identique. Accabler son adversaire, c’est le mettre en position de force : le pouvoir du désespoir.  Il n’a plus rien à perdre tandis que nous si. A l’inverse, en le ménageant, on atténue sa résistance.

Mais ménager son adversaire, ça veut dire quoi ? 

On s’oppose à votre projet de manager ? Ecoutez vos opposants (récalcitrants) pour réduire l’énergie qu’ils vont mettre à saper vos efforts.

Le dialogue social est compliqué ? Accordez-leur des victoires pour éviter que la tension ne monte.

Vous voulez défendre les intérêts de votre service vente vs ceux du marketing ? Commencez par vous demander ce dont le marketing a besoin.

Bref… climat social, compétition, influence, et j’en passe : comme au jeu de Go, ceux qui gagnent sont ceux qui ont un projet évidemment, mais surtout ceux qui laissent un espace de vie à leurs adversaires et leurs projets.

Le meilleur job du monde : manager !

On tourne autour du pot depuis plus de 3 ans que nous écrivons des articles, et il faut bien que nous vous disions les choses très directement, nous adorons le management et nous adorons les managers. Bref pour nous, le meilleur job du monde n’est pas sur une île déserte en Australie, c’est le management.

Alors, en cette période de fête, nous avons eu envie de partager avec vous pourquoi nous aimons tant ce métier, et comment, quand on l’exerce, y prendre tout le plaisir qu’il peut apporter.

C’est vrai qu’il se cache bien

Notre titre pourrait passer pour de l’ironie tant la fonction de management est malmenée dans les entreprises, et dans la société en général. Cible pour les partenaires sociaux, vecteur de censure et d’oppression pour ceux qui la craignent, éreintante, infiniment ingrate et extrêmement difficile pour ceux qui l’exercent.

Dans l’imaginaire de ceux qui craignent le management, il y aura toujours la suspicion du petit chef, ou du planqué loin du terrain, qui travaille beaucoup peut être, mais principalement pour brasser du vent.

Le job de manager est une cible idéale parce qu’il est entre le marteau et l’enclume. Ce n’est pas le grand décideur (qui n’existe pas vraiment, ou en tout cas n’est pas unique), mais c’est lui qui fait exécuter les décisions. Il est donc considéré comme responsable puisqu’il porte les décisions, sans avoir l’aura de visionnaire ou au moins la force de celui qui les a prises.

C’est aussi une cible facile parce qu’en apparence, il est improductif : c’est vrai d’ailleurs que dans une usine, si le manager quitte son poste, la production ne s’arrête pas immédiatement ; si c’est l’opérateur, oui. Dans l’imaginaire de ceux qui craignent le management, il y aura toujours la suspicion du petit chef, ou du planqué loin du terrain, qui travaille beaucoup peut être, mais principalement pour brasser du vent.

C’est enfin une cible parce que le manager est une espèce en constante évolution, mais qui est l’héritier de la tradition autoritaire de l’encadrement militaire, respecté pour sa force au mieux, mais toujours supérieur, et donc nécessitant un minimum de critique pour vivre avec lui.


Et puis, il peut être très mal exercé

Au-delà de ces grandes raisons macro, il faut aussi reconnaître que tout le monde ne fait pas le meilleur usage du pouvoir.

Il y en a quelques-uns, peu heureusement, qui font de leur position une véritable arme de domination. Harcèlement, chantage, pressions. Ils sont peu nombreux mais font du mal à toute la communauté.

Il y a en plus qui se sentent acculés dans la fonction. Parce qu’ils n’ont pas les moyens, parce qu’ils ont été promus pour de mauvaises raisons, parce qu’ils sont eux même mal managés. La responsabilité des autres peut alors devenir un poids très lourd, qui se répercute sur les autres, en dessous, à côté et au-dessus.

Et puis, nous faisons tous des erreurs qui peuvent ternir notre image et dégrader le prestige de la fonction. 

Mais toutes ces raisons de ne pas prendre de plaisir, voire de faire souffrir à travers le management, ne sont pas le fait de la fonction elle-même mais la conséquence d’un monde qui change très vite, où l’autorité classique ne passe plus, et que l’on a pas encore trouvé les solutions, ni adapté suffisamment les organisations à la beauté de la tâche qui consiste à faire réussir les autres.

Manager, c’est le plus grand levier de progrès humain 

Parce qu’évidemment, en regardant ce qui ne va pas, les défauts, on ne peut que tirer des conclusions hâtives.

Le management, avant d’être difficile, est profondément noble.

C’est l’art de rendre les autres performants. C’est le métier dans lequel on ne se juge pas à travers ses réalisations mais à travers celle des autres. Que l’on soit coach sportif, responsable du service comptabilité, patron d’unité de production, chef d’une équipe commerciale, PDG d’une multinationale, manager c’est faire réussir les autres. 

C’est une erreur commune de penser qu’un manager sert à encadrer, contrôler, faire respecter un processus. C’est une erreur de penser que la qualité d’un manager se mesure à son leadership, ou à son écoute. Tout ceci ne sont que des moyens. Des moyens pour faire réussir les autres, pour qu’une équipe se surpasse et déjoue les pronostics.

C’est pour ça que le manager idéal n’existe pas. Il ne s’évalue pas en lui-même mais à travers ceux qui l’entourent. Du coup, à chacun son style et ses qualités. Le secret est de vouloir, plus que tout, faire réussir les autres. Cherchez à le faire avec charisme ou non, pédagogue ou pas, en énergie ou avec patience, mais cherchez-le. Jérome Tougne, psychologue du travail le dit : « je ne sais pas définir un bon manager ; je sais juste qu’il aime ça. »

Aussi, le manager a la charge du progrès humain, à son échelle. Il a la charge de développer une activité meilleure, plus rentable, plus efficace, plus belle, en s’appuyant sur les ressources qu’il a. Et comme les machines ont un rendement nominal et que les processus ne sont qu’un schéma, le levier véritable c’est l’Homme. Et pour actionner les autres, les ordres peuvent marcher un temps, mais ils génèrent au mieux du respect, mais souvent peu d’autonomie. Pour développer les gens, le mieux est de développer un climat de confiance, une passion pour ce qu’ils font, pour leurs qualités. Pour engager les gens, il faut leur donner l’occasion de faire des choses dont ils seront fiers. 

Comment retrouver la flamme si vous l’avez perdue

Bon, une fois qu’on a dit tout ça, comment passer du stress au bonheur, sans attendre que les entreprises du monde entier aient fait leur mutation ? Et même sans attendre que vos chefs ne vous permettent de changer tout ça vite ? Bref, comment m’épanouir dans mon rôle de manager, en agissant à mon niveau ?


1. Soyez modestes

Si le manager peut changer la vie des gens, il ne le fera pas à tous les coups. Le but est de créer les conditions pour que les gens changent et ensuite trouver son bonheur dans les progrès même si le chemin est encore long. 

 

2. Ne soyez pas Parents

Si vous avez la responsabilité de votre équipe, vous n’êtes pas pour autant maître des décisions des autres. Créer les conditions de l’engagement, essayez de traiter les cas individuels, mais ne perdez pas de vue que nous manageons des adultes, et qu’ils ont le droit de vous suivre ou pas. Bref, ne vous sentez pas responsables de ce que les gens font mais de la place que vous leur donnez. Ensuite, c’est leur choix.

3. Sachez profiter des avancées

N’attendez pas les retours dithyrambiques de votre équipe ou de vos supérieurs. Apprenez à observer votre équipe et à constater leurs progrès. S’ils sont fiers d’eux, ils oublieront peut être de vous remercier, mais votre but est atteint.

4. Fréquentez les optimistes

Enfin, dans un groupe humain, il y a toujours ceux qui pensent que tout va mal et ceux qui cherchent à positiver. Fréquentez les seconds dès que l’occasion se présente.

L’obligation de moyens est la nouvelle exigence !

Tout le monde l’admet, le monde actuel est incertain et complexe. Pourtant, on continue à le gérer comme s’il était prévisible et linéaire, en fixant des objectifs à 1 an, à 3 ans avec des perspectives de résultats très clairs.

Pour nous, la seule certitude est que, quel que soit le contexte, votre meilleure chance de réussir est d’avoir des collaborateurs qui donnent tout. Et donc que l’obligation de moyens est plus efficace que l’obligation de résultats ! 


Définissons d’abord la notion de moyens et de résultats

Ce sont des notions empruntées du droit, que l’on peut résumer (et simplifier) de cette façon :


L’obligation de moyens : C’est une obligation dite de « prudence et de diligence ».

Plus simplement, c’est s’obliger à mettre tout en œuvre pour… Par exemple, c’est le cas d’un médecin qui doit mettre tout son savoir, son énergie, ses outils pour vous soigner, mais qui ne peut dans ce cas être tenu responsable du résultat final.

L’obligation de résultats :  C’est une obligation dite « déterminée ».

C’est s’obliger à un résultat déterminé. Par exemple, une compagnie aérienne a l’obligation de vous emmener de Paris à Lisbonne, et ce, en s’assurant que vous arriviez sain et sauf ! 

Dans la société actuelle, on voit que la tendance est de souhaiter des obligations de résultats partout. Mais, comme en médecine en particulier, on voit bien que cette tendance est un grand danger puisqu’elle rend le médecin hyper craintif, et qu’elle l’oblige à mettre plus d’énergie à se protéger qu’à soigner son patient. L’obligation de moyens est bien plus responsabilisante pour tous.

 

Les entreprises ont fait le choix du résultat depuis longtemps

Parmi les choses aujourd’hui dogmatiques en entreprise figure en bonne place la structure d’anticipation des résultats : le budget pour piloter les grands équilibres économiques, les objectifs pour naviguer dans tout ça et la mesure des résultats pour contrôler. Pour certains, c’est même ça LA définition d’une entreprise.

Admettons-le, c’est souvent une mascarade. Le budget est calculé en misant hasardeusement sur une hausse de CA qui, à l’instar d’un prix psychologique à la vente, n’est ni trop faible (pour se montrer volontariste), ni trop fort (pour se montrer réaliste). Les objectifs, ce sont des idéaux dont l’atteinte est rare et dont l’annonce est souvent désespérante pour les équipes. Quant aux résultats, ils ont des équations si complexes que l’identification des artisans du succès ou des coupables de l’échec sont bien difficiles à identifier.

Bienvenue dans le « VUCA » World

Volatility, Uncertainty, Complexity and Ambiguity, voilà ce qui définit les affaires d’aujourd’hui. Pour les moins bilingues d’entre vous, retenez que nous ne comprenons plus rien au monde qui nous entoure. Entre ce qui change tout le temps, ce qui évolue en permanence ou ce qui reste flou, c’est bien simple : la réalité change tous les trimestres.

En conséquence, bien malin (ou bien fou) celui qui peut vous annoncer ce qui se passera dans les douze prochains mois. Les projections pluriannuelles deviennent des horoscopes et les leaders assurés sont aussi crédibles que Madame Soleil. 

En s’entêtant, les managers ne récoltent d’ailleurs que la démotivation de leurs équipes (à quoi bon tout donner si on sait que l’on atteindra pas la cible), et l’image de managers ou de Direction hors sol, aveuglés, qui se désolidarisent du terrain et de sa réalité.

Prenons l’exemple d’une entité qui, lors de la définition du budget, a dû revoir trois fois sa copie pour aboutir à un budget à peine réaliste, misant sur les perspectives marché très favorables et qui commence l’année avec une crise du secteur. Etant donné qu’il serait inacceptable de réviser le budget le 15 janvier, on démarre l’année en sachant déjà que l’on sera en dessous des objectifs. Adieu investissements, bonus… et motivation !

Il faut assumer que l’on ne sait pas où on va, et que la seule chose que le manager peut et doit organiser, c’est un fonctionnement pour s’en sortir quoi qu’il arrive. Un manager qui assumerait cela ne serait pas forcément quelqu’un de rassurant mais un manager courageux et responsable, sans aucun doute.

 

Loin d’être laxiste, l’obligation de moyens est une exigence très forte

L’obligation de moyens a mauvaise presse, elle est souvent synonyme de manque d’exigence. Ses détracteurs y voient la situation où on viendrait à féliciter une équipe alors qu’elle n’aurait pas atteint ses objectifs. Ils oublient que l’obligation de résultats suppose parfois de féliciter une équipe qui a atteint ses objectifs même sans effort dans un contexte plus favorable que prévu, ou de sanctionner une équipe très mobilisée. Cherchez la plus grande erreur…

Reprenons nos exemples du début : entre l’obligation de moyens du médecin de tout faire pour vous guérir et l’obligation de résultat d’une compagnie aérienne de vous transporter à une destination, quelle obligation est la plus exigeante ?

Se concentrer sur l’obligation de moyens, c’est par exemple :

– Demander à une équipe de surperformer le marché plutôt que d’atteindre un objectif de croissance de CA (accepter de valoriser une équipe qui fait -2% sur un marché à -5%).

  • Évaluer une équipe sur la compétence des nouveaux embauchés ou les savoirs acquis plutôt que sur le temps passé en formation.
  • Évaluer sur l’image perçue par les clients plutôt que sur le taux de service.

Ainsi, l’obligation de moyens demande aux acteurs de se surpasser, redonne de la responsabilité aux individus (on est responsable des moyens mis en œuvre alors que l’on influe en partie seulement sur les résultats obtenus).

  • Plutôt que de piloter en fonction d’un budget, piloter par une ambition
  • Plutôt que de mesurer des objectifs, mesurer des engagements
  • Plutôt que de regarder les résultats, regarder les réalisations

Et vous verrez que vos évaluations annuelles seront beaucoup plus constructives, plus authentiques, et mieux comprises par vos équipes !

C’est ainsi qu’on décide de donner une obligation de moyens à un médecin et pas de résultats : parce qu’on ne maîtrise pas tout (le cancer n’est pas le fait du médecin, et il est mortel y compris parfaitement pris en charge), et surtout parce qu’on s’attend à ce que le médecin mobilise toute sa science et celle des autres pour vous sauver. S’il avait une obligation de résultat, nul doute qu’il n’y aurait plus de médecin et que ceux qui resteraient auraient fait plus d’études de droit que de médecine.

Comment instaurer un îlot de moyens dans un océan de résultats ?

Le problème comme souvent c’est que vous n’avez pas la main sur le système de reconnaissance et que vous subissez le dispositif résultat que vous impose l’entité supérieure.

Si ce n’est pas le cas, descendez au plus bas le niveau de reconnaissance aux résultats, et surtout mettez le en collectif. C’est logique (le résultat dans une entreprise est la somme de toutes les actions), et juste. Le système d’intéressement est donc pertinent à notre avis.

Ensuite, fixez des objectifs de moyens, et faites confiance au fait que si on met tout en œuvre pour réussir, les résultats obtenus seront proches des meilleurs possibles.

Si c’est le cas, concentrez vous sur ce sur quoi vous avez de l’influence :

  1. Traduisez les résultats demandés en actions clés et mettez toute la reconnaissance qui dépend de vous sur les efforts pour réaliser ces actions.
  2. Développer un véritable écosystème qui permet la reconnaissance y compris si les résultats globaux bloquent les primes : félicitations minutes bien sûr, mise en avant des réalisations collectives et individuelles, célébration des succès intermédiaires, valorisation des apprentissages réalisés au cours de l’année, du projet, etc…
  3. Dans le cas extrême où le système devient fou (résultats inatteignables, moyens en baisse drastique, considération faible pour les efforts) la transgression devient la seule solution : définissez une quête qui peut avoir des bénéfices qualitatifs pour ceux qui y prendront part ; acceptez les défections ; et aidez ceux qui restent à devenir meilleurs. Ca paiera pour eux à long terme.

Le Petit Poucet – Ou pourquoi il faut évaluer à l’opportunité

Le Petit Poucet c’est un garçon, tout petit certes, mais qui se sort toujours extraordinairement bien des situations que lui impose la vie.

Mais alors comment se fait-il que ses parents ne voient pas cette énorme qualité et l’abandonnent comme un truc qui sert à rien ?!

Sûrement parce qu’ils l’ont toujours regardé à travers leur propre prisme, ils ont toujours plaqué sur lui des attentes par rapport à leur propre idée de ce qu’un fils devait savoir faire : rapporter du bois, chasser… Alors que le Petit Poucet a un talent d’écoute et d’empathie qui leur paraît inutile pour contribuer à la vie de famille.

Est-ce qu’on ne fait pas souvent cette erreur en management de ne regarder qu’à travers la fiche de poste ? De se focaliser sur ce que les gens devraient savoir faire plutôt que de s’intéresser aux aspects où ils sont très forts ?

Alors quand vous managez, ne réfléchissez pas dans votre coin à ce qu’il faudrait faire pour aider ces personnes à évoluer dans leur travail, demandez-leur plutôt dans quoi ils se sentent forts. C’est comme ça qu’on fait grandir les gens, et pour le Petit Poucet ça aurait pu être utile, au sens propre comme au sens figuré !

L’Ambition menacée d’extinction

Sans pouvoir nous appuyer sur des statistiques implacables, tant pis pour les rationnels à tous crins qui ne jurent que par ça, nous constatons une raréfaction inquiétante des leaders ambitieux en entreprise. Peur de l’échec, asservissement au système et surcharge de travail ? Un peu de tout ça, mais à quoi bon monter dans l’organisation s’ils n’ont (plus) aucune cause à défendre ?

Il suffit de voir comment on parle de l’Ambition dans et hors de l’entreprise. La notion est décriée, caricaturée, méprisée. Pour certains, elle serait le signe d’un orgueil mal placé, l’apanage des politiques assoiffés de pouvoir. On l’oppose de plus en plus à l’épanouissement au travail.

Le résultat, c’est que l’on demande à des leaders d’avoir une vision mais pas une Ambition, et encore moins de l’Ambition.

Pourtant, ne faut-il pas avoir eu de l’Ambition pour accéder au poste de Leader ?

L’Ambition, ça se perd

Les compétences, la capacité à fédérer ou le succès sont des arguments mais pas des conditions sine qua non pour accéder à un poste de leader. On peut monter son entreprise, fonder son mouvement politique, créer son association sans rien de tout ça.

Une ambition quelle qu’elle soit est un tuteur indispensable pour permettre à l’ambitieux d’accéder ou de créer son rôle de leader.

En revanche, on ne devient pas un leader sans « une envie impérieuse de changer les choses ». C’est ainsi que Vincent Cespedes définit l’ambition dans son livre L’Ambition ou l’épopée de soi (Flammarion, 2013). L’Ambition est le moteur de la volonté indispensable pour se surpasser, prendre des risques et se hisser ainsi à un poste de leader quel qu’il soit.

Peu importe qu’il s’agisse de bonne ou de mauvaise Ambition, que l’on soit un guide ou un arriviste, un altruiste ou un requin aux dents longues. Une ambition quelle qu’elle soit est un tuteur indispensable pour permettre à l’ambitieux d’accéder ou de créer son rôle de leader.

Alors donc, s’ils ont besoin d’ambition pour devenir des leaders, comment la perdent-ils ? Tout simplement parce que l’entreprise agit comme un gaz, asphyxiant l’ambition de ses leaders. Et le pire, c’est qu’elle le fait souvent consciemment mais n’en mesure pas les conséquences : un leader sans Ambition ne sert (presque) à rien.

Comment l’entreprise tue l’Ambition

Selon nous, l’entreprise d’aujourd’hui tue l’Ambition trois fois : idéologiquement, culturellement et par étouffement.

Par cette triple attaque, elle transforme des ambitieux en aquoibonistes résignés. 

Idéologiquement, l’entreprise fait une erreur de diagnostic. Assimilée à tort à du carriérisme comme on l’a dit plus haut, l’Ambition est de plus en plus mal vue dans l’entreprise qui la considère comme une entrave au fonctionnement collectif. On préfère prôner l’humilité, le collaboratif et les objectifs chiffrés et réalistes. L’Ambition est ainsi devenue immorale.

Culturellement, l’entreprise tue l’ambition en installant une culture de la fiabilité et de la prévisibilité qui annihile la prise de risque et l’acceptation de l’échec, conditions indispensables de l’Ambition. Evidemment, on s’en défend et on affiche le contraire, la prise de risque est même sollicitée… mais à condition de remplir ses objectifs annuels, de garantir la paix sociale, de réussir les audits opérationnels et financiers et de respecter le cadre fixé par la hiérarchie. Le risque ok, mais l’échec non. Bon courage !

Enfin, l’entreprise étant de plus en plus consommatrice de l’énergie de ses employés, à tous les niveaux,  préfère avoir des « leaders » asservis que des leaders qui veulent la changer. Pour cela elle installe une surcharge de travail qui répond à leur besoin de se sentir utiles (« je suis indispensable, puisque je suis surchargé »), les empêche de prendre du recul pour bâtir une vision, et étouffe ainsi les envies de faire différemment. Parfois jusqu’au burn-out.

Par cette triple attaque, elle transforme des ambitieux en aquoibonistes résignés. Et c’est ainsi, qu’il est de plus en plus rare de croiser des leaders qui portent une ambition propre pour leur entité.

Certains ne s’en défendent même pas, leur seule « ambition » étant de tenir leurs engagements c’est-à-dire leurs objectifs annuels. D’autres se mentent à eux-mêmes, disant attendre des périodes plus calmes pour y réfléchir (périodes qui ne viendront bien sûr jamais).  Et les derniers, affichent une pseudo-ambition qui est souvent la même que celle du voisin et qui n’est rien de plus que ce que l’entreprise attend d’eux de toutes façons. Elle est juste formulée avec des mots plus sympas,  par exemple : « Devenir la référence du service au client »

Sans Ambition, pas de changement profond ni solide

Sans ambition, le leader aura du mal à transformer et enthousiasmer son équipe. En effet, l’Ambition personnelle permet l’émulation collective, c’est à dire l’envie d’atteindre un autre niveau. Le leader sans Ambition est un organisateur, 100% rationnel ou presque, qui fait des actions probablement logiques et lisibles, mais peu exaltantes et ne générant pas l’énergie nécessaire pour sortir les équipes de cette zone de confort si difficile à quitter.

Et puis, plus simplement, quel est l’intérêt d’être un leader si on n’a rien à défendre, rien à créer, rien à transformer ?

Par ailleurs, un leader sans ambition résiste moins aux échecs car il n’a pas de motif qui justifierait sa persévérance.  Un peu comme un mercenaire qui ne recevrait plus sa solde à la différence d’un chevalier se relevant cent fois pour défendre sa cause.

Parce qu’elle est personnelle, donc subjective, l’Ambition est émotionnelle, voire irrationnelle. Elle permet donc de s’attaquer à des dysfonctionnements irrationnels sur lesquels les démarches purement objectives sont inefficaces : le cloisonnement, la méfiance, la démobilisation, le manque de courage managérial, etc. Bref toutes ces choses que les managers affrontent et sur lesquelles ils manquent souvent de solutions.

Et puis, plus simplement, quel est l’intérêt d’être un leader si on n’a rien à défendre, rien à créer, rien à transformer ? Si c’est pour bien faire son travail, de gagner de l’argent ou bien paraître dans les dîners, on peut faire des choix plus simples. Pourquoi s’exposer, quand on n’a plus l’impérieuse envie de changer les choses ?

Une Ambition, ça se retrouve individuellement ou ça se révèle collectivement

Techniquement, retrouver une Ambition n’est pas difficile. C’est avant tout un sujet d’autorisation. Trouver la force d’assumer une Ambition quand on a pris l’habitude d’être un bon soldat remplissant strictement ses objectifs, c’est sortir d’une position insatisfaisante (pour un leader et pour son équipe) mais confortable, lénifiante. Pour retrouver une Ambition, il faut donc réécouter sa passion, sa vocation individuelle. Vincent Cespedes nous redonne l’étymologie de l’Ambition « Le mot latin ambitus, qui signifie ‘briguer un mandat’, désignait, dans l’Antiquité romaine, le fait de démarcher le peuple pour se faire élire aux diverses magistratures. Aujourd’hui encore, un véritable ambitieux enthousiasme son entourage, qui le perçoit comme un modèle à suivre. Ces vocations individuelles se muent en épopée collective ».

Et puis, si cette démarche vous paraît trop individualiste, vous pouvez aussi décider de porter l’ambition de l’équipe, en la révélant. Pour cela, il faut repartir des singularités de l’équipe (les forces, les caractéristiques, les succès que d’autres équipes comparables n’ont pas) et tirer le fil pour en déduire une Ambition.

Votre équipe est la plus expérimentée, faites-en une école pour toute l’entreprise ; Elle est la seule à être multiculturelle, misez sur la créativité, etc.

Qu’elle soit individuelle ou collective, l’Ambition est un « appel intérieur », et il ne tient qu’à vous d’y répondre. 

Parions sur les bonnes intentions des autres

Lever le nez du guidon, c’est plus dur que d’accuser les autres. 

Dans la frénésie qui fait loi, il serait bon simplement de prendre du recul et de regarder la situation avec sang froid. Sauf que cette évidence est un voeu pieux. Les managers nous font remarquer, parfois avec dureté, que si on était à leur place, on verrait à quelle pression ils sont soumis, et que vraiment ils sont sous l’eau. Les bonnes résolutions du type 1h pour soi chaque semaine ou chaque jour sont rarement tenues, sauf par ceux qui ont toujours su les préserver (il en existe, si si).

Parce qu’évidement, prendre la décision de s’arrêter pour analyser la situation sereinement, c’est déjà une grosse prise de recul. Bref, c’est un conseil qui n’a d’effet que pour ceux qui n’en n’ont déjà plus besoin.

Dans les autres cas, la malveillance des gens, des actionnaires, des grands patrons, des collègues est l’hypothèse : elle explique tout facilement et évite d’arriver à la conclusion qu’on a agit inutilement sur tel ou tel point, voire qu’on a franchement fait fausse route. Ça peut paraitre caricatural, mais au quotidien, c’est vraiment frappant de mesurer à quel point le procès d’intention est répandu…


En fait, l’immense majorité des gens a ses propres raisons d’agir

Si vous pouviez abandonner votre rôle quand vous estimez que quelqu’un agit mal, et lui demander de l’extérieur, et naïvement, pourquoi il fait ça, vous découvririez que les gens ont toujours une raison, bonne de leur point de vue.

Souvent, c’est un mot d’ordre assez enfoui : ils veulent que tout soit parfait, ou faire plaisir au plus grand nombre. Ils veulent éviter un conflit, ne pas perdre de temps, ou résoudre le problème quoi qu’il en coûte. Ce sont toutes des intentions compréhensibles mais qui peuvent avoir des conséquences désagréables (ou pire) pour les autres.

Souvent aussi, il y a une différence dans la vision des priorités. On pense que tel élément est plus important que l’autre, et un écart de perception peut vite se transformer en tension, alors que souvent, une  discussion directe permet de trouver une solution simple.

Parfois, on est désabusé après des déceptions répétées et très compréhensibles.

Bref si vous pouviez prendre ce temps, vous verriez que tout le monde a de bonnes raisons d’agir comme il le fait….

Sauf que vous n’avez pas le temps.


Et il suffit de le croire

La chance dans l’histoire, c’est qu’il n’est pas vraiment utile de connaître les raisons des gens dans 80% des cas. Il suffit de croire dur comme fer que cette bonne raison existe et d’agir en fonction de cette croyance.

Parce qu’en vous comportant ainsi, sans forcément demander aux autres de le faire, vous allez avoir plusieurs bénéfices immédiats :

  • Baisse du stress lié à l’agacement vis à vis des autres.
  • Hausse de la qualité des échanges par la baisse sensible des dialogues de sourds.
  • Hausse de l’optimisme par le regard positif posé sur les gens.

C’est techniquement ce que nous appelons le crédit d’intention. C’est une posture, comme le procès d’intention, qui consiste à penser que, dans le doute, les autres ont de bonnes raisons de faire, même quand ils se trompent. C’est surtout de notre point de vue l’attitude la plus payante dans les rapports humains. Pour aller plus loin, je considère même que c’est la trouvaille la plus incroyable que j’ai faite concernant les relations humaines ces 10 dernières années ; une sorte d’arme magique : croire en la bonne foi des gens. Parce que quand les gens sont abordés avec crédit d’intention, ils s’adoucissent, s’expliquent et vous aident à collaborer. 


Et même quand on se trompe, c’est gagnant

Evidemment, ce n’est pas toujours vrai : il y a aussi des malveillants.

Mais d’abord une double question :

=> Allez vous faire votre stratégie relationnelle sur la croyance qu’il faut se méfier, quitte à rater l’occasion de bien travailler avec ceux qui, comme vous, veulent faire avancer les choses ?

=> Ou bien allez vous bâtir cette stratégie sur ceux qui, comme vous, veulent faire avancer les choses, quitte à vous faire avoir de temps en temps ?

L’orgueil peut orienter vers la solution 1 (« moi, je ne me fais jamais avoir ! ») mais le pragmatisme et le bien-être sont du côté de la solution 2.

Moi, je me fais avoir de temps en temps, mais je m’en fous… Parce que c’est rare, et parce qu’en attendant je prends du plaisir à travailler avec presque tout le monde.

C’est le pari de Pascal sur la croyance en Dieu. On ne perd rien à y croire mais on peut y gagner beaucoup. Ne pas croire n’est jamais gagnant.

Idem, pour crédit d’intention et procès d’intention. Le crédit d’intention permet de gagner beaucoup de temps en temps sans perdre plus les autres fois.

Et, même quand vous vous faites avoir, vos alliés (parce qu’avec cette stratégie, on en a plein :-)) ont tendance à vous défendre !

Le crédit d’intention fédère, l’autre divise. Nous avons choisi notre camp, définitivement.

Pour être de bons idéalistes, soyons réalistes !

Nous avons été voir L’île des esclaves au théâtre du Nord Ouest. La pièce de Marivaux met en jeu deux couples maître-esclave dont les rôles sont inversés pour servir de leçon aux maîtres. Dans cette version, le metteur en scène a trouvé la fin trop belle : contrairement à la pièce originale, les maîtres libérés de leur esclavage reprennent le pouvoir sur leurs anciens esclaves.

Mais pourquoi ces derniers acceptent-ils ?

Ce n’est pas rationnel mais assez réaliste finalement, surtout quand on compare à ce qu’on voit dans nos entreprises.

Les projets de libération des entreprises se heurtent souvent à ce phénomène : on donne de la liberté mais les salariés finissent par la refuser. Ce n’est pas dit ouvertement mais au fond, le retour au confort de ne pas avoir à décider et à se gérer soi-même est trop tentant.

En fait, chez Marivaux, comme dans nos entreprises, surtout quand elles sont dirigées par des personnes ambitieuses, on a tendance à aller trop vite. Le changement brutal crée un traumatisme qui rend difficile l’acceptation du nouvel état d’égalité et de liberté. Les plus avancés dans la hiérarchie veulent reprendre le pouvoir, les moins avancés dans la hiérarchie veulent retrouver leur confort.


Alors comment faire ?

Le plus important dans la libération des entreprises c’est de garder son idéal mais en étant réaliste. Conserver son ambition à long terme mais en acceptant que ça doit être un processus pour lequel il faut du temps et de l’accompagnement. Sinon, l’effet balancier vous ramènera à la case départ. 

Liberté et exigence, pourquoi c’est compatible

Sur le papier, développer la liberté des salariés pour responsabiliser, c’est imparable… Mais dans les faits, on a peur que « ça parte dans tous les sens », que « les réalisations ne soient pas à la hauteur ».

Alors est-il possible de concilier liberté et exigence ? Quelle place pour le contrôle ?


L’utopie de la liberté

On ne peut plus à la mode ! La liberté est le nouveau concept en vogue du management… Conférences, bouquins, exemples (toujours les mêmes), et grandes déclarations. Être ouvertement contre est devenu un signal évident de conservatisme, à tendance réac.

C’est un peu la Porsche que l’on admire sincèrement, mais que l’on ne peut pas se payer et dont on se détourne sans avoir jamais vraiment songé à l’acheter.

Sur le papier, c’est vrai qu’il est difficile de lutter contre ses principes : un individu libre assumera toujours plus ses actes que s’ils lui ont été imposé. En développant la liberté, on s’impose d’accroitre la confiance, le partage des infos et des décisions, et on crée un cercle vertueux dans lequel les individus grandissent et prennent conscience de leurs responsabilités. Bref dans un monde du travail assez violent et volontiers anonyme, la liberté ressemble à la porte de sortie la plus noble, et la plus efficace, celle qui permet de se sentir à nouveau acteur.

Mais si l’on se plonge dans les entreprises, et évidemment pas les OVNI que sont Mars, Gore Tex et FAVI, la liberté fait envie mais semble inaccessible. Dans la majorité des entreprises, on impose des outils, des reportings, des organisations identiques d’un pays à l’autre, des comportements, des valeurs, etc… Et puis la pression des résultats à court terme est si forte que prendre le risque d’un résultat un peu incertain rend la liberté presque inconcevable, même pour des managers éclairés et ambitieux.

« Comment m’assurer du résultat sans brider la liberté ? »

« Comment donner de la liberté et gérer les écarts, voire les abus ? »

La liberté dans les grandes entreprises, ou même simplement dans les entreprises dans lesquelles le résultat de l’année se jouera à des détails, ressemble à une utopie.

C’est un peu la Porsche que l’on admire sincèrement, mais que l’on ne peut pas se payer et dont on se détourne sans avoir jamais vraiment songé à l’acheter.


L’impasse du contrôle

Alors pour compenser l’incertitude inhérente à la liberté, on se dit qu’il faut contrôler… Plus ou moins précisément, mais contrôler… Et l’adage « la confiance n’exclut pas le contrôle » vient le justifier.

Sauf que, confiance ou non, le contrôle n’est pas la solution.

Le contrôle est un engrenage infini, un peu comme les caméras de surveillance dans la rue. Vous posez une caméra pour sécuriser la rue… Et ça marche, on a moins d’agressions sous l’oeil de la caméra. Mais la violence se déplace parce qu’elle est rarement une opportunité pour celui qui l’exerce, c’est une nécessité. Le contrôle de vos équipes fonctionne de la même façon. Il ne réduit pas les écarts, il les déplacent.

Pire le contrôle est contre-productif dans presque 100% des cas : si l’on considère que la performance dépend de sa motivation et de sa compétence, on a donc 4 cas, et aucun où le contrôle ne fonctionne :

 

matrice motivation compétence

 

  • Cas n°1, le contrôle est inutile, puisque sans lui, votre collaborateur avance bien et vite. Contrôler c’est au mieux lui faire perdre du temps, au pire réduire sa motivation.
  • Cas n°2, le contrôle n’est pas le besoin de votre collaborateur. Il lui faut monter en compétence : il a donc besoin de formation, de votre coaching, d’apprendre.
  • Cas n°3, il n’y a aucun chance qu’en le contrôlant, vous remotiviez ce type de collaborateur. Il faut négocier, trouver de nouveaux terrains de jeu. Pas contrôler.
  • Cas n°4, là ça se discute. Le contrôle peut être une solution temporaire avant la sortie (du poste ou de l’entreprise) mais ne fera pas bouger ni en compétence, ni en motivation.

Bref, ne tentez pas l’alliage liberté/contrôle, c’est comme accélérer et freiner en même temps… Et c’est le frein qui gagnera.


La liberté, c’est l’exigence

Mais rassurez-vous, parce que la liberté est le mode de management le plus exigeant. Si elle fait peur, c’est parce qu’on la confond avec le « laisser-faire ». 

Donner des libertés, ce n’est pas ne plus s’intéresser à ce que fait l’autre ni tout accepter.

Donner des libertés, c’est avant tout partager les enjeux pour qu’ils n’appartiennent plus qu’à vous seuls. Aussi, pour que la liberté ne se transforme pas en un grand n’importe quoi, vous devez expliquer le pourquoi, donner envie et prioriser… Exigence pour vous.

Et puis prendre des libertés, c’est avant tout inventer les meilleurs moyens pour atteindre un objectif qui est désormais le sien. Il va donc falloir choisir, agir, améliorer… Exigence pour vos collaborateurs.

Donner des libertés c’est donc décider de faire le chemin ensemble et donc d’en partager la charge. Nous l’observons chez nous : nous avons libéré le recrutement… Ca ne veut pas dire que nous recrutons qui on veut quand on veut… Ca veut dire que chacun donne un avis, se mouille,  se projette dans l’intégration, ou dans ce qu’il faudra faire si malheureusement ça ne marche pas. Bref, c’est difficile, plus difficile qu’avant, et ça crée plus de comportements vertueux que de « n’importe quoi ».

 

Et ça s’anime

Alors si vous avez décidé de donner des libertés pour enfin centrer vos collaborateurs sur leur Valeur Ajoutée, le client, et pas sur le reporting et les calculs pour vous plaire, il va falloir animer différemment votre équipe.

D’abord, en auto-coaching, pour éviter que vos peurs ne prennent le pas. Pour que vous acceptiez que votre besoin de maîtriser ce qui se passe ne vienne pas interférer avec la nécessité de partager le plus possible.

Ensuite, il faut choisir ses combats… Parce que les exemples médiatisés de liberté au travail sont aussi réels qu’incopiables. Ne vous laissez pas leurrer par les dogmatiques (liberté sur tout, sinon rien) et demandez-vous où la liberté aura le plus de bénéfices chez vous. Choisissez 1 processus, 1 action. Pas 10.

Puis exposez la cible à atteindre, le pourquoi (rationnel et émotionnel) et mettez la en projection : dans 3 mois, voilà le résultat que j’aimerais atteindre ; dans 6 mois ; dans 9 mois ; etc. A chaque étape, fixez un moment où vous raconterez votre quête de liberté. 

Enfin, ne négligez pas l’accompagnement et le « faire avec ». Parce que la liberté au travail, c’est nouveau et qu’il n’y a pas de raison pour que vos équipes y arrivent seules dès le premier coup.

 

La menace, l’ingrédient inévitable du changement…

Tous ceux qui s’intéressent au management le savent, il faut DONNER DU SENS, expliquer pourquoi on veut changer. 100% d’accord, mais alors il faut se dire les choses : on change souvent pour une ambition très enthousiasmante mais aussi pour faire face à une menace potentiellement dangereuse. Parler de la première en éludant la seconde, c’est de l’angélisme, et ça se paye. 


La menace, le déclencheur du changement

Imaginez l’histoire des 3 petits cochons sans la présence du loup. Pourquoi se décider tout à coup de fabriquer une maison en brique si on ne risque rien ? La paille ou le bois sont bien suffisants et le troisième cochon avec ses briques passerait alors pour celui qui se complique la vie et se pose en redresseur de torts. 

Cela semble caricatural ? Pourtant, bon nombre de managers présentant leurs projets sans expliquer la menace à ne pas faire passent pour des personnes qui s’amusent à lancer des projets compliqués et inutiles. Des « usines à gaz » disent les équipes. De leur côté, les managers s’étonnent du manque de mobilisation de leurs équipes sur des projets de changement pourtant indispensables. Qu’il s’agisse d’un projet SI, d’une réorganisation ou autres.

Souvent, nous leur posons la question « Est-ce que votre équipe est bien claire sur le risque à ne pas faire ce changement ? », et souvent, la réponse est non. C’est souvent intentionnel : ils ne veulent pas faire peur et préfèrent parler des opportunités à saisir, des bénéfices du changement.

Oui sauf que, si on regarde honnêtement les choses, c’est rarement l’opportunité qui est le déclencheur du changement, mais plutôt une menace à éviter. Ce n’est pas le plus noble et ce n’est pas toujours vrai (Quand JFK propose aux américains d’aller sur la Lune, c’est l’ambition qui déclenche l’envie de changer), mais si l’opportunité ou le bénéfice sont les éléments qui expliquent la solution choisie, la menace est ce qui provoque souvent la prise de conscience qu’il faut changer.

Qu’elle soit interne (une dérive, technique ou comportementale) ou externe (un retournement de marché, une nouvelle exigence client, un concurrent qui nous attaque), elle montre aux acteurs que le changement est nécessaire car l’absence de réponse mettrait l’entreprise en danger.

Ne pas la communiquer du tout, c’est infantilisant

La décision de ne pas partager la menace est donc souvent issue de la volonté de préserver les équipes. Soit parce que le leader redoute une panique des équipes, soit parce qu’il se dit que les équipes n’ont pas besoin de savoir cela pour agir.

Quant à éviter la panique, il faut d’abord faire un peu plus confiance à la capacité de vos équipes à entendre une menace formulée intelligemment et de façon adaptée.

Le problème, c’est que si vous avez besoin que vos équipes s’engagent dans le changement, ils ont besoin de savoir pourquoi il faut agir. Toutes les histoires réelles ou fictives le montrent : pas de résistance sans invasion, pas de Batman sans Joker, pas de Harry Potter sans Voldemort, etc. La conscience d’un malaise est un des trois ingrédients indispensables au changement (voir wikimanagement).

Bien sûr, chaque équipe est différente des autres et leurs réactions sont singulières, mais parler du projet sans parler du risque à ne pas faire (donc de la menace), c’est comme donner une réponse sans donner la question, les risques d’incompréhension sont forts.

Quant à éviter la panique, il faut d’abord faire un peu plus confiance à la capacité de vos équipes à entendre une menace formulée intelligemment et de façon adaptée.

Une menace exprimée avec pessimisme et abattement (ex : « notre concurrent est trop fort et nous aurions dû agir avant pour avoir une chance ») est inutilement anxiogène. De la même manière, exprimer une menace en appuyant sur les éléments sur lesquels l’équipe n’a aucune prise (ex : « la réglementation française nous empêche de réagir ») est inutilement préoccupant.

Une fois ces éléments pris en compte et la formulation adaptée au contexte de l’équipe, la menace est un moteur et chaque équipe est capable de l’entendre.

Faire de la menace un moteur de l’engagement

Si vous voulez un exemple parfait de la possibilité de faire de la menace un moteur d’engagement, pensez aux mouvements de résistance, depuis Churchill jusqu’à Nuit Debout en passant par le Printemps arabe.

En 1917, Sir Ernest Shackelton, explorateur britannique de renom, connu pour ses qualités de leader incomparable, recrute avec cette annonce pour la première traversée du continent Antarctique : « Cherche hommes pour voyage incertain, petits gages, froid rigoureux, longs mois de nuit complète, danger permanent, retour incertain. Honneur et reconnaissance en cas de succès ». C’est un immense succès, illustration parfaite ce n’est pas le danger qui est un problème mais plutôt le sentiment qu’on nous cache quelque chose.

  

Evidemment, la menace seule ne suffit pas. Là encore, le phénomène Nuit Debout est intéressant, la menace a permis de faire réagir, mais faute de solution pour agir le mouvement s’est vite essoufflé.

La menace doit être le début d’une proposition d’aventure. Comment passer d’une menace à une aventure ? Que l’exposition de la menace amène à proposer une solution (ex : un grand projet, une nouvelle organisation), que cette solution soit une façon de réaliser une vision (ex : « Aller chercher ensemble la croissance qui assurera notre avenir ») et que la récompense (valorisation de l’effort, financière ou non) soit claire et explicite pour ceux qui prendront les risques avec vous.

La menace pour réagir, la solution pour agir et la vision pour donner envie, voilà le bon triptyque du changement.

SAPIENS ou la puissance des histoires

Pourquoi l’Homme sage (Homo Sapiens), qui a vécu pendant des dizaines de milliers d’années comme un acteur lambda sur Terre, s’est mis tout à coup à dominer le monde. C’est la question que s’est posée Yuval Noah Harari dans son livre Sapiens, une brève histoire de l’humanité (Albin Michel, 2015). Un livre érudit, original et irrévérencieux.

Sapiens n’était pas le seul humain (au moins 5 autres espèces existaient avec lui, il y a 100 000 ans), ni le seul à avoir un langage complexe. Il est moins fort que les ours ou les gorilles, moins organisé que les fourmis ou les abeilles, son cerveau est très proche de celui de certains singes. Alors comment a-t-il fait ?

La seule chose que l’HOMO SAPIENS fait et qu’aucune autre espèce vivante ne sait faire, c’est de s’inventer des histoires, des croyances reposant sur des choses qui ne se voient pas ou n’existent pas : Dieu, les nations, l’argent. Nous seuls savons formuler et utiliser ces « mythes » pour se fédérer et coopérer à très large échelle. C’est ce qui nous a permis d’inventer l’agriculture, de bâtir des cités ou d’aller sur la Lune, tout simplement du story-telling.

Ces mythes communs peuvent amener de grandes dérives sociales, écologiques, etc. mais ils écrivent aussi les plus grandes pages de notre histoire (droits de l’Homme, explorations, innovations, etc.).

Pensons-y quand nos collaborateurs sont individualistes, qu’ils ont l’impression de travailler comme des « bêtes de somme » ou d’être considérés comme des machines. Ce qui fait de nous des hommes et des femmes et ce qui permet de vivre ensemble, c’est de partager une histoire commune, et il ne tient qu’à nous, managers, d’en faire un mythe positif.

ALBUS CONSEIL