Auteur/autrice : charlie

Organisez votre inutilité !

Vous avez sans doute lu dans les articles sur le management qu’un manager doit déléguer et responsabiliser, organiser et prendre des décisions. En bref, être utile à son équipe.

Dans le documentaire « Le bonheur au travail » diffusé sur Arté, certains vont plus loin en prônant la liberté. Avez-vous essayé de donner une liberté de décision à vos collaborateurs, de les responsabiliser vraiment ? De laisser faire ?

C’est un des secrets de ce que certains appellent le « management libéré » et que met en application – entre autres – l’usine de biscuits Poult, dans le Tarn-et-Garonne, depuis bientôt 7 ans.

Est-ce l’anarchie ? L’autogestion ? Non, les managers sont toujours présents dans l’entreprise et continuent d’animer leurs équipes sur le long terme mais ils ont formé leurs collaborateurs à prendre des décisions sur leurs missions quotidiennes et à en assumer la responsabilité. Ils se mettent à disposition pour les aider mais plus pour diriger.

Finalement, et si le secret pour que votre équipe fonctionne mieux était d’organiser votre inutilité ? 

Sources: Liberté & Cie par Isaac Getz et Brian M. Carney (Fayard, 2012)

et le reportage d’Arte « Le Bonheur au travail » 

http://youtu.be/0hRtzDV12UQ

Après le 11 janvier, mobilisation : mode d’emploi

Près d’un mois après l’immense marche du 11 janvier, et l’émotion retombant doucement, le temps est venu de l’analyse et des actes qui changeront ou non la France et l’Occident. Amoureux que nous sommes des Hommes, de leurs libertés, de la vie en communauté et en particulier dans l’entreprise, nous avons envie de mettre notre petite pierre au débat en nous demandant comment et pourquoi on mobilise, mais aussi qu’en faire.

C’est beau, mobiliser

Quand nous avons créé notre cabinet voilà 3 ans, nous avons choisi la mobilisation comme notion centrale ; un peu pour nous singulariser mais aussi parce qu’on aimait bien l’idée sans vraiment en mesurer la valeur… jusqu’à ce mois de janvier 2015.

Il est martial ce mot : mobilisation !

Mais il est surtout purement humain parce que nous sommes une espèce sociale si complexe et si diverse que la prouesse de réunir les consciences est forcément un événement crucial. Certes, d’autres ont mobilisé pour diviser, tuer ou humilier mais n’oublions pas que l’Homme se mobilise aussi pour créer. En tous cas, quand il s’élève, c’est souvent en collectif.

  • 11 janvier bien sûr, pour la liberté d’expression.
  • Haïti, 12 janvier 2006, et la mobilisation pour aider après l’horreur
  • Louisiane, 25 aout 2005, après l’ouragan Katrina.

Mais aussi 

  • La grande marche menée par Martin Luther King, 28 août 1963, « I have a dream »
  • Les obsèques de Victor Hugo, 1er juin 1885.
  • La libération de Paris le 25 août 1944

Voire même

  • Coupe du monde de Football, 12 juillet 1998.

Mobiliser est donc une véritable cause, qui permet de surmonter les immenses défis auxquels la société actuelle nous confronte.

  

La terreur, ça ne mobilise pas, ça émeut

Ne nous y trompons pas. Ce n’est pas parce que plusieurs catastrophes ou événements horribles ont réuni les humains, que l’on peut dire qu’ils sont mobilisés. Mobiliser implique une volonté commune ; pas seulement un cri. 

On l’a vu après le 11 septembre 2001, le recueillement mondial a été suivi d’un renfermement paranoïaque du pouvoir américain et de beaucoup de citoyens.

La preuve, c’est qu’une tuerie bien plus violente que celle de Charlie Hebdo, comme celle de Norvège en 2011 (77 morts, 151 blessés) a soulevé une émotion considérable et mondiale, mais pas de mobilisation. C’est surprenant mais explicable : cette attaque était un acte de folie isolé, horrible mais qui n’a pas de sens. 

La terreur seule indigne mais elle ne suffit pas à mobiliser. D’ailleurs, après le recueillement des premiers temps, l’horreur a la vilaine habitude de diviser, de renfermer sur soi, de pousser au mensonge ou d’opposer. On l’a vu après le 11 septembre 2001, le recueillement mondial a été suivi d’un renfermement paranoïaque du pouvoir américain et de beaucoup de citoyens. Idem pour l’assassinat de Kennedy en novembre 1963, ou l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand en 1914.

A toute autre échelle, en entreprise, certains managers sont tentés de brandir la menace en espérant qu’elle mobilise : non. Elle attire l’attention et génère de l’émotion, mais tout reste à faire pour mobiliser. Si vous comptez sur elle seule, vous avez toutes les chances de diviser.

  

Ce sont les ambitions et l’histoire qui mobilisent  

En plus d’un élément déclencheur, il faut donc une cause. Les plus grandes nous sont données par les ambitions nationales et par l’histoire ; ces 2 notions étant d’ailleurs tout à fait mêlées.

L’ambition c’est la raison fondamentale qu’a un peuple de vivre ensemble. Souvent c’est le territoire. Parfois, il existe une ambition plus forte et alors on parlera de Nation comme le dit Ernest Renan dans son fameux discours en 1882. 

Les ambitions génèrent de la mobilisation parce qu’elles nous rattachent à une idée si haute qu’elle nous dépasse de beaucoup et pousse au courage et à l’abnégation plutôt qu’à l’égoïsme et la lâcheté.

L’ambition d’une nation peut se résumer par quelques mots (Liberté Egalité Fraternité), dans un texte plus long (constitution américaine) ou encore dans une maxime énigmatique (Honni soit qui mal y pense pour l’Angleterre). Les ambitions génèrent de la mobilisation parce qu’elles nous rattachent à une idée si haute qu’elle nous dépasse de beaucoup et pousse au courage et à l’abnégation plutôt qu’à l’égoïsme et la lâcheté.

D’ailleurs, elles sont des concepts mouvants mais se traduisent périodiquement en actes héroïques : les décisions effroyablement coûteuses du conseil de la résistance (retraites, sécu), au moment où le pays est ruiné, sont motivées par la devise française. La résistance incroyable du Royaume-Uni en 1940 alors qu’ils sont encore seuls face aux forces de l’axe est une résurgence de la chevalerie et de l’honneur. La conquête de la lune en moins de 10 ans et l’élection d’un noir à la maison blanche à peine 50 ans après la fin de la ségrégation légale, tout cela relève de l’esprit pionnier américain.

Ces ambitions se combinent à l’histoire pour mobiliser. En France, on aime les rassemblements, la lutte, la contestation, et on s’y met très jeune. Dès lors, le peuple est plus à même de se soulever que d’autres qui ont des habitudes plus discrètes, comme nos amis allemands.

Managers, en plus de la menace, il vous faudra donc animer cette haute idée qui fait que votre métier est noble et pas simplement un ensemble de tâches qui se combinent en un résultat.

 

Aujourd’hui, la mobilisation est embryonnaire

Aujourd’hui en France, nous pouvons parler d’un embryon de mobilisation puisqu’en plus de l’émotion, il y a une cause, celle de la liberté d’expression. D’accord, elle ne rassemble pas à 100%. Il y a quelques opposants (infiniment peu même si on les entend beaucoup) et des sceptiques, mais elle permet de mobiliser. 

Et elle risque de s’étioler…

Évidemment, on craint le feu de paille après un espoir : c’est le syndrome du Grenelle de l’Environnement, lancé par Nicolas Sarkozy en 2007, qui semblait faire date après les signatures de tous les candidats de 2007 sur les enjeux du réchauffement climatique à l’initiative de Nicolas Hulot, et qui finalement a accouché d’une souris.

D’ailleurs, tout le monde dit déjà « Il faut qu’il se passe quelque chose ! Il ne faut pas que le 11 janvier ne débouche sur rien ! ». Et comme cette crainte est tout à fait improductive et largement auto-réalisatrice, on dira bientôt : « Je l’avais bien dit ! C’était sûr depuis le début ».

Manager, vous le voyez bien : au lancement d’un projet, il y a toujours des tas de gens pour vous dire que « ça n’aboutira à rien » et plus tard que « je l’avais bien dit ».

Pour éviter l’inaction, abandonnez la maîtrise 

La mobilisation est, par définition, la rassemblement de personnes engagées, qui ont choisi de se battre pour une cause.

Celui qui répond à l’appel du roi Arthur et qui se met à son service autour de la table ronde, ne le fait pas pour lui rendre service ou par gentillesse. Il le fait pas conviction et accompagne son engagement de vœux contraignants (adoubement).

Dans le cas de la mobilisation du 11 janvier, c’est cela qui manque : les actes contraignants qui renforcent l’engagement des « marcheurs ». 

Quand la cause est forte, la mobilisation n’a pas besoin de chef.

Pour un leader, entretenir une mobilisation, c’est d’abord admettre de ne pas tout faire soi-même. Vous ne pouvez pas vouloir mobiliser et vouloir en même temps garder la main sur le projet. Vous donnez des libertés, assumez-le !

Pour les marcheurs, vous ne pouvez pas vous mobiliser et attendre qu’un leader (politique ou autre) garantisse les suites de la mobilisation. Vous prenez un engagement, assumez-le !

C’est le grand enseignement des printemps arabes de 2011. Quand la cause est forte, la mobilisation n’a pas besoin de chef.

  

Manager une mobilisation, c’est piloter un Raft 

Avec une mobilisation en poche, vous êtes 100 fois plus fort qu’avec toute autre méthode, sauf que vous partagez le pouvoir. Comme dans un raft, le courant dicte sa loi, et votre rôle de manager n’est pas de pousser le bateau mais de lui faire éviter les plus gros obstacles.

Concrètement il faut d’urgence « mouiller » les mobilisés, leur demander, au porte-à-porte s’il le faut, ce qu’il sont prêts à faire. Comme Yunus et son micro crédit au Bangladesh, on ne fait JAMAIS à la place de ceux qui s’investissent. Dans un raft, tout le monde doit ramer.

La mobilisation de grande ampleur n’est pas un aplanissement des opinions, mais un moment où l’ambition les transcende.

Concrètement, il faut fixer des rendez-vous à moyen terme pour que les mobilisés s’y retrouvent, des étapes. Comme Lincoln qui a renoncé à donner les mêmes droits aux noirs et aux blancs pour garantir la fin de l’esclavage mais donc faire avancer la cause. Dans un raft, il faut éviter à tout prix les premiers rochers, sinon on n’aura jamais à affronter les suivants. 

Concrètement, il faudra accepter les chemins sinueux. La mobilisation de grande ampleur n’est pas un aplanissement des opinions, mais un moment où l’ambition les transcende. Passer le temps de l’émotion, il faudra donc écouter les contradicteurs, les voies discordantes ; pas les terroristes bien sûr, ni les censeurs décomplexés, mais toutes les sensibilités, y compris celles qui nous heurtent. Comme Merkel concède aux Verts l’arrêt du Nucléaire pour que l’Allemagne soit gouvernable. Dans un raft, on choisi un passage, et on abandonne les intérêts des autres.

La mobilisation du 11 janvier, comme toutes celles que les managers recherchent au service de leurs projets, est une arme puissante mais difficile à maîtriser. C’est ce qui rend le métier de manager si utile et si passionnant. 

Lettre ouverte aux managers Papa ou Maman

Aujourd’hui, beaucoup considèrent que le paternalisme est un vestige du passé, qui n’existe que chez certains managers proches de la retraite et que les autres sont rationnels et participatifs. Nos observations sont toutes autres, le paternalisme est partout. Ce n’est pas un « come-back », il n’a jamais disparu… Tout juste s’est-il transformé.

Le paternalisme n’est pas culturel, mais structurel

Dans la pensée commune, le paternalisme est un style qui aurait dominé aux XIXe et XXe siècles, avec Michelin ou les Mines du Creusot comme symboles, et qui se serait imposé par la volonté des dirigeants d’entreprise de pallier le manque le culture et d’éducation de la classe ouvrière en leur imposant, outre des règles de travail, des règles de vie (ex : principes d’éducation des enfants) et ainsi les extraire d’une condition misérable pour accéder au confort de la classe moyenne.

Le paternalisme aurait ensuite disparu avec l’école obligatoire, les syndicats et la modernisation des rapports de force entre patrons et salariés. 

Pourtant, regardez Google : c’est l’exemple ultime de l’entreprise 2.0, LE symbole du management du XXIe siècle. Et que font-ils ? Des « Google ville » où les restaurants, les maisons, les écoles sont financés par l’entreprise ; ils offrent des aires de jeux et de temps libre à leurs salariés pour qu’ils développent leur créativité, etc. Bien sûr, plus rien à voir avec le paternalisme industriel des siècles passés, mais n’est-ce pas encore considérer les employés comme des enfants ?  

Garder les enfants dans un environnement maîtrisé et connu, le sien, c’est s’éviter bien des soucis.

Mais même hors de Google, l’immense majorité des managements ressemble à la relation « parent-enfants ». Le parent, parfois très normatif ou très bienveillant, impose un environnement de travail qu’il croit être le meilleur pour que les enfants s’épanouissent et donnent le meilleur d’eux-mêmes. Cela transcende les époques et les cultures, seule la manière de faire change. 

Pourquoi ? Et bien parce que c’est rassurant. Garder les enfants dans un environnement maîtrisé et connu, le sien, c’est s’éviter bien des soucis ; c’est rassurant de demander à son collaborateur d’agir comme soi-même… mais est-ce le plus riche ?

 

Le paternalisme part d’une bonne intention

Le management paternaliste ne doit pas être regardé avec mépris ou caricature. Il part d’une bonne intention : il veut le plus souvent l’épanouissement de ses collaborateurs en plus de l’atteinte des objectifs. Il pense vraiment que son expérience et la prise en compte de ses erreurs passées forment le meilleur cocon pour l’épanouissement de ses collaborateurs.

Dans l’entreprise (…) on se pense tous adultes.

Sauf que dans la famille les parents assument bien qu’ils sont parents. Dans l’entreprise, presque jamais ; on se pense tous adultes : « Je suis objectif, j’écoute les membres de mon équipe et je prends en compte leurs points de vue, je co-construis mes projets avec eux. Si mes collaborateurs se comportent en enfants, c’est qu’ils le veulent bien ». 

Et bien sûr qu’ils le font, de temps en temps, comme un bon parent le fait avec ses enfants d’ailleurs. Mais cela reste épisodique, le reste du temps le mode parent domine (dans les évaluations, dans la gestion de crise, sur les sujets sensibles comme le budget ou les relations aux instances représentatives du personnel) : c’est le manager qui fixe la ligne de conduite.

L’une des difficultés du mode parent-enfant dans le management, c’est justement qu’il n’est pas assumé. 

 

Mais il infantilise vos équipes

Le problème, c’est qu’un manager « parent » crée mécaniquement des subordonnés « enfants » comme le montre si bien l’analyse transactionnelle.

Parent-Enfant, c’est accepter que votre collaborateur installe sa chambre chez vous comme il veut, avec ses posters, mais jamais qu’il ait sa propre maison…

De la même manière qu’il y a des styles de « Parents » différents (normatif ou bienveillant), il y a des styles « d’Enfants » différents. Ils peuvent être soumis (et donc suiveurs), rebelles (et donc opposants), libres (et donc « créatifs »), etc. 

Ces états d’enfants ne sont pas négatifs mais ont le même défaut, ils ne rendent pas plus responsables les collaborateurs. La relation Parent-Enfant bloque les initiatives et empêche l’autonomie et donc l’épanouissement de chacun dans sa mission.

Parent-Enfant, c’est accepter que votre collaborateur installe sa chambre chez vous comme il veut, avec ses posters, mais jamais qu’il ait sa propre maison… On crée des Tanguy.  

Ce mode de relation est très utile dans certains cas (ex : gestion de crise, résolution de conflit dans l’équipe, sortir un collaborateur de l’impasse). Il permet l’expression d’un management émotionnel dont nous avons vanté les mérites ici. Cependant, il doit être un outil utilisé uniquement dans des cas précis. Pour le socle de votre relation managériale, il faut trouver un équilibre plus vertueux.

  

La solution : jongler sur différents modes de relation

Il n’y a pas de solution absolue dans la relation managériale. Nous pensons néanmoins que la bonne alchimie est un savant mélange :

  • De points de repère : deux modes de relation peuvent composer le socle de la relation managériale : la relation adulte-adulte (grande circulation d’informations, évaluation commune des situations, analyses et décisions rationnelles et partagées) ; la relation enfant-enfant qui est aussi durable (accent mis sur la créativité, réflexion hors du cadre et dans un monde sans contrainte) et trop souvent réduite à certains moments de brainstorming et de team building alors qu’elle est beaucoup plus noble que cela, qu’elle permet de franchir des paliers et de raffermir la relation.
  • Associés à des modes de relation ponctuels : la relation Parent-Enfant, telle que décrite plus haut, ou Parent-Parent également utile dans des situations bien précises (réflexion sur un projet stratégique, sur les modes et règles de fonctionnement de l’entreprise, écriture des fiches de mission, etc.). 

Reconnaissons donc que nous sommes souvent des « managers parents », luttons pour diminuer nos instincts paternels et maternels, en mettant notre envie de contrôle de côté. Et ne négligeons pas la dimension Enfant du manager qui est si entraînante.

Enquêteur et manager, au fond c’est la même chose.

Avez-vous vu le film de Frédéric Tellier, «L’Affaire SK1»  s’inspirant de la traque du tueur en série Guy Georges ? Il nous rappelle d’autres polars qu’on a vu et lu et, en y repensant, le lien entre les métiers de manager et d’enquêteur saute aux yeux.
 
Un enquêteur est méticuleux, n’écarte aucune piste… Il collecte les indices les plus insignifiants ! Sherlock est le maître de cette technique. Il observe, traque les détails, confond les accusés avec leurs minuscules erreurs… Et c’est logique, parce que ce qui saute aux yeux est souvent trompeur. Le diable est dans les détails !
En management, pareil ! C’est en traquant les signaux faibles, les petits indices que l’on trouve de nouvelles pistes pour aider, challenger, faire grandir et du coup améliorer les performances.
 
L’enquêteur connecte tout à tout ; il ne croit pas aux coïncidences. Il suit sa proie sans relâche, fait feu de tout bois et met en relation tout ce qu’il trouve.
Le manager, pareil ! il a souvent le tort de faire des actions isolées. Mais quand il cherche à tout connecter : les gens entre eux ; une action de la semaine dernière avec une action de cette semaine ; un axe de progrès avec une tâche nouvelle. Alors, l’efficacité de chacune des actions se multiplie parce qu’elles deviennent cohérentes. 
 
Le bon enquêteur enfin n’est pas juste un cerveau logique qui veut résoudre un problème mathématique ; regardez Rust dans True Detectives, Serpico de Sydney Lumet, Bosch des  romans de Connelly ou encore l’inspecteur Harry. Ils se battent pour une cause plus grande : une idée de la justice, une réparation d’une culpabilité enfantine, une idée de la morale. Pourquoi ? Parce que sans but, leur métier n’est pas supportable et trop risqué. La cause donne du sens à chaque enquête.
Le manager, pareil ! S’il ne veut que faire progresser un individu ou résoudre un problème, il aura bien moins de force que s’il a une idée de ce qu’est le management ; de comment il veut réaliser sa mission. 
 

Pourquoi est-ce si proche ?

Et bien parce que l’enquêteur et le manager travaillent avec la matière humaine, ses forces et ses faiblesses. Le manager est un enquêteur permanent dont la mission n’est pas d’arrêter les meurtriers mais de révéler les héros !

Paris 2015, luttons contre le CO2 dans le management

2015 sera peut-être, espérons-le, historique pour démarrer enfin les grandes manœuvres mondiales de la lutte contre le réchauffement climatique ! Et quel est le grand enjeu de la conférence de Paris ? L’engagement bien sûr, et surtout pas les bonnes intentions ou l’accord de principe… C’est comme dans nos entreprises, la question de passer de la bonne intention aux actes est cruciale. Nous pensons que la solution ne passe pas par le consensus mais par l’antagonisme, le désaccord ! Voyons pourquoi.


Réchauffement climatique, un enjeu consensuel 

Ce qui est le plus rageant dans la lutte contre le réchauffement climatique, c’est que l’idée fait maintenant consensus au niveau mondial. Restent quelques irréductibles Américains, mais plus ceux qui ont le pouvoir ; même les Chinois bougent.

On s’accorde à dire que le réchauffement climatique est le plus grand défi de l’Humanité pour le XXIème siècle. Il peut engendrer guerres, mouvements majeurs de population, maladies, destructions d’espèces… Mais peut-être aussi les plus grandes coopérations entre nations que l’on ait connues. 

Bref, alors que tout le monde est d’accord sur le but, on ergote, on négocie des volumes de rejets et des dates d’inversion de courbe, et finalement on donne le sentiment de passer à côté de l’action.

La solution passera par l’acceptation des désaccords

Le problème est que personne ne veut perdre : on calcule et on fait des concessions pour que chacun garde ses intérêts intacts… C’est une effroyable fuite en avant ! On préserve de petits avantages à l’échelle des siècles par rapport aux difficultés immenses que l’on se promet.

L’envie commune est utopique, la mise sous contraintes aussi

La gouvernance mondiale est trop faible pour signer des accords contraignants : qui punira la Chine ou les Etats-Unis s’ils ne les respectent pas ? Personne.

Un pouvoir qui présiderait vraiment aux destinées de 8 milliards d’humains est soit irréaliste, soit totalitaire.

Non, l’accord contraignant ne doit pas être une cible de Paris 2015. Les pays ne s’y résoudront pas ou alors pour des objectifs très en-deçà de ce qui est nécessaire.

Vouloir poser les bases d’une gouvernance forte n’est pas souhaitable non plus, parce qu’un pouvoir qui présiderait vraiment aux destinées de 8 milliards d’humains est soit irréaliste, soit totalitaire. Les humains sont si différents dans leurs modes de vie et cultures. 

Faire émerger une envie commune (et donc des compromis) est plus enthousiasmant mais tout aussi utopique : parce qu’il n’y a aucune chance que les plus privilégiés renoncent à leur confort et que, par ailleurs, refuser aux pays en développement certains éléments de confort dont nous jouissons est impossible.

Comment dépasser ces égoïsmes ?

Comme les désaccords sont certains et structurels, faisons avec. 

Nous ne devons pas attendre les autres. Les Chinois et les Américains signent un accord ? Parfait, cela va dans le bon sens. D’autres ne font rien ? Tant pis. Ils vont se mettre en marge, voire assisteront à la fuite de leurs élites ; c’est vraisemblablement une des motivations de la Chine qui constate que ses villes deviennent invivables.

C’est une seconde révolution industrielle qu’il faut lancer.

Ce n’est pas une convergence qu’il faut encourager mais des efforts tous azimuts. La question de la protection de notre planète est celle des expériences et de l’audace. C’est une seconde révolution industrielle qu’il faut lancer, un chemin dont on ne connait pas vraiment la nature mais qui conduira à la fois à des conditions de vie meilleures pour les plus pauvres et des modes de vie plus sobres pour les plus riches.

Aussi, Paris 2015 pourrait être une foire aux initiatives plutôt qu’un round de négociation. Et donc une scène pour les rebelles, les non alignés. 

On le voit déjà d’ailleurs : la France a baissé ses émissions de 12% depuis 2000. Les Danois surtout n’attendent pas des accords mondiaux pour faire ce qu’ils pensent juste. Alors certes, le Danemark seul ne changera rien mais en agissant comme ils le font, ils montrent que c’est possible, sans renoncer à leur mode de vie.

Le Danemark a été classé pays le plus vertueux du monde par un collectif de 700 ONG (qui note toutefois ses efforts encore insuffisants). La particularité du Danemark tient en 3 points :

  • Politiquement, ils ont pris des engagements au-delà de toutes les contraintes mondiales et européennes.
  • Économiquement, ils ont développé une stratégie commerciale axée sur le domaine des économies d’énergie pour concilier croissance et diminution des rejets.
  • Socialement, ils concentrent leurs efforts sur le point faible (les transports routiers) et demandent des efforts à tous, simultanés et hyper concrets.

En entreprise, idem : Sus à l’alignement !

Dans les entreprises, on vit quotidiennement ce double paradoxe :

  • Des grandes phrases sur le leadership d’un côté et de l’autre, des organisations et des processus toujours plus contraignants.
  • Un rêve de l’initiative mais tout autant de l’alignement des équipes.

Nous arriverons à faire bouger les entreprises si nous revalorisons le non-alignement, les marginaux, les rebelles plus que les soldats.

L’alignement des équipes… cette expression seule nous fait frémir ! L’alignement est une posture d’attente, défensive. Il faut encourager le mouvement. Cela nécessite un cap clair (comme la lutte contre le réchauffement) mais aussi du désordre et des désaccords. Jacques Attali le montre dans un brillant essai qui fait éloge du nomadisme par rapport à la sédentarité (L’Homme Nomade) : les nomades ont créé les plus grandes nouveautés parce qu’ils sont en conquête versus les sédentaires qui cherchent à préserver.

Bien sûr, le nomadisme s’entend maintenant au niveau intellectuel plutôt que géographique mais l’on comprend le parallèle avec notre sujet : nous arriverons à faire bouger les entreprises si nous revalorisons le non-alignement, les marginaux, les rebelles plus que les soldats.

Concrètement, « faire du Danemark » dans nos entreprises c’est :

  • Collectivement, affirmer un cap commun.
  • Individuellement, faire choisir une cause et une seule à chacun (ou à chaque équipe). Une cause qui enthousiasme et contribue au cap. Ensuite la cause se divisera en combats adaptés, concrets, inscrits dans le temps et valorisés pour eux-mêmes et pas dans une compétition avec les autres.

Au fond, plutôt que le dogme de la compétition qui pousse à être premier mais pas toujours à se dépasser (si le second est très loin, pourquoi continuer à accélérer ?), le Danemark propose l’émulation dans lequel la comparaison se fait avec un rêve, une ambition par rapport à laquelle chaque pas, petit ou grand, peut avoir sa valeur.

La réorganisation systématique, poison du changement

Chaque salarié a 50% de chance que le service dans lequel il travaille soit réorganisé cette année. Ce n’est pas une statistique mathématique mais une constatation : chez nos clients, un schéma d’organisation dure en moyenne 2 ans. La raison ? on conçoit de moins en moins le changement sans toucher à l’organigramme, on a peur de faire un projet vide, mou, cosmétique si on ne réorganise pas. Nous pensons que loin de l’aider, la réorganisation peut tuer le changement.

 

La réorganisation est souvent l’arbre qui cache la forêt

Cela est frappant quand vous observez un manager, en réunion, présenter à son équipe un projet de réorganisation.

Lors de la présentation du contexte et des facteurs qui expliquent le besoin de changer, les gens sont peu attentifs et attendent de voir où sera leur nouvelle place. Au moment de la présentation de l’organigramme les yeux sont grands ouverts, on regarde son nom et celui de son futur chef. Ensuite on échange regards et chuchotements pour commenter la nouvelle composition d’équipe pendant que le chef essaye tant bien que mal de présenter les axes de travail et le calendrier.

Cela résume assez bien le problème d’un changement avec réorganisation : on ne voit que ça.  Et ensuite, une fois l’organigramme digéré, on se plaint du manque de sens et de l’amateurisme de la mise en œuvre opérationnelle. Et la période de flou commence… 

Souvent – vu de l’extérieur – le changement d’organisation est même invisible.

C’est à la fois légitime (chacun veut savoir quelle sera sa place avant de s’intéresser à la dynamique collective) et contre-productif puisque, en prenant de la hauteur, tout le monde admet que le nouvel organigramme ne va finalement pas changer grand chose et que c’est bien l’ambition collective qui importe. Il est rare que l’on demande à quelqu’un de changer de métier du jour au lendemain, qu’on lui apprenne en collectif qu’il va changer de continent. Souvent – vu de l’extérieur – le changement d’organisation est même invisible.

Oui, mais voir son nom dans une boîte, c’est toujours un moment émotionnel. Qu’on le veuille ou non, il polarise l’attention.

Réorganiser, la meilleure façon de vous faire des ennemis

A la manière d’un sélectionneur de l’équipe de France, quand vous changez des combinaisons de jeu, le fonctionnement collectif, vos décisions sont accueillies avec un certain crédit d’intention. En revanche, si vous changez les joueurs, les critiques fusent et chacun se sent l’âme d’un sélectionneur. Et pour un peu que vous changiez tous les deux mois, vous avez bientôt tout le monde contre vous.

Un changement d’organisation, quand il n’est pas frénétique, peut permettre de réveiller par la polémique qu’il suscite une équipe endormie dans une inertie de confort.

En entreprise, c’est pareil. Le changement d’organisation est une méthode infaillible pour vous mettre des acteurs à dos.

Ce qui est frappant, c’est que vous réussissez alors l’exploit de fédérer contre vous des acteurs très différents : ceux qui trouvaient l’ancienne organisation très bien comme ça, ceux qui trouvent la nouvelle totalement inepte, ceux qui considèrent que vous êtes un inconstant qui change tout le temps d’avis, ceux qui regrettent que l’on revienne en arrière de 10 ans avec ce schéma-là, etc.

Nous ne recherchons pas le consensus et nous sommes d’accord pour dire qu’un changement ne peut pas plaire à tout le monde. Nous sommes même d’avis qu’un changement d’organisation, quand il n’est pas frénétique, peut permettre de réveiller par la polémique qu’il suscite une équipe endormie dans une inertie de confort.

Mais, tel un ressort qui se détend, c’est une technique qui devient vite inefficace et qui peut rendre de plus en plus défavorable le rapport opposants/alliés de vos projets de changement.

Et puis cela vous oblige à entrer dans un débat qui vous éloigne du vrai sujet : celui du changement pour lequel la réorganisation n’est finalement qu’un moyen. Un changement qui bien souvent est absent des discussions, puis oublié.

Changer sans réorganiser, c’est accepter de changer vraiment

Ce qui est bien pratique avec le changement d’organisation, c’est que l’on est sûr de changer quelque chose. Ce n’est pas forcément accepté, compris ou efficace et même, comme on l’a dit plus haut, pas forcément visible dans les faits de l’extérieur, mais on a changé. Ouf !

Cela peut paraître idiot, mais la peur de certains managers que nous rencontrons, c’est d’avoir un projet trop abstrait, « qui sonne creux » et qui ne serait finalement qu’un projet de communication. La réorganisation semble être une réponse parfaite à cette peur : ce n’est pas abstrait puisque, excusez-moi du peu, on a RÉORGANISÉ quand même !

Changez d’abord, montrez une ambition et des enjeux de conquête sans annoncer une réorganisation future.

Nous croyons de plus en plus que le changement sans réorganisation est un acte de courage qui, justement, permet de changer vraiment. Puisque l’on n’est plus couvert par l’assurance d’un faux-semblant, il va falloir que le changement se voit autrement : une meilleure transversalité, une mentalité différente dans l’équipe, des résultats qui montrent que quelque chose a changé, etc.

Nous accompagnons actuellement un site industriel qui a choisi de mener un projet consistant, pour faire court, à simplifier. Pas de réorganisation supplémentaire, pas de méthode révolutionnaire à laquelle tout le monde devrait se former, pas de changement de personnes, juste un état d’esprit à partager et sur lequel chacun, quel que soit son niveau, peut et doit participer. Et bien ce projet, qui a légitimement pu générer de la perplexité au départ, est dix fois plus responsabilisant et exigeant que la majorité des réorganisations que nous observons par ailleurs. 

Bien sûr, la réorganisation est parfois inévitable, elle est un moyen souvent nécessaire et potentiellement efficace dans certains contextes. Nous sommes alors partisans, quand cela est possible, de déconnecter au moins temporellement le changement de la réorganisation. Changez d’abord, montrez une ambition et des enjeux de conquête sans annoncer une réorganisation future. Puis, quand le changement est amorcé, mettez en place un nouvel organigramme qui permettra d’aller plus loin. C’est non conventionnel mais dans votre esprit et dans ceux de vos collaborateurs, l’organigramme sera au service du changement et non l’inverse. 

En espérant que cette année, vous serez plus nombreux à vivre des changements sans réorganisation que des réorganisations sans changement !

Alexis Pinturault serait un bon manager !

Ce mois-ci, découvrons une interview illustrant le travail de neurophysiologistes sur la simulation mentale dans le ski. Pour la voir : http://education.francetv.fr/videos/simulation-mentale-et-precision-du-geste-sportif-v106370

Lobservation des skieurs de haut niveau par les neurophysiologistes a permis de comprendre quil leur est impossible de traiter consciemment l’ensemble des informations sensorielles (la trajectoire idéale, langle, la vitesse, etc.) pendant les épreuves ! Alors comment font-ils ?

Un skieur professionnel, comme tout sportif, sentraîne inlassablement sur le parcours de sa prochaine course. Pendant son entraînement, de manière inconsciente, son cerveau emmagasine et enregistre les informations nécessaires au bon déroulement de la compétition.

Lors de la course, le cerveau du sportif simule ces informations mémorisées, les compare à la réalité sans que le sportif y pense et lui permet de gérer tous les paramètres de son épreuve.

Tel un sportif, le manager ne peut pas maitriser tous les éléments externes, lors d’une réunion par exemple. En conséquence, lors de moments managériaux-clés, seule votre préparation (répétition à blanc, simulation du moment sur les lieux, etc.) vous permet de garder lesprit libre et d’être concentré sur linstant.

Puis, le moment venu, faites-vous confiance ! Votre cerveau fera le travail sans que vous ayez à y penser.

Luttons contre l’extinction programmée du relationnel au travail

On attribue à Einstein la prédiction « si l’abeille disparaît, l’homme n’en a que pour 4 ans à vivre ». Et si le relationnel était au management que ce l’abeille est aux hommes, un chaînon essentiel. Alors alarmons-nous, car le relationnel est presque en voie d’extinction.

On commence une réunion avec l’ordre du jour mais jamais avec « alors, vous avez passé un bon week-end ? ». Vous comprenez, le débrief du week-end ne fait pas partie de l’ordre du jour et en plus on est déjà en retard… Au secours !

Le relationnel, attaqué de tous les côtés

Entre ceux qui ne se soucient plus du tout de la convivialité et ceux qui l’ont dévoyé en en faisant un outil de communication et de management, on peut dire que le relationnel est en perdition dans nos entreprises. 

Nous travaillons en effet dans beaucoup d’entreprises où le temps du relationnel, de la convivialité ou tout simplement du savoir-vivre est devenu du temps perdu. Pas de café proposé lors des premières réunions matinales, des déjeuners au lance-pierre, tout cela c’est du temps perdu !

On commence une réunion avec l’ordre du jour mais jamais avec « alors, vous avez passé un bon week-end ? ». Vous comprenez, le débrief du week-end ne fait pas partie de l’ordre du jour et en plus on est déjà en retard… Au secours !

Plus fort encore, certaines sociétés ont remplacé un relationnel, que nous osons appeler « naturel », par du relationnel artificiel. On précise sur l’invitation Outlook que le déjeuner à venir sera « convivial », souvent il ne dure pas 30 mais 45 minutes dans ce cas-là. Ce qui veut donc dire que les autres déjeuners sont donc non conviviaux ?

Pour le relationnel en réunion, il y a les célèbres règles d’or : « commencer par dire bonjour », « si tous les participants ne se connaissent pas, faire un tour de table pour que chacun se présente », etc. Rassurez-vous, personne ne les lit.

Derrière ces apparentes caricatures, qui ne le sont pas toujours, il y a une réalité : le relationnel est menacé de disparition dans bon nombre d’entreprises.

Le relationnel, c’est justement ce qui nous permet de créer un univers propre à la collaboration.

Pourquoi s’en prendre au relationnel ? 

La disparition du relationnel défit toute logique car il est indispensable, consensuel et, la plupart du temps, gratuit. 

Indispensable pour au moins deux raisons. La première c’est que nous arrivons tous au travail, en réunion, dans un open space, avec une situation passée. Qu’elle soit positive (une excellente nouvelle professionnelle ou personnelle) ou négative (une erreur commise ou constatée, une crise voire un drame), cette situation occupe toute notre pensée, nous ne sommes pas prêts à entrer en collaboration avec quelqu’un qui ne la partage pas.

Le relationnel, c’est justement ce qui nous permet de créer un univers propre à la collaboration.

Chacun exprime à l’autre sa situation passée, pas forcément pour qu’il agisse mais pour qu’il la comprenne. Alors, nous pouvons nous ouvrir à une situation future, nous avons fait le lien. 

Le relationnel est nécessaire aussi car il offre, dans une journée chargée et sans pause, des respirations salutaires. On sollicite d’autres mécanismes que ceux utilisés pour le travail. On offre un sas entre deux problématiques. Bref, pour ceux qui en viendraient à douter, le relationnel est primordial.

Sa disparition est donc d’autant plus surprenante que le relationnel ne coûte rien, ou pas grand chose, si ce n’est un peu de temps mais donc chacun admettra qu’il ne s’agit pas d’une perte mais d’un investissement à rentabilité forte et à court terme. A priori, l’idée de convivialité est également consensuelle. Nous ne connaissons pas d’opposant, timide ou farouche, à l’idée de faire du relationnel. 

  

Alors, qui veut la peau du relationnel ?  

Sa disparition, alors même que personne ne veut sa mort, montre que le relationnel est victime – comme les abeilles – d’un changement climatique dans notre environnement de travail.

Citons entre autres dérèglements :

  • Le renforcement des contrôles et des procédures : la crainte du tire-au-flanc a eu comme effet le durcissement des mécanismes de contrôle et la rigidification des procédures. Dans cette prison toujours plus exiguë des outils et des systèmes, il n’y a plus de place pour le relationnel ou alors il est encadré, aseptisé, avec un effet souvent contre-productif. 
  • La prédominance de l’effort sur l’efficacité : la sociologie des organisations a révélé ce que nous constatons tous, l’entreprise est de plus en plus focalisée sur les efforts fournis par ses employés plutôt que sur la valeur ajoutée qu’ils apportent. Il est bon de rester très tard dans certaines entreprises. C’est encore plus marqué en France qu’ailleurs : le manager n’ose pas s’en aller avant son équipe et un membre de l’équipe culpabilise à partir avant son collègue. Et si quelqu’un part avant 18h30, on dit « qu’il prend son après-midi ». Le relationnel subit le même sort : il est très mal vu de prendre des pauses déjeuner trop longues, des pauses trop rapprochées ou de ne pas optimiser le temps de réunion en allant droit au but. La convivialité devient de la sensiblerie, le savoir-vivre un manque de culture business. 

  

Nous devons nous rééduquer au relationnel

Pour enrayer la disparition programmée du relationnel, il faut d’abord accepter d’en parler. Nous constatons en effet que le manque de convivialité est un sujet difficile à aborder dans une équipe. Avouer que l’on voudrait plus de contact humain, ce serait soit un aveu de faiblesse soit une remise en question trop forte de l’équipe et du manager. 

On voudrait aussi que le relationnel (re)vienne de lui-même. Puisque c’est naturel, laissons faire la nature… Et bien non, quand on a perdu l’habitude de la convivialité il faut faire l’effort de la réinsérer dans l’environnement de travail. Comme si on réimplantait une espèce animale disparue dans son milieu naturel, il ne suffit pas d’ouvrir la cage, il faut accompagner sa réinsertion. Il faut donc que le manager soit d’abord fortement à l’initiative, en montrant l’exemple et en multipliant les occasions pour que le relationnel s’exprime. Puis, quand il voit que les réflexes naturels reviennent, il peut progressivement se mettre en retrait. 

Enfin, il faut valoriser le relationnel. Certains membres de l’équipe sont plus capables que d’autres de générer de la convivialité, c’est une aptitude comme une autre. Pourtant, cette compétence est rarement mise en valeur par un manager et jamais évaluée de façon formelle. Alors, si nous sommes d’accord pour dire que le relationnel est indispensable à la relation de travail, il faut qu’elle soit reconnue comme une « soft skill » à part entière, comme le travail en équipe ou l’esprit d’initiative.

La sauvegarde des abeilles, comme la lutte contre le changement climatique, ne nécessite plus de grandes paroles et de grands principes, il faut des efforts personnels sans attendre ceux des autres…

Réintroduire du relationnel dans votre réunion n’est pas plus ridicule ou dérisoire que de trier ses poubelles ou arrêter les pesticides sur son balcon. 

 

Alors, qu’attendez vous ?

Déléguer n’est pas la panacée

Ceux qui nous lisent régulièrement se disent peut être que nous sommes de grands défenseurs de la délégation. Et bien non ! Pas contre non plus évidemment, mais il nous semble que ce concept souffre d’une trop bonne publicité : beaucoup de managers en font un principe absolu de management. Nuançons.

 

La responsabilisation est un objectif

Quitte à défendre un lieu commun, nous préférons « responsabiliser ». Parce qu’il parait naturel et logique qu’en développant la responsabilisation de son collaborateur, on développera son attention au travail, sa réflexion sur ce qu’il est en train de faire, sa motivation (celle qu’il alimente lui-même). Un collaborateur responsable est un collaborateur avec qui on peut réduire le temps (et donc le coût) de contrôle.

A ce titre, il est évidemment prioritaire qu’un manager se préoccupe avant tout de la responsabilisation des membres de son équipe. Reste à savoir comment, quand on exclue le recours à la valeur (la responsabilisation affichée au fronton de l’entreprise) comme nous l’avons montré dans un précédent article : http://www.albus-conseil.com/fr/flop_11-stop-au-management-par-les-valeurs

  

Déléguer est une solution 

Bien sûr, pour développer la responsabilisation, déléguer est une solution.

Rappelons ce qu’est déléguer : littéralement, il s’agit de faire faire à quelqu’un quelque chose dont on était chargé. Quand on ne délègue pas des tâches subalternes (café et photocopies pour caricaturer), déléguer est une façon de montrer sa confiance, de tirer vers le haut et de varier les plaisirs pour le collaborateur.

A ce titre, c’est un outil qu’il faut garder sur sa palette.

En réalité pour que délégation soit égale à responsabilisation, il y a tout un travail de pédagogie à faire.  

Mais déléguer n’est pas automatiquement responsabiliser

Il ne faut pas oublier que, quand on délègue, on transfert une responsabilité localement, entre 2 personnes, au sein d’une équipe. Mais en général, vue de plus haut dans l’organisation, la responsabilité n’a pas changé de main. Comme les collaborateurs ne sont pas idiots, ils s’en rendent compte. Le sentiment de responsabilisation est donc moins fort car celle-ci n’est pas publiquement transmise.

Par ailleurs, déléguer se résume parfois à un simple transfert de charge de travail. La délégation est un exercice de management exigeant qui, si on n’y fait pas attention, donne l’impression d’une patate chaude que l’on s’envoie. Or, si on délègue pour se décharger, la vertu est faible.

En réalité pour que délégation soit égale à responsabilisation, il y a tout un travail de pédagogie à faire.

 

Et déléguer, c’est souvent stresser 

La délégation se heurte aussi mécaniquement, et logiquement, au problème de la compétence. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi puisque le fait d’apprendre un nouveau geste, une nouvelle tâche peut être un puissant levier de motivation. Encore faut-il que la montée en compétence soit accompagnée faute de quoi ce n’est que le stress qui augmente et il n’est générateur ni de responsabilisation, ni de confiance.  

Aussi nous concluons sur la délégation pour dire :

  • Qu’elle n’est managérialement productive que quand on délègue des tâches d’intérêt.
  • Que dans ce cas, elle n’est responsabilisante que bien accompagnée.
  • Que c’est donc un mode de management exigeant, qui ne peut pas être une règle ou un réflexe.

 

Réhabilitons le faire ensemble

Dans ce monde, on veut aller tellement vite qu’on va souvent au binaire, en générant des comportements aussi problématiques que ceux que l’on voulait combattre.

Dans notre cas, on voulait combattre l’autoritarisme, l’imposition traditionnelle qui positionne les collaborateurs comme des machines qui parlent et souvent râlent. On a donc prôné l’inverse : la délégation.

Le Faire ensemble permet aussi de faire monter en compétence et ouvre donc les portes à de la délégation sur des actions d’importance. 

Si le combat contre l’autoritarisme est sain, la réponse par la délégation est insuffisante. Nous rencontrons souvent des managers qui en ont fait LE principe de management (avec les meilleures intentions du monde), et qui se retrouvent devant de sérieux problèmes de stress au travail et de rupture entre eux et leurs équipes.

Mais il existe une autre façon de faire, qui paraît évidente mais visiblement un peu oubliée à l’heure où je-ne-sais-quoi impose de faire tout plus vite : FAIRE ENSEMBLE.

En effet, une excellente façon de responsabiliser est de travailler ensemble sur un projet ou un problème. La responsabilisation vient alors du fait que votre collaborateur se sentira responsable que le travail commun aboutisse.

Le Faire ensemble permet aussi de faire monter en compétence et ouvre donc les portes à de la délégation sur des actions d’importance. 

Elle permet enfin de développer le lien entre le manager et ses collaborateurs, en effaçant temporairement la logique hiérarchique.

Bien sûr, bien faire ensemble impose une discipline du manager pour éviter l’imposition déguisée. Nous utilisons pour cela les principes du co-développement : il s’agit de ne pas entrer dans la relation pour expliquer et convaincre mais pour questionner et chercher ensemble. L’attitude co-développement est donc moins celle du professeur qui explique une notion que celle de 2 scientifiques devant un tableau noir, essayant de résoudre une équation très compliquée.

Le Faire ensemble est un véritable investissement managérial, puissant outil de motivation et plus facile à utiliser que la délégation. Le pari est donc gagnant sur le moyen et long terme en évitant la passivité (qui va avec l’imposition) ou la baisse de la qualité (qui va avec une délégation excessive).

Rosetta & Philae, où quand l’Europe arrive enfin à nous raconter une histoire

Ce mois-ci, nous avons une pensée pour les deux héros de l’espace, qui le 12 novembre, en se posant sur la comète surnommée « Tchouri » ont fasciné le monde entier et sorti l’Europe de sa léthargie.

Bien que ce sursaut de fierté européenne soit probablement temporaire, il montre bien une chose : l’importance du conte dans la mobilisation des acteurs.

Sur le fond, cela nous enseigne la valeur de l’Ambition. Il faut viser l’impossible (imaginer envoyer une sonde pour qu’elle se pose, 10 ans et 6 milliards de kilomètres plus loin, sur une comète…) pour susciter une cohésion et une coopération que les lois et les traités échouent à provoquer depuis toujours.

Sur la forme, nous voyons l’importance de donner des histoires à raconter. Celle de Rosetta et Philae est parfaite : des défis immenses, des épisodes qui s’enchaînent (et ce n’est pas fini), des victoires successives.

Résultat : nous avons été, tous, fiers d’être européens comme jamais nous l’avons été. Pourtant d’autres victoires, comme la création du marché commun ou le sauvetage de la Grèce, sont également remarquables. Mais aucune ne donne l’impression d’avoir assisté (et même participé) à une telle aventure.

Si l’Europe, moribonde et décriée – comme elle l’est actuellement – peut générer l’incroyable exploit de nous faire rêver, alors toutes les entreprises peuvent le faire.

Soyons donc audacieux et donnons à nos collaborateurs des histoires à raconter !

ALBUS CONSEIL