Auteur/autrice : charlie

Stop au diktat du plan d’action !

Pas une réunion ne doit se terminer sans plan d’action. C’est souvent à ça que l’on mesure son efficacité, la qualité de l’animateur et l’existence même d’un projet. Mais voilà, comme beaucoup de ces règles devenues immuables, la bonne intention initiale se transforme souvent en exercice privé de son sens… Revenons à l’essentiel et limitons les plans d’action !

Le temps est venu de recourir à nouveau à la vraie source de valeur dans l’entreprise : l’intelligence des individus

L’action est clé 

Bien sûr, nous ne remettons pas en cause la nécessité d’actions pour faire avancer un projet, faire progresser une organisation. Le changement (les progrès) n’existe que s’il y a actions ; les intentions ne suffisent pas, c’est évident.


Mais elle dérape…

Dès lors que ce principe est posé et accepté de tous, il est logique de créer une règle, ou a minima une bonne pratique : toute réunion, tout projet, doit avoir un plan d’action, suivi dans le temps. C’est clair, c’est net !

C’est logique mais on oublie l’essentiel : l’action est clé mais elle doit résulter d’une décision individuelle, que quelqu’un s’engage librement à faire quelque chose. Combien de plans d’action ne se réalisent pas ou pas complètement ? Ils sont innombrables. Pourquoi ? Parce que le plan d’action devient un exercice obligé, n’est plus la manifestation d’une décision individuelle forte et sincère. On se vote un plan d’action pour respecter l’usage, montrer que l’on n’est pas passif, se rassurer sur l’utilité des 2h que l’on vient de passer ensemble.


Et dérape encore…

Et comme le plan d’action n’est pas suivi, au lieu de se remettre en question, on s’enfonce : on crée un poste de chef de projet pour s’assurer que ça avance, on prend un consultant pour le pilotage, on l’affiche, on en fait un excel, on le partage sur l’intranet…. Et comme il n’est toujours pas respecté, on martèle les objectifs avec plus de vigueur, on rajoute des contrôles… Petit à petit oui, les actions se font, mais avec une dépense d’énergie considérable, un coût énorme, elles ne créent donc que peu de valeur.

  

Revenons à l’essentiel

Comme nous le disons à tort et à travers, dans un sens ou dans l’autre, dans chacun de nos articles, le temps est venu de recourir à nouveau à la vraie source de valeur dans l’entreprise (et dans les groupes humains en général) : l’intelligence des individus. 

La multiplication des règles, des indicateurs, des prescrits du management, dont la nécessité du plan d’action fait partie, finit par entraîner l’érosion lente de la responsabilité et sa compensation par la surcharge de travail :

  • « J’ai pas le temps »
  • « On m’a demandé de le faire »
  • « C’est une demande du siège »

Autant de remarques anodines, hyper-fréquentes, qui démontrent que l’on s’éloigne de la responsabilisation individuelle, sans avoir à faire avec des tire-au-flanc, et souvent bien au contraire.

Ne vous inquiétez pas : s’ils sont engagés, ils agiront. 

Faisons confiance dans la capacité de jugement de l’humain :

  • Oui, il est capable d’arbitrer entre des objectifs parfois contradictoires (qualité OU coût ?)
  • Oui, il va faire son propre plan d’action s’il y croit et se contrôlera lui même s’il est vraiment engagé.

 

Y parvenir, ce n’est pas si compliqué

Mais au delà du vœu pieux, comment faire ? Dans nos récentes missions, nous refusons de bâtir des plans d’action dans bien des cas. Il faut d’abord s’assurer de l’essentiel : est-ce que les gens concernés ont vraiment envie d’agir ?

Et là, il faut passer du temps avec eux, utiliser les indicateurs adaptés : sourires, enthousiasme, énergie…. Mais aussi craintes exprimées, demandes d’aide, etc…

Et alors, il est temps de demander à chacun de préparer ses actions et de les piloter lui-même. Et ne vous inquiétez pas : s’ils sont engagés, ils agiront. 

Enfin, ne créez pas d’indicateurs de suivi d’actions. Si les actions existent, les acteurs en parleront, les effets se feront sentir, et vos indicateurs habituels bougeront. Si vous n’entendez rien, c’est que rien ne se fait. Evidemment, il est utile de créer des moments, en réunion d’équipe, pour donner la parole à ceux qui agissent… Et si personne n’a rien à dire, c’est que rien ne se fait ; et alors, revenez à la case « engagement » car vous avez raté quelque chose là-bas.

Cette technique peut paraître hasardeuse ou longue ; il n’en est rien. Récemment, un manager qui s’est engagé véritablement a décidé de modifier brusquement une réunion importante comme on lui demandait de le faire sans succès depuis 5 ans… Pour agir, il faut le vouloir !

De même, dans un codir où le respect des plans d’action était considéré par tous comme faible, un séminaire sans plan d’action final vient de produire en deux mois des mouvements que personne n’imaginait, et sans contrôle.

Enfin n’oubliez pas que supprimer c’est agir

Avec cette manie des plans d’action à toutes les sauces, il y a un empilement d’actions invraisemblables, qui étouffe l’initiative, engorge les agendas, épuise les managers.

Enlever des choses, c’est aussi agir. Et ça fait gagner du temps…. Ne vous en privez pas.

 

Monter sur la table – L’enseignement de Robin Williams

Saluons ce mois-ci le récent décès de Robin Williams qui aura su donner tant d’émotion, avec tout le charme et la tristesse d’un clown.

Retenons pour notre management la scène finale du Cercle des Poètes Disparus. Le choix n’est pas original mais c’est dans la rébellion de ces ados face à la vision technocratique que nous trouvons deux messages simples et indispensables pour comprendre ce qu’est l’engagement :

  • D’abord c’est l’émotion et l’inspiration qui font aimer la poésie à ces jeunes garçons. La raison seule n’aurait jamais conduit les garçons aussi loin. Dans les projets aussi, c’est en inspirant les autres qu’on les conduit à l’engagement, à l’initiative et à la prise de risque.
  • Ensuite c’est dans la transgression et l’action coûteuse (la crainte de la sanction) que se fonde l’engagement, et avec lui la créativité et l’intelligence.

A la fin du film donc, une dizaine d’élèves défient leur professeur et rendent hommage à leur inspirateur. Les voilà à la fois rebelles et plus adultes.

Teen movie formaté pour un public de moins de 20 ans ? Peut être, mais ça marche toujours, et surtout, dans un monde et une France en plein doute, monter sur la table semble plus que jamais nécessaire.

2100, quelle odyssée pour les entreprises ?

A force de tourner autour du pot et d’envisager le management sous toutes ses coutures, il fallait bien arriver à cette question : Au fond c’est quoi le management du XXIème siècle ? Celui qui s’adaptera à notre modèle de société et qui portera vers les sommets les entreprises qui l’adopteront, ou aspirera vers le fond celles qui louperont le coche ? 

 

Petite histoire subjective

Au risque de faire hurler les historiens du management (y en a-t-il ?), on pourrait résumer l’histoire du management en 5 âges jusqu’à nos jours :

1. Naturel : au commencement, les attributions des tâches sont directement liées aux aptitudes et la survie du clan étant en jeu, inutile de manager. On fait à l’instinct et sans doute pas sans casse. C’est la préhistoire.

2. Implacable : puis certains ont décidé d’asservir les masses et le management apparait sous une forme simple : tu fais, ou tu meurs. C’est l’esclavage, courant chez les Romains et les Egyptiens, mais existant jusqu’au XIXème aux Etats-Unis et au Brésil (et sous d’autres formes de nos jours…). Il a fait la fortune des civilisations les plus estimées aujourd’hui.

3. Exploitant : une autre forme plus subtile que l’esclavage, comprenant diverses formes de domination sans partage et sans liens sociaux mais offrant les premières contreparties au travail (paye, protection) : servage, industrie des premiers temps, armées. C’est encore le mode d’organisation dans de nombreux pays en développement. 

4. Paternaliste : l’idée que le bonheur de l’individu contribue à sa productivité apparait tôt au XIXème, du coup des liens sociaux apparaissent dans l’entreprise. La méthode paternaliste a encore ses adeptes, elle maintient un rapport de domination très fort, puisqu’on doit tout à son patron. C’est l’âge de Schneider, jusqu’à Ford.

5. Scientifique : les rapports entre les patrons et les employés sont rationalisés, chiffrés, théorisés dans de grandes écoles dont les plus connues sont le Taylorisme au début du XXème et le Lean, à la fin du XXème et jusqu’à aujourd’hui. Le rapport de domination baisse (lentement) mais le travailleur reste un outil au service de l’entreprise. C’est l’âge de Ford, Toyota, Hewlett Packard.

 

Evidemment, tout n’est pas si simple et les époques se chevauchent, mais la question du management du XXIème siècle se pose :

  • L’approche scientifique est-elle la fin de l’histoire et va-t-on seulement chercher à l’améliorer sans en changer les dogmes. Les exceptions d’aujourd’hui seraient-elles alors des expériences intéressantes mais non généralisables ?
  • Ou alors l’accès étendu à l’information, les nouvelles aspirations des individus, les enjeux vitaux de l’environnement et du partage des richesses vont-ils engendrer un nouveau rapport entre les Hommes dans l’entreprise ?

Ici nous parlons de prospective et nous prenons des paris ; nous parions sur un sixième âge : l’entreprise horizontale, le siècle de Google ?

 

Le management scientifique se meurt

Le management scientifique, c’est le triomphe de l’offre. L’entreprise est si puissante, et génère tant de richesse, qu’elle exerce une force d’attraction immense sur les consommateurs comme sur les travailleurs. 

Alors, l’enjeu est de sortir victorieux d’une compétition à tous les étages pour conquérir des marchés, créer de nouveaux modes de consommation. Les cerveaux du marketing tournent à plein, puis ceux des financiers pour inonder le monde de leurs produits et en tirer le maximum de bénéfices.

Le management scientifique est donc la réponse logique à une économie qui se résume finalement à une équation :

Avec Taylor, on standardise, on massifie pour diminuer les coûts; les employés sont consentants, faute de choix diront les cyniques mais aussi parce qu’ils s’enrichissent.

Avec Toyota et le Lean, c’est plus subtil mais le fond reste scientifique : on étudie chaque millimètre du processus pour dégager des marges de manœuvre et pour pouvoir investir, innover, conquérir.

Dans les 2 cas, l’humain est une donnée de l’équation avec un coût fixe et plus ou moins de valeur ajoutée. L’aspect humain est théorisé et placé sous le chapeau RH pour encadrer la relation (360°, Entretiens annuels, enquête de bonheur au travail, ergonomie du poste, etc).

Le management scientifique est le prolongement logique des théorie de Ricardo et des avantages comparatifs : l’intérêt (de l’entreprise, des salariés) est le driver principal, plus que la vocation, l’envie, et même le savoir faire.

Cette façon de voir est encore infiniment plus puissante que toutes les autres, mais tout indique que l’on est au sommet du cycle et que la descente s’amorce :

  • la rationalisation peine à convaincre. Malgré l’énergie mise par les grands groupes pour faire adhérer les équipes (au lean par exemple), les résultats sont rarement à l’objectif et s’obtiennent dans la douleur : on sait gagner 15-20% dans un atelier automobile en France, mais les plateformes industrielles européennes des géants français sont mourantes;
  • l’écart grandit entre des entreprises qui dépensent des millions à maîtriser l’information en interne et en externe, et des salariés qui ont un accès débridé et infini de données sur Internet et vénèrent la déesse Transparence;
  • les plus grandes réussites actuelles sont obtenues par des entreprises qui se distinguent par leur vision, leur immense capacité d’innovation, et surtout pas par leur process : Google, Apple, Mars bien sûr, mais aussi vente-privee.com entre autres. 

On peut prévoir que le culte grandissant du libre arbitre (Indignez vous, Faucheurs volontaires, lanceurs d’alerte, succès des blogs et de twitter, etc) rendra de moins en moins supportable une vie au travail encadrée par des modèles et des règles strictes. L’évolution prendra à coup sûr des décennies mais nous parions qu’avant la fin de ce siècle, les entreprises organisées scientifiquement seront des vestiges du passé comme le sont aujourd’hui les entreprises paternalistes. Et que d’ici 20 ans, tous les leaders occidentaux auront fait le choix de devenir Horizontal.

 

Une entreprise horizontale c’est quoi ?

Une entreprise horizontale n’est pas une entreprise sans hiérarchie ou sans chef. Ce n’est pas une utopie collectiviste.

Une entreprise horizontale a comme principe fondateur l’utilisation à 100% de la capacité de décision de chacun de ses employés, à tous les niveaux.

Jusque là tout le monde est d’accord, mais cela suppose :

  • un accès total et pour tous à l’information stratégique pour que les décisions soient prises localement en connaissance de cause;
  • des objectifs fixés de bas en haut (et donc à l’inverse de toutes les entreprises actuelles ou presque). Avec des validations certes, mais par rapport à une ambition et pas un budget prédéfini;
  • une maîtrise individualisée des coûts, connectée à des enjeux de conquête clairs, comme un couple mettant de côté euro par euro pour payer un voyage à sa famille;
  • un recours le plus fréquent possible aux savoir-faire spécifiques de chacun, et donc les moins modélisables, ce qui suppose un management très décentralisé.

 

Cela veut aussi dire :

  • un recours très limité aux indicateurs et au reporting, peu créateurs de valeur;
  • un dialogue social repensé, puisque le manque d’infos et la pression trop forte des objectifs seront limités dans ce nouveau modèle.

 

Pourquoi ce n’est pas une utopie ?

A cause de l’agonie des systèmes actuels, inadaptés à un monde à croissance faible et aux fortes aspirations individuelles, voire égoïstes, des salariés. 

Mais aussi parce que la révolution de l’horizontalité ne repose pas sur un dogme (socialisme, collectivisme, autogestion) mais sur une observation simple :

  • L’Homme est plus efficace quand il est heureux.
  • Il est plus heureux quand on fait appel à son intelligence et à son libre arbitre qu’à sa capacité à répéter un geste, une opération, ou même une suite complexe d’actions.
  • Il est aussi plus précieux, plus productif et rapporte plus quand il fait appel à son intelligence.

L’entreprise horizontale, managée certes, mais selon ces nouveaux principes, réussit donc la synthèse entre l’efficacité est le bien-être à laquelle aspirent de plus en plus les générations en devenir.

 

Ne soyez pas parfaits !

Il est étonnant de voir que les managers que nous portons aux nues sont rarement des êtres parfaits : égocentriques, colériques, désordonnés voire carrément fous. Ont-ils plus de défauts que les autres ? Pas sûr. Les assument-ils davantage ? Sans doute. Et c’est là leur force. 

 

Grands leaders = grandes qualités = grands défauts ?

En accompagnant des top managers de grandes entreprises, nous rencontrons des personnes de grande valeur, mais pas des êtres extraordinaires. Ou plutôt nous avons remarqué qu’ils n’étaient pas parfaits… 

Un leader doit savoir utiliser les deux : ses atouts pour gagner, ses défauts pour ne pas perdre (de temps, de confiance, de lisibilité) 

Au-delà de la naïveté de notre croyance voulant qu’il n’y ait que des personnes exceptionnelles à la tête des grandes entreprises, nous avons affiné notre sentiment. Oui, ces leaders ont des qualités rares : de courage, de créativité, d’exigence, d’empathie selon les cas ; mais ils ont des défauts tout aussi remarquables : foutraque ou au contraire d’une rigidité maladive, complexé ou en excès de confiance, habitué des bourdes, etc.  

Nous avons tous des exemples publics de leaders aux défauts abyssaux. De Napoléon à Margareth Thatcher, en passant par Richard Branson, Winston Churchill, Steve Jobs ou Eugène Schueller (le fondateur de L’Oréal), nous avons un catalogue complet de défauts presque caricaturaux.

Peut-être l’un ne va pas sans l’autre, mais je crois surtout qu’un leader doit savoir utiliser les deux : ses atouts pour gagner, ses défauts pour ne pas perdre (de temps, de confiance, de lisibilité) 


Assumer ses défaut, c’est se libérer des contraintes

C’est en essayant de camoufler nos défauts que nous créons des contraintes qui freinent l’action et grignotent la confiance en soi. Les chercheurs en Analyse Transactionnelle ont identifié plusieurs messages contraignants fondamentaux que nous nous imposons.  Notamment ceux-là :

  1. « Sois parfait » : Nous amène à viser la perfection. Comme elle est impossible, nous vivons mal l’échec,  nous sommes déstabilisés par les moindres erreurs et sommes de perpétuels insatisfaits.
  2. « Sois fort » : Nous intime l’ordre de ne pas montrer nos faiblesses, d’être sur la défensive, de nous sentir agressé par la moindre critique.
  3. « Fais plaisir » : Nous pousse à rechercher l’adhésion, le consensus, la sympathie de l’autre plutôt que de regarder à la pertinence de nos actions.
  4. « Fais efforts » : Nous incite à nous justifier en permanence, à prouver que nous fournissons une énergie remarquable… et nous met en obligation de moyens plutôt que dans une obligation de résultats. 

En résumé, ces mots d’ordre que nous nous infligeons pour améliorer notre image nous coûtent du temps, brouillent notre image plus qu’autre chose, nous décrédibilisent parfois. Ils rongent notre leadership en tant que manager.

Bien sûr, le rapport que nous entretenons avec nos défauts est difficile à maîtriser. Tout cela est irrationnel et inconscient. 

C’est en se libérant de ses contraintes, et donc en acceptant d’être imparfait, vulnérable ou vu comme tel, décrié parfois et ne devant rien prouver à personne que par le résultats de nos actions, que nous gagnerons une posture de leader.

Les défauts, on ne les maîtrise pas, on les dompte !

Non, cet article n’est pas un appel à l’autosatisfaction. On peut assumer des défauts ET chercher à s’améliorer ou en limiter les effets néfastes sur les autres. Bien sûr, le rapport que nous entretenons avec nos défauts est difficile à maîtriser. Tout cela est irrationnel et inconscient. 

On devient un grand leader non pas en étant bon partout mais en étant excellent sur certaines qualités, et en utilisant ces qualités au maximum.

Pour commencer, il faut identifier clairement ses défauts. Là-dessus tout existe : 360°, test de personnalité MBTI, coaching, mais aussi retour de son manager. Bien sûr, l’identification de ses défauts est un exercice pénible, émotionnellement. Dites-vous surtout que c’est en les connaissant que vous diminuerez leur emprise sur vous. 

Et si vous croyez déjà les connaître, dites-vous que vous êtes, de votre famille, de vos amis et de vos collègues, celui qui les connaît le moins. Cela demande donc un peu d’humilité et de remise en question. 

Ensuite, il faut en dompter les conséquences sur les autres et sur vous-même. Sur les autres en limitant les dégâts de vos défauts (ex : si vous êtes vite énervé, en limitant les débats en public ou en soignant la préparation des recadrages de vos collaborateurs, etc.). Sur vous-même l’enjeu est d’ASSUMER, assumer que l’on ne vous changera pas et que l’enjeu n’est pas de vous changer en un être meilleur mais d’agir plus efficacement étant donné vos défauts. Derrière cette subtilité, il y a énormément de bénéfices.

Enfin, puisque la meilleure défense c’est l’attaque, la meilleure façon de faire accepter ses faiblesses est de mettre en avant vos forces décisives. On devient un grand leader non pas en étant bon partout mais en étant excellent sur certaines qualités, et en utilisant ces qualités au maximum.

La série BD « Quai d’Orsay », que nous vous conseillons ardemment et qui raconte la période de Villepin au Ministère des Affaires Etrangères avant la seconde guerre d’Irak, en est un exemple parfait. Obnubilé par sa propre personne, croyant qu’un coup de stabylo peut bouleverser le monde et changeant d’avis en permanence, le ministre est néanmoins un leader respecté par toute son équipe. Charisme, courage et dynamisme exacerbés aidant, il fédère ses conseillers de gauche comme de droite qui le critiquent bien sûr, mais donnent aussi toute leur énergie pour écrire les 125 versions d’un même discours, qui finira par marquer l’Histoire un 14 février 2003 aux Nations Unies.

La recherche de perfection est paralysante. Et nous rendons hommage à tous les managers qui assument leurs défauts et s’en font un tremplin pour avancer et changer les choses.

LARGO WINCH : le pouvoir de la transgression

Largo Winch, héros de BD, passé à la télé et au cinema est un businessman qui a tout pour lui : immensément riche, intelligent, athlétique et beau en plus. Bien sûr c’est une caricature, une icône comme la BD sait en créer.
Pourtant plusieurs choses sont intéressantes dans cette série très business :
 
– Il montre comment le sérail, les anciens rejettent ce qui est différent. Largo est un enfant adopté libre et bagarreur dans le monde feutré du grand capitalisme… A un plus petit niveau, il n’est pas rare de voir un groupe craindre voir rejeter le nouveau. Largo nous enseigne l’écoute et la curiosité mais aussi la fidélité à ce qu’on est. C’est assez bateau certes, mais on est obligé de constater que bien des cadres appliquent les consignes sans plus vraiment réfléchir à leur utilité et sans vraiment mettre leur personnalité dans leur travail.
 
– Il montre aussi comment la transgression, le non respect des règles est non seulement légitime dans bien des cas et en plus souvent efficace. Nous ne prônons pas d’être dans le rejet sur tout, tout le temps, mais une dose de mauvais caractère et de rébellion semble être une des conditions de création de valeur dans des groupes toujours plus rigides. 
 
Enfin Largo n’est pas infaillible (même s’il gagne à la fin). Il est impulsif, tue sans trembler, manigance, courre les jupons… Autant de défauts que nous ne validons pas bien sûr mais qui ne l’empêche pas d’être un grand leader.

Pour changer, ne maltraitons plus nos alliés !

Cela paraît être une banalité affligeante, tout le monde le sait et les adeptes de la sociodynamique le revendiquent : pour réussir un projet de changement, il faut fédérer et mettre en action un maximum d’alliés.

Pourtant, en entreprise comme en politique, beaucoup font l’inverse. Au lieu de consacrer du temps à organiser le groupe des partisans, on préfère séduire / convaincre / convertir ceux qui ne sont pas d’accord. Avec une efficacité limitée et au prix d’efforts colossaux.

Comment expliquer cette contradiction ?

Un changement n’échoue pas de la présence d’opposants mais de l’absence d’alliés 

Ecotaxe, Notre Dame des Landes, construction européenne, reprise de Goodyear, relance d’Areva, tous ces projets sont à l’agonie. Pourquoi ces échecs ? L’opposition aurait-elle été la plus forte ? C’est possible mais certains projets (le mariage pour tous, tout récemment) ont réussi malgré une opposition féroce et d’autres (la réforme des rythmes scolaires) échouent sans avoir à faire face à un tir de barrage, du moins au démarrage.

Pourquoi des fortunes si différentes ? La réponse est dans le titre… 

Cela ne veut pas dire que le débat est inutile, mais débattre dans l’idée de convaincre l’autre est souvent vain. 

Nous parlons ici de projets difficiles où, dès le lancement du projet, se manifestent des soutiens et des oppositions. 

Tout se joue dans la stratégie de mise en œuvre. Certains choisissent de consacrer le maximum de temps à essayer de convaincre les opposants. Cette stratégie est couteuse, en temps et en concessions, et son efficacité est limitée. C’est un peu comme quand vous vous lancez dans un débat familial en plein dîner : vous échangez vos arguments, vous en trouvez de nouveaux pour muscler votre point de vue, vous écoutez l’autre mais c’est avant tout pour mieux le contredire, parfois le ton monte et en tous les cas, vous sortez de table parfois tard et, souvent, avec la même idée qu’au départ.

Cela ne veut pas dire que le débat est inutile, mais débattre dans l’idée de convaincre l’autre est souvent vain. 

Ce temps que nous mettons à essayer de convaincre nos opposants, c’est du temps que nous ne consacrons pas à nos alliés, à notre projet…

Pour l’Europe, c’est pareil… Au-delà des victoires isolées des populistes aux récentes élections (3 pays seulement), il est surtout frappant de voir le peu de voix enthousiastes pro-européennes, qui en montrent les atouts et les perspectives… Forcément, on n’entend que les euro-sceptiques.

En entreprise c’est la même chose, les porteurs de projet ont tendance à se focaliser sur ceux qui sont contre le projet. Parce qu’ils parlent les premiers, parce qu’ils ne sont jamais à court d’arguments, parce que nous avons envie de les convaincre, sans y croire vraiment et sans y arriver jamais. On marche sur la tête !

Ce temps que nous mettons à essayer de convaincre nos opposants, c’est du temps que nous ne consacrons pas à nos alliés, à notre projet…

Les alliés, une population trop peu et trop mal traitée 

Les alliés sont ceux qui sont réunis par l’envie (ou le besoin) d’atteindre les objectifs fixés par le projet. 

Ils sont la clef de réussite parce qu’ils agissent, malgré les difficultés. Ils sont aussi plus capables que le leader lui-même d’aller convaincre ceux qui hésitent ou ne se prononcent pas.

Mais alors pourquoi se focalise-t-on sur les opposants (pour les convaincre) et pas sur les alliés (pour les animer) ?

  • Parce que les alliés s’expriment peu. A la différence des opposants qui s’expriment tout de suite, fortement, et se regroupent spontanément pour manifester ou signer des pétitions, les alliés sont naturellement plus discrets. Pourquoi ? Parce qu’ils défendent quelque chose qui n’existe pas encore, alors que les opposants défendent souvent le statu quo (cas des retraites, du mariage pour tous, etc) ; aussi parce que les alliés le sont généralement pour des raisons très différentes, et ne sont donc pas unis a priori : c’est le cas des centristes et des verts, tous deux alliés sincères de la construction européenne mais pour des raisons et avec des modalités différentes. Du coup, l’union ne se fait pas et l’attention se polarise naturellement sur des opposants plus organisés.
  • Parce qu’ils ne sont pas faciles. Un allié, ce n’est pas un « beni-oui-oui » qui hurle pour défendre le projet ; il est souvent critique et peut s’exprimer avec vigueur s’il n’est pas d’accord. Fédérer les alliés, ce n’est pas constituer une milice d’extrémistes du projet mais offrir la possibilité à tous ceux qui le souhaitent de critiquer, d’améliorer. C’est un partenaire, pas un supporter ; c’est donc difficile à gérer.
  • Parce que nous avons le « syndrome du consensus ». Nous voulons toujours, inconsciemment, mettre tout le monde d’accord sur un projet de changement. Les alliés étant déjà de notre côté, nous courrons chercher les brebis égarées. Mauvais calcul : non seulement les opposants ne se rallient pas ou peu, mais les alliés peuvent changer d’avis notamment si nous ne nous occupons pas d’eux. Ils ont des besoins, des attentes à formuler. Si nous ne prenons pas le temps de les écouter, nous les perdons un par un.

 

Faire de la stratégie des alliés, c’est donc aussi simple à comprendre que difficile à mettre en pratique. Cela appelle une remise en question et un comportement managérial exigeant. Cela demande aussi du temps. Nous disons souvent à nos clients de consacrer plus de temps à leurs alliés qu’à ceux qui ne veulent pas avancer. En regardant leurs agendas, nous nous rendons compte que ce n’est que très rarement le cas… est-ce le vôtre ?

Lean, attention à l’idéologie !

Plus que jamais, le LEAN inonde toutes les entreprises. Il existe depuis un moment, mais le phénomène s’amplifie et tout groupe qui se respecte a son programme LEAN.

Ce système, qui est la plus grande mutation des systèmes de production depuis Taylor, est-il à la hauteur des espérances ?

Nous pensons OUI sur le papier, et NON dans les faits.

Le lean, du bon sens 

Ne laissez pas les spécialistes vous embrouiller. Le lean, c’est d’abord du bon sens.

A peu de choses près, c’est le système de production Toyota, mis à la sauce américaine et dans lequel on a même gardé des mots en japonais (pour faire plus authentique)… 

Mais de quoi s’agit-il ? 

Le lean est une philosophie de production, comme le taylorisme. Taylor misait sur la standardisation, la massification et le partage des tâches pour réduire les coûts. Le lean propose une autre porte d’entrée : concentrer le maximum de notre énergie et de notre argent sur ce qui a le plus de valeur pour le client, et réduire l’effort sur ce qui n’en n’a pas… Du bon sens !

Le 5S, lean ou pas lean, c’est plus simple de faire bien quand les choses sont triées, propres et organisées… c’est surtout du bon sens.

Pour faire du lean, il faut se projeter à long terme parce qu’ainsi, on pourra améliorer les fonctionnements dans la durée, et utiliser les gains sur des projets innovants, qui assureront l’avenir de l’entreprise… Du bon sens !

Pour faire du lean, il ne faut pas changer d’avis tout le temps mais essayer de stabiliser les choses pour les comprendre, et pouvoir les améliorer petit à petit…. Du bon sens !

Enfin pour faire du lean, il faut ne faut pas avoir peur des problèmes, mais se réjouir de pouvoir les résoudre… Du bon sens !


C’est imparable

Les cadors du lean font des calculs savants et arrivent à des prévisions de gains à faire pâlir d’envie n’importe quel chef d’entreprise…. 30, 40% de productivité dans les projections AT Kearney, ce n’est pas rare. 

Et les calculs sont justes : ils reposent sur le constat que l’usine ou le service étudié n’est pas parfait (ce qui est toujours le cas, évidemment), et formulent des gains potentiels qui sont la différence entre cette imperfection et une situation idéale, qui respecte les principes du lean. Nous sommes tout disposés à croire que des organisations complexes ont facilement 30% de productivité perdue. 

C’est comme si on vous disait que dans votre journée, nous allons supprimer le temps perdu : attente à la Poste, à la gare, bouchons… jusqu’à la pub à la télé ! On va aboutir à des temps considérables, et qui ne serait pas intéressé ?

C’est ce qui se passe chez Sanofi, L’Oreal et ailleurs : les gains promis sont tels que l’opposition et même les doutes sont interdits… reste à savoir si la méthode est bonne.

 

C’est faux

Mais évidemment ça ne marche pas, la réalité n’est jamais aussi parfaite que les projections sur papier. Par exemple, dans notre vie de consultants nomades, nous avons remplacé l’avion par le train ; il va moins vite mais le temps de trajet est productif à 80%, contre pas plus de 20% pour l’avion ; c’est du lean, ça marche, mais la productivité à 100% est encore loin.

Dans les entreprises c’est pareil ; à un moment, on se heurte à la réalité des compétences, au plan du site, aux habitudes, etc. 

On visait 30%, on a eu 10%. C’est moins, mais c’est génial quand même… Si vous voulez 30%, revenons au bon sens

A l’extrême, nous avons vu, dans un laboratoire pharmaceutique, un plan qui prévoyait des gains énormes mais calculés uniquement avec les chiffres d’ETP (Equivalent Temps Plein) et pas les personnes… Il aurait fallu couper les individus pour mettre les bonnes compétences aux bons endroits sans gaspi. Ils ne sont pas allés jusque-là.

Les opérations Lean apportent toujours des résultats, ce qui réduit considérablement le regard critique sur ce qui a été fait. En gros, on visait 30%, on a eu 10%. C’est moins, mais c’est génial quand même…

N’imaginons d’ailleurs pas un instant que ceux qui chiffrent ça y croient ; la stratégie est de faire envie en visant haut, et si on n’obtient que la moitié de l’objectif, c’est déjà énorme. Les managers ne sont pas dupes : ils savent que l’objectif est irréaliste, qu’il est là pour motiver, mais du coup ils ne le visent même pas.

  

C’est surtout mal fait 

Nous pensons que les 30% de productivité visés sont possibles, mais en faisant du vrai Lean, c’est à dire du bon sens.

Aujourd’hui, on diagnostique froidement un processus de l’extérieur avec une calculatrice et on revient en annonçant que les gens sont improductifs 30 à 40% du temps. On décide alors d’une série d’actions pour combler l’écart, s’appuyant sur un alignement d’outils sacrés qu’il serait très mal vu de critiquer.

D’abord, c’est pas facile à avaler. On peut trouver ça stupide, mais les gens n’aiment pas trop que des « monsieur-je-sais-tout » viennent leur expliquer comment faire leur boulot ; c’est logique.

Ensuite, il faudrait être fou pour jouer le jeu parce que si je me donne à fond, et qu’on gagne 30%… qui me dit que je ne vais pas le payer par la suppression de mon poste ? Non, c’est trop risqué. L’attitude la plus rationnelle est d’aller chercher 10% max, comme ça on a la paix et les emplois sont préservés. 

Avant toute chose, il faut dire à quoi seront utilisés les 30 % en question : innover, conquérir de nouveaux marchés, améliorer les conditions de travail. Chez Toyota, on innove, on crée la Prius, première voiture hybride, on part à la conquête du leadership mondial, et on ne diminue pas les effectifs…

  • Si vous ne dites pas à quoi servira la productivité, les gens n’iront pas. 

Evidemment, cela veut dire avoir une stratégie de long terme, stable et bien expliquée… Ca peut paraître fou dans notre monde mais ceux qui réussissent en ont une : Toyota bien sûr, Google, Apple, Décathlon, Hermes, les meilleurs en général.

  • Si vous n’avez pas de stratégie long terme, ne faites pas de lean.

Ensuite, pour que les gens cherchent des gains de productivité dans leur métier, un consultant peut aider (oui c’est ça le bon verbe !) mais il faut surtout des équipes à qui l’on fait confiance, qui peuvent travailler dans la sérénité, proposer.

  • Le lean, c’est un nouveau pacte managérial. Je vous donne des libertés, je vous dis où on va, et je vous laisse autonome pour avancer. 

Quand vous aurez mis cela en place, vous verrez que vos équipes auront des besoins, des problèmes à résoudre, et alors les outils pourront aider : PDCA, 5Pourquoi, 5S, Hoshin… ce ne sont que des outils, et il y en a d’autres, en dehors du lean. L’important c’est la philosophie.

Et la philosophie du lean est long terme ; ceux qui veulent du lean pour des ROI courts n’ont rien compris. Ceux qui oseront le long terme seront les gagnants. 

Les Yeux dans les bleus – La leçon de management d’Aimé Jacquet

Assumons un cliché ce mois-ci : parler de foot au mois de juin, une année de coupe du monde !

Gonflés à bloc par la récente victoire écrasante de la France contre la Norvège. Nous nous sommes replongés, nostalgiques, dans « Les yeux dans les bleus », le reportage sur la vie de l’équipe de France 98… Mêmes les réfractaires au foot apprécieront. 

Le film montre, simplement, la réussite d’un projet collectif et Aimé Jacquet donne certaines leçons de management, efficaces et utiles dans nos entreprises :

> La transparence du projet : Au début du stage de préparation à Tignes, il dit « on vous expliquera tout ». Cela se voit, chaque membre de l’équipe est en confiance, connaît son rôle et sa contribution quel que soit son poste, qu’il joue ou ne joue pas. Et avant tout Didier Deschamps, alors capitaine de l’équipe, qui agit comme le relais indéfectible d’Aimé Jacquet sur le terrain.

> La constance : le discours est franc mais sans surprise ; du coup, il installe un climat d’exigence mais pas de stress. Son mot d’ordre est clair, il veut développer la prise de risques assumée collectivement (« si on monte en attaque, on monte tous ! »). Du match de préparation à la finale, il ne changera pas de cap.

> La priorité aux forces : il ne demande pas aux uns et aux autres de changer leur jeu, ce n’est plus le moment et cela pourrait nuire au climat de confiance. Il leur demande d’assumer leurs faiblesses (« Pires, c’est pas Zizou… ») et d’utiliser leurs forces librement, au service de l’équipe. 

> Le plaisir de la difficulté : « On va en subir des chocs et des émotions, mais j’peux vous dire : quel beau truc à vivre ! quel beau truc à vivre »

Et puis, rien que pour le doublé de Thuram en demi-finale… On se prend à frissonner à nouveau.

Oui, oui, oui au management émotionnel !

Dans la plupart des projets de changement en entreprise, nous constatons l’énorme décalage entre les réactions affectives des collaborateurs de terrain et la posture froide, inflexible et rationnelle de la direction.

Cela pose le sujet de la place faite aux émotions dans le management : on leur oppose souvent la nécessité de mettre de la rigueur, des procédures, des méthodes. On en accepte quelques unes : la fierté, l’envie (mesurée).On en refuse d’autres : la peur, la colère, la jalousie, la surprise,… la liste est longue ! 

Comme si les émotions pouvaient se gérer comme des fournitures de bureau. Alors que faire : les cacher ? elles finiront par ressortir. Les éviter ? Elles sont inévitables. Puisque l’idée de faire de chaque employé un être 100% rationnel n’est ni réaliste, ni souhaitable d’ailleurs, l’enjeu est donc de transformer le management en actes émotionnels. 

Attention à ne pas tout confondre : on peut avoir un management émotionnel sans devenir un manager émotif

Manager émotif non, management émotionnel oui

D’un côté, les managers ont souvent l’impression que le comportement rationnel est le plus vertueux : il permettrait d’être équitable, d’éviter le « copinage », de rester droit dans ses bottes. D’un autre côté on porte aux nues les patrons qui utilisent largement la palette de leurs émotions : Richard Branson, Xavier Niel, etc. Derrière cette apparente schizophrénie se cache une confusion : on peut avoir un management émotionnel sans devenir un manager émotif.  

Etre un manager émotif, c’est se laisser aller à ses émotions. Ces émotions-là, quelles qu’elles soient, sont contre-productives car elle ne sont pas l’expression d’une détermination mais de l’état d’esprit du moment. Elles génèrent de l’incompréhension, du favoritisme, du stress. Elles doivent être canalisées à la manière de l’acteur de théâtre : ils doivent laisser leurs propres émotions au vestiaire pour ne laisser transparaître que celles du personnage qu’ils incarnent. 

Exprimer des émotions, c’est d’abord entrer en lien avec l’autre, l’aider à s’intéresser, à comprendre, à décider ou à adhérer. Tout ce que l’on a du mal à obtenir sur des projets de changement. 

Avoir un management émotionnel, c’est indispensable : l’enthousiasme, la conviction, la confiance, le courage. Mais aussi des émotions moins nobles : la peur, la colère, l’indignation, la préoccupation, l’appréhension, le doute, la tristesse. Toutes les émotions sont utiles, à partir du moment où elles sont choisies, domptées, utilisées pour donner du sens et pour mobiliser les équipes. 

 

Pourquoi utiliser l’émotion ?

L’émotion est la différence entre nous et le légume. Ce n’est pas nous qui le disons, mais les chercheurs en neurosciences. Sans émotion, nous ne savons pas prendre de décisions et nous sommes incapables de créer des liens sociaux.  

Exprimer des émotions, les siennes et celles des autres, c’est donc d’abord entrer en lien avec l’autre, l’aider à s’intéresser, à comprendre, à décider ou à adhérer. Tout ce que l’on a du mal à obtenir sur des projets de changement. 

L’émotion, c’est aussi donner envie d’agir. Donner du sens c’est très bien, mais on ne mobilise pas sur un projet seulement parce qu’il est compris, cela ne suffit pas. Nous voyons tous les jours des managers qui portent des projets de changement à leurs équipes : ceux qui réussissent ne sont pas les plus intelligents ou les plus rigoureux, ni même les plus inventifs, mais ceux qui mettent leurs tripes en jeu, qui montent « sur le tonneau » et donnent envie par leurs émotions.

L’émotion, elle est là de toutes façons. Ne pas les exprimer est un leurre, car tout trahit vos émotions et vous ne pouvez pas tout maîtriser : une posture, un geste avec votre stylo, un regard, pour un public vous êtes un livre ouvert. Ne pas vouloir exprimer vos émotions, c’est donc laisser le champ libre à l’émotif, à tous ces « signaux faibles ». La meilleure façon de ne pas être émotif, c’est d’exprimer des émotions de façon choisie, simplement mais fortement.

 

Un seul conseil : soyez authentiques !

Il n’y a pas de méthodologie pour exprimer les bonnes émotions au bon moment : les émotions les plus efficaces sont d’abord authentiques. Mieux vaut être sincèrement dans le doute (et donc montrer son humanité) que sans émotion ou artificiellement confiant. De toutes façons, l’artifice se verrait d’une manière ou d’une autre ; l’émotion sans authenticité est pure manipulation, et souvent démasquée. 

Après, vous devez travailler sur vos émotions, voir comment elles coïncident avec votre projet et les utiliser pour donner de la force à votre message. 

Certains diront, non sans raison, que cela aussi relève de la manipulation. Mais quand la manipulation consiste à assumer la réalité, voire sa propre vulnérabilité, nous la considérons honnête et utile à l’action managériale.

Halte à la dictature de l’écrit

Quand Valls remplace Ayrault, beaucoup s’indignent au motif que nous serions sur un changement de communication plutôt que de politique. Pourtant, le discours de politique générale de Valls, quelle que soit l’opinion de chacun sur le fond, a montré une différence de taille avec son prédécesseur. Pas tellement sur le choix des mots, sur la capacité oratoire surtout. On aime ou on aime pas, mais on retient. Nous pensons qu’il faut redonner ses lettres de noblesse à l’oral. C’est par l’oral que l’on incarne, que l’on inspire les autres, que l’on donne vie aux idées.


Les écrits restent, les paroles élèvent 

Si les écrits restent en effet, il est faux de dire que les paroles s’envolent :

  • On connaît tous « I have a dream » mais qui a lu du Martin Luther King ?
  • Kennedy a dit « Ich bin ein Berliner » mais qu’a-t-il écrit ?
  • Obama subjugue par son verbe, son livre n’est pourtant pas un best-seller. 

En France aussi nous avons en tête les intonations de Malraux et De Gaulle ; les 12 ans de Chirac ont été marqués par les discours du Vel d’Hiv et de Villepin à l’ONU ; plus récemment, le discours de Grenoble et celui du Bourget symbolisent Sarkozy et Hollande.

C’est également vrai dans l’entreprise. On a tous en tête les prises de parole de Steve Jobs pour vendre ses idées dans les universités ; j’ai personnellement vu un directeur de site pharmaceutique lancer le sauvetage de son usine par un discours churchillien. Mémorable !

Dans un projet de changement, la différence se fait par la capacité du leader, ou des leaders (nous le verrons plus loin) à incarner le projet. Le contenu compte bien sûr, mais c’est par la qualité du discours que les idées s’impriment en nous, laissent des traces pérennes.

Obama subjugue par son verbe, son livre n’est pourtant pas un best-seller.   

Les écrits font rêver, les paroles font croire

Bien sûr beaucoup d’entre nous ont été marqués par certaines lectures inspirantes, guidantes. 

Mais l’incarnation des écrits renforce la possibilité d’y croire. Faites le test avec Victor Hugo : si vous n’avez pas le courage de vous plonger dans ses poèmes, écoutez François Rollin les réciter et vous irez illico dénicher le vieux volume de la bibliothèque familiale ; idem pour Luchini avec Céline, ou pour Guillaume Gallienne avec n’importe laquelle de ses lectures sur France Inter.

Pourquoi ? Parce que le verbe incarné avec talent a une émotion supplémentaire : il permet une connexion plus charnelle, plus évidente. L’identification est plus directe avec un être qu’avec des mots sur papier. Imaginez un noir américain des années 60 qui découvrirait le texte de Martin Luther King dans le journal, seul, dans son salon, pensez vous que l’effet aurait été le même qu’au milieu de 300 000 personnes, avec la voix et les envolées du pasteur King ? 

Dans l’entreprise, même les plus beaux projets n’auront pas d’effet s’ils n’inspirent pas. Pour inspirer, il faut les transmettre avec énergie et en collectif pour créer cette communauté magique : celle d’un groupe d’humains emportés par les mêmes idées au même moment.

 

Comment réussir concrètement ?

Il faut bien sûr un projet solide et bien écrit ; l’appel du 18 juin de De Gaulle aurait été moins mobilisateur s’il avait récité, même avec talent, la notice de sécurité d’Air France… 

Mais il faut aussi soigner l’oral à 3 niveaux :

  • Faire simple

Les présentations sont généralement techniques, truffées de concepts et de grands principes. Une bonne présentation de projet est courte et se concentre sur l’essentiel. Elle est structurée comme un récit pour que l’auditeur puisse entrer pleinement dans l’histoire, faire des liens entre le contexte et les décisions.

Elle est formulée en termes simples, sans fioritures, dans le champ lexical et le langage de l’auditoire (Kennedy dit sa phrase en allemand)

Elle est imagée, en évitant autant que possible les lieux communs (Churchill, le rugby, ou l’équipage au long cours sont passablement usés).

  • Créer le décalage  

Souvent, les gens à qui vous parlez vous connaissent, et parfois connaissent aussi à l’avance des éléments de votre discours. Il faut donc surprendre pour sortir l’auditoire d’une écoute passive qui pourrait glisser vers une absence d’écoute.

Pour cela, faites un pas de côté : introduisez des images, un ton, des ruptures auxquelles votre public ne s’attend pas. C’est un bon signal quand vous voulez réussir un changement dans votre équipe que de commencer par changer, vous même, dans votre prise de parole.

  • Solliciter la voix de ses alliés

Enfin, la vie de l’entreprise n’est pas faite que de grands discours ; l’essentiel des échanges est quotidien, sur le terrain, et ne dépend pas de vous.

Pour faire exister votre projet, concrètement, sur le terrain, ne comptez ni sur vous seul ni sur la comm’ écrite ; évitez sur ce sujet les mails qui verrouillent tellement le message qu’ils l’enferment. Faites que chaque manager ou allié de terrain parle du projet avec ses mots, à sa manière ; il faut de l’oral !

Nous ne sommes pas tous de grands orateurs. Nous avons tous, avant de prendre la parole, un stress qui nous met mal à l’aise. C’est pour cela que nous passons beaucoup de temps à écrire nos grandes idées et trop peu de temps à préparer nos discours. 

Pourtant, l’adhésion et la mobilisation des équipes sont à ce prix !

 

ALBUS CONSEIL