Auteur/autrice : charlie

Game of Thrones, une série à succès sur les tours et détours du management

Nous aurions pu vous conseiller la série d’HBO Game of Thrones, la plus regardée au monde, pour la capacité de ses inventeurs, D.B. Weiss et David Benioff, à intéresser les téléspectateurs à une histoire a priori très loin de leurs préoccupations. Mais ces ressorts étant comparables au Seigneur des anneaux de Tolkien, déjà évoqué le mois dernier, c’est des enseignements sur le management dont nous vous parlerons dans cette brève.

Cette série met aux prises plusieurs leaders qui, accompagnés de troupes plus ou moins fidèles, tentent le conquérir le trône suprême.

Chaque leader est imparfait mais possède des qualités que les autres n’ont pas : 

  • Tywin Lannister est inflexible et sait s’appuyer sur les forces de ses « leaders de proximité » (comme son fils Tyrion), mais il ne les valorise pas suffisamment et ceux-là pourraient s’essouffler ou se retourner contre lui.
  • Robb Stark est un leader juste, charismatique, qui sait fédérer autour de lui des clans différents. Mais il est jeune, au management parfois émotif ou affectif, ce qui offre des opportunités à ses ennemis.
  • Stannis Barathéon sait s’appuyer sur de nouveaux outils pour innover dans ses attaques, mais il n’est pas fidèle à ses valeurs et se coupe ainsi de ses plus anciens soutiens.

Reste Daenerys Targaryen qui s’impose de plus en plus comme un modèle de leadership (nous ne parlons pas des deux dernières saisons…) : fidèle à ses valeurs, sachant s’entourer de leaders de terrain complémentaires, saisissant les opportunités, elle a réussi à rendre sa quête (personnelle au départ) légitime et enthousiasmante pour ses équipes. Même si bien sûr, les revirements de fortune sont inéluctables pour respecter l’esprit d’une série que nous vous conseillons !

Sortir le dialogue social des tranchées

Dans l’industrie, les transports publics, à l’Education Nationale ou les grands ports maritimes, dans la pétrochimie, presque partout en France les entreprises souffrent de leurs rapports avec leurs syndicats. Et si on prenait du recul pour trouver des solutions au blocage ?

Il faut dire que l’on aime pointer du doigt notre syndicalisme contre-productif, que l’on parle longuement de Goodyear à Amiens Nord en oubliant qu’à Amiens-Sud, la CGT n’a pas fait d’entrave au changement et que le site se porte aujourd’hui très bien. 

Il faut dire aussi que la situation actuelle ne satisfait personne. Du côté des syndicats, le combat social se marginalise : il y a de moins en moins de personnes syndiquées en France, et surtout de moins en moins de personnes qui croient à l’efficacité de leurs actions pour protéger les salariés. Du côté des managers, le climat social est délétère et les directions ont beaucoup de mal à embarquer, ou parfois simplement à dialoguer avec le terrain. 

 

Pourquoi le dialogue social est si compliqué en France ?

Si le modèle économique allemand est aujourd’hui déifié en général, il l’est tout particulièrement quand il s’agit de dialogue social. L’organisation en « cogestion » fait des envieux chez nos représentants syndicaux, l’ouverture au dialogue fait rêver les patrons des entreprises implantées en France. 

La cause racine est historique. En Allemagne, le syndicalisme est le fruit d’un travail d’unification dépolitisé (donc des positions moins idéologiques) et d’institutionnalisation (encadrement du droit de grève en échange de pouvoirs décisionnaires dans l’entreprise). Le résultat, c’est un syndicalisme plus fort (26% des salariés) et qui évolue constamment. 

En France, le syndicat s’est construit dans la méfiance. Méfiance des syndicats à la Révolution, quand la loi Le Chapelier interdira le corporatisme ; méfiance inverse un siècle plus tard, avec la loi Waldeck-Rousseau qui les autorisera ; méfiance des syndicats entre eux, puisque la plupart des confédérations se sont créées par des divisions intestines et des scissions. 

Cette méfiance, elle s’est cristallisée dans le dialogue social. En 130 ans, les syndicats français ont gagné des libertés mais pas de responsabilités. Les patrons se méfient de la capacité de pouvoir et de l’aveuglement idéologique de certains mouvements extrémistes. Les syndicats, eux, ont le sentiment que rien ne leur sera donné qu’ils ne seront allés obtenir par la confrontation. La cogestion, on en est très loin… Entre les deux, vous avez Goodyear à Amiens Nord, la SNCM, etc.

 

On ne renie pas son histoire…

Evidemment, il n’existe pas de solution miracle qui permettrait de balayer d’un revers de manche les défauts de construction du discours syndical. Le problème est tellement macroscopique que la solution aussi devrait l’être : proposer et déployer au niveau national un nouveau contrat social qui, en échange de responsabilités plus grandes au sein des organes de décisions de l’entreprise ou des administrations, diminuerait la capacité de blocage en toute impunité des IRP (instances représentatives du personnel) tout en augmentant leur pouvoir de contrôle sur les excès des dirigeants.

Autant dire que ce n’est pas pour demain…

 

Que fait-on aujourd’hui ? 

Les dirigeants aujourd’hui, les DRH aussi, tentent de s’en sortir au mieux dans cet antagonisme structurel. Si les intentions sont rarement condamnables, la mise en œuvre donne souvent l’impression d’une partie d’échec : 

  • On cherche les petites victoires tactiques.
  • On se réjouit de l’erreur de « l’adversaire » et on essaye d’en profiter.
  • On joue l’influence des uns contre l’intransigeance des autres.
  • On monte volontiers les syndicats les uns contre les autres quand c’est possible (et on s’en félicite).

 

En retour, les représentants syndicaux ne sont pas des victimes dociles :

  • On cherche les petites victoires également.
  • On ne se prive pas, si on peut, d’avoir la peau du DRH.
  • On joue le pouvoir national contre les dirigeants locaux.
  • On saute sur la moindre erreur de communication pour démontrer les vilaines intentions des dirigeants. 

Cette bataille est une guerre de tranchée digne de 1914 : les gains sont minimes des 2 côtés et obtenus au prix de douloureux efforts, parfois de sacrifices et toujours de vexations mutuelles… et cet enlisement peut durer jusqu’à l’arrivée des Américains… autrement dit la survenue d’un événement extraordinaire qui déséquilibre tellement le jeu que les lignes bougent brusquement… mais pas sans pertes.

 

Comment faire mieux ?

Il n’existe aucune martingale à effet immédiat. Pas de moyen de renverser localement 130 ans d’histoire en quelques actions bien senties.

Pourtant, une autre philosophie d’action, initiée par l’une ou l’autre des parties (idéalement les 2), permet de regagner de la confiance. Il s’agit des principes du Jeu de Go, ou dit autrement, de l’application de systèmes relationnels asiatiques pour voir la situation avec des lunettes différentes.

pieces de jeu de go

Voir ici les règles du jeu de Go

Traiter le sujet du dialogue social en joueur de Go, c’est admettre une bonne fois pour toute et sincèrement que les forces managériales et syndicales peuvent non seulement coexister mais surtout que leurs intérêts sont communs : 

  • Le management a intérêt au bien-être et à la bonne santé des collaborateurs parce qu’il en tirera de la productivité, de la qualité, de la créativité. 
  • Les syndicats ont intérêt à la bonne marche de l’entreprise parce qu’ils en tireront de la pérennité pour les emplois et une possibilité de rémunération plus élevée.

 

Concrètement jouer au go, c’est en finir avec la logique de petites victoires à court terme et :

  • Eviter les manœuvres sous-terraines manipulatoires des 2 côtés.
  • Ne pas pousser son avantage quand la victoire diminuera le partenaire, le vexera.
  • Chercher les points d’accord avant tout.

C’est aussi mettre en place un véritable travail de fond sur le terrain pour faire avancer les causes communes, à commencer par la fierté des collaborateurs, leur plaisir à être compétitifs.

 

Evidemment c’est un travail à long terme, parfois difficile à tenir dans la durée avec la valse des cadres. Mais que les impatients se fassent une raison : rien n’a été obtenu en 20 ans sur le sujet ; on peut bien prendre 5 ans pour faire bouger les lignes.

La réunionnite n’est pas une maladie

C’est un peu le point Goldwin du management : l’argument définitif qui met un terme à la réflexion, sans donner aucune solution : invoquer la réunionnite aigüe et se faire l’avocat de « moins de temps passé en réunion ». La réunionnite est le bon mot le plus en vogue des défenseurs de l’efficacité… Nous pensons qu’ils font une lourde erreur de diagnostic. La réunionnite n’est pas une maladie, c’est la raison d’être d’une entreprise.

 

Confondre symptôme et mal

Il y a une raison très simple à cette erreur de diagnostic : c’est un fait que le temps passé en réunion paraît très long et inutile à beaucoup de participants ; que l’on a tous assisté à des réunions où la moitié des participants ont l’œil rivé sur le smart phone, et souvent le PC ouvert devant soi ; que l’on est souvent invité à des réunions sans vraiment savoir ce qui est attendu de nous, quel objectif est visé, quelle décision doit être prise ; bref, on perd son temps et on incrimine celle qui semble responsable : la réunion elle-même.

Mais c’est confondre le symptôme et le mal. Si la réunion semble inutile c’est d’abord parce qu’elle est mal animée ; elle a généralement été créée pour une raison tout à fait valable et ce n’est pas parce qu’elle est inefficace qu’elle doit disparaître. S’attaquer aux réunions, c’est abattre la bête parce qu’elle est essoufflée ; c’est jeter le bébé avec l’eau du bain.

Si le « 1+1 = 3 » peut exister, c’est dans l’échange. 

La réunion est la raison d’être de l’entreprise 

Il faut se rappeler qu’une entreprise, comme toute organisation humaine (administration, association), est fondée sur la coopération des individus. On se réunit parce qu’on pense qu’il est plus efficace d’être ensemble que de travailler chacun de son côté.

Plus simplement : ça sert à quoi de se réunir dans une entreprise, une association, une administration si c’est pour travailler seul ?  Si le « 1+1 = 3 » peut exister, c’est dans l’échange.

Steve Jobs, qui n’était pas le moins performant des chefs d’entreprise ne voulait rien d’autre que des réunions entre les collaborateurs.

Rendre ses lettres de noblesse aux réunions, c’est les améliorer, plus que les supprimer.

Le problème c’est qu’elles deviennent la raison d’être des collaborateurs 

Parce qu’évidemment, on se plaint des réunions mais on continue à s’y rendre. La réunion est souvent vue comme l’affirmation de son pouvoir parce qu’on peut (en principe) y exprimer ses points de vue ; même si dans la réalité, on y va sans être vraiment impliqué.

La réunion est souvent un lieu d’ennui mais c’est aussi un lieu sécurisé ; on ne peut y faire de bêtises ; en tous cas pas seul. Aller en réunion c’est aussi parfois se dédouaner d’avance de ce qui s’y passera. 

C’est ce genre de comportement qu’il faut stopper. Un blog (http://blog.11heure.com/post/comment-se-desintoxiquer-des-reunions) préconise une action simple : si une réunion vous ennuie, n’y allez pas ! C’est sûrement que vous n’y êtes pas utile et elle sera plus efficace sans vous.

Bref, rendre ses lettres de noblesse aux réunions, c’est les améliorer, plus que les supprimer.

 

Améliorer les réunions, c’est les multiplier, les simplifier, les varier, les animer !

Mais bien sûr, il faudrait peut être arrêter de considérer les réunions comme une assemblée de 10 à 15 personnes assises 2h autour d’une table avec un power point et un temps de parole pour chacun.

Il y a d’innombrables formes de réunions, et le secret est de les varier, et de varier les formes à l’intérieur d’une même réunion ; il y a peu d’interdit :

  • Une réunion peut se faire debout, même si c’est un comex capital.
  • Une réunion peut se faire sans table, avec des paper board
  • Une réunion peut se faire à 2 ou 3, en 30 minutes autour d’une table ronde.
  • Une réunion peut se faire sans power point, avec une feuille par personne, ou autour d’une affiche commune.
  • Une réunion peut alterner moments de créativité un peu désordonnés avec des moments plus structurés de prise de décision ou d’évaluation des risques.

Souvent, pour améliorer les réunions, on fixe des règles : ne pas se couper la parole, s’écouter, arriver à l’heure… Oui c’est vrai… Mais si on faisait plutôt des réunions passionnantes, vivantes, variées, bruyantes parfois ; les participants seraient plus à l’heure ! Il faut libérer les réunions, les rendre plus fun (oui, on a le droit de dire ça dans une entreprise).

Bref résumons : si vous êtes atteint de réunionnite, c’est parfait ; si vos équipes ne se voient pas, c’est moins bien.

Et si vos réunions sont peu efficaces :

  1. MULTIPLIEZ les pour qu’elles soient plus courtes, sur un seul sujet, avec les seuls concernés.
  2. SIMPLIFIEZ les en clarifiant leur objectif et en l’annonçant avec force en début de réunion.
  3. VARIEZ, VARIEZ, VARIEZ !!! des brèves, des longues, des debouts, des assises, des drôles, des graves, des créatives, des analytiques, des participatives, des top down.

Comme indicateurs, vous enlevez les règles de réunion des murs, et vous les gardez dans le tiroir du bureau ; quand elles seront toutes respectées sans que vous ayez à les rappeler, c’est que vos réunions seront devenues attractives et que vous aurez la bonne réunionite ; celle qui permet de créer.

La communauté de l’anneau – codir parfait

Si vous êtes lassé des références quotidienne au rugby, ou au « capitaine dans la tempête », intéressez-vous au seigneur des anneaux. Loin de l’objet culte des geeks (avec Star Wars), l’œuvre de Tolkien est un puits d’enseignements tant son auteur était méticuleux et soucieux de raconter le monde et les hommes dans son univers fantastique.

Ce mois-ci, nous défendons la communauté de l’anneau comme image d’un codir idéal. D’abord parce qu’elle est victorieuse malgré un rapport de force infiniment défavorable ; ensuite parce que cette équipe de gens qui ne se choisissent pas, ont des rôles différents et décident pour tous ressemblent furieusement à un codir.

Que nous apprend ce codir-là ? 

Que ce qui fonde un codir, c’est ce qu’il a à accomplir. Si l’objet de la quête est de valeur et qu’il est partagé par tous, alors il peut même aplanir les inimitiés héréditaires. Cela peut paraître évident mais les codirs ne réactualisent pas leurs ambitions à chaque changement de tête, et bien souvent se contentent de piloter des objectifs et pas des ambitions.

Que les moins forts a priori peuvent détenir la clé du succès si l’on s’appuie sur leur force au lieu d’essayer sans cesse de compenser leurs faiblesses : les hobbits sont utilisés pour leur innocence et pas pour leurs aptitudes au combat. Nous pensons qu’il ne faut pas toujours chercher à ramer contre les courants et concevoir les tactiques en fonction de ce qui est possible dans la réalité.

2 enseignements dont tout codir serait bien inspiré de tenir compte.

Les bons leaders sont les managers qui restent !

Nous sommes de plus en plus marqués par le rythme effréné du turn-over interne des managers. Dans certains Groupes, rester plus de 3 ans à un poste de management est même mal vu, comme si cela signifiait la fin de la progression, une vraie course à l’échalote… Et si, pour plus d’efficacité, nous ralentissions un peu le ballet des managers ?


Le manager change, l’équipe reste…

C’est un mal fréquent dans les entreprises où nous intervenons de voir certaines catégories de managers où le taux de rotation est frénétique : autour de 2 ans.

A peine arrivés à leur poste, certains regardent déjà l’échelon suivant et ils savent à l’avance qu’au bout d’un an et demi ils déjeuneront avec leur n+1 pour leur dire, les yeux dans les yeux, qu’ils ont fait « le tour du job ».

Pas chez les managers de terrain, car à ce niveau-là et même si certains changent vite (les jeunes Bac+5 dont c’est la première expérience managériale), d’autres restent beaucoup plus longtemps, tels les « sortis du rang ».

Mais au-dessus, chez les top-managers ou pire encore dans les échelons intermédiaires, c’est la folie. A peine arrivés à leur poste, certains regardent déjà l’échelon suivant et ils savent à l’avance qu’au bout d’un an et demi ils déjeuneront avec leur n+1 pour leur dire, les yeux dans les yeux, qu’ils ont fait « le tour du job ».

Et ce comportement nuit à la valeur ajoutée du management. En 2 ans, moins même si on compte le temps de la prise de poste, le manager ne peut guère influer durablement sur la dynamique de l’équipe. Il arrive, il propose un grand projet moyen terme, il le déploie, il obtient les premiers résultats et il s’en va. Pour aller vite, il a fortement porté le projet personnellement et quand il part, la phase « dépressionnaire » est souvent fatale au projet. Pas de pérennité des actions menées.

Celui qui le remplace va faire exactement la même chose, etc. 

Sauf que les équipes, elles, restent. Et après 3 changements de chefs, la lassitude prend le pas. On regarde le nouveau boss avec méfiance et si ça ne marche pas dans les premières semaines, on se dit que l’on « attendra le prochain ». Le train des managers épuise…

La constance dans le management a du bon, et pas seulement au plus haut niveau. 

Un manager durable, un progrès durable

Il suffit, pour se convaincre de l’intérêt d’un management durable, de regarder les managers qui ont le plus marqué leur époque : Bill Gates, Lindsay Owen Jones, Jack Welch (GE), Claude Bébéar (Axa) ou Yves Carcelle (Vuitton). Leur unique point commun, ils sont restés plus de 20 ans dans la même entreprise, et souvent au même poste.

Alors bien sûr on ne fait pas d’exemples une règle, mais admettons que la constance dans le management a du bon, et pas seulement au plus haut niveau. 

En passant progressivement d’une moyenne de 2 à 5 ans au même poste, nous aurions des managers plus responsabilisés. Il ne suffira plus de faire « un coup » mais de mettre en place une croissance durable. Nous aurons aussi des équipes plus engagées, grâce à des managers qui les connaissent vraiment, qui les engagent et les développent dans la durée.

Cela nécessitera aussi de gérer plus astucieusement la carrière des managers eux-mêmes, là où le changement de poste systématique fait souvent figure de miroir aux alouettes. Il est d’ailleurs amusant de voir que, quand on change de poste, on est toujours « promu »… et que, de plus en plus, on devient « directeur » très vite. En restant plus longtemps au même poste, ces artefacts ne marcheront plus. Il faudra aider le manager à combler ses lacunes, à tenter des choses nouvelles, à affronter les difficultés non-traitées et qu’il pourra moins facilement mettre sous le tapis.

En bref, arrêtons nos fonctionnements frénétiques et laissons le temps aux managers de faire réussir leurs équipes et leurs projets.

Stop au management par les valeurs

Ils n’ont que ça à la bouche : sportifs et commentateurs, formateurs et responsables RH, managers et consultants. « j’ai des valeurs », « il faut des valeurs pour réussir »… Et bien souvent, on se retrouve à découvrir qu’il est mieux d’être honnête, intègre, solidaire, respectueux, que truand, vicieux, arriviste et manipulateur ! Utilisons les valeurs comme elles doivent l’être : PEU !


Une mode bien pensante

Nous vivions dans un système économique très dur, parfois violent, c’est un fait. Face à cette machine qui n’a ni cœur, ni âme, se développe depuis des années maintenant une industrie des valeurs ; une pensée dominante qui serait un rempart au capitalisme débridé.

Alors on invite les anciens rugbymans, sport à valeurs s’il en est ; on placarde des grands mots, respect, intégrité, engagement, avec des définitions enflammées ; on se targue dans les entretiens d’embauche ou dans les discours de sa très grande moralité.

Ce mouvement est particulièrement fort ces dernières années avec les dispositifs anti risques psycho-sociaux. Les organisations s’habillent de blanc, mais continuent de créer des relations internes désincarnées (clients – fournisseurs) basées sur une batterie d’indicateurs assortis d’objectifs toujours plus ambitieux.

Nous ne pensons pas que ces opérations sont pensées avec cynisme. Il faut reconnaître que, pour un DRH, s’attaquer à l’immoralité d’un système tout entier paraît compliqué ; il est donc plus simple et « déjà pas mal » d’afficher une charte des valeurs.

Afficher des valeurs est une bonne intention, mais elle met dans une position impossible :

  • Soit vous en parlez beaucoup, souvent et du coup, vous êtes un terroriste des valeurs
  • Soit vous en parlez peu ou pas, et vous provoquez l’effet inverse (« Quand on voit ce qui est affiché et ce que l’on vit au quotidien… »)

Chez ALBUS, nous pensons qu’il est possible de faire mieux ; à condition de se débarrasser de mots trop lourds à porter.

Quand la valeur est omniprésente, elle devient oppressante, vide de sens et souvent délibérément contournée. Le film « American Beauty » en montre un exemple parfait… Et terrifiant. 

 

Les valeurs s’incarnent mais on ne manage pas aux valeurs

L’affichage des valeurs est suspect : à l’instar des républiques qui ne sont jamais aussi peu démocratiques que quand elles l’affichent dans leurs noms (RDA, RDC), les entreprises ne sont pas respectueuses et intègres seulement parce qu’elles l’affichent.

Les valeurs sont indispensables dans la vie de l’entreprise, et dans la vie en société en général, mais leur adoption et leur respect est une longue quête. Le père ou la mère qui veut apprendre l’honnêteté à ses enfants ne lui répète pas à longueur de journée « sois honnête » ; ils tâchent de l’être eux-mêmes ; montrent des cas concrets de choix dits honnêtes ; réprimandent les trop grands écarts.

Quand la valeur est omniprésente, elle devient oppressante, vide de sens et souvent délibérément contournée. Le film « American Beauty » en montre un exemple parfait… Et terrifiant. 

Il en va de même dans l’entreprise. Il est bon qu’un manager soit honnête, intègre, respectueux et qu’il vise l’excellence. Mais lorsqu’il en fait l’alpha et l’omega de sa relation aux autres, il devient autoritaire, dur, intolérant, parfois injuste. Pourquoi ? Parce que les valeurs sont l’âme du management, pas son outil. Le management consiste d’abord à s’intéresser aux autres ; manager aux valeurs, c’est partir de soi et de ses certitudes. Le management, c’est l’art du compromis ; manager aux valeurs, c’est apporter des réponses dogmatiques. Lincoln a prolongé une guerre pour en finir avec l’esclavage… Est-il un homme de valeur ? Oui. Qu’aurait-il fait si la valeur «on ne tue pas son prochain » lui avait dicté sa conduite de bon chrétien ?

 

Pour réintroduire les valeurs dans les entreprises d’aujourd’hui, il faut simplifier

Nous n’avons pas renoncé aux valeurs ; nous avons renoncé à les promouvoir directement.

Pour moraliser la vie en entreprise, il faut aussi la rendre plus simple, plus lisible, plus saine.

Les valeurs d’une entreprise doivent exister, mais ne pas être affichées telles qu’elles. Une fois les valeurs choisies (en réalité, elles sont moins choisies qu’héritées), elle doivent irriguer le projet managérial, l’imprégner partout, être le socle des décisions du Codir ; chez BUT, le nouveau directeur d’exploitation a décidé de remettre l’autonomie et la responsabilité au centre, il n’a pas dit « demain soyez plus responsables ». Il a changer le système d’animation, en diminuant les obligations pour que s’exprime la responsabilité. Pour moraliser la vie en entreprise, il faut aussi la rendre plus simple, plus lisible, plus saine.

Le mois dernier, nous prônions la simplicité et la transparence des salaires ; ça va dans le bon sens. Pendant qu’on y est, il faut diminuer les contrôles, faire à nouveau confiance. Dans les entreprises où la confiance est rétablie, il est inutile d’afficher « respect » dans les salles de réunion, ça devient naturel.

Les entreprises doivent créer les conditions d’une collaboration performante entre tous ; elles doivent proposer une quête collective, conquérante et positive ; elles doivent augmenter la transparence sur leurs fonctionnements et leurs données pour que les individus s’épanouissent et puissent se concentrer sur la performance sans écraser les voisins.

 

Ainsi, non seulement, les valeurs des individus (plus que les vôtres) pourront s’exprimer, mais la performance sera en hausse ; le tout, en un seul élan.

 

Liberté & Cie, la liberté en action !

Une fois n’est pas coutume, c’est un livre de management que nous vous conseillons ce mois-ci. Ou plutôt un pèlerinage à la découverte de la liberté en entreprise.

Loin des concepts impraticables, Brian Carney et Isaac Getz nous font découvrir des leaders qui ont mis au centre de leur vision la liberté des employés comme moteur de l’innovation et du développement.

Ainsi FAVI, fonderie de cuivre française, a réussi une croissance extraordinaire depuis 30 ans en changeant totalement de modèle : plus de managers intermédiaires, les ouvriers organisés en autodirections de 20 personnes, chacune responsabilisée sur un produit et un client. Plus de pointeuse, plus de contrôle des consommables, etc.  

Au-delà du point de vue militant qu’ils défendent, les histoires qu’ils décrivent sont à peine croyables. Favi, Gore-Tex, Chaparral, IDEO, dans tous les pays et dans tous les secteurs, ces entreprises ont choisi d’aller au bout de leurs convictions : responsabilité, confiance et prise de risque remplacent hiérarchie, contrôle et surveillance. Et ça marche, lisez plutôt !

Isaac Getz et Brian M. Carney, Liberté & Cie (Fayard, 2012)

Simplifier, le graal du management

S’il y a bien une chose dont rêvent tous les employés de France, d’Europe et d’ailleurs, dans le public ou le privé, c’est de « simplifier »… Force est de constater que la tendance n’est pas bonne. Pour piloter, suivre, accompagner, visualiser, informer, décider, comparer, alerter… les dirigeants ont mis en place une avalanche d’outils et de systèmes. Simplifions, ça déborde !


Comment en est-on arrivé là ?

Dans toutes les entreprises que nous suivons et qui emploient plus de 100 personnes, le « syndrome du 1000 feuilles » est remonté par les équipes de terrain.

Même si parfois on ne sait plus très bien à quoi sert tel document Excel rempli une fois par mois, ou pourquoi telle personne est invitée à la réunion du mardi, dans le doute on ne change rien.

Rajouter de nouveaux outils est une solution naturelle pour combattre un problème : on veut une remontée d’infos plus rapide, on crée des outils de reporting ; on veut que la volonté du dirigeant se déploie rapidement sur le terrain, on traduit la volonté en processus à appliquer et on crée des outils pour surveiller leur mise en oeuvre. Les règles donnent des procédures qui donnent des indicateurs qui donnent des tableaux de bord… on n’en sort pas.

Au contraire, supprimer est antinaturel : supprimer c’est prendre un risque, c’est peut-être provoquer une réaction en chaîne qui va endommager durablement notre visibilité ou notre performance. Même si parfois on ne sait plus très bien à quoi sert tel document Excel rempli une fois par mois, ou pourquoi telle personne est invitée à la réunion du mardi, dans le doute on ne change rien.

Les conséquences de cette complexité procédurière sont innombrables : perte de marge de manœuvre et donc de place pour l’initiative ; perte d’efficacité donc de réactivité ; perte de lisibilité et donc désengagement. La complexité est un virus, inoculé par nous et qui s’étend partout, inexorablement. Et comme tous les virus, il s’attrape plus facilement qu’il ne se chasse.

Paradoxalement, il faut donc d’abord donner envie aux acteurs de simplifier.  

Comment s’en sortir ? 

Faire plus simple est sans nul doute l’action de progrès la plus productive mais aussi la plus difficile à mettre en œuvre.

Difficile car si la complexité n’est pas satisfaisante, elle est confortable. Elle permet de déplacer l’obligation de résultats vers une obligation de moyens ; elle peut permettre de masquer des problèmes majeurs par des réussites mineures. Elle est un bon abri anti-responsabilité.

 

D’abord donner envie de simplifier vraiment

Paradoxalement, il faut donc d’abord donner envie aux acteurs de simplifier. Si chacun en exprime le besoin, beaucoup ne sont pas prêts à passer à l’acte.

« Si on supprime l’indicateur de taux de service, on envoie le message que le client n’est plus prioritaire » ; « La direction nous a dit que la formation était prioritaire, on ne peut pas supprimer notre projet de SI RH ».

Pour dépasser cela, il faut définir la mission qui nécessite de supprimer des choses et qui donne suffisamment envie de le faire. Sortez des objectifs traditionnels et osez un « Cette année, nous allons faire 10% de mieux que le budget pour financer les investissements qu’on nous a refusés ». Si vous obtenez l’adhésion de vos collaborateurs sur cette mission, vous avez fait la moitié du chemin.

 

Ensuite, adopter une méthode… simple !

Une fois l’adhésion de l’équipe obtenue, il faut mettre en place un système le plus basique possible pour simplifier le fonctionnement. Par exemple :

  1. Etablir quelle est la ressource rare et la cible de gain : bien souvent, c’est le temps. Il faut alors définir un enjeu de gain de temps (ex : 10h par semaine et par personne).
  2. Lister ce qui peut être supprimé ou réduit, et quantifier le temps gagné, même grossièrement.
  3. Lister si nécessaire ce qui doit être rajouté ou renforcé pour compenser les éléments supprimés, et quantifier le temps dépensé.
  4. Réitérer les points 2 et 3 jusqu’à l’obtention de la cible fixée en 1.

Quelle que soit la méthode retenue, l’exercice n’est pas un « one shot », il doit être répété régulièrement pour contrer la tendance naturelle à rajouter des choses.

Si vous réussissez à simplifier progressivement et durablement le fonctionnement pour vous et votre équipe, alors n’hésitez pas à nous faire part de votre expérience !

Stop à l’opacité des salaires

Le salaire est en France l’objet de tous les conflits, de tous les scandales, de tous les fantasmes. Comme tous les fantasmes, ils sont attisés par ce qui est invisible… Voyons comment la transparence totale des salaires fera progresser les managers, le dialogue social, les performances de l’entreprise.


Montrer les salaires c’est un peu de morale

Disons le d’emblée, ce n’est pas par moralisme que nous prônons la transparence. Les excès ne sont pas si nombreux et il faut arrêter de diaboliser les dirigeants. Tous ne sont pas payés des millions avec des clauses qui leur assurent des primes gigantesques, même en cas d’échec ou de résultats décevants. D’ailleurs si les raisons sont purement morales (comme c’est le cas pour nos parlementaires) la transparence n’apporte finalement pas plus de justice, juste un peu plus de bonne conscience, et une jolie dose de voyeurisme.

Il faudra en effet expliquer une rémunération, défendre une augmentation ou une non augmentation, faire de la pédagogie… Copinage intenable, évaluation « à la tête du client » difficile.

En entreprise, la transparence des salaires peut néanmoins limiter certains excès et, plus fréquemment, éviter des inégalités trop évidentes entre des personnes occupant les mêmes postes. De fait, la transparence oblige à une certaine équité.

  

C’est surtout très vertueux managérialement

C’est là en effet le principal bénéfice de la transparence des salaires. Lorsque vous avez une grille des salaires publique, avec des rémunérations variables annoncées à l’avance sur des critères publics également, la rémunération devient à la fois un vrai levier managérial tout en étant beaucoup moins vecteur de jalousie.

Il faudra en effet expliquer une rémunération, défendre une augmentation ou une non augmentation, faire de la pédagogie… Copinage intenable, évaluation « à la tête du client » difficile.

Mais surtout, la transparence va rigidifier le système, obligeant le manager à développer ses actions hors du sujet salarial (puisqu’il n’est pas totalement libre). C’est ce point qui est particulièrement vertueux, parce que les managers ont trop souvent la certitude que la rémunération est le principal (parfois le seul) levier de motivation. Or c’est un des plus faibles. Car la rémunération est toujours vécue comme normale et parfaitement justifiée par celui qui la touche ; elle ne mobilise donc pas, puisqu’elle est vécue comme une rétribution des efforts passés et pas des effort à venir. De même, lorsqu’elle est variable, elle récompense plus souvent la performance (et encore, seulement ses aspects les plus évidents) que la motivation et la contribution à l’effort collectif. C’est ainsi que, dans la distribution, des vendeurs deviennent souvent des chasseurs de primes, qui vendent ce qui est rentable pour eux, mais rechignent à toutes les autres tâches.

Rendre la rémunération totalement transparente c’est inciter le manager à trouver de nouveaux leviers. C’est évidemment exigeant, mais toujours source de dialogue, de finesse et d’adaptation.

Rendre les rémunérations transparentes, c’est aussi remettre du rationnel dans le dialogue ; sortir des dogmes. 

Et c’est aussi utile dans le dialogue social 

Le salaire est un des sujets (sinon le sujet) les plus générateurs de conflits sociaux. Ces conflits sont souvent fondés sur un regard très subjectif et irrationnel de la rémunération. L’émotion peut monter sur ce thème symbolique, alors même que les montants en jeu sont parfois faibles.

Rendre les rémunérations transparentes, c’est aussi remettre du rationnel dans le dialogue ; sortir des dogmes.

C’est un lieu commun que de dire que la France nourrit un complexe à parler des rémunérations. Nous pensons qu’il faut s’attaquer à ce principe parce qu’il est un frein aux progrès des entreprises, à la qualité du dialogue et du management.

Et oui, ça fait peur, ça choque parfois, mais que l’on nous dise ce qu’il y a à perdre…

Chronique des 12 salopards, sous l’angle du management

Revoyons nos classiques ce mois-ci avec le chef d’œuvre de Robert Aldrich, sorti en 1967. Lee Marvin, commandant brutal mais juste, doit mettre au pas et entrainer 12 criminels endurcis pour attaquer un lieu de villégiature des officiers nazis. La mission est périlleuse, voire suicidaire, mais à la clé, la liberté !


Ce film montre comment l’on peut fédérer des individus à priori perdus. Il faut 3 ingrédients :

  • Un bénéfice individuel.
  • Un enjeu de conquête qui nécessite la coopération.
  • Une confiance dans les Hommes, a priori.

Ces 3 ingrédients qui paraissent évidents, sont souvent oubliés dans l’entreprise :

  • Parce qu’on fait comme si les objectifs de l’entreprise était aussi ceux des collaborateurs.
  • Parce qu’on ne propose pas de réels enjeux de conquête mais seulement des business plan toujours plus ambitieux.
  • Parce qu’on a tendance à ne pas imaginer que les collaborateurs puissent donner beaucoup mieux que ce à quoi ils nous ont habitué.

Bref, revoyons les 12 salopards, pour sa vivacité et son humour, et un peu pour ses leçons de management ! 

ALBUS CONSEIL