Auteur/autrice : charlie

Pourquoi la démocratie ne marche-t-elle pas en entreprise ?

Il est curieux de voir que l’entreprise semble échapper à la démocratie. Le modèle d’organisation des entreprises est quasiment toujours hiérarchique et les expériences de co-gestion réelle, si elles sont généralement efficaces, n’en sont pas moins des exceptions et ne peuvent constituer un modèle tant elles sont marginales ; d’ailleurs, c’est probablement en partie parce qu’elles sont rares et plutôt spontanées (ex : les ex-Lejaby) qu’elles fonctionnent : le sentiment d’exception est un moteur formidable.

Pourtant l’aspiration existe, et est exprimée tant sur le terrain que par les syndicats et les politiques. 

La démocratie ne serait-elle pas désirée pas les managers ?

On se heurte très vite au refus des responsabilités : « Ce n’est pas mon boulot » ; « Ils sont payés pour décider, ce n’est pas à moi de faire ».

Concrètement, les managers soucieux de démocratie commencent par la tester en ouvrant à la « co-construction » certains sujets ; et déjà, la difficulté est grande. On sait donner la parole mais il est très difficile de trier et de mettre en œuvre des idées qui ne soient pas accessoires. Et surtout, on se heurte très vite au le refus des responsabilités : « Ce n’est pas mon boulot » ; « Ils sont payés pour décider, ce n’est pas à moi de faire ».

Comme si la soumission en entreprise était consentie, parce que nécessaire. On fait d’ailleurs souvent référence au « capitaine dans la tempête » pour justifier le recours à l’autorité.

 

Pourtant elle est maintenant nécessaire

Mais cette supériorité du pouvoir d’un seul n’est plus vraie. Elle était probablement justifiable dans des périodes de fortes croissances et dans un marché où l’offre dominait la demande :

  • Parce que la forte croissance nécessite des décisions rapides pour saisir les opportunités avant les concurrents et arriver les premiers sur un marché.
  • Parce qu’avant la généralisation d’internet, l’entreprise était à la fois l’expert et la solution. Aussi, on avait « juste » à créer le besoin. Le processus de production du bien ou du service était clé et les décisions devaient être centralisées pour maintenir l’efficacité de ce processus.
  • Parce qu’avant les années de crise, les dirigeants bénéficiaient généralement d’une confiance de principe, et leurs décisions étaient rarement contestées.

 

Mais ces équilibres ne tiennent plus :

  • La réactivité reste importante mais elle est surpassée par l’innovation, la relation avec les clients.
  • Le client est maintenant un expert grâce à internet et ses demandes sont de plus en plus pointues et personnalisées.
  • L’autorité naturelle due au poste ne suffit plus, notamment à cause des années de crises et des fautes de certains patrons emblématiques qui ont beaucoup décrédibilisé l’autorité.

La solution, ce serait naturellement de donner plus de pouvoir au bas de la pyramide : bref, la démocratie…

Ces modifications sont profondes et vont dans le même sens : le pilotage des entreprises est de plus en plus complexe. Le monde d’aujourd’hui impose des micro-modifications en temps réel, et des prises de décisions innombrables pour s’adapter en permanence aux clients et se réinventer.

Or une ligne hiérarchique classique (c’est pire si c’est matriciel) ne peut pas absorber ce besoin : les systèmes de validation des décisions par le supérieur sont une perte d’efficacité intolérable pour répondre au marché… Soi-disant nécessaires, les boucles de validation ne sont que du retard pour répondre aux clients. La solution, c’est naturellement de donner plus de pouvoir au bas de la pyramide : bref, la démocratie. 

La démocratie en entreprise ce n’est pas la république 

Comment réussir à mettre enfin en place la démocratie en entreprise ?

Ceux qui ont essayé se heurtent à des freins qui les font renoncer bien vite ; en particulier le vote, la séparation des pouvoirs sont des concepts qui ont tendance à ralentir la décision, ce qui est mortel dans notre économie si concurrentielle.

Il faut donc admettre que ce ne sont pas les outils de la démocratie qu’il faut copier mais son esprit. Aussi, nous définissons la démocratie en entreprise comme : La liberté des collaborateurs de prendre part aux décisions qui concernent leur relation au client et la relation de leur entité au client. 

Par conséquent, la démocratie en entreprise est un système qui :

  • Développe la liberté au quotidien et favorise l’auto-contrôle.
  • Nécessite donc une fluidité et une transparence d’information quasi totales sur le marché, la stratégie, les produits.

La stratégie n’est pas une exception : c’est le domaine de liberté du dirigeant et de son équipe la plus proche.

Les entreprises doivent comprendre que la démocratie en entreprise, c’est la liberté !

La démocratie est un pari que nous faisons

Nous faisons le pari que supprimer 50 % des temps de contrôle pour les consacrer au client sera largement plus profitable que les quelques erreurs supplémentaires qui seront faites.

Nous faisons le pari que la liberté et la confiance développeront les compétences, la responsabilité et la performance.

Nous faisons le pari que le temps des règles centrales est révolu et que le monde d’aujourd’hui impose souplesse, réactivité et originalité.

Nous faisons le pari que les entreprises qui auront compris que la démocratie en entreprise c’est la liberté, auront un avantage décisif sur leurs concurrents parce qu’elles auront des milliers de cerveaux qui chercheront à satisfaire les clients et pas quelques poignées de décideurs et créatifs.

 

Ne cherchez pas à faire voter, à créer des parlements, ou à séparer les pouvoirs. La démocratie c’est la liberté, ce n’est pas un outil.

Serge Papin, un exemple managérial qui peut profiter à tous

Une fois n’est pas coutume, nous ne vous conseillons pas de vous intéresser à un livre, une série ou un film mais à un manager : Serge Papin, ex-président de système U.

Serge Papin n’est sans doute pas parfait mais nous semble être un des managers les plus à la pointe du moment. Il a su faire des poncifs managériaux, 1000 fois entendus et si rarement observés, des réalités sur le terrain :

  • La responsabilisation du terrain est une réalité avec un vrai pouvoir de décision des acteurs opérationnels, quitte à avoir des différences entre les magasins.
  • Le client qui est central, non pas parce qu’on l’écoute mais parce que l’on s’occupe de ses besoins souvent mal exprimés, en créant une R&D de la relation client.
  • Le consommer mieux en étant le premier distributeur à prôner une moindre consommation et à ne pas chasser le meilleur prix, à tous prix (« le commerce qui profite à tous »)
  • La fierté d’appartenance en valorisant sans cesse sa marque et ses équipes. S’il n’est pas content, personne ne le sait en dehors de l’entreprise.

Papin fait les médias et est actif sur twitter @sergepap , suivez le !

L’optimisme : caricature ou art de vivre ?

Dans l’épaisseur d’une morosité ambiante portée comme un fardeau par l’Europe vieillissante, certains acteurs du monde politique et économique jouent la carte de l’optimisme.

Projetant un avenir radieux, interprétant le moindre signe comme la preuve flagrante d’une reprise en marche, ils provoquent des sourires railleurs et des répliques sarcastiques. Entre enthousiasme et méthode Coué, que faut-il donc penser de l’optimisme comme mode de management ?

 

L’optimisme, une posture suspecte

La majorité des économistes font la course à qui prédira l’avenir le plus noir pour l’Europe et le monde.

De tous temps, l’optimisme a généré de la méfiance, voire du mépris. Incarné par Pangloss dans le « Candide » de VOLTAIRE, les optimistes sont vus comme des naïfs ou bien des lâches, refusant de se confronter aux problèmes et aveuglés par une vision bornée du monde qui les entoure. 

A contrario, les pessimistes ont bonne presse car ils offrent un exutoire à nos paniques, à nos phobies qui dans nos sociétés actuelles sont toujours plus nombreuses.

Les ouvrages disséquant la crise, ses drames et ses futures répercussions font recette, la majorité des économistes font la course à qui prédira l’avenir le plus noir pour l’Europe et le monde.

En entreprise, c’est la même chose. L’optimisme est suspect car il est interprété souvent comme une faiblesse. Ainsi un manager plein d’optimisme génère souvent les réactions suivantes : 

  • « Il ne prend pas la mesure de la situation… » : l’optimisme est vu dans ce cas comme un défaut d’analyse, une faiblesse intellectuelle.
  • « Il nous ment ! » : l’optimisme est jugé manipulatoire, un artifice de communication pour abrutir les équipes et cacher la vérité.
  • « Il se ment à lui-même… » : l’optimisme dans ce cas serait un déni de réalité, un manque de courage face à une situation qui nécessiterait d’agir avec fermeté.

Et si nous sous-estimions les vertus des optimistes et de l’optimisme ? 

 

Un outil indéniable de mobilisation

Dans son livre « L’éloge de l’optimisme » paru en 2010 chez Saint-Simon, Philippe GABILLIET met en exergue cette valeur et sa capacité à faire bouger le monde.

Dans cet ouvrage, nous comprenons qu’il est souvent très facile d’être purement réaliste. Voir la situation telle qu’elle est et imaginer les solutions les plus logiques pour y répondre, voilà qui semble inattaquable. Par exemple : ma société vit une situation économique compliquée, il est donc logique de mener une politique de réduction drastique des dépenses et d’engager dans mon équipe un manager qui saura mener cet effort avec rigueur et fermeté .

  • L’optimisme, c’est d’abord la capacité à croire en ses chances, à rendre possible que les choses se passent comme on le souhaite. L’optimisme est donc d’abord forgé d’Ambition.
  • Il comprend aussi la capacité à donner du souffle à son projet, à mettre en route une dynamique positive qui valorise les idées les plus simples qui vont dans la direction de l’amélioration, à autoriser l’erreur sans s’y attarder. L’optimisme, c’est aussi l’enthousiasme.
  • Il nécessite enfin de croire dans les capacités de l’autre à réussir, à surmonter les difficultés. En cela, il propose un autre regard sur les faiblesses et les problèmes, qui deviennent des occasions de progresser. L’optimisme, c’est donc également de la confiance. 

Il ne suffit donc pas de vouloir être optimiste, il faut savoir l’être !

Abordons donc l’optimisme non plus comme une posture facile, naïve, mais voyons le côté exigeant et courageux de la démarche, et surtout sa capacité à créer de la mobilisation. L’optimisme bien employé peut et doit être contagieux.

  

Etre optimiste, ça s’apprend

L’optimisme n’est pas seulement un état d’esprit, c’est aussi une manière d’analyser une situation, de communiquer, de décider, de construire. Il ne suffit donc pas de vouloir être optimiste, il faut savoir l’être !

Pour cela, quelques axes de travail :

1. Assumer son envie personnelle. Nous avons tous en nous trois manières de voir les difficultés : avec l’analyse neutre des faits, avec la peur de ce qu’elles pourraient entraîner, avec la confiance en notre capacité à les vaincre. Etre un manager vous oblige à exprimer l’une de ces trois visions à votre équipe. Etre un manager optimiste, c’est choisir d’exprimer sa confiance.

Ex : Steve Jobs dont nous parlons dans l’autre article a toujours communiqué sa confiance dans sa capacité à « changer le monde », malgré les peurs et les doutes qu’il a forcément ressentis vus les nombreux obstacles qu’il a rencontrés.

2. Jouer en extension. Comme dans le jeu de Go ou dans la sociodynamique, l’optimisme est basé sur une stratégie de conquête plutôt que de défense. La logique consiste à privilégier l’animation des initiatives au combat des oppositions et à jouer sur la dynamique de contagion.

Ex : Dominique Schelcher, président de Système U, défend en période de crise une attitude de consommation plus responsable, qui pourrait paraitre néfaste à ses propres magasins, mais qui devient un motif de ralliement de nouveaux clients.

3. Assumer de tout regarder avec optimisme, même les difficultés. Le piège dans l’optimisme serait de ne regarder que les côtés positifs et de nier les obstacles, tombant ainsi dans la méthode Coué et justifiant les critiques formulées plus haut dans cet article. L’optimiste doit être lucide et offensif, ne pas nier les obstacles et les difficultés mais au contraire les cerner et faire de leur combat le moteur de l’action, le motif de fierté à venir.

En nous éloignant des poncifs traduisant l’optimisme comme la posture confortable du « tout va pour le mieux, dans le meilleur des mondes possibles », ayons donc parfois – nous aussi – le courage d’être optimiste.

Ne copiez pas Steve Jobs

Que l’on aime Steve Jobs ou pas, que l’on aime Apple et Pixar ou pas, force est de constater que les 2 entreprises qu’il a dirigées sont parmi les plus grands succès industriels de ces 50 dernières années, au point qu’on le compare volontiers à Ford. Il a d’ailleurs fait l’objet d’un film, ce qui n’est pas si fréquent pour un patron d’entreprise.


Des résultats qui font rêver

Avec un tel succès, beaucoup de dirigeants dans le monde se demandent quel est son secret pour avoir eux aussi une réussite de cet ordre.

Un de nos clients, patron et propriétaire d’une grande entreprise le cite régulièrement et en fait un modèle. Alexandre de Juniac aussi, PDG d’Air France le convoque explicitement pour justifier sa méthode de management. La biographie de Jobs, écrite par Walter Isaacson, est le livre de chevet de nombreux managers grisés par le succès d’Apple, qui rêvent de devenir un peu meilleurs en lisant ces pages.

  

Oui mais voilà… Steve Jobs était fou !

Indubitablement, Steve Jobs n’est pas un bon manager, comme en rêvent les employés. Il était colérique, manipulateur, insultant parfois, volontiers cruel comme son biographe (pourtant officiel) le montre.

Il faut pourtant bien expliquer le succès de ses entreprises, malgré sa folie.

Il était aussi totalement hermétique à ses actionnaires, ses financiers et ses partenaires, au point d’ailleurs de se faire sortir d’Apple en 1985, avant d’y revenir en 1997.

Steve Jobs avait d’énormes défauts, insupportables aux dires de ses proches eux-mêmes, qu’il compensait par quelques qualités hors du commun. Steve Jobs était un génie ; pas un modèle. Comme d’autres génies tels Churchill, Dali ou Eugène Schueller (fondateur de L’Oréal), Steve Jobs n’est pas duplicable. 

Il faut pourtant bien expliquer le succès de ses entreprises, malgré sa folie.

Il a ainsi construit un dispositif complet, de la philosophie à la mise en œuvre en passant par le management comme l’ont fait Ford et Toyota avant lui.

De sa maniaquerie est née la cohérence

Jobs ne faisant confiance à personne, il a très tôt voulu tout contrôler (cela se retrouve dans la philosophie de ses produits : fermés) et a bâti, seul, un système cohérent de A à Z. Il a ainsi construit un dispositif complet, de la philosophie à la mise en œuvre en passant par le management comme l’ont fait Ford et Toyota avant lui.

Dans l’histoire, les entreprises qui ont eu le plus de succès ont adopté des principes simples, souvent en rupture, et les ont poussés le plus loin possible, le plus longtemps possible. C’est le cas d’Apple dont le système entier repose sur la simplicité, la confrontation des idées, et la préoccupation du client ; mais c’est aussi celui de son alter ego, Microsoft, qui a n’a jamais bougé ses stratégies d’un iota jusqu’au départ de Bill Gates ; c’est le cas de Zara, qui a fait de son patron l’homme le plus riche du monde en construisant un système global pour changer le rapport à la mode ; c’est le cas d’Hermès qui contrôle plus que tout autre sa production et ses canaux de vente, de Porsche ou de Lego qui développent de véritables mythes en s’appuyant sur un système complet de production et de commercialisation très cohérent.

Il est d’ailleurs intéressant de voir que lorsque ces systèmes sont partiellement copiés, les résultats sont très inférieurs au modèle : c’est le cas de Renault qui copiait le système de production de Ford mais sans développer son pendant social (et donc sa future clientèle).

Jobs a toujours œuvré pour son graal, quitte à se séparer violemment de tous ceux qui ne partageaient pas sa vision ou ne lui paraissaient pas à la hauteur.

De sa vanité est née l’ambition

Jobs n’a jamais eu la moindre gêne à affirmer qu’il ne travaillait que pour CHANGER LE MONDE, pas moins. Les produits Apple sont faits pour les gens différents, qui pensent différemment : « Think different ». Il n’a pas toujours réussi, mais n’a jamais fait de compromis avec cette ambition.

On retrouve un graal fort, permanent et absolu dans toutes les entreprises gagnantes sur le long terme : DHL qui veut rapprocher les Hommes, Michelin avec son management et sa philosophie si particulière faite d’humilité extrême et de culture technique. Les principes de la famille Mulliez, ont permis de créer un leader mondial de la distribution et au moins 3 enseignes majeures en Europe (Auchan, Décathlon, Leroy Merlin).

Jobs a toujours œuvré pour son graal, quitte à se séparer violemment de tous ceux qui ne partageaient pas sa vision ou ne lui paraissaient pas à la hauteur.

Au contraire, les groupes préoccupés d’abord par leur rentabilité mais sans raison d’être ont souvent échoué : Vivendi, GM depuis les 80’s, etc.

  

De son aveuglement maladif est né l’indépendance 

Puisqu’il voulait changer le monde, en changeant les habitudes des gens, il ne voulait entendre qu’une seule chose : l’expérience client avec le produit. Il n’a jamais accepté que quiconque négocie avec cette obsession du client. Il insultait ouvertement les gens qui le contredisaient sur ce point.

Steve Jobs ne faisait pas d’étude clients, n’écoutait pas ses contrôleurs de gestion qui s’inquiétaient du coût des produits, refusait de copier ceux qui avaient du succès. Cette particularité (aux frontières de l’aveuglement) a préservé l’intégrité de son projet, et de sa promesse client. Et il a résisté grâce à cet entêtement.

Il est frappant de voir que les entreprises qui ont de grands succès sur la durée ne sacrifient pas tout à la rentabilité immédiate mais à leur stratégie : Toyota est devenu le n°1 mondial en travaillant les produits, la qualité, plutôt qu’en recherchant la rentabilité à tout prix. Décathlon écrase le marché du sport en cherchant la technicité et le meilleur prix (mais pas le plus bas), et rapatrie sa production de vélos en France pour mieux la contrôler.

Mais aujourd’hui, combien sont les patrons qui sont prêts à sacrifier leur rentabilité immédiate ou à refuser les modes pour garantir l’intégrité de leur projet ? Toutes les entreprises veulent « remettre le client au centre » … Mais sont-elles vraiment prêtes à en assumer les conséquences ? C’est pourtant la clef des succès d’Apple et Pixar.

Il n’y a donc pas à copier Jobs lui-même, génie excessif et inimitable, qui a réussi à mettre ses pathologies au service d’un extraordinaire projet d’entreprise. C’est le projet qu’il faut copier, pas l’instigateur : il est indispensable d’avoir de l’ambition, de la cohérence et de l’indépendance pour réussir… l’idéal serait d’y arriver sans être vaniteux, égocentrique et maniaque dans son management.

Dr. House, sous les oripeaux du cynisme, de vraies leçons de management

Docteur House est une série américaine à grand succès, racontant les aventures d’un diagnosticien misanthrope et brillant, résolvant les cas les plus mystérieux de la médecine avec l’aide de son équipe. Si la personnalité de House est pour le moins controversée (colérique, drogué, parfois inhumain), il développe également des principes managériaux  transposables dans nos entreprises.

  • Cultiver l’antagonisme : si toute l’équipe a un but commun (la guérison du patient), House attend de chaque membre de son équipe des convictions personnelles sur le diagnostic. Qu’elles soient bonnes ou mauvaises, ce sont elles qui permettent de trouver la clef à la fin de chaque épisode. A tel point que House n’hésitera pas à licencier un membre très compétent de son équipe au motif qu’il est trop souvent d’accord avec lui.
  • Savoir transgresser les outils et les systèmes : pour arriver à guérir son patient, House n’hésite pas à transgresser les règles de l’hôpital et demande la même chose à son équipe. En entrant par infraction dans la maison du patient lui-même, en ne demandant pas l’accord pourtant nécessaire de la directrice de l’hôpital, etc. Si cela va jusqu’à l’outrance, c’est néanmoins un symbole fort de la nécessité de prendre des risques pour réussir des défis majeurs.
  • Etre à l’écoute : ceux qui connaissent la série savent que House n’est pas toujours un modèle d’écoute, néanmoins c’est toujours de son attention portée à une remarque ou à une situation, souvent déconnectée du cas du patient, que House réussit à trouver la bonne idée. Presque jamais il ne trouve seul la solution. Il a besoin de son équipe pour réussir tout autant que son équipe à besoin de lui pour avancer.

Voilà quelques points parmi d’autres qui nous font dire que Docteur House est, pour l’œil averti qui sait faire la part des choses, une bonne illustration de leadership et de management d’équipe.

Improviser n’est pas un vilain défaut

Souvent synonyme de sous-préparation ou de dilettantisme, nous voulons rendre ses lettres de noblesses à l’improvisation, qui est pour nous une solution idéale pour rendre vos réunions plus vivantes et vos équipes plus créatives.

Improvisation = danger ? 

Dans nos entreprises aujourd’hui, il faut sécuriser, il faut des « back-up », un document dense, des annexes « au cas où », et SURTOUT ne laisser aucune place à l’improvisation.

Les réunions sont donc très compactes, avec des managers qui viennent avec 20 slides pour 15 minutes dans l’ordre du jour ou qui présentent 3 tableaux de chiffres pour justifier à l’avance une proposition de décision toute simple…

Et dire « qu’un peu de liberté dans tout ça débloquerait la créativité » est accepté en off à la machine à café, mais est vu comme la preuve du plus grand des laxismes pour celui qui passerait aux actes.

 

Improvisation = productivité 

Si les gens se plaignent de la « réunionite » et déplorent en même temps le manque de partage entre collègues ou entre services, c’est un paradoxe qui montre l’inefficacité abyssale des réunions 100% cadrées.

Nous pensons que l’absence d’improvisation, ou de prise de risque (ce qui est au fond la même chose) est la cause de toutes ces réunions rébarbatives où l’on consulte ses mails, on acquiesce poliment, on dort parfois.

Nous pensons qu’improviser est non seulement un remède contre l’ennui (qui est le marqueur infaillible du manque de productivité), mais surtout une source inépuisable de créativité qui ne demande qu’une qualité : Oser.

 

Improviser, c’est construire avec l’autre.

Pour nous en convaincre, nous avons rencontré des comédiens professionnels de l’improvisation, également consultants expérimentés issus de grandes écoles, faisant partie de Next Level Formation.

Nous leur avons demandé ce que c’est qu’improviser :

  • « C’est être très préparés avant, pour ne s’intéresser qu’au présent une fois sur scène » selon Laurent.
  • « C’est apprendre à écouter les autres, pour ne pas agir par rapport à soi-même mais par rapport à ce qui est en train de se passer » dira Romain.
  • « C’est agir en pleine liberté, c’est à dire en se souciant uniquement de la justesse de ce que l’on dit ou fait et pas du regard des autres ou de son propre jugement » complète Ludovic.

Mais alors improviser demande donc du travail ? Les troupes professionnelles travaillent des heures chaque semaine pour pouvoir inventer leurs textes en public pendant 1h30.

Les troupes d’impro ne sont pas des comédiens fainéants mais d’infatigables créateurs d’écoute et de constructions collectives.

Le résultat est une irrésistible impression de connivence absolue.

 

Et en entreprise ?

Bien entendu, il ne s’agit pas de livrer un spectacle comique en entreprise. Il s’agit d’apprendre à préparer autrement. Préparer le sujet bien sûr, mais surtout de se préparer, soi, à collaborer avec les autres pour enrichir la réflexion initiale. Se préparer à accepter la contradiction, l’amélioration pendant la réunion. Se préparer pour s’autoriser d’aller beaucoup plus loin. Concéder de mettre de côté, parfois, son beau PowerPoint pour entreprendre, avec ceux qui sont là.

C’est aussi apprendre à débattre non pas pour gagner ou imposer ses idées mais pour trouver la meilleure solution possible à un problème donné. Improviser c’est apprendre à ne pas faire de son ego l’enjeu d’un débat.

 

Comment improvise-t-on avec les autres ?

L’imagination n’est pas la clé… Tout le monde en a ; il faut la stimuler. 

Sans entrer dans la technique, nous avons retenu 3 principes : 

  • ACCEPTER … pour ne rien perdre. La tendance naturelle est de défendre ses idées en niant les critiques des autres, c’est inconscient et presque systématique. Il faut s’entrainer à accepter ce que dit l’autre ; pas nécessairement être d’accord, mais tenir compte de tout ce qui est dit.
  • AJOUTER … pour avancer. Par peur toujours, nous avons tendance à chercher les risques des idées proposées par les autres ; ils existent certes, mais la meilleure façon d’avancer est souvent de chercher à valoriser les idées des autres, et d’ajouter (plutôt que de corriger) pour limiter les risques.
  • S’INVESTIR DANS LE PRESENT … pour ne pas gaspiller le temps. Bien souvent, en pleine discussion, notre cerveau n’est pas entièrement au débat présent mais à ce qui va se passer après ; en faisant ainsi, il nous détourne du présent, diminue notre écoute et notre efficacité et nous fait perdre une part du bénéfice qu’il y a à être plusieurs.

 

Bien sûr cela demande d’y travailler. De nombreuses troupes proposent des ateliers joyeux et enrichissants, et des professionnels ont des solutions très efficaces pour réussir l’improvisation en entreprise, effet garanti !

Le Team building ou le miroir aux alouettes

Voici encore un incontournable. Dès qu’un séminaire d’équipe est organisé à l’extérieur, dès qu’un changement arrive, l’option team building est engagée. Elle prend toutes les formes possibles et originales, du simple tour de vélo à la course d’orientation en plein désert, en passant par le cours de cuisine et la fanfare improvisée.

Evidemment, critiquer une activité consensuelle et conviviale comme celle du team building peut être perçu comme du cynisme voire de l’aigreur. Nous ne voulons faire preuve ni de l’un ni de l’autre, notre volonté n’étant pas de dévaluer les bonnes idées de construction d’équipe mais plutôt d’interroger leurs vertus réelles et de mettre en garde nos lecteurs contre les illusions de résultats que l’on peut en attendre.

  

Une respiration louable 

Un team building c’est avant tout une respiration, un moment dans l’année où l’on interagit autrement, par le biais d’un jeu ou d’un décor nouveau.

Pas la peine de franchir les Alpes à dos d’éléphants, un déjeuner convivial ou un sport collectif permet de faire simplement et régulièrement ce travail de « souffle ».

Dans nos sociétés où tout va à 100 à l’heure, où l’on ne prend plus le temps de discuter, de dire bonjour, de s’intéresser à l’autre et à ses occupations en dehors de la vie professionnelle, une telle respiration est non seulement estimable mais essentielle. Elle nous rappelle que nous ne sommes pas que des collaborateurs mais des hommes et des femmes.

Elle construit des souvenirs d’équipe, elle est l’occasion de montrer une énergie nouvelle, moins facilement exprimable dans le quotidien d’un travail qui ne le permet pas toujours.

Pas la peine de franchir les Alpes à dos d’éléphants, un déjeuner convivial ou un sport collectif permet de faire simplement et régulièrement ce travail de « souffle ».

  

Une activité à laquelle on prête souvent trop de pouvoirs guérisseurs

Et bien évidemment, comme tout domaine à la mode, le team building est devenu un véritable business. En 20 ans, nous sommes passés d’un concept convivial à une industrie de l’incentive (= motivation).

Et comme dans tout business, il faut se démarquer de la concurrence, d’abord par la diversité des activités proposées, pour notre plus grand plaisir.

On tombe parfois dans le miroir aux alouettes, la foire aux promesses voire le charlatanisme façon potion à base de corne de rhinocéros. 

Puis, une fois que toutes les entreprises de team-building se sont mises à proposer des fanfares d’équipes et des lipdubs, c’est en jouant sur les promesses de bénéfices qu’elles ont essayé de faire la différence… parfois jusqu’à la limite du ridicule.

Non, une demi-journée d’activité, même extraordinaire, ne permettra pas de «booster votre leadership», «d’améliorer vos processus et procédures» ou de «libérer votre productivité organisationnelle» (?!).

On tombe là dans le miroir aux alouettes, la foire aux promesses voire le charlatanisme façon potion à base de corne de rhinocéros. 

 

Des bénéfices réels, mais pas une solution complète

 

Sachez donc utiliser ces activités pour leurs justes bénéfices, sans croire aux solutions miracles mais sans nier ses vertus. Nous en voyons trois principales :

Ce n’est pas une alternative à la résolution de problèmes. Il est au mieux une étape, pourquoi pas un tremplin, surement pas un remède.

  • Intégrer : très bon « ice-breaker », une activité de team building permet d’intégrer plus facilement un individu à un groupe, c’est une bonne manière de faire connaissance, de façon plus informelle et dynamique qu’un traditionnel et scolaire tour de table.
  • Valoriser : pour souligner un résultat obtenu ou marquer la fin de l’étape réussie d’un projet, l’activité team building est aussi une manière conviviale (et possiblement économique) de féliciter un collectif et de montrer qu’on se soucie de son bien-être. 
  • Symboliser : quand un projet de changement est lancé, le team building peut aussi être une démonstration pour illustrer le besoin de transversalité, l’intérêt de travailler collectivement plutôt que tout seul, les vertus de l’initiative, etc.  A condition de bien débriefer, c’est une « grille de lecture » originale et souvent convaincante.

Mais ne croyez pas au team building comme une alternative crédible à la résolution de problèmes. Il est au mieux une étape, pourquoi pas un tremplin, surement pas un remède.

Il semble évident d’une demi-journée de jeu déconnectée du réel ne pourra pas installer sur le long terme des comportements différents. Rien ne remplace l’action managériale, le courage de faire face aux difficultés, la gestion du changement.

En bref le team building ne managera pas à votre place…

HARRY POTTER – un modèle parfait d’aventure

A tous les managers qui voudraient animer leurs projets comme des aventures pour que leurs équipes se mobilisent et trouvent de la fierté dans leurs actions, nous recommandons la saga Harry Potter comme récit idéal :

  • Identifiez bien ce qui mérite que l’on prenne des risques pour le préserver… Harry peut mourir certes, mais devrait retrouver son horrible famille d’adoption si le monde des sorciers disparaissait…Voilà pourquoi il se bat tant.
  • Proposez votre aventure à tous sans préjuger de qui seront les héros… Les amis d’Harry ne sont pas tous des « graines de champions », Londubat par exemple est un élève maladroit et gaffeur, et pourtant il devient indispensable à la fin de la saga… il est finalement un héros, comme Harry. Ce qui compte, c’est d’abord l’engagement et attention aux préjugés.
  • Ne faites pas faire le travail aux magiciens. Les professeurs de Poudlard, qui sont pourtant les meilleurs sorciers, n’infligent pas la moindre défaite à Voldemort mais aident les héros à réussir. Dans la saga, leur position est explicite : ils ont fait la guerre précédente (en temps que héros) et passent la main. Le plus important dans l’aventure est de combattre les dragons POUR LA PREMIERE FOIS. Ensuite, il faut aider les suivants à réussir.
  • Rythmez votre histoire de façon simple. L’année scolaire est un rythme évident, incontestable. Il ne demande pas d’effort au spectateur pour être intégré. Tout le monde le connaît.

Le storytelling, bien plus qu’une technique de communicant !

A l’instar de l’ouvrage de Christian Salmon paru en 2007, le storytelling a bien souvent mauvaise presse. Décrit comme une « machine à raconter des histoires et formater les esprits », il ne serait qu’une technique créée par les politiques et les capitalistes ; les uns voulant se faire élire et les autres voulant faire acheter (ce qui revient au même), ils auraient inventé dans les années 1990 un outil de manipulation des masses cherchant à endormir les résistances des gens en leur racontant des histoires.

Comme tout outil diabolique « de distraction massive », il aurait été inventé aux Etats-Unis, avec Reagan en inspirateur et les grandes entreprises comme avides clients.

Fait avec honnêteté et esprit de conquête, le storytelling est donc, bien plus qu’une astuce marketing, un puissant levier de mobilisation.

Sortons des caricatures !

Il est vrai qu’il n’y a pas de fumée sans feu, et que plusieurs exemples navrants, en politique comme dans le marketing, nous montrent les dérives du storytelling.

Citons par exemple la référence à « Joe le plombier » dans la campagne électorale américaine de 2008. Obama et McCain avaient alors fait référence plus de 25 fois à « Joe » et à son histoire pour marquer leur intérêt aux difficultés de l’américain moyen, de l’Amérique profonde. Prendre un cas très particulier pour en faire un argument général et récurrent est une récupération contestable, d’autant que nous avions finalement appris qu’il ne s’appelait pas Joe, qu’il n’était pas plombier et fraudait le fisc…

Il est vrai qu’il n’y a pas de fumée sans feu, et que plusieurs exemples navrants, en politique comme dans le marketing, nous montrent les dérives du storytelling.

Pour autant, il serait malhonnête de réduire le storytelling à ces extrémités et nous pouvons déjà battre en brèche 3 idées reçues sur le storytelling :

  • Il n’est pas né en 1990, il a toujours existé. La définition du storytelling étant l’utilisation des récits pour convaincre et faire passer une idée, son emploi est immémorial. On en trouve des traces partout : chez les grands orateurs de l’antiquité, dans la bible avec les paraboles, dans les fables de la fontaine, dans les discours aux armées de Napoléon à Austerlitz ou en Egypte ou pour valoriser les marques de Luxe comme Hermès ou Vuitton depuis plus d’un siècle, etc.
  • Il n’est donc pas américain, mais universel même s’il est vrai que Steve Denning, un des anciens dirigeants de la banque mondiale, est reconnu comme son théoricien principal.
  • Il n’est pas qu’un outil de communication manipulatoire car il répond à l’aspiration profonde des individus en quête de sens. Nous voyons sans cesse des projets qui échouent ou peinent à avancer par manque d’histoire. Prenons par exemple le cas de l’Europe qui piétine et ne remporte pas l’adhésion des peuples parce qu’elle n’a pas trouvé d’objet de valeur collectif qui fédèrerait les nations, elle ne propose pas d’histoire commune.

Fait avec honnêteté et esprit de conquête, le storytelling est donc, bien plus qu’une astuce marketing, un puissant levier de mobilisation.

 

Proposer à vos collaborateurs de rallier une aventure

Dans notre métier, nous utilisons régulièrement la structure des contes pour aider les managers à réussir leurs changements. Loin de l’utilisation marketing des récits, nous nous appuyons sur eux pour bâtir un projet qui respecte les canons d’un projet mobilisateur.

Nous tirons des récits 4 enseignements principaux :

  • Proposer un graal : pour donner aux équipes l’envie de se battre pour votre projet, vous devez leur révéler une raison qui dépasse les objectifs chiffrés. Doubler le chiffre d’affaires ou mener à bien un projet type ERP ne provoque pas l’envie de vos équipes. Vous devez trouver le graal qui permet de faire comprendre à chacun ce qu’il peut y gagner, ce qui le rendra fier d’avoir participé.
    • Un exemple très simple : les managers d’une usine automobile, qui avait traversé une « annus horribilis » avec une grève de plusieurs semaines, un mort accidentel et des indicateurs dans le rouge, se sont posés la question de définir un nouveau graal pour repartir de l’avant. Ils ont choisi une phrase simple : « retrouver le plaisir de réussir ensemble », mais qui chez eux, étant donné les épreuves récentes, était une aspiration profonde et qui a permis de booster les équipes.
  • Veiller à la répartition des rôles : les récits nous apprennent que tout le monde n’a pas le même rôle, que tous sont importants et doivent être définis et respectés. Dans le Roi Arthur par exemple : un roi qui fixe le graal, des héros qui combattent les difficultés, des magiciens qui fournissent les bons outils pour faire réussir les héros. De cela nous tirons des enseignements précieux sur les rôles attendus d’une direction générale, des opérationnels et des fonctions supports.
  • Imprimer le rythme : pour éviter d’endormir les participants à votre aventure, vous devez définir des épisodes courts, clairement délimités et qui représentent, chacun, un enjeu précis. A la manière des chapitres d’un récit, votre projet doit proposer la réalisation de défis successifs qui le rythmeront jusqu’à son aboutissement.
  • Parler des difficultés : le réflexe que nous avons face aux difficultés, c’est de les minimiser aux yeux de nos équipes. Pourtant, les afficher telles qu’elles sont et chercher à les vaincre avec vos collaborateurs est un moteur d’action formidable. C’est du combat des difficultés que nait le sentiment de succès et la fierté.

 

C’est ainsi que nous promouvons l’utilisation du storytelling. Plutôt que d’utiliser une histoire pour vendre un produit, nous pensons qu’il faut écrire l’histoire avec votre équipe, pour vivre ensemble une aventure enthousiasmante. De toute façon, les équipes n’acceptent pas, ou plus, qu’on leur raconte n’importe quoi !

Les indicateurs, la nouvelle drogue des managers

C’est effrayant le nombre d’indicateurs que l’on peut trouver dans une entreprise ! Ils ont pris des formes à la mode comme les KPI projets, la Balanced Scorecard, l’Obeya dans les systèmes lean, etc. Ils sont affichés, envoyés par mail, transmis par SMS, commentés en comité de direction…

 

Les indicateurs sont partout

C’est effrayant le nombre d’indicateurs que l’on peut trouver dans une entreprise ! Ils ont pris des formes à la mode comme les KPI projets, la Balanced Scorecard, l’Obeya dans les systèmes lean, etc. Ils sont affichés, envoyés par mail, transmis par SMS, commentés en comité de direction. Ils sont affichés pour les actionnaires, pour les certifications ISO, pour les visiteurs, pour les collaborateurs. Ils sont créés par des consultants, par les fonctions support, par les managers eux-mêmes.

L’indicateur et ses objectifs, sont les stars des entreprises. Ils sont tous SMART (Simple Mesurable Ambitieux Réaliste Temporel), ou devraient l’être, sont connus de tous ou ambitionnent de l’être, sont aimés ou détestés… ils se font le plus beau possible… de vraies vedettes, parfois éphémères !

Mais sont-ils si efficaces ?

 

Ils sont trop nombreux

Les indicateurs ne sont pas mauvais en soi mais leur nombre les dessert. Même quand ils ne se contredisent pas, leur multiplication les rend inefficaces… Là où ils devraient mettre en évidence une priorité, ils deviennent souvent une ligne de plus à surveiller. 

Il arrive que des managers aient à piloter plusieurs dizaines d’indicateurs et des centaines d’objectifs. Certains reportings faits sous Excel sont impressionnants. Et ils sont publiés parfois quotidiennement, voire toutes les heures ou même en temps réel ! Ce sont des milliers de données qui sont produites… Combien sont utilisées ?

Les managers sont schizophrènes sur le sujet : il est fréquent d’entendre un manager se plaindre de l’abondance d’indicateurs et de l’impossibilité de les piloter tous ; d’un autre côté, le même manager va en ajouter un, important celui-là… à chaque fois qu’un nouveau problème émerge.

Les managers souffrent donc de l’abondance d’indicateurs mais ne savent pas comment aborder un sujet sans en créer un nouveau. Ils sont en quelque sorte dépendants !

Pourquoi un tel comportement addictif ?

 

Ils trahissent un manque de confiance

Le recours à l’indicateur et aux objectifs est parfois une réponse à la crainte des managers de « laisser faire ». C’est un moyen pratique et qui paraît adapté, par exemple dans les réunions multi-services où personne ne veut prendre de responsabilité.

L’indicateur est ainsi l’expression de la peur du manager.

La peur du dirigeant est passée sur le terrain, perturbant ceux qui doivent réussir la production ou la vente, chaque jour.

C’est le cas souvent de la sécurité : indicateur inamovible de tous les tableaux de bord. Comme si l’enlever entrainait les plus grandes catastrophes ; comme si les opérateurs n’y faisaient attention que quand l’indicateur est bien là.

Caricaturalement :

  1. Le dirigeant constate une dégradation, de la qualité par exemple.
  2. Il en parle au comité de direction, avec virulence souvent.
  3. Les managers décident de créer un indicateur, ou de renforcer la communication (la pression en fait) sur un indicateur existant.
  4. Et le message est passé aux managers de terrain qui exécutent la demande sans la comprendre complètement.

La peur du dirigeant est passée sur le terrain, perturbant ceux qui doivent réussir la production ou la vente, chaque jour.

Plutôt que de chercher la source, on surveille. Plutôt que d’agir, on affiche. La réaction à la peur du chef est visible, il est rassuré. Comme si on faisait baisser la température en regardant le thermomètre.

  

Alors, terminés les indicateurs ?

Non, disons-le tout de suite.

L’indicateur, les objectifs et leur animation sont des outils de management indispensables et responsabilisant… A condition de les utiliser avec subtilité.

Si vous voulez des acteurs responsables, autonomes, créatifs et épanouis, témoignez-leur de la confiance, et, s’agissant des indicateurs :

  • Proposer des priorités larges, et laisser chaque manager et chaque équipe le traduire concrètement sur son terrain. Par exemple « Priorité à la qualité », traduit en « une vérification à chaque lot ».
  • Limiter les indicateurs à 4 au maximum. Au-delà, ils se retiennent moins, et parfois se contredisent. Bien sûr, il faut de nombreuses données pour améliorer les choses au quotidien. Mais les indicateurs sont là pour piloter et donner du sens, pas pour tout voir, tout le temps.
  • Changer les indicateurs quand c’est nécessaire. Un indicateur qui ne change jamais devient un élément du décor qu’on ne voit plus, comme une charte des valeurs dans une salle de réunion. Une entreprise est vivante, ses indicateurs doivent changer tous les 3 ou 6 mois, pour s’adapter aux besoins.

 

Le plus difficile : enlever un indicateur

Au fond, on s’aperçoit que l’indicateur vaut parce qu’il est rare. Et dans une période où on les a multipliés, l’acte le plus marquant est de réussir à en enlever. 

Le manager qui fera tomber les dogmes remportera la mise, parce qu’il aura substitué la confiance à ses peurs. Parce qu’il aura dit « le rendement c’est capital, mais c’est votre affaire, je n’ai pas besoin de le surveiller, je vous fais confiance »…

Il sera alors bien plus crédible quand il dira « nous avons laissé dériver notre rendement, il faut le surveiller à nouveau ; quel indicateur remplace-t-on ? ».

Un indicateur, pour être efficace est un spot mis sur un acteur d’une scène. S’il y a trop de spots, aucun acteur n’est mis en avant, c’est une chorale. Le vrai pouvoir est de savoir orienter 4 spots sur les 4 priorités du moment et d’être capable de les faire changer quand les priorités évoluent.

ALBUS CONSEIL