Catégorie : automanagement

La frénésie, syndrome principal du décrochage des managers

« Je suis débordé » « Pas le temps de m’occuper de ça » « Aucune dispo »… Les managers qui renvoient les signes d’un débordement permanent de leurs agendas sont nombreux, peut-être de plus en plus nombreux…. Face à ça, les techniques pour optimiser le temps et gérer les priorités fleurissent mais ne semblent pas prendre sur les managers les plus atteints . Pourquoi ? Comment les aider ?

La frénésie, symptôme très mal analysé

Nous appelons frénésie la fuite en avant de certains managers qui s’enferment dans leur hyper activité. Elle se caractérise non pas par un abattement mais par un besoin, sans cesse croissant, de faire, agir, réussir. Ce symptôme est proche de celui du pompier, parce que le manager frénétique mesure les effets de son action, la compare aux autres (ce qu’il en voit), et en déduit qu’il traite les sujets. Comme le pompier, le frénétique nourrit son ego de la sensation d’agir sur le monde, quitte à considérer les autres comme passifs, trop lents, pas assez réactifs.

Ce syndrome pose un problème très spécifique :

  • Il peut avoir des conséquences lourdes : fatigue, voire burn out, déconnexion de la réalité, usure de ceux qui les entourent.
  • Il est grave parce qu’il s’accompagne par définition d’une conscience très altérée de la réalité. Les frénétiques pensent qu’ils sont efficaces. Ils repoussent les actions qui leur semblent trop lentes et donc diminuent à la portion congrue les temps de prise de recul (forcément plus lents). Ils voient l’origine des problèmes majoritairement hors de leurs responsabilités.

D’ailleurs, si vous discutez avec un de ces frénétiques, il objective sa charge et son action par des priorités tout à fait réelles. Sans se rendre compte que d’autres managers, qui vivent grosso modo la même situation, peuvent la vivre de façon plus sereine.

Il est toujours frappant pour nous qui regardons les organisations de l’extérieur de voir que la surcharge est presque toujours réservée aux mêmes. C’est toujours avec les mêmes qu’il est difficile de caler un rendez vous ou un séminaire. Evidemment eux l’objectivent, mais vu de l’extérieur, il est évident qu’ils construisent leur propre surcharge. Ces managers nous accusent alors de « ne pas voir la réalité » et de « ne pas connaître le terrain ». C’est vrai, seulement, à la fin, c’est eux qui en payent le prix.

Dont la conséquence la plus grave est le manque d’écoute

Parce qu’en effet, persuadés d’être sur la bonne voie, les frénétiques voient souvent les regards extérieurs avec agacement tant ils leur semblent qu’ils ne se mettent pas à leur place. 

Pour les managers frénétiques, on répète de nombreuses fois les mêmes choses, on retarde les démarches, on lutte contre la tendance à tout faire vite, y compris comprendre des choses complexes et nouvelles.

Souvent, les coachings marchent mal sur eux alors qu’ils en ont un grand besoin. Leurs managers sont souvent désemparés face à eux. 

La frénésie est un syndrome qui isole et se renforce de lui même. C’est une des plaies de notre temps.

Ceux qui savent la dompter sont en revanche ceux qui réussissent le mieux. En tous cas dans nos clients, nous observons une corrélation claire entre la performance et le calme, entre les progrès et l’existence de temps « où on ne fait rien ou pas grand chose ».

Comment casser la spirale ?

C’est sûr que le problème est aigu du fait de ce manque d’écoute. Comment aider un frénétique à sortir de sa spirale destructrice alors même qu’il résiste à presque tous les assauts ?

D’abord, il y a une clé comportementale : ne pas être susceptible. Sans être nécessairement méchant, les frénétiques peuvent être très durs parce qu’ils vous accusent sans cesse d’être à côté de la plaque. Et évidemment, on peine à leur reconnaître ce point tant leur comportement est évident vu de l’extérieur. Bref, si vous voulez les aider, commencez par vous dire que vous allez avoir des échanges difficiles parfois. Pour un manager, faire progresser un frénétique, c’est d’abord accepter une certaine difficulté.

Ensuite, focalisez vous sur ceux qui les entourent. D’abord parce qu’ils souffrent de la frénésie de leur collègue ou chef et donc sont plus à l’écoute d’éventuelles solutions. Ensuite parce qu’ils peuvent vous donner des arguments pour rendre inutiles certaines actions de votre manager frénétique. Ainsi, cherchez à promouvoir des initiatives des niveaux de dessous et à côté. L’idée est de mettre le frénétique en situation de devoir trancher ; mais aussi de lui montrer que la stratégie d’action directe n’est peut être pas la plus efficace. 

La stratégie indirecte est la seule qui nous parait apporter des bénéfices dans ce cas. Changer l’environnement des frénétiques pour les amener à revoir leur stratégie personnelle.

La limite de ce raisonnement, enfin, c’est quand la frénésie passe dans le domaine de la maladie. Auquel cas les solutions seront à chercher en dehors du monde de l’entreprise.

Mais, même si dans ce cas nous ne pouvons pas faire grand chose, dans le doute, nous ne perdons rien à modifier l’environnement en espérant faire descendre la tension. 

Et si cette année, vous preniez une vraie bonne résolution managériale ?

Pour une nouvelle année, il y a la tradition des vœux, consensuelle et sympathique… Il y a aussi celle des bonnes résolutions, mais cette tradition-là a du plomb dans l’aile. C’est simple, plus personne n’y croit…

Nous si ! Pas pour le 1er janvier et pas sur des sujets comme la perte de poids, mais la bonne résolution est un outil oublié et terriblement efficace.

 

Une bonne résolution serait toujours un vœu pieux

Je l’ai aussi dit il y a quelques jours, le soir du 31 décembre. « Et pour toi, c’est quoi la bonne résolution que tu ne tiendras pas cette année ? ». C’est devenu une boutade davantage qu’une réelle réflexion, et plus personne ne fait vraiment l’exercice car il est jugé factice et rarement suivi d’effet.

On doit cette mauvaise presse à l’ineptie du calendrier,  se poser la question chaque 1er janvier est en fait dénué de sens, mais aussi, à nos choix de résolutions disons… contestables ! C’est souvent, des actions normatives sur des lieux communs et autocentrés : perdre du poids, dépenser moins, lire davantage, etc.

Résultat, on a tout rejeté en bloc sans discernement. Le concept de résolution est décrédibilisé, au global. Pour ma part, je ne sais pas dire de quand date ma dernière résolution sérieuse et réfléchie.

La bonne résolution est pourtant un concept génial, voire vital

Sauf qu’à bien y penser, ça a du bon les résolutions : c’est a priori personnel (donc ça nécessite de l’introspection), vous n’avez besoin de personne pour la mettre en œuvre mais,  en revanche, les autres peuvent en bénéficier, comme un cadeau surprise.

La bonne résolution managériale

Et puis surtout, cela s’apparente à ce que nous voyons chez de nombreux managers que nous suivons dans nos missions et qui réussissent à admettre leur faille majeure et, en la traitant, à entraîner toute une dynamique d’équipe derrière eux.

Parce qu’une bonne résolution en management, c’est un changement individuel qui bénéficie à toute l’équipe.

  • Une manager ne valorise pas assez ses collaborateurs, elle change et déclenche ainsi une vague d’initiatives sans précédent dans son équipe.
  • Un autre ne s’appuyait que sur les forts et méprisait les faibles de son équipe. En embarquant tout le monde dans son projet il a créé une cohésion nouvelle et productive où tout le monde s’épanouit davantage.

En entreprise, on fait quelques transformations collectives (type réorganisations) dont on espère qu’elles changeront les comportements individuels et on ne voit presque jamais de changement personnel isolé. La résolution, c’est cela.

A condition de choisir un sujet qui nous dérange

Le manager parfait n’existe pas, tout le monde le sait. Donc chaque manager a au moins un défaut majeur, que la plupart du temps il n’a pas ou peu clairement identifié.

Première étape de votre bonne résolution, c’est donc de trouver votre erreur, c’est-à-dire l’action ou la posture que vous avez et qui nuit à tout ou partie de l’équipe.

Pour trouver ce sujet qui (vous) dérange, rien de mieux que d’aller écouter vos collègues et collaborateurs…

Une chose est sûre, ne faites pas confiance à votre intuition sur ce coup-là, car votre erreur est justement immunisée contre elle, c’est même à ça qu’on la reconnaît. D’ailleurs, quand vous l’identifierez, vous aurez mal et vous allez résister.

Comme dans le film Un jour sans fin, où Bill Muray vit inlassablement la même journée en essayant de changer les choses pour en sortir. Il choisit d’abord tous les changements faciles et qui lui rapportent personnellement : pour gagner de l’argent, être célèbre, séduire. Avant de refaire une journée en changeant ce qui nuit vraiment à son entourage : son incapacité à s’engager.

Pour trouver ce sujet qui (vous) dérange, rien de mieux que d’aller écouter vos collègues et collaborateurs… si vous savez le faire avec suffisamment de simplicité et de confiance. Sinon, retournez-vous vers votre mentor ou vers un œil extérieur (un pair ?).

Une résolution managériale réussie : une dynamique collective

Ce qu’il y a de terrible avec une erreur de cette nature, c’est qu’elle est souvent là depuis longtemps et qu’elle a eu le temps de faire des ravages. Ex : vous ne valorisez pas assez, donc vos collaborateurs sont frustrés ; ils sont frustrés donc ils prennent moins d’initiatives ; ils prennent moins d’initiatives donc il y a moins d’occasions de valoriser, etc.

Ce qu’il y a de formidable avec une erreur de cette nature, c’est qu’en la traitant vous réveillez une zone où tout est à conquérir. Un manager trop contrôlant et qui accepte de changer va créer, avec l’autonomie qu’il va enfin donner à ses équipes, une vague d’enthousiasme aussi forte que l’était la frustration antérieure.

Les conséquences de l’erreur d’un manager sont très vastes et présentes dans les comportements de toute son équipe : certains reproduisent, d’autres se rebellent, d’autres souffrent en silence ou se blindent.

Le traitement de l’erreur doit donc être collectif. On prend individuellement la décision de changer mais on agit collectivement.

Les quelques astuces pour changer vraiment

Comme toute bonne résolution, décider et s’y mettre c’est bien, mais le plus dur est de garder le cap.

La première chose, c’est que l’intention ne doit durer que 24h, pas plus. Il faut que cela se transforme en action le jour-même de la décision, sinon ça s’étiole. Ensuite, si vous arrivez à faire rapidement de votre résolution individuelle une dynamique collective, vous vous donnez des chances de réussir durablement. Mais cela ne suffit pas. Il faut « mettre la cale » pour ne pas revenir en arrière. Il y en a de trois sortes :

L’affichage : vous présentez votre résolution à votre équipe et vous leur demandez de vous aider à réussir ce changement avec vous. La publicité de votre engagement le renforcera, car votre crédibilité sera désormais en jeu. 

L’ancrage : consistant à prendre des décisions structurelles qui entérinent le changement.
Exemple : un manager n’est pas assez présent auprès de son équipe, il construit avec son équipe de nouveaux rituels et une nouvelle implantation des bureaux qui changeront inévitablement et pour longtemps sa présence et sa proximité avec eux.

L’attracteur : c’est une façon de vous mettre la pression à vous-même pour vous obliger à changer. L’attracteur le plus simple, c’est de fixer un rendez-vous à 3 mois avec une personne importante pour lui présenter vos avancées sur le sujet alors même que vous n’avez pas commencé à agir. Il faut annoncer l’enjeu à l’avance et ne pas fixer un attracteur trop proche (démobilisateur) ou trop éloigné (pas de mise en tension).

Et vous, c’est quoi votre bonne résolution cette année ?

Le jeu des 5 erreurs du management

Le management est un art complexe aux conséquences nombreuses. Nous faisons tous des erreurs dans notre management et elles sont souvent indispensables pour progresser.

Certaines, en revanche, sont à la fois toujours contreproductives, parfaitement évitables et pourtant régulièrement commises. Celles-là, nous souhaiterions les éradiquer et nous les avons appelé « les 5 erreurs du management ».

Bien sûr, nous n’alerterons pas sur les erreurs classiques (ne pas assez écouter, ne pas expliquer pourquoi on fait les choses) que vous connaissez tous même si l’exécution est difficile. Non, là, nous nous intéresserons aux pièges dans lesquels nous sommes tous tombés et dont on minimise souvent la portée.

Erreur n°1 : Critiquer son prédécesseur

Quand vous prenez un poste, quel qu’il soit mais un poste à dimension managériale encore plus, il arrive toujours un moment, entre 1 et 3 mois après votre arrivée, où les erreurs ou les manquements de votre prédécesseur vous apparaissent clairement. C’est normal : ce que lui a fait et que vous ne faites pas, vous en avez rarement conscience ; en revanche, ce que lui n’a pas fait et qui est important pour vous, cela vous paraît inadmissible.

Allez-y, faites différemment, imprimez votre marque. Mais surtout, surtout, ne critiquez pas votre prédécesseur, n’en faites pas la cause de tous les ennuis. D’abord parce que critiquer les absents est inutile et pas très courageux, ensuite car votre prédécesseur a rarement commis ces méfaits tout seul et que les membres de votre équipe se sentiront forcément attaqués eux-aussi. Enfin car sans avoir l’esprit mal tourné, celui qui ramène régulièrement le sujet aux problèmes laissés par ceux d’avant n’est pas crédible bien longtemps. Regardez en politique.

Erreur n°2 : Prendre l’intérim en absence prolongée de son n-1

C’est un phénomène bien curieux que d’observer ce paradoxe : les managers sont presque toujours surchargés et pourtant, quand un des membres de leur équipe est absent ou parti, ils décident souvent d’en assurer l’intérim. Cela part d’une bonne intention : ne pas vouloir charger les autres membres de l’équipe, vouloir assurer la fonction vacante avec le maximum de savoir-faire, qui mieux que vous…

Qui mieux que vous ? N’importe qui !

Vous prenez le job sur le papier mais en fait vous ne prendrez rien du tout, et comme vous êtes le chef, personne ou presque ne vous dira que ça ne marche pas.

Car oui, vous êtes surchargés en tant que manager, souvent plus que les autres. Il faut le reconnaître et avoir l’humilité d’admettre que vous ne pouvez pas, en plus, assumer un intérim, même partiel, même en mode dégradé, même de manière temporaire. Vous prenez le job sur le papier mais en fait vous ne prendrez rien du tout, et comme vous êtes le chef, personne ou presque ne vous dira que ça ne marche pas.

Car non, vous n’êtes pas le ou la mieux placé. Vous savez faire probablement mais vous n’êtes pas motivé pour le faire or la motivation est importante, même pour vous. En revanche, responsabiliser un individu ou un collectif de l’équipe pour assurer le coup est non seulement plus réaliste mais aussi potentiellement plus motivant pour tout le monde avec à la clef un bénéfice pérenne (polyvalence, compréhension des autres postes de la part de l’équipe, etc.). Probablement que tout ne sera pas parfait mais c’est la moins mauvaise des solutions.

Erreur n°3 : Minimiser les critiques d’un membre de l’équipe sur soi

« Tu as été cassant avec l’équipe tout à l’heure. »

« Tu dis ça mais j’aurais pu être bien plus dur. »

Nous voyons souvent des managers qui, se voulant fort et inébranlable, ont tendance à minimiser les remarques qui les concernent personnellement. C’est la faiblesse de l’équipe et sa difficulté à prendre du recul qui serait la cause de remontées si exagérées.

Nous pensons que c’est une double erreur, d’abord parce que quand un membre de l’équipe fait une remarque à son manager, c’est souvent en diminuant la violence de la difficulté par peur de le vexer. Il est d’ailleurs, en tant que « client » du management de son manager, mieux placé que vous pour savoir ce qui ne va pas.

Ensuite parce que prendre à cœur la remarque d’un de vos collaborateurs est un message envoyé et apprécié : « J’entends ton ressenti, je ne le remets pas en cause et j’essaye d’agir ».

Erreur n°4 : Accueillir une initiative par une impatience

Avoir une équipe qui propose des initiatives, c’est un rêve (qui se réalise parfois) pour tous les managers.

Et pourtant, face à des idées proposées par les équipes, nous entendons souvent des managers qui s’irritent et s’impatientent : « Pourquoi ne le faisons-nous pas déjà ? » ; « Qu’est-ce qui vous empêche de le mettre en place tout de suite ? » ; « Je vous l’avais suggéré il y a déjà 1 an, il était temps. »

Elle est venue avec des idées et elle repart avec des doutes.

Nous avouons ne pas comprendre ce type de réactions, mais ce qui est sûr, c’est qu’elles sont totalement contre-productives. Elles ne valorisent pas l’idée (c’est un euphémisme) et elles font douter l’équipe de ses propres capacités. Elle est venue avec des idées et elle repart avec des doutes. Bref, c’est raté et c’est dommage.

Erreur n°5 : Bâcler l’introduction ou la conclusion des réunions

Bon, pour finir c’est une erreur que tout le monde fait ou presque : négliger la conclusion et l’introduction des réunions.

Nous considérons qu’un manager joue 50% de sa valeur ajoutée dans l’introduction et la conclusion d’une réunion dont il est le leader, qu’il soit l’animateur ou non.

Négliger l’introduction, c’est se borner à en présenter le déroulé et le livrable attendu. Soigner l’introduction, c’est donner du sens à la réunion en montrant sa contribution à la vision globale (si vous n’y arrivez pas, c’est que la réunion n’est pas utile), en expliquant son degré d’importance et en passant une commande aux participants (si vous n’attendez rien d’eux précisément, vous n’obtiendrez rien non plus et la réunion est là aussi inutile).  C’est enfin accueillir les participants, chacun à sa manière mais prendre le temps d’en faire vos invités.

Négliger la conclusion, c’est se borner à un « merci, et maintenant au boulot » qui ne valorise ni ne motive personne. Soigner la conclusion, c’est souvent boucler pour être sûr que tout le monde a les mêmes actions et les mêmes prochaines étapes en tête. C’est aussi généralement donner un avis circonstancié, précis et transparent sur ce qui a été fait. C’est toujours passer des messages importants, en nombre limité (deux, trois maxi) et utiles pour la suite. Et donc oui, ça se prépare et oui, c’est difficile de bien conclure.

Si vous ne commettez aucune de ces erreurs, vous n’êtes probablement pas manager. Le management est un art délicat, où les pièges sont nombreux. Nous serions ravis si nous parvenions à en lever quelques-uns.

ALBUS CONSEIL