Catégorie : bienveillance

La prise de poste, la réussir sans agir

La prise de poste est un moment important pour un manager ; c’est un changement pour tout le monde, le manager et les managés. C’est le moment où l’on pose les bases de son management. 

Et on a donc tendance à vouloir aller vite. Et bien nous nous pensons qu’au contraire, il faut aller lentement.

 

On agit vite pour prouver rapidement qu’on est légitime à ce nouveau poste

On voit par exemple souvent des managers qui, à peine arrivés, lancent des réformes : modifier l’organisation, revoir les priorités, imposer de nouvelles règles…

Ou parfois, les managers décident de faire la tournée de leurs équipes avec des messages-clés à faire passer : une orientation, des valeurs, un calendrier, un projet…

Toutes ces actions, tournées ou annonces ont pour vocation de mettre en avant le leadership du nouvel arrivant. Et on les justifie soit parce qu’on a reçu une lettre de mission de son n+1 en ce sens, soit parce qu’on connaît déjà les équipes, soit encore parce qu’on a été nommé avec une situation d’urgence à traiter. Bref toutes les raisons d’agir vite.

 

Mais c’est une erreur

Une évidence d’abord : aller trop vite dans l’action, c’est ne pas prendre le temps d’écouter les équipes, de s’intéresser à ce qu’elles font bien, à leurs craintes et espoirs.

Conséquence, c’est avoir une vision superficielle de ses équipes (même si vous les connaissez déjà), ne les voir qu’à travers les préjugés des prédécesseurs ou par une première impression forcément trompeuse parce que votre équipe n’est pas 100% elle-même dans un moment où elle ne vous connaît pas.  

Cela génère donc 3 gros risques qui peuvent se cumuler :

  • Les 1ères mesures sont un peu à côté de la plaque parce qu’elles ne tiennent pas compte d’un détail, d’une action en cours. Elles paraissent donc faites à la va-vite et un peu théoriques. C’est un peu le syndrome Hollande avec des premières lois mal ficelées.
  • Les 1ères mesures sont déconnectées les unes des autres et ne s’insèrent pas dans une logique globale. Les équipes les comprennent mal et votre démarrage pied au plancher ressemble à de l’agitation. C’est le démarrage Sarkozy. Trop d’agitation, pas assez de fond et de cohérence.
  • Votre démarrage renforce les éventuels clivages dans l’équipe alors qu’une prise de poste est un moment rêvé pour rétablir la confiance.

 Ce démarrage rapide est donc le meilleur moyen de perdre du temps parce qu’il vous fait partir vite mais seul et possiblement dans la mauvaise direction.

 

Objectif lenteur et 0 leadership 

Il faut avoir pour seul premier objectif de comprendre. Comprendre ce que les équipes aiment faire, ce dont elles sont fières, ce qui les distingue des autres. Comprendre aussi là où c’est difficile, comment ils l’expliquent, ce que cela génère chez eux comme frustration, comme conséquences. Comprendre comment s’organisent les équipes, pas seulement dans leur métier mais aussi en termes de dynamique entre les personnes.

La prise de poste est un moment qui ouvre des tas de possibilités si on prend le temps de les construire. 

Ça paraît évident, mais cela veut dire un tour de l’équipe sans opinion ni sur les équipes ni sur ce que l’on va faire avec elles.

Bien sûr, on ne veut pas caresser les équipes dans le sens du poil. Mais pour avoir la possibilité de remettre en cause l’existant, il faudra être précis, factuel, juste. Bref, être lent, c’est être tactique :

  • C’est d’abord pour préserver et amplifier les points forts.
  • C’est pour changer des choses en faisant cas de ce qui a déjà été fait. Rien de plus insupportable qu’une mesure qu’on annule de façon dogmatique sans en préserver les aspects positifs : regardez Trump avec l’Obamacare !
  • C’est aussi pour utiliser les bons mots. Ne négligez pas cette dimension émotionnelle. Les équipes sont comme une bande de copains avec leurs expressions et private jokes… Les ignorer c’est rester en dehors de la bande.
  • C’est aussi pour s’appuyer sur VOS alliés dans les 1ères mesures. Souvent, on se borne aux alliés connus du système, et on ne va pas chercher de nouvelles énergies… C’est dommage ; c’est bien plus facile à ce moment là.

La prise de poste est un moment qui ouvre des tas de possibilités si on prend le temps de les construire.  Evidemment le temps de la lenteur est relatif : les fameux « 100 jours » pour un manager de terrain ce n’est pas tenable ; dans une équipe de 10 personnes prévoyez 2 semaines. Mais 100% écoute.

 

Même dans les cas où la vitesse semble une évidence

 

Si on connaît déjà très bien l’équipe :

C’est évidemment un avantage et on peut bien sûr accélérer un peu. Mais attention, vous avez changé de position et les attitudes vis-à-vis de vous vont nécessairement changer. Et puis, vous avez changé de poste, ce n’est pas pour faire la même chose.

 

Dans une situation d’urgence :

Réflexe (de pompier), aller au feu. Mais vous n’êtes pas un surhomme donc vous ne changerez pas la situation en un claquement de doigts. Prenez le temps de comprendre les causes de la crise, et donnez-vous la possibilité de l’aborder différemment, pour vous attaquer aux causes racines.

 

Quand tout va bien :

Là au contraire, ne prenez pas le risque de casser la belle machine en la touchant trop vite et sans habileté. Cherchez à comprendre les raisons de sa performance, pour les développer et vous attaquer aux nouveaux enjeux ; pour préparer le long terme. 

La prise de poste est un moment court, mais précieux ; à ce moment, vous n’avez fait encore aucune erreur et vous vous préparez pour 3 à 6 ans à la tête de cette équipe. Osez perdre 2 semaines à 1 mois pour être le plus ajusté possible ; oubliez le leadership, vous en ferez plus tard. Le meilleur démarrage n’est pas fulgurant, il est stratège. Pensez tortue, pas lièvre !

Au secours, mon manager est (serait) nul !

Il faut se rendre à l’évidence, notre optimisme sur le management et les trucs et philosophies que nous prônons ne marchent pas toujours ! Et si nous pensons que le management est accessible à une grande majorité, nous ne disons pas qu’il est bien exercé par tous.

L’évidence est que certains managers n’y arrivent pas. En tous les cas, nous rencontrons beaucoup de gens dont le manager serait nul ! Et dans ce cas, ça peut être un enfer… Comment s’en sortir ?

Les faux nuls

D’abord, ne hurlons pas avec les loups. Considérer un manager comme nul, c’est un jugement qui n’est pas toujours fondé.

L’affirmation ne doit pourtant pas être ignorée parce que, réelle ou non, elle est auto-réalisatrice. Un manager considéré comme nul le devient puisque ses actions auront un minimum de prise sur ceux qui le jugent.

Votre manager est un épisode de votre vie professionnelle ; il n’est jamais parfait, et votre intérêt est de profiter des années passées dans son équipe pour apprendre de ses forces et vous en inspirer pour la suite. 

Nous rencontrons souvent ce qui ressemble manifestement à des erreurs de jugement. Ou plutôt, nous rencontrons souvent des gens qui voient leur manager à travers un trait de leur management qui les crispe et les empêche de profiter des avantages de cette posture. Ce biais peut être lié à des valeurs, à un historique, ou à des pratiques différentes.

Si vous avez un doute sur votre jugement, regardez si vos pairs pensent tous comme vous (en se méfiant du fait que les opinions ont tendance à converger avec le temps, machine à café oblige). 

Prenons quelques exemples :

  • Un manager d’équipe commerciale qui a une méthode de management très ouverte, laisse beaucoup de liberté et écoute les opinions ; en revanche il peine à trancher. Et bien, ses n-1 qui valorisent les chefs forts et déterminés ont tendance à très peu estimer cette posture alors même que, vu de l’extérieur, l’ouverture dont il fait preuve permet à tous de s’exprimer, dans leur différence, avec une certaine efficacité.
  • Un manager en finance, rigoureux, fiable, honnête intellectuellement et capable de changer d’avis. Mais son exigence est telle que certains de ses n-1 s’arrêtent à son intransigeance et ne profitent pas de sa formidable capacité à améliorer les solutions. 
  • Une manager de chaine de TV, passionnée, charismatique, ouverte et à fort apport sur le métier, mais qui est présente partout, peut être perçue comme interventionniste, bridante.
  • Un directeur d’usine stratège, pédagogue, capable d’écoute mais peu proactif relationnellement est parfois jugé comme un ours peu lisible, austère, fermé.

En fonction de sa sensibilité, il est toujours possible de voir son manager par le bon ou le mauvais côté.

Dans ces cas-là, évidemment, il y a un peu de travail côté manager pour atténuer le défaut, mais il y a aussi un travail du côté du collaborateur pour identifier les points forts et surtout apprendre à en profiter.

Votre manager est un épisode de votre vie professionnelle ; il n’est jamais parfait, et votre intérêt est de profiter des années passées dans son équipe pour apprendre de ses forces et vous en inspirer pour la suite. 

Si vous avez un doute sur votre jugement, regardez si vos pairs pensent tous comme vous (en se méfiant du fait que les opinions ont tendance à converger avec le temps, machine à café oblige). 


Les managers qui se trompent

Il se peut aussi qu’un manager qui a des qualités de management se trompe dans son approche, dans sa prise de poste, ou dans sa façon d’aborder un projet.

Dans ce cas, évidemment, il faudrait que votre manager s’aperçoive de son erreur et la corrige. Mais, prenez aussi conscience que vos retours et feedbacks sont indispensables. On entend souvent « il sait forcément ce qui se passe » ou « il devrait savoir ». Mais ce n’est pas vrai. Si tout le monde raisonne comme ça, le manager est très peu informé et a de larges angles morts.

Quelques exemples :

  • Un DRH à l’écoute, pas pinailleur, intelligent et sympathique, sous-estime la nuisance de certains de ses n-1 qui n’en font qu’à leur tête. Il communique trop peu et ne va pas chercher l’info de terrain auprès de ses alliés. C’est une erreur qui pousse certains à une défiance assez forte. Il faut aller en parler !
  • Un chef d’une grande équipe opérationnelle peu qualifiée manage comme il le faisait auparavant avec une équipe projet resserrée et très motivée. L’équipe tire la langue alors que les qualités du manager sont nombreuses. Il a fallu en parler et se recaler pour avoir une équipe performante.

Un manager qui se trompe, c’est parfois très pénible, mais si c’est effectivement une erreur, elle peut souvent être corrigée par le dialogue. Alors n’attendez pas qu’il fasse le premier pas si vous en souffrez. Prenez les devants, vous allez peut-être résoudre votre problème en très peu de temps.


Les vrais nuls

Une fois qu’on a dit ça, il reste des managers qui paraissent irrécupérables. De la même façon qu’il est difficile de définir un bon manager avec certitude, il est difficile de définir un mauvais manager avec certitude. Essayons.

Voici 3 catégories typiques de mauvais managers :

  • Les hyper stressés

Ils peuvent avoir les meilleurs intentions du monde mais sont submergés par leur stress. Par conséquent, ils peuvent être agressifs voire violents. Le fait d’encadrer une équipe nécessite en effet un minimum d’alignement avec soi-même. Ceux qui ne sont pas (ou pas encore) capables de maîtriser même un peu leurs émotions peuvent devenir des poids pour leurs équipes.

Plutôt que nuls, nous pourrions dire « pas prêts ».

Et dans ce cas, difficile de conseiller une stratégie autre que « quitter l’équipe » si c’est trop insupportable.

  • Les techniciens / gestionnaires 

Nous ne parlons pas de ceux qui ont une grande maîtrise technique et jouent sur leur autorité de compétence. Cette posture marche dans de nombreux cas. Nous parlons de ceux qui voient le management de façon technique.

Ex : un manager d’équipe commerciale qui passe son temps sur les chiffres et fait des relances aux 2 tiers du mois quand les chiffres ne sont pas bons.

Ceux-là n’ont pas compris que les résultats sont la conséquence du bien-être des équipes et de leur travail. Ils ne croient qu’aux chiffres. Au fond, on peut dire (même s’ils ne le reconnaitraient pas ouvertement) que ces managers prennent leurs collaborateurs pour des pions supposés agir sans explication.

Dans ce cas, obligation de se centrer sur l’auto-management. L’avantage, c’est que vous pouvez avoir la paix si les chiffres sont ok (contrairement aux hyper stressés).

Notre conseil : profitez-en pour développer votre autonomie et les liens avec vos pairs et les autres managers de l’entreprise.

  • Les pervers

Si on écoute tous nos interlocuteurs, il y en aurait beaucoup… De l’extérieur et quand on a évacué les cas cités précédemment, nous en voyons finalement très très peu. Parfois, les intentions malveillantes sont néanmoins manifestes et les objectifs du manager sont clairement différents de ceux utiles à la réussite de l’équipe :

    • Attitude 100% carriériste
    • Trouble de l’ego ou de la relation 

Honnêtement, encore une fois, on exagère souvent sur ces points. Parce que toutes les attitudes qu’on ne comprend pas bien peuvent être interprétées comme « un projet caché » ou une façon de « se mettre en avant ». C’est le plus souvent un procès d’intention. Mais si vous avez fait l’effort de passer en crédit d’intention, que vous avez creusé et que la perversité est avérée, fuyez !

Tintin est un coach génial !

A l’occasion des 110 ans d’Hergé, redécouvrez le magnifique album : Tintin au Tibet. En plus d’être l’un des plus touchants de la série et de confirmer que Tintin au Congo est bien une erreur de jeunesse, cette histoire est une belle leçon de management et d’auto-coaching.

D’auto-coaching d’abord, parce que tout au long de l’histoire Tintin n’écoute pas tous ceux qui lui conseillent d’abandonner la recherche de son ami Tchang qu’il croit rescapé d’un accident d’avion annoncé sans survivant. Il ne s’agit pas de vous conseiller de ne pas écouter les conseils, mais de suivre vos intuitions profondes, vos croyances enfouies. Tintin fait bien de continuer ; parce qu’il a raison (évidemment ;-)) mais surtout parce qu’ainsi il est en ligne avec lui-même. En gardant cette ligne, il parvient à fédérer autour de lui, malgré l’adversité, et il entretient son estime de soi.

De management ensuite, à travers Tchang sauvé par celui que l’on nomme « l’abominable homme des neiges ». Il nous rappelle que les abominables Hommes des bureaux que tout le monde craint sont souvent des incompris qui ont pris l’agressivité comme moyen d’exister. Si vous voulez les sauver, il suffit parfois de les reconnaître pour ce qu’il sont et pas pour ce que l’on dit d’eux.

Pour mieux apprécier Tintin, vous pouvez également vous abonner au podcast « relire tintin » qui retrace en 15 minutes les points essentiels de chaque album http://relire-tintin.lepodcast.fr

 

Parions sur les bonnes intentions des autres

Lever le nez du guidon, c’est plus dur que d’accuser les autres. 

Dans la frénésie qui fait loi, il serait bon simplement de prendre du recul et de regarder la situation avec sang froid. Sauf que cette évidence est un voeu pieux. Les managers nous font remarquer, parfois avec dureté, que si on était à leur place, on verrait à quelle pression ils sont soumis, et que vraiment ils sont sous l’eau. Les bonnes résolutions du type 1h pour soi chaque semaine ou chaque jour sont rarement tenues, sauf par ceux qui ont toujours su les préserver (il en existe, si si).

Parce qu’évidement, prendre la décision de s’arrêter pour analyser la situation sereinement, c’est déjà une grosse prise de recul. Bref, c’est un conseil qui n’a d’effet que pour ceux qui n’en n’ont déjà plus besoin.

Dans les autres cas, la malveillance des gens, des actionnaires, des grands patrons, des collègues est l’hypothèse : elle explique tout facilement et évite d’arriver à la conclusion qu’on a agit inutilement sur tel ou tel point, voire qu’on a franchement fait fausse route. Ça peut paraitre caricatural, mais au quotidien, c’est vraiment frappant de mesurer à quel point le procès d’intention est répandu…


En fait, l’immense majorité des gens a ses propres raisons d’agir

Si vous pouviez abandonner votre rôle quand vous estimez que quelqu’un agit mal, et lui demander de l’extérieur, et naïvement, pourquoi il fait ça, vous découvririez que les gens ont toujours une raison, bonne de leur point de vue.

Souvent, c’est un mot d’ordre assez enfoui : ils veulent que tout soit parfait, ou faire plaisir au plus grand nombre. Ils veulent éviter un conflit, ne pas perdre de temps, ou résoudre le problème quoi qu’il en coûte. Ce sont toutes des intentions compréhensibles mais qui peuvent avoir des conséquences désagréables (ou pire) pour les autres.

Souvent aussi, il y a une différence dans la vision des priorités. On pense que tel élément est plus important que l’autre, et un écart de perception peut vite se transformer en tension, alors que souvent, une  discussion directe permet de trouver une solution simple.

Parfois, on est désabusé après des déceptions répétées et très compréhensibles.

Bref si vous pouviez prendre ce temps, vous verriez que tout le monde a de bonnes raisons d’agir comme il le fait….

Sauf que vous n’avez pas le temps.


Et il suffit de le croire

La chance dans l’histoire, c’est qu’il n’est pas vraiment utile de connaître les raisons des gens dans 80% des cas. Il suffit de croire dur comme fer que cette bonne raison existe et d’agir en fonction de cette croyance.

Parce qu’en vous comportant ainsi, sans forcément demander aux autres de le faire, vous allez avoir plusieurs bénéfices immédiats :

  • Baisse du stress lié à l’agacement vis à vis des autres.
  • Hausse de la qualité des échanges par la baisse sensible des dialogues de sourds.
  • Hausse de l’optimisme par le regard positif posé sur les gens.

C’est techniquement ce que nous appelons le crédit d’intention. C’est une posture, comme le procès d’intention, qui consiste à penser que, dans le doute, les autres ont de bonnes raisons de faire, même quand ils se trompent. C’est surtout de notre point de vue l’attitude la plus payante dans les rapports humains. Pour aller plus loin, je considère même que c’est la trouvaille la plus incroyable que j’ai faite concernant les relations humaines ces 10 dernières années ; une sorte d’arme magique : croire en la bonne foi des gens. Parce que quand les gens sont abordés avec crédit d’intention, ils s’adoucissent, s’expliquent et vous aident à collaborer. 


Et même quand on se trompe, c’est gagnant

Evidemment, ce n’est pas toujours vrai : il y a aussi des malveillants.

Mais d’abord une double question :

=> Allez vous faire votre stratégie relationnelle sur la croyance qu’il faut se méfier, quitte à rater l’occasion de bien travailler avec ceux qui, comme vous, veulent faire avancer les choses ?

=> Ou bien allez vous bâtir cette stratégie sur ceux qui, comme vous, veulent faire avancer les choses, quitte à vous faire avoir de temps en temps ?

L’orgueil peut orienter vers la solution 1 (« moi, je ne me fais jamais avoir ! ») mais le pragmatisme et le bien-être sont du côté de la solution 2.

Moi, je me fais avoir de temps en temps, mais je m’en fous… Parce que c’est rare, et parce qu’en attendant je prends du plaisir à travailler avec presque tout le monde.

C’est le pari de Pascal sur la croyance en Dieu. On ne perd rien à y croire mais on peut y gagner beaucoup. Ne pas croire n’est jamais gagnant.

Idem, pour crédit d’intention et procès d’intention. Le crédit d’intention permet de gagner beaucoup de temps en temps sans perdre plus les autres fois.

Et, même quand vous vous faites avoir, vos alliés (parce qu’avec cette stratégie, on en a plein :-)) ont tendance à vous défendre !

Le crédit d’intention fédère, l’autre divise. Nous avons choisi notre camp, définitivement.

Vive l’ego !

Intéressant de voir que quand on parle d’ego, on ne cherche pas la même chose chez les managers et dans les équipes. Si tout le monde s’accorde à dire qu’il faut un doux mélange d’humilité et d’ego chez un manager, quand il s’agit des équipes les egos semblent n’avoir que des inconvénients. Lutte de pouvoir, guerre d’influence, conflits entre intérêts individuels et collectifs… Les personnalités qui ont sans cesse besoin de se mettre en avant finissent par être un casse-tête chinois pour les managers en quête de cohésion d’équipe et de travail collaboratif.

Pourtant l’ego a de multiples bienfaits : important levier de motivation, créativité, capacité à se vendre et à vendre son travail…  Et avoir une équipe de gens « soumis » n’est pas non plus une sinécure pour un manager. Il est vrai qu’un ego mal exprimé peut être un frein réel à l’esprit d’équipe et à la collaboration, mais cela relève plus d’un problème d’espace d’expression que de personnalité.

Plutôt que des personnalités à « mater », ce sont des signaux que l’espace donné aux personnes ne convient pas à leurs besoins d’épanouissement.  

Alors comment gérer ce type de personnalité dans vos équipes ?

C’est avant tout un problème d’organisation agile et de management

Commençons par un parfait exemple d’agilité. Un manager qui récoltait à chaque réunion d’équipe des plaintes (« il n’arrête pas de monopoliser la parole », « il ne nous laisse pas la place », « il est exaspérant ») à l’encontre d’un de ses collaborateurs, décide, plutôt que de le recadrer, et contre toute attente, de le promouvoir.  Monsieur Ego est nommé responsable de la promotion du travail de l’équipe auprès des clients ! Voilà comment ce manager est arrivé à transformer celui qui, jusque-là, nuisait à la performance de l’équipe, en un atout reconnu par tous, y compris les auteurs des plaintes à répétition.

Si à l’inverse, on avait essayé de combattre l’ego de notre homme, il y a fort à parier que cela n’aurait pas mené bien loin.

Alors libérez l’énergie et la créativité des egos

Si vous ne savez pas comment adapter l’entreprise aux besoins des egos de vos équipes, ne vous triturez surtout pas les neurones : demandez à vos Messieurs Ego des idées, ils débordent de créativité…

Focus sur notre maître à tous en termes d’ego : Louis XIV. Son ego a suscité la créativité débordante que l’Histoire lui a reconnue. On peut questionner la morale de ses choix, il n’en demeure pas moins qu’il a construit Versailles et fait de la France une puissance considérable.

À l’heure où les entreprises cherchent à développer la créativité de leurs équipes, il faudrait essayer, parfois, de simplement, donner de la place aux egos pour se réaliser. Bref, redonnez un espace d’expression à ceux qui parlent trop, qui ont un MOI JE qui donne envie de les bâillonner, avant qu’ils ne l’accaparent au détriment des autres.


Mettons-les aux services du projet commun de l’entreprise

Enfin, il faut arriver à orienter les egos au service de l’intérêt général de l’équipe. Créez des aventures collectives reliées aux ambitions personnelles et dans lesquelles vous proposez à vos forts egos de s’illustrer. Il y a fort à parier qu’ils relèveront le challenge et chercheront à être reconnus comme les héros de votre projet.

Alors oui, les egos on les subit souvent à contrecœur mais, si vous voulez notre avis, vous avez tout intérêt à adapter vos organisations et propositions managériales en fonction d’eux. Ils seront moins nuisibles et surtout vous récolterez de nombreux fruits.

Quand l’organisation laisse de l’espace pour s’exprimer intelligemment, l’ego arrive à s’affirmer, non pas au détriment de l’équipe et du projet commun, mais au service de l’entreprise et du collectif.

Et aux éternel sceptiques, je vous propose d’essayer de jouer avec les egos de vos équipes et d’en tirer vos propres expériences. 

A la recherche de la femme parfaite

Dans Recherche femme parfaite, livre écrit par Anne Berest (Grasset, 2015), une photographe se met en quête de la femme parfaite. Elle demande à son entourage de lui indiquer des femmes perçues comme telles.

Les noms fusent, mais à chaque fois qu’elle part à la rencontre de ces femmes, elle se rend compte des difficultés, de la pression et du désarroi qu’elles ressentent face à la recherche de perfection, parfois jusqu’à la folie.

Cette exigence qu’ont les femmes d’elles-mêmes se ressent beaucoup : que ce soit dans le fait de manager des femmes ou d’être une femme manager.

Sans rentrer dans des discours d’égalité ou de genre, les femmes font face à une pression énorme dans leur quête de la perfection avec au bout un idéal inatteignable. Cela génère beaucoup de frustration mais surtout un grand manque de confiance en soi qui peut paralyser ou empêcher d’avancer au bon rythme.

Un exemple assez parlant est celui de la légitimité à un poste : très souvent une femme ne se sent à sa place que quand elle remplit 99% des critères de sélection…

Malheureusement, il n’y a pas de formule magique pour faire disparaître ce malaise : il est intrinsèque à nos sociétés.

Seule solution donc, apprendre à le gérer au mieux. Ce qui veut dire : aider les équipes féminines à reconnaître le chemin parcouru, à aimer leurs imperfections et à objectiver les avancées de leur quête. Comment ? En priorisant mieux et en adoptant la politique du « Good enough ».  

En bref, plongez-vous vite dans ce livre pour mieux comprendre le mythe de la femme parfaite.

Dans le même esprit, la série US « The Good Wife » montre une magnifique Alicia face à ce fantasme de perfection. 

Réussir en transversal : faire gagner les autres

Chaque mois, nous parlons management en nous concentrant presque exclusivement sur la bonne vieille relation verticale, hiérarchique. Elle est primordiale évidemment, sauf que dans nos entreprises, les liens sont de plus en plus matriciels. Les responsabilités sont morcelées entre des experts, qui se doivent de travailler ensemble au quotidien. Alors, sans aller jusqu’à dire que le management horizontal va remplacer le vertical, il est nécessaire de s’y pencher. 

Comment réussir en horizontal ?

Pas facile l’horizontal !

Il y en a de plus en plus de ces relations non hiérarchiques. Historiquement, c’est peut-être la qualité qui a été la première à sortir de la hiérarchie des usines pour impacter les organisations latéralement. Mais aujourd’hui, on croise les lignes commerciales avec les lignes supply, la finance, les RH, etc. Il y en a de plus en plus, à tous les niveaux. D’ailleurs, au démarrage des missions que nous menons, les râleries sur les liens transversaux sont devenues un classique :

« Les fonctions supports sont tout sauf support. Elles décident dans leur coin et se désintéressent de nous ».

« Les opérationnels n’en font qu’à leur tête ».


Pourquoi c’est si dur ?

D’abord parce que c’est finalement assez nouveau. En tous cas à ce point. Jusqu’ici, même si on avait des collègues qui intervenaient sur nos équipes en transversal, la priorité était généralement donnée au manager des équipes productives/commerciales, les autres intervenant plutôt en conseil.

Ensuite parce que les indicateurs jouent un tel rôle dans la rémunération, les discussions, les évaluations et les promotions que l’on a tendance à se concentrer à fond sur les nôtres. Et l’intelligence collective qui aurait dû, sur le papier, réguler les excès, se retrouve réduite à la portion congrue. Avec les agendas dantesques de la majorité des cadres, la gestion de la relation transversale a vraiment du mal à être prioritaire.

Enfin parce que la relation transversale est sacrément commode pour faire endosser à d’autres la responsabilité des difficultés.

Manifestement, les grands principes n’y font rien

Comme le sujet est hyper fréquent, des dizaines de solutions ont émergé, pas forcément mauvaises. Mais aucune ne s’attaque à l’essentiel que nous avons décrit plus haut. Pour que le transversal germe, il faut de l’envie certes, mais il faut aussi des besoins, et il faut que ce soit la priorité, en même temps de chacun des acteurs… Sinon, on brûle beaucoup de gaz pour améliorer la chose, sans réussir à faire beaucoup mieux que de limiter la casse.

Ainsi, les ‘vis ma vie’ ne changeront pas vos silos en belle entente. Bien animés, ils ne sont pas nécessairement inutiles mais ne traitent pas les problèmes de fond.

Les ‘speed dating’ ont le mérite de rendre ludique le traitement des interfaces, mais le suivi nécessaire après les rencontres est très difficile.

Etc. On n’arrive pas à véritablement détruire les silos par des opérations organisées sur des principes (ensemble c’est mieux que seul) et qui ne s’attaquent pas à la véritable difficulté : l’ordre des priorités.

La seule solution efficace : faire gagner les autres

On se plaint souvent des interfaces. Parfois, on cherche à prendre le leadership, ou on se prépare à faire respecter son territoire : « il faut qu’ils comprennent que nous sommes les productifs et eux les supports ».

Au lieu d’attendre des autres, occupez vous d’eux !

Cet agacement est inefficace tactiquement. Il faut se dire que chacun se pense dans son bon droit. Il est très rare qu’une équipe ou un service admette publiquement qu’elle ne tient aucun compte des besoins des autres. Ou alors pendant des périodes courtes en lien avec des perturbations bien identifiables.

La bonne solution est simple, et diablement efficace ! Au lieu d’attendre des autres, occupez vous d’eux ! En faisant ça, vous obtiendrez 3 bénéfices qui peuvent être rapidement assez spectaculaires :

  • Vous donnez envie aux autres de vous aider, sans avoir à le demander.
  • Vous améliorez un sujet qui vous impacte.
  • Vous êtes le leader d’un sujet sur lequel tout le monde bloque.

Comment s’y prendre ?

On peut faire gagner les autres de 2 manières : soit on cherche à contribuer aux objectifs des autres, soit on implique les autres sur les projets prometteurs que l’on mène pour en partager les victoires.

C’est faire que la victoire puisse être partagée autrement que dans un discours convenu, qui ne dupe pas grand monde.

Contribuer aux objectifs des autres, c’est s’intéresser à leurs irritants, à leur contraintes, et voir comment vous et votre équipe pouvez les prévenir ou participer à leur résolution. Nous avons conseillé récemment à un responsable de production d’organiser une réunion « comment aider la qualité », 100% proactif… Ça lui fait bizarre, croyez nous, et pourtant ça serait tellement efficace.

Associer à vos projets prometteurs et partager les victoires c’est donner un vrai rôle à vos partenaires. C’est les consulter très en amont pour que la mise en œuvre se fasse avec leur complicité. Et c’est faire que la victoire puisse être partagée autrement que dans un discours convenu, qui ne dupe pas grand monde.

Ne pas faire gagner les autres, c’est un objectif qui se retournera contre vous. Par exemple si vous réalisez un test, pensez à associer vos partenaires. Sinon votre test peut réussir facilement, mais son déploiement commencera par les reproches de ceux que vous avez écarté.

Penser transversal, c’est faire gagner vos partenaires soit en contribuant à leurs objectifs soit en partageant vos victoires. C’est s’inpirer de Sophie et Finot qui, en s’effaçant derrière l’inspecteur Gadget, lui permettent d’avoir tous les mérites, et de maintenir durablement leur collaboration.

Et surtout, n’attendez pas que les gens agissent en traversal avant de commencer, le premier pas est toujours le plus coûteux mais c’est aussi celui qui rapporte le plus!

Lettre ouverte aux managers Papa ou Maman

Aujourd’hui, beaucoup considèrent que le paternalisme est un vestige du passé, qui n’existe que chez certains managers proches de la retraite et que les autres sont rationnels et participatifs. Nos observations sont toutes autres, le paternalisme est partout. Ce n’est pas un « come-back », il n’a jamais disparu… Tout juste s’est-il transformé.

Le paternalisme n’est pas culturel, mais structurel

Dans la pensée commune, le paternalisme est un style qui aurait dominé aux XIXe et XXe siècles, avec Michelin ou les Mines du Creusot comme symboles, et qui se serait imposé par la volonté des dirigeants d’entreprise de pallier le manque le culture et d’éducation de la classe ouvrière en leur imposant, outre des règles de travail, des règles de vie (ex : principes d’éducation des enfants) et ainsi les extraire d’une condition misérable pour accéder au confort de la classe moyenne.

Le paternalisme aurait ensuite disparu avec l’école obligatoire, les syndicats et la modernisation des rapports de force entre patrons et salariés. 

Pourtant, regardez Google : c’est l’exemple ultime de l’entreprise 2.0, LE symbole du management du XXIe siècle. Et que font-ils ? Des « Google ville » où les restaurants, les maisons, les écoles sont financés par l’entreprise ; ils offrent des aires de jeux et de temps libre à leurs salariés pour qu’ils développent leur créativité, etc. Bien sûr, plus rien à voir avec le paternalisme industriel des siècles passés, mais n’est-ce pas encore considérer les employés comme des enfants ?  

Garder les enfants dans un environnement maîtrisé et connu, le sien, c’est s’éviter bien des soucis.

Mais même hors de Google, l’immense majorité des managements ressemble à la relation « parent-enfants ». Le parent, parfois très normatif ou très bienveillant, impose un environnement de travail qu’il croit être le meilleur pour que les enfants s’épanouissent et donnent le meilleur d’eux-mêmes. Cela transcende les époques et les cultures, seule la manière de faire change. 

Pourquoi ? Et bien parce que c’est rassurant. Garder les enfants dans un environnement maîtrisé et connu, le sien, c’est s’éviter bien des soucis ; c’est rassurant de demander à son collaborateur d’agir comme soi-même… mais est-ce le plus riche ?

 

Le paternalisme part d’une bonne intention

Le management paternaliste ne doit pas être regardé avec mépris ou caricature. Il part d’une bonne intention : il veut le plus souvent l’épanouissement de ses collaborateurs en plus de l’atteinte des objectifs. Il pense vraiment que son expérience et la prise en compte de ses erreurs passées forment le meilleur cocon pour l’épanouissement de ses collaborateurs.

Dans l’entreprise (…) on se pense tous adultes.

Sauf que dans la famille les parents assument bien qu’ils sont parents. Dans l’entreprise, presque jamais ; on se pense tous adultes : « Je suis objectif, j’écoute les membres de mon équipe et je prends en compte leurs points de vue, je co-construis mes projets avec eux. Si mes collaborateurs se comportent en enfants, c’est qu’ils le veulent bien ». 

Et bien sûr qu’ils le font, de temps en temps, comme un bon parent le fait avec ses enfants d’ailleurs. Mais cela reste épisodique, le reste du temps le mode parent domine (dans les évaluations, dans la gestion de crise, sur les sujets sensibles comme le budget ou les relations aux instances représentatives du personnel) : c’est le manager qui fixe la ligne de conduite.

L’une des difficultés du mode parent-enfant dans le management, c’est justement qu’il n’est pas assumé. 

 

Mais il infantilise vos équipes

Le problème, c’est qu’un manager « parent » crée mécaniquement des subordonnés « enfants » comme le montre si bien l’analyse transactionnelle.

Parent-Enfant, c’est accepter que votre collaborateur installe sa chambre chez vous comme il veut, avec ses posters, mais jamais qu’il ait sa propre maison…

De la même manière qu’il y a des styles de « Parents » différents (normatif ou bienveillant), il y a des styles « d’Enfants » différents. Ils peuvent être soumis (et donc suiveurs), rebelles (et donc opposants), libres (et donc « créatifs »), etc. 

Ces états d’enfants ne sont pas négatifs mais ont le même défaut, ils ne rendent pas plus responsables les collaborateurs. La relation Parent-Enfant bloque les initiatives et empêche l’autonomie et donc l’épanouissement de chacun dans sa mission.

Parent-Enfant, c’est accepter que votre collaborateur installe sa chambre chez vous comme il veut, avec ses posters, mais jamais qu’il ait sa propre maison… On crée des Tanguy.  

Ce mode de relation est très utile dans certains cas (ex : gestion de crise, résolution de conflit dans l’équipe, sortir un collaborateur de l’impasse). Il permet l’expression d’un management émotionnel dont nous avons vanté les mérites ici. Cependant, il doit être un outil utilisé uniquement dans des cas précis. Pour le socle de votre relation managériale, il faut trouver un équilibre plus vertueux.

  

La solution : jongler sur différents modes de relation

Il n’y a pas de solution absolue dans la relation managériale. Nous pensons néanmoins que la bonne alchimie est un savant mélange :

  • De points de repère : deux modes de relation peuvent composer le socle de la relation managériale : la relation adulte-adulte (grande circulation d’informations, évaluation commune des situations, analyses et décisions rationnelles et partagées) ; la relation enfant-enfant qui est aussi durable (accent mis sur la créativité, réflexion hors du cadre et dans un monde sans contrainte) et trop souvent réduite à certains moments de brainstorming et de team building alors qu’elle est beaucoup plus noble que cela, qu’elle permet de franchir des paliers et de raffermir la relation.
  • Associés à des modes de relation ponctuels : la relation Parent-Enfant, telle que décrite plus haut, ou Parent-Parent également utile dans des situations bien précises (réflexion sur un projet stratégique, sur les modes et règles de fonctionnement de l’entreprise, écriture des fiches de mission, etc.). 

Reconnaissons donc que nous sommes souvent des « managers parents », luttons pour diminuer nos instincts paternels et maternels, en mettant notre envie de contrôle de côté. Et ne négligeons pas la dimension Enfant du manager qui est si entraînante.

ALBUS CONSEIL