Catégorie : créativité

Voeux 2021 : après la tempête

Difficile d’échanger des vœux après une année aussi inattendue et difficile que 2020… Nous nous sommes tout de même risqués à l’exercice en essayant de nous demander comment aborder cette année de la façon la plus sereine et intelligente possible, pour vous managers mais surtout pour vos équipes, vos entreprises et plus largement pour notre société.

2020 était une année de tempête : la violence, la rapidité et le caractère inédit de cette crise, nous ont poussé à y répondre avec les moyens du bord, et donc souvent avec précipitation. Et même si 2021 n’offrira a priori pas un contraste saisissant avec cette année 2020, il y a de fortes chances que l’inédit laisse place à une sensation de déjà-vu et que le calme revienne lentement mais sûrement. 2021 sera-t-elle donc l’année des grandes décisions ? Celles que l’on prend avec plus de recul, d’expérience, de réflexion ?

C’est ce dont nous allons discuter dans ce podcast, pour tenter de vous souhaiter une année de sereine et pragmatique reconstruction, sortis du mode tempête.

* Pour aller plus loin *

// Les extraits //

Arnaud Tsamere et François Rollin : Allocution des voeux d’un Président de la République 

Here Comes The Sun – The Beatles

Au micro : Camille Riou, Patrick Bois et Jérôme Tougne
A la réalisation : Laëtitia Peyre

Préparons-nous à ne rien préparer !

Quelques semaines se sont écoulées depuis le début du confinement, et la plupart des entreprises s’emploient désormais à « préparer la sortie ». C’est une tâche cruciale, mais souvent abordée avec la mauvaise méthode. Résultat, on se fabrique plein de nouveaux problèmes pour les mois à venir…

Préparer la sortie… cette mission semble excitante, car elle est à la fois fondamentale et prospective. Et elle pose des questions a priori passionnantes. Certaines des questions sont de nature tactique : Quels clients vont redémarrer en premier ? Quels seront leurs besoins prioritaires ? Comment s’organiser en conséquence ? Et puis d’autres sont plus stratégiques : Comment repenser notre business modèle pour qu’il soit moins vulnérable aux crises à venir ? Devra-t-on élargir ou au contraire réduire la largeur de notre gamme ? Être plus polyvalents ou plus spécialisés dans nos capacités de production ? Etc…

 

Bref, on s’y prend tous de la même manière pour préparer la sortie : on cherche des réponses à des questions qui concernent le futur…

Et c’est probablement une grave erreur… On ne sait pas ce qui va se passer ! C’est même LA donnée fondamentale du problème. La prospective, la proactivité, l’anticipation, tout ça fonctionne quand il y a des précédents, des courbes à prolonger, des facteurs bien identifiés, qu’on peut faire tourner dans un modèle, lui-même déjà éprouvé dans des conditions comparables.

Mais ici et maintenant, rien de tout ça ! Dans le contexte d’Avril ou de Mai 2020, anticiper, c’est jouer à Nostradamus ou à Paco Rabanne… Les prédictions d’experts, de consultants ou de managers pullulent actuellement sur les réseaux et dans les entreprises. Certaines de ces prédictions s’avèreront, et seront mises au crédit de la clairvoyance de leur prophète.

Mais combien de mauvaises décisions seront prises sur la base de toutes ces prédictions hasardeuses ?

 

Aujourd’hui, être clairvoyant, c’est assumer de ne faire qu’improviser !

Que ce soit sur les sujets tactiques (choix de reprise) ou sur les sujets stratégiques (choix d’avenir), il va falloir se préparer à improviser. Bien sûr, cela ne veut pas dire faire n’importe quoi sans réfléchir. Mais à première vue, c’est quand même faire le contraire de l’image qu’on a d’un grand manager… Vous savez, le stratège, celui qui pense loin, qui prépare, qui planifie ?

Improviser, effectivement, c’est agir sans trop réfléchir, et sans planifier. Et cette attitude non proactive, non volontariste, peut être très difficile à assumer : vous, en tant que manager, préférez être dans l’action ou la réaction ??

L’improvisateur, lui, est dans la réaction… Et du coup, il n’est jamais à l’abris de toutes sortes de « procès en improvisation »… Comme si s’adapter, tenir compte de ses erreurs, changer de doctrine, prendre en compte de nouvelles données, était le signe distinctif du non-professionnalisme.

 

Mais alors pourquoi c’est bien ?

Parce qu’improviser est la meilleure manière d’innover en contexte incertain. C’est baser ses décisions sur le présent. C’est être disponible au présent plutôt qu’accaparé par une tentative d’anticipation qui, en ce moment, n’est qu’illusoire. C’est apprendre à vivre avec l’incertitude et s’en nourrir, plutôt que de s’acharner à la réduire.

C’est une vraie présence, une présence joueuse, qui accepte et accueille tout ce qui advient, et qui permet d’utiliser pleinement le potentiel de la situation. Ceux qui gagneront seront ceux qui sauront écouter, s’adapter, et ajouter de la valeur ajoutée à leur offre, en fonction des données du moment.

C’est aussi privilégier une issue en admettant que je n’ai pas pleinement la main : Je préférerais que mon activité reparte fortement dès le mois de Mai, et que mes équipes soient mobilisées à fond pour cela, mais ça ne dépend pas uniquement de ma volonté… Si je force trop dans cette direction, de manière trop proactive ou volontariste, que va-t-il se passer ? Et bien je risque à la fois de braquer, et de passer pour un manager déconnecté de la réalité.

Alors je vais plutôt être attentif aux opportunités, sans forcer, et surtout sans plan préalable. Je vais faire au mieux avec ce qui est, avec qui on est, et avec ce dont on dispose.

 

Le paradoxe, c’est qu’improviser ne s’improvise pas !

Et ce qu’il faut justement préparer, ce qu’il faut faire émerger, c’est l’état d’esprit très particulier de l’improvisateur : jouer avec les contraintes, explorer dans des directions inattendues, s’appuyer sur ce que l’autre propose, tester des trucs et être Ok pour revenir en arrière, accepter les propositions (le fameux mode « oui et… » plutôt que « oui mais… »), ne jamais chercher à avoir raison, perdre avec force et grâce, renoncer avec panache à quelque tentative audacieuse mais inféconde, s’en amuser, faire briller les initiatives de ses collègues…

Cet état d’esprit, il aujourd’hui comme un muscle atrophié dans les entreprises. Vous allez mettre un peu de temps à le redévelopper… par le plaisir, la curiosité, et par le jeu. C’est donc le moment de jouer et faire jouer ! Trouvez avec vos équipes des sujets anodins pour commencer, et utilisez-les comme prétexte au jeu.

Mais cet état d’esprit, il s’évanouit littéralement en présence de deux émotions : la méfiance et le ressentiment. La première chose à faire pour rendre l’improvisation possible, c’est donc sans doute de solder des historiques relationnels dans les équipes. Ces points de blocages potentiels doivent être abordés dès maintenant, avant la fin du confinement. Cela doit être fait à l’initiative des managers, s’ils ne veulent pas que tout ça leur pète à la figure au moment de la reprise sous forme d’un attentisme, c’est à dire d’un refus d’improvisation.

C’est donc le moment de changer de registre relationnel. C’est le moment des mea culpa,  et plus globalement c’est le moment de traiter les conflits et les bouderies dont on s’est accommodé depuis des mois ou des années.

 

Et se préparer à improviser, c’est aussi changer de boussole

Habituellement, c’est le « quoi » ou le « combien » qui servent de Nord à notre boussole : quoi produire, quel service offrir, avec quels avantages comparatifs, combien va-t-on en produire, que faire pour attirer l’attention de nos clients ou obtenir leur fidélité ? Le problème du quoi et du combien, c’est que ça nécessite de la prévision. Ce sont des points cardinaux qui s’accommodent mal de l’incertitude.

Alors que le Nord de l’improvisateur, c’est le « comment ». Je ne sais pas encore ce que je vais décider, ce que je vais recommencer à produire dans mon usine, les missions que je vais réaliser dans mon cabinet de conseil, les projets que je vais mener dans mon bureau d’étude. Je ne sais pas comment je vais réagir à des circonstances dont j’ignore encore tout.

Mais je peux décider comment, en fonction de quel idéal, de quelle envie, de quelle quête ou aspiration personnelle. Ça tombe bien, c’est justement le moment de faire le point sur ce qui est vraiment important pour moi…

C’est donc l’autre priorité managériale du moment : l’encouragement à la reconnexion à soi, c’est à dire à la flânerie, à la lecture, aux journaux intimes, aux conversations sans but particulier.  Quand, sinon maintenant, pouvons-nous réapprendre à faire tout ça ?

C’est bien dans ces activités-là, toutes celles qui ne sont pas utilitaristes, que nous trouverons les ressources et les inspirations à de grandes improvisations professionnelles.

Heureusement qu’il y a des contradictions !

La crise du COVID est un festival de critiques dans tous les sens. Une des plus fréquentes n’est pas nouvelle, c’est celle des contradictions à l’intérieur d’une décision, à l’échelle du pays ou d’une entreprise : alors on veut protéger du virus, mais laisser l’économie tourner : Contradiction ! On veut diminuer l’empreinte carbone et on subventionne Air France : contradiction ! Tenez, ça me rappelle la vieille rivalité entre la qualité et la productivité ou la tension plus que centenaire entre les exigences des producteurs et les commerciaux qui vendent « n’importe quoi » : Contradiction ! Mais, moi, le jour où il n’y a plus de contradiction, je quitte le pays et je me mets à la voile en solitaire. 

 

La cohérence, un amour scientifique ? Une manipulation politique ?

D’où vient cette quête de cohérence ? Il y a sûrement une source scientifique, fille du rationalisme cartésien. On aime ce qui s’explique comme un mouvement mécanique, comme dit Henri Dès : « C’est le p’tit zinzin qui passe par ici et qui fait bouger le p’tit machin ». Du coup on aimerait que la vie soit comme ce moteur et que l’on puisse en avoir une vision parfaitement cohérente, LA vision. On aimerait que la décision de déconfinement tombe sous le sens et que chaque sous-décision soit cohérente avec sa petite copine qui la précède. On aimerait que l’équilibre entre la qualité et la productivité soit optimal tout le temps, stable et rassurant… 

On aimerait vraiment ?

Mais je ne peux pas m’empêcher de penser que seuls les esprits totalitaires sont véritablement séduits par la cohérence extrême. Souvent j’ai l’impression que le procès en incohérence est une manipulation politique : on fait semblant d’ignorer la complexité d’un problème pour montrer l’incompétence de son adversaire.

 

En réalité, l’incohérence c’est la vie, c’est ce qui justifie la compétence et même l’intelligence

Henri Dès lui-même, quand il s’agit d’expliquer « comment on fait les bébés » se rend compte que « machins et zinzins » sont un peu limités. 

Si l’on convient que l’évolution des espèces est une recherche d’adaptation à l’environnement, alors comment le cerveau humain a-t-il pu se développer si fortement, si ce n’est en devant résoudre des tas de problèmes et de contradictions ?

Résoudre un problème, intellectuel ou physique, vaincre une incohérence, c’est tout simplement le sel de la vie, le principal plaisir de l’Homme

La vie dans son ensemble est une immense marmite de contradictions : protéger son enfant ET le laisser se casser la figure pour qu’il apprenne. Vouloir faire quelque chose vite ET vouloir le faire bien. Dire que la qualité est une priorité ET vouloir optimiser la productivité aussi. 

Et puis la contradiction, l’incohérent c’est aussi la base du génie, ou au moins du coup de génie : Picasso est son cubisme, Kennedy et ses 10 ans pour aller sur la lune, Michel Ange qui fait de la peinture érotique (pour l’époque) sur le plafond d’une église, Christophe Colomb qui part plein ouest direction l’Inde.

Résoudre un problème, intellectuel ou physique, vaincre une incohérence, c’est tout simplement le sel de la vie, le principal plaisir de l’Homme : courir pendant 42 km, absurdité physique et défi si excitant ! Vaincre le sudoku force 9, apprendre une langue rare, monter un meuble Ikea… autant de défi qui peuvent nous vaincre ou nous rendre fiers. L’incohérence c’est la vie. Vivre avec, la surmonter, c’est ce qu’il y a de meilleur.

Bref un monde qui vise à supprimer les incohérences, ça s’appelle le totalitarisme, et le seul état parfaitement cohérent, c’est la mort… Pas envie.

Dans l’entreprise c’est même ce qui justifie la compétence, voire le salaire : la gestion des contradictions. Parce que si on me confie un site industriel à manager avec un seul indicateur bien cohérent, genre 0 accident, je suis cohérent : je ferme le site, j’ai gagné. Si on me rajoute un objectif, et donc un peu moi de cohérence par exemple : pas d’accident ET produire 1000 produits… Là, je suis obligé de réfléchir, et mon incompétence est démasquée.

Si on attend la fin du virus COVID 19 pour réouvrir les écoles, on sacrifie des millions écoliers de tous niveaux… Si on ouvre les écoles à vitesse grand V sans se soucier du virus, on remplit les hôpitaux en moins temps qu’il en faut pour dire coronavirus. Il faut donc choisir le flou, une forme d’incohérence subtile qui doit permettre de poursuivre différents objectifs.

Bref un monde qui vise à supprimer les incohérences, ça s’appelle le totalitarisme, et le seul état parfaitement cohérent, c’est la mort… Pas envie.

 

Alors comment faire en management ?

Bien sûr cette joie de la difficulté, cette acceptation de la complexité ne peut pas être une excuse pour dire n’importe quoi et s’exonérer de toutes nos décisions. C’est là que le stoïcisme et les philosophies zen doivent probablement prendre le pas sur le fatalisme. Constater que le monde est incohérent, c’est nous inviter à vivre avec, et pas à ne rien faire.

 

Comment ménager la chèvre et le chou en management : 

  • D’abord, bien sûr, il faut expliciter les différents objectifs et admettre leur apparente contradiction : oui nous devons trouver un équilibre ! Par conséquent on évitera les formules définitives et forcément fausses comme « 1 seule priorité : la qualité » Impossible.
  • Ensuite, la résolution de l’équation avec ses variables contradictoires est le défi à poser aux équipes et sera un excellent exercice de transversalité entre équipes. Faites un atelier avec les équipes concernées et demandez-leur : « augmentez-moi la qualité sans augmenter les coûts. Vous avez 4h » Pris comme un jeu, l’exercice sera source de créativité, et les idées qui émergeront seront astucieuses, habiles, intelligentes. S’il faut soutenir ensuite avec un petit investissement, allons-y. Le ROI sera là parce que le surcroit de motivation, non mesurable, va polir le diamant.

 

Après, vous serez sujet à des critiques pour votre incompétence et votre incohérence. Alors comment répondre aux questions de plus ou moins bonne foi :

  • D’abord si l’incohérence c’est la vie, il est bon d’avoir un cap stable. Je ne suis pas fan des valeurs affichées et imposées mais c’est quand même une façon d’être cohérent sur le long terme : « j’assume une part d’incohérence au quotidien, mais sachez que je cherche globalement à ce que nous trouvions des solutions ensemble pour nous développer ».
  • Mais les valeurs, on le voit, ne peuvent suffire à faire accepter les contradictions. Il faut aussi un cap opérationnel simple et clair, auquel chacun peut se raccrocher et qui permet de jongler avec plus d’habileté avec les contradictions : « Oui, nous avons des choix cornéliens à faire au quotidien, et ce qui doit nous faire choisir plutôt un côté ou plutôt l’autre, c’est le service client qui est aujourd’hui notre talon d’Achille ».
  • Ensuite, c’est la pédagogie qui va faire la différence. Montrez, dessinez votre problème en 2 dimensions pour que les enjeux ne s’opposent pas et que l’on cherche l’optimum. Laissez les équipes tester un peu trop d’un côté ou un peu trop de l’autre. Comme quand on apprend à barrer un bateau… On essaye avec des petits coups, et ensemble, et puis on peut laisser les équipes prendre la main et affiner la technique. Elles seront fières de jongler avec 2 balles puis 3 ou 4… Parce qu’avec 1 seule balle, on ne se rate pas, mais c’est pas marrant.

 

Et puis face à la mauvaise foi, et bien presque rien n’à faire… Ah si, un truc efficace et une petite pirouette :

  • LE TRUC EFFICACE : rendre le travail avec les contradictions amusant, excitant, valorisant pour qu’il attire de plus en plus. 
  • LA PETITE PIROUETTE : vous pourrez toujours dire « s’il n’y avait aucune contradiction à résoudre, je pourrai prendre mon neveu de 7 ans pour votre job. C’est parce que c’est complexe que j’ai besoin de quelqu’un de compétent… » A utiliser avec parcimonie….

Je vous laisse… J’ai sport pour maigrir, et après on s’est préparé un bon petit diner avec ma femme.

En finir avec la passivité dans vos équipes

Le grand frein au changement dans les entreprises ce n’est pas l’opposition (finalement très rare) mais c’est surtout la passivité, l’absence d’initiatives…bref ce qui ronronne !

Heureusement il existe des solutions pour en sortir ! Petit tour d’horizon dans cet épisode…

* Pour aller plus loin *

// A lire //
Sortir une équipe de la passivité
Vive les projets peu ficelés !
Si, si, le management participatif est un but en soi !

// Les extraits //
Bloqués #6 – Pourquoi t’as démissionné ?
Kaamelott : le retour du roi Livre V épisode 49

La table ronde du management est un podcast produit par Albus Conseil
Au micro : Camille Riou et Patrick Bois.
A la réalisation : Laëtitia Peyre

L’innovation frugale, une école d’optimisme

Ce mois-ci ce n’est pas une oeuvre que nous vous proposons de regarder à travers l’oeil du manager mais un concept : l’innovation frugale. 

L’innovation frugale c’est le terme qu’on utilise pour parler des inventions qui se font avec pas grand chose. Elle est surtout développée dans les pays en voie de développement pour répondre à des besoins réels avec moins de moyens. Le principe c’est qu’on ne simplifie pas le besoin mais on simplifie la solution. Un peu l’équivalent de ce qu’on appelle le système D.

Par exemple, aux Philippines, on a inventé des ampoules à eau pour les maisons sombres (car sans fenêtre) et sans électricité. Une bouteille en plastique, un peu d’eau, de l’eau de Javel et du soleil. On glisse la bouteille dans un trou dans la toiture (en tôle) et le soleil rentre par un bout de la bouteille et ressort par l’autre bout. L’eau permet de diffuser la lumière dans toute la maison.

En Inde aussi, un ancien potier a créé un réfrigérateur en terre glaise qui fonctionne sans électricité. Le principe ? C’est un réfrigérateur spécial pour les pays chauds qui utilise la chaleur ambiante pour refroidir grâce à l’évaporation de l’eau. Les aliments peuvent ainsi être conservés trois fois plus longtemps. 


En management, on a encore plein de choses à apprendre de l’innovation frugale. Pourquoi ?

Parce que l’innovation frugale ça demande de faire avec ce qu’on a sous la main. Et en management on est souvent contraint et on peut avoir l’impression de n’avoir aucune influence sur le monde qui nous entoure. Comment donner du sens à ses collaborateurs quand ce qu’on fait n’en a pas? Comment leur donner de la liberté quand ils ont 1001 règles à respecter? Toutes ces questions « cul de sac » qu’on se pose souvent nous invitent à regarder le monde autrement. 

Et pour ça, parmi tous les principes de l’innovation frugale, on peut en retenir trois : 

– D’abord avoir un état d’esprit OPTIMISTE : on va trouver une solution même si on n’a encore aucune idée de comment. 

– Ensuite, avec la philosophie de RECYCLAGE : qu’est-ce qui existe déjà et que je pourrais réutiliser? que ce soit des groupes de travail, une envie des collaborateurs, un document, etc.

– Enfin, avec la logique de SIMPLICITÉ : quelles sont les solutions qu’on a tendance à évincer parce qu’elles nous paraissent trop basiques pour un problème aussi complexe? Testons-les ! qu’est-ce qui serait un petit pas vers la solution même si ça ne règle pas tout? etc.

Si vous voulez aller plus loin, cliquez ici pour un documentaire sur le Jugaad (mot indien pour parler de la même chose) : http://www.francetvinfo.fr/monde/inde/video-un-oeil-sur-la-planete-jugaad-le-syteme-d-a-lindienne_1495211.html

Élémentaire mon cher Watson

Sherlock est une adaptation moderne et rythmée du célèbre ouvrage de Sir Arthur Conan Doyle.

Sherlock et Watson, tout comme Dr House et ses collègues, forment l’exemple parfait d’un phénomène que l’on voit hélas peu en entreprise : le co-développement.

Le scénario de chaque épisode de la série suit la même trame : il s’agit pour Sherlock et son acolyte, Watson, de résoudre un meurtre mystérieux dont personne ne trouve la solution. A chaque début d’enquête, Sherlock expose pendant quelques minutes tous les éléments afin d’y voir plus clair. Watson l’écoute sans rien dire énumérer les indices, les témoignages et autres, alors que Sherlock est dans ce qu’il appelle son « palais mental ».

Une fois tous les éléments exprimés, Watson commence à poser des questions sur le contexte, les témoins de l’histoire, à demander à Sherlock comment il en est arrivé à identifier ces indices en particulier. Et on pourrait penser que l’acolyte et ami de Sherlock a peu d’utilité, il questionne presque dans le vide et le détective a toujours réponse à tout « Elémentaire, mon cher Watson ! »

En réalité, Watson est essentiel à Sherlock : les questions qu’il lui pose challengent le détective et l’aident à affiner sa réflexion et à voir les choses sous un autre angle. Watson, la voix de la raison, provoque chez Sherlock un « ding » qui lui permet alors de résoudre les affaires…

Et bien c’est ça le co-developpement, ou codev pour les intimes !

La phase initiale d’écoute est essentielle lorsque l’on cherche à résoudre un problème ; c’est vrai dans la vie de tous les jours, mais dans le cadre de cette méthode collaborative c’est LA règle de base. Écouter l’autre exposer son problème.

Ensuite, comme Watson, il est indispensable de poser des questions pour challenger la personne qui vient exposer son problème. C’est ainsi qu’elles vont apporter un regard neuf sur la situation et proposer des solutions !

Toute l’idée du co-développement se situe là : un collègue joue le rôle du « consultant » tandis que le « client » énonce son problème. Il est challengé de manière précise et concrète grâce à  l’écoute attentive initiale…

Dans Sherlock, c’est ainsi qu’on résout les affaires ! En entreprise, on ferait bien d’en faire autant. Si vous ne nous croyez pas, essayez, vous verrez !

Pourquoi les idées de votre équipe sont toujours meilleures que les vôtres ?

C’est amusant de constater la grande ambiguïté des acteurs de l’entreprise sur la participation d’une équipe aux sujets habituellement traités seulement par le manager : l’organisation, la stratégie, le recrutement des leaders, le budget, etc. On dit que c’est mieux de le faire ensemble et pourtant dans les actes, on a toujours de bonnes excuses pour ne pas décider en collectif. C’est une belle occasion manquée car nous pouvons prouver ici que les idées de votre équipe sont toujours meilleures que celles prises seul.

La décision en équipe, perte de temps ou angélisme pour certains

Pour éviter d’ouvrir la porte au choix collectif sur des sujets sensibles, certains sont très clairs : un patron est là pour « patronner », c’est-à-dire littéralement pour dire comment on doit exécuter une tâche. Et la démocratie participative, c’est de la flûte pour bobos parisiens idéalistes !

D’autres sont plus équivoques, « Oui bien-sûr ce serait beaucoup mieux de pouvoir discuter de la nouvelle organisation avec l’équipe entière de managers, mais ils sont déjà trop en réunion et puis de toutes façons, on y a déjà beaucoup réfléchi et la décision est presque prise, on va surtout les frustrer à les faire réfléchir pour rien ».

Et puis il y a les barrières psychologiques, qui font qu’il y a souvent un écart entre les intentions et les actes. Le lâcher-prise, surtout sur des sujets sensibles, fait peur. De plus, il est très difficile d’accepter qu’une chose soit faite par un autre alors qu’on se sait très bien capable de la faire soi-même (à tort ou à raison).

Dans tous les cas, la conclusion est la même : on décide seul, ou en petit groupe avec le DRH et le DAF la plupart du temps. Adieu beaux principes, appropriation, intelligence collective et délégation.

Pourtant, la décision en équipe est souvent plus éclairée

Nos organisations et nos usines ont depuis près de vingt ans du Lean Manufacturing en intraveineuse. Sa philosophie peut se résumer en une simple phrase : celui qui fait est celui qui sait.

Qui est en charge de faire tourner les services que vous réorganisez ? Qui pilote les éléments du budget ? Qui travaille avec les collaborateurs que vous embauchez ? Pas vous, en tout cas, pas en majorité. Alors, certainement, vous pouvez vous targuer d’avoir une expérience plus grande sur ce type de réflexion, un regard plus objectif, mais vous réalisez moins de choses que les personnes en dessous de vous. Votre apport est certes crucial, mais il ne peut suffire. Vous devez associer les personnes de votre équipe car ils sont et resteront les experts de leur propre métier.

Lors de ces moments de prise de décision en équipe sur des sujets stratégiques, les personnes d’une équipe vont souvent bien plus loin que leur manager.

D’ailleurs, il est intéressant de constater que lors de ces moments de prise de décision en équipe sur des sujets stratégiques, les personnes d’une équipe vont souvent bien plus loin que leur manager : ils sont plus durs dans la vision de la situation, plus audacieux et jusqu’au-boutistes dans les solutions envisagées. C’est normal, me direz-vous, ce n’est pas eux qui assument les choix et c’est un peu facile… Un peu facile peut-être, mais c’est précieux, parce que le fait qu’ils soient moins responsables les rend moins frileux, leur regard est plus frais, leurs idées sont plus pures. Il faudra peut-être retravailler le réalisme de la proposition, mais les idées de votre équipe vous amèneront plus loin.

Et puis, il y a quand même les vertus de l’intelligence collective. Ceux qui pratiquent ou observent des moments de co-développement  en sont les témoins, il y a toujours de la valeur ajoutée à réfléchir ensemble si deux conditions sont réunies : pas d’idées préconçues et pas de rapport de force. Regardez les fourmis ! On a longtemps cru que leur efficacité dépendait d’une organisation sans faille et très hiérarchisée, mais en fait il n’y a aucune hiérarchie, elles ont une intelligence très limitée et donc sont incapables d’emmagasiner toutes les informations nécessaires au bon fonctionnement de la colonie. Leur performance est issue à 100% de leur capacité à interagir pour décider ensemble et s’adapter au mieux pour l’intérêt commun. Alors si les fourmis en sont capables…

Même moins parfaite, une solution d’équipe est plus efficace

Si le coup des fourmis ne vous a pas convaincu, dites-vous que de toutes façons la meilleure solution n’est pas la plus parfaite mais la mieux mise en œuvre. Le meilleur exemple pour cela est la réorganisation : vous pouvez changer l’organigramme dans tous les sens que vous voulez, découper des services, les regrouper plus comme-ci ou comme-ça, faire du matriciel ou des îlots, régionaliser… si vos équipes ne vous suivent pas, c’est du vent. Comme si vous changiez les règles d’un jeu pour le rendre plus amusant, mais que personne ne voulait plus jouer avec vous (notamment parce que vous changez toujours les règles…). A contrario, si tout le monde a envie de jouer, rien ne sert de changer les règles toutes les 5 minutes, avancez.

Des exemples d’organisations parfaites qui ont capoté avant de faire leurs preuves car les équipes ne s’étaient pas approprié la solution, nous en avons des tonnes.

Or, une équipe sera bien plus alliée, impliquée et leader pour mettre en œuvre une décision si elle est partie prenante de sa conception. C’est la raison pour laquelle la question du temps (qui manquerait pour décider à plusieurs) n’est pas recevable. Si vous ne prenez pas ce temps-là dans la phase de conception, vous en perdrez dix fois plus dans la mise en œuvre. Des exemples d’organisations parfaites qui ont capoté avant de faire leurs preuves car les équipes ne s’étaient pas approprié la solution, nous en avons des tonnes. Certaines ont été bloquées par les organisations syndicales, mais la plupart ont connu une mort lente, pénible, orchestrée par les managers intermédiaires eux-mêmes, à coups de passivité volontaire et de mauvaise volonté.

Vous pouvez donc choisir entre avoir raison tout seul ou bien faire en sorte de décider et d’agir collectivement, à vous de voir.

La créativité, un gâchis séculaire !

Y a-t-il un manager qui ne cherche pas à développer l’audace, l’innovation, l’initiative, la remise en question, dans son équipe ? Derrière toutes ses vertus se cache un même moteur : la créativité !

« Ah, si mon équipe était plus créative ! »… Nous avons une conviction : elles le sont toutes ! C’est, comme souvent, un sujet de management.

 

Sois créatif… mais pas trop !

Une majorité de personnes pense qu’elle n’est pas créative ou que peu de gens le sont vraiment. D’autres  disent que la créativité, ça s’acquiert.

Une fois n’est pas coutume, nous ne sommes d’accord ni avec les uns ni avec les autres. Tout le monde est créatif, car l’enfant est créatif : il crée des jeux en permanence, il invente des spectacles et des danses, il dessine des formes qui ne ressemblent à rien de connu.

Malheureusement, l’enfant finit par enfermer sa créativité sous la pression de son environnement. Ses parents qui lui demandent « il est joli ton dessin, ça représente quoi ? » impliquent qu’un dessin doit ressembler à quelque chose de connu. L’école, les autres, le passé, tous ces éléments créent un cadre qui parfois annihile l’invention de l’enfant.

La prison des outils et des systèmes a passé le message que la créativité était réservée aux génies, ceux du haut de la pyramide.

Pour un adulte en entreprise, c’est encore plus dur d’être créatif, car cela ne rentre pas souvent dans les normes. Voyez Gaston, incarnation de l’enfant en entreprise, il est constamment recadré par sa hiérarchie pour ses bourdes et ses retards, mais aussi pour sa créativité. Pourtant, il crée plus de choses que tous ses collègues réunis.

Certaines normes sont utiles bien sûr, on a besoin de règles et de lois pour vivre ensemble sinon ce serait l’anarchie. Mais voilà, le prix à payer c’est notre créativité.

Inconsciemment, voire consciemment parfois, l’entreprise a fini le travail. La prison des outils et des systèmes a passé le message que la créativité était réservée aux génies, ceux du haut de la pyramide.

Résultat, tous les managers s’en lamentent : « Ah, si mon équipe était plus créative ! »

Pour booster la créativité, on tourne autour du pot

Méconnaissant cette idée que tout le monde est créatif, ou en tous les cas que l’enfant qui est en chacun de nous est créatif, les managers utilisent des techniques qui traitent les symptômes sans traiter le problème.

On se forme à la créativité, comme si elle était une compétence, alors qu’elle est un comportement. On apprend des outils et des techniques pour être créatif, ce qui est utile mais seulement dans un second temps, une fois que la créativité est libérée de nos carcans. On met en place des boîtes à idées, comme s’il ne manquait qu’une boîte pour que les idées s’expriment. Et puis on a recours à l’injonction : « soyez créatifs ! » sans se rendre compte qu’elle est contradictoire : fais ce que je te demande en faisant quelque chose que je ne t’ai pas demandé…

Nous déconstruire pour nous redécouvrir

Il faut donc changer le postulat de départ : vous dire que tous les membres de votre équipe sont créatifs, qu’ils n’utilisent plus cette faculté par construction et qu’il faut donc les aider à déverrouiller leurs cerveaux.

Pour cela, nous voyons deux options possibles :

Option 1 : en créant un sentiment d’urgence comme Robin Williams avec Ethan Hawke dans Le cercle des poètes disparus qui le met dans une situation de stress pour qu’il crée un poème sur le moment. En entreprise cela consisterait à proposer un enjeu qui sorte de l’ordinaire et rende nécessaire la créativité et l’audace. Une menace ou une opportunité suffisamment forte.

Option 2 à la manière du pied dans la porte : cela consisterait à leur montrer qu’ils savent le faire sur des sujets peu engageants avant de les mobiliser sur des enjeux plus costauds. A la manière de l’improvisation théâtrale, il faut créer un terrain où l’enjeu est faible, donc la peur de se planter est limitée, et où on peut tester plus facilement sa créativité.

En improvisation, il semble ne pas y avoir de règles. En fait, elles existent pour permettre à la créativité de s’exprimer : acceptation, écoute et lâcher prise. Tout cela est facilité par la possibilité de jouer sans enjeu (même pas la nécessité de faire rire)

Les deux options sont possibles, le choix dépend du contexte. Dans la mise en œuvre de l’une ou l’autre, quelques astuces peuvent aider à la réussite :

  • Séparer recherche de solution et prise de décision : pour que le couperet de la décision n’inhibe pas la créativité. Si vous faites un séminaire au vert par exemple, ne prenez pas de décision sur le vif mais quelques jours plus tard, de retour au bureau.
  • Cadrer (quand même un peu) : donner quelques règles du jeu permet de lancer la machine et diminuer la peur du vide. Par exemple, en invitant vos collaborateurs à proposer quelque chose qui sera extraordinaire pour au moins une partie de leur équipe.
  • Faire du “OUI ET” : vous devez en tant que manager vous mettre en situation de coach (voire matrice boss leader coach), très synergique, axé sur le « OUI » (rassurer, donner confiance, donner envie de faire) et le « ET » (pousser vers un peu plus d’audace, amener le collaborateur à aller au bout de la logique).

Vos équipes ont un enjeu d’autorisation, vous avez un enjeu d’acceptation en tant que manager. Acceptez les actes de créatifs de vos équipes, même s’ils proviennent des « Gaston Lagaffe » du groupe.

Mary Poppins, un modèle d’acceptation et de créativité

Ce mois-ci nous vous proposons de revenir sur la légendaire Mary Poppins. Sans rentrer dans la critique sociale qu’on peut y lire, le film montre un belle réussite de transformation durable des choses en quelques jours.

Dans le monde de Mr Banks, banquier respectable, conformiste et autoritaire, tout est fait pour limiter au maximum les aléas, mais ses enfants prennent un malin plaisir à tout perturber. Et plus Mr Banks essaie de les contrôler, plus les choses lui échappent, jusqu’à la crise financière que provoque son fils en refusant de donner ses deux pence à la banque.

Ce qu’apporte Mary Poppins, ce n’est pas l’anarchie mais un ordre bien plus stable. Comment ? Grâce à la petite dose de folie, d’imaginaire et de rire qu’elle donne à la vie mais surtout grâce à sa capacité à improviser pour tirer parti des imprévus. Ainsi, quand son oncle est atteint d’un fou rire contagieux qui le fait monter au plafond avec Bert et les enfants, Mary Poppins réussit à les faire redescendre en renversant la force du sort à son avantage (comme au judo) par la triste annonce qu’il est l’heure de partir. De même, quand, malgré ses mises en garde, les enfants et Bert se font aspirer dans la cheminée, elle les suit (au lieu de les retenir) ce qui provoque un magnifique ballet sur les toits londoniens.

D’abord ça aide à progresser mais surtout ça diminue la peur de mal faire.

Le parallèle avec le management est facile à faire. Quand un collaborateur se plante que ce soit en termes de management ou dans la réalisation d’une tâche, on corrige et on sanctionne. Alors qu’on pourrait essayer de voir comment utiliser l’erreur en la tournant à son avantage pour progresser et innover. Idem quand on nous soumet une idée ou un projet qui n’est pas parfait, on peut le refuser à cause de ses nombreux défauts ou faire du « oui et » (plutôt que du « oui mais »). Ça a plusieurs avantages : d’abord ça aide à progresser mais surtout ça diminue la peur de mal faire et permet ainsi de libérer l’initiative et la créativité de vos équipes.

On ne prône pas l’anarchie, bien-sûr, mais un management qui accepte les défauts pour mieux utiliser cette énergie et la créativité des équipes au lieu de les étouffer par trop de corrections.

ALBUS CONSEIL