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Le digital ça change tout sauf l’essentiel

Le matin, je regarde souvent la météo sur le téléphone pour choisir ma tenue sans même jeter un oeil par la fenêtre… encore récemment, elle n’annonçait pas de pluie et je me suis retrouvé trempé sur mon vélo… Le smartphone nous donne un autre accès aux informations, mais ne les changent pas… quand il pleut, il pleut !

Il en est de même pour le digital en entreprise : le plus souvent ça révolutionne la façon de travailler, mais sans toucher à l’essentiel du métier. 

Explications.

Une révolution incontestable, et c’est bien le problème

Evidemment, l’informatique, le digital sont des révolutions pour nos modes de vie. Cela change notre rapport au monde, aux autres, à l’information. Cela change nos besoins de démocratie, la façon dont nous apprenons, nous achetons, nous communiquons, nous aimons parfois… Mais ce changement paraît si évident, qu’il finit par devenir un dogme qu’il est inconcevable de questionner sous peine d’être immédiatement vu comme rétrograde, conservateur ou has been.

Comme toutes ces vérités absolues, elles emportent la subtilité et on voit trop souvent des solutions digitales plaquées sans astuce par manque d’esprit critique et aveuglé par la tendance.

Parce que le digital ne change pas tout : l’essentiel demeure

Prenons l’exemple du commerce : il est incontestable que le commerce est très concerné par la révolution digitale : mode de distribution, de livraison, de recommandation, de comparaison. Rien ne sera plus comme avant. Et pourtant le commerce a-t-il fondamentalement changé depuis 50 ans ? Depuis 4000 ans même ? Pas tant que ça. On cherche à acquérir un produit, à un certain niveau de qualité, avec un certain niveau de conseil et de service, et une charge émotionnelle ou non… 

Est-ce que tout ça change vraiment ? Si le produit sur Amazon n’est pas celui attendu, vous serez déçus, comme pendant l’Antiquité.

Idem pour l’industrie : évidemment, on va la piloter autrement, faire l’usine 4.0, communiquer différemment. Mais au final, dans une usine on regardera toujours si la sécurité est assurée, si la qualité est au rendez-vous, si le coût est contenu (et en baisse si possible) et si tout c’est fait en temps et en heure. 

Dans l’aéronautique la fiabilité restera une clé ; dans la télévision, les programmes de qualité en ligne avec leur temps seront toujours ceux qui marqueront les gens ; dans la cosmétique, on cherchera à trouver les meilleurs produits, etc…

Le digital est un outil. 

Le gérer, c’est donc d’abord l’asservir

Le problème du digital, c’est que c’est un enjeu tellement incontestable qu’il ne fait pas assez l’effort de se mettre au service du business. Récemment dans un Groupe industriel, une présentation défendait le digital ; le même document aurait pu être présenté dans l’Assurance sans changer 1 seul mot !

Le digital ne doit donc pas être fainéant. Il doit se poser la question de son utilité pour le business, pour les équipes, pour le client. C’est une question de politesse en premier lieu, mais d’efficacité surtout. 

Comment s’étonner que les gens résistent ? Le métier, le savoir-faire doivent rester le cœur du fonctionnement d’une boite.

Très souvent on nous dit que le digital peine à prendre, que les gens ne se rendent pas compte… Mais quand on regarde de près, on se rend compte que les outils, les process digitaux ont été plaqués, et qu’ils ressemblent trait pour trait à ce qui est fait ailleurs. 

Le digital n’est pas un objectif, c’est un moyen.

Comment s’étonner que les gens résistent ? Le métier, le savoir-faire doivent rester le cœur du fonctionnement d’une boite. Si vous fabriquez des automobiles, des médicaments, des programmes TV ou des chaussures, votre métier restera de fabriquer ou de vendre. Le digital est à votre service pour mieux le faire, pas l’inverse. Et s’il faut pour cela garder du papier ici, une réunion physique là ou un tableau blanc, et bien gardez-les !

Le digital n’est pas un objectif, c’est un moyen.

Etre digital, ce n’est pas « faire une appli », c’est arrêter de décider

Enfin, si on prend un peu de hauteur et qu’on se demande ce que renferme cette révolution, on va s’apercevoir que les appli, les outils de stockage, de communication ou de prévision ne sont que la partie immergée de l’iceberg.

Wikipédia, Google, Wikileaks, Facebook ont révolutionné l’accès à l’information et le pouvoir ne peut plus la contrôler. Diriger devient animer la décision, et non plus la prendre.

Quand on me questionne sur le digital, je dis souvent que l’outil digital par excellence est le post-it… D’ailleurs, il est frappant de voir que chez la plupart des stars du web, le post-it est roi et occupe tous les espaces…

Pourquoi ce paradoxe ?

Parce que le digital change surtout 2 choses : le rapport à l’information et l’expression des opinions.

Avant internet, le pouvoir était proportionnel à l’accès à l’information. C’est vrai depuis le Moyen- Âge, où ceux qui savaient lire dominaient le monde, et jusqu’à il y a une vingtaine d’années dans les entreprises, quand l’accès à l’info était limité et contrôlé par un petit nombre de gens. Wikipédia, Google, Wikileaks, Facebook ont révolutionné l’accès à l’information et le pouvoir ne peut plus la contrôler. Diriger devient animer la décision, et non plus la prendre.

Avant internet, les experts seuls avaient accès à des tribunes, aux médias. On s’exprimait si on était légitime, compétent, reconnu. Maintenant, tout le monde s’exprime sur tout. Pour le pire parfois, mais pour le meilleur aussi, puisque la démocratie avance. 

Etre digital c’est laisser les avis s’exprimer et aider à décider… Et donc le règne du post-it.  

Si vous voulez vivre avec votre temps, la question c’est moins de savoir comment protéger vos données quand elles sont en ligne, que de savoir si vous devez les protéger… Etre digital, ce n’est pas mettre en place un vote électronique pour sonder le terrain, c’est permettre à tous de commenter vos choix et de prendre part à la décision. C’est aussi le grand défi des syndicats : comment réinventer ce rôle important quand les citoyens veulent de plus en plus s’exprimer eux-mêmes ?

Ode au management épuré

Les réflexions bouillonnent sur le modèle managérial de demain et de nouveaux outils apparaissent chaque jour : entreprise libérée, holacratie, collaborativisme, MBTI, Process Com, etc. Le management évolue et nous nous en réjouissons, mais attention au chant des sirènes qui nous éloigne parfois des fondamentaux : faire comprendre et créer de la relation, tout simplement.

La foire du management contemporain

A la manière de l’art contemporain, les nouveautés managériales sont aussi foisonnantes qu’elles sont variées, tant et si bien que les outils qui hier encore sonnaient comme des révolutions (Lean manufacturing, matriciel, SWOT, RACI) semblent aujourd’hui vieillis. C’est intéressant car cela n’a pas toujours été le cas et car cela montre que le questionnement sur les pratiques managériales est constant.

Comme l’art contemporain, on trouve de tout : des idées géniales et de bon sens, des concepts un peu fumeux ou qui enfoncent des portes ouvertes, mais aussi des outils que – malgré notre intérêt prononcé pour le management – nous n’avons jamais compris…

Bref comme le Grand Marché de l’Art Contemporain actuellement à la place de la Bastille, à deux pas de nos bureaux, on s’y perd un peu.

Pendant ce temps-là, dans les équipes…

Si l’innovation managériale est en mouvement, les besoins des équipes sont en revanche connus de longue date et toujours en attente : cela fait plus de dix ans que les enquêtes sur l’engagement du personnel donnent des résultats abyssaux, que les managers intermédiaires crient leur détresse, que les Codir s’entredéchirent sur leur vision stratégique, etc.

Et si on avait fait plus simple, et si les équipes n’avaient pas juste besoin de s’exprimer un peu plus longtemps ?

Comme des enfants couverts de cadeaux par des parents trop occupés pour venir assister au spectacle de fin d’année, les efforts des managers et les aspirations des équipes ne se rejoignent pas.

Les équipes se plaignent de l’entretien de fin d’année avec leurs managers, on forme tout le monde à un outil révolutionnaire censé faciliter l’échange, la gestion de carrière, l’orientation vers les offres de formation. Cela ne suffit pas, allez hop, un SI RH. Toujours pas ? On crée une université Groupe pour établir un cursus développant les savoir-faire et savoir-être associés et une appli sur la qualité de vie au travail. Et si on avait fait plus simple, et si les équipes n’avaient pas juste besoin de s’exprimer un peu plus longtemps ?

Nous comprenons les managers ambitieux qui lancent 20 projets en même temps pour réussir une transformation complète de leur culture et de leur organisation, mais nous constatons qu’il n’est pas possible d’en réussir 1 si on n’a pas réussi à créer un climat de confiance, à faire comprendre une vision simple, claire, humaine et si les managers ne sont pas engagés à vos côtés pour l’animer.

Syndrome 1 : vision contre organisation

Quand un manager arrive à son poste, il a envie de renverser la table et c’est normal. C’est difficile de continuer à jouer avec la partie d’un autre.

Souvent, le problème est au démarrage, lors de la définition de la vision.

Bien souvent, cela prend la forme d’une vision stratégique rapidement traduite en 4 axes eux-mêmes déclinés en 12 (quand ce n’est pas 24) priorités qui s’appuient justement sur des concepts modernes : CSP, SIRH, TPM, et autres sigles. On construit les feuilles de route et les projets associés, on crée des jalons et quelques semaines après le lancement, on se rend compte que l’on patine dans la semoule.

Le projet est légitime pourtant, brillant même parfois. Alors pourquoi cela ne marche pas ? Souvent, le problème est au démarrage, lors de la définition de la vision.

Première hypothèse, elle a été faite sur un coin de table, pour vite aller au reste, et elle est donc peu structurante. Dans ces cas-là elle ressemble à un super-objectif (« doubler le CA », « redevenir rentable ») ou alors elle est très très bateau (« devenir la référence de… », « être leader de… »).

Seconde hypothèse, elle est possiblement très juste mais elle n’a pas été suffisamment discutée ou partagée. Vous l’avez communiqué bien sûr mais vous n’avez pas validé une compréhension commune de chaque acteur-clé. On ne s’en rend pas toujours compte mais si vous demandez à chaque membre Codir sa compréhension de la vision, vous seriez souvent très étonné de l’écart des reformulations.

Bien sûr c’est rassurant d’avoir mis devant chaque problème majeur un projet innovant, mais ce n’est pas parce que c’est rassurant que c’est efficace.

Syndrome 2 : relation contre communication

Nous sommes les premiers à proposer à nos clients des séminaires innovants où on va se parler de façon décalée par rapport à l’ordinaire.

Partout on se forme à la posture managériale, à la communication et à l’animation d’équipe. Sur ces sujets importants, on a l’impression qu’il naît un nouvel outil par jour. C’est très bien, c’est un sujet tellement complexe que cette recherche est infinie.

On apprend à parler aux millenials, on se forme à la communication digitale, on trouve des teambuilding détonants, etc.

Vous aurez plus à gagner d’un déjeuner convivial régulier que d’une démarche MBTI collective.

Nous n’irons pas à l’encontre de toutes ces bonnes initiatives mais nous voyons aussi naître le syndrome de ceux qui font des 360 pour ne pas avoir à demander aux membres de son équipe comment ils se sentent le matin, qui organisent des teambuilding phénoménaux et ne disent pas vraiment bonjour le matin, qui sont devenus experts de la PNL et ne connaissent pourtant rien de la vie de leurs équipes.

Si vous ne connaissez pas le lieu de naissance des membres de votre équipe, leur principal hobby ou le nom de leurs enfants, nous ne disons pas que vous êtes un mauvais manager mais que vous aurez plus à gagner d’un déjeuner convivial régulier que d’une démarche MBTI collective.

La relation est un prérequis du management, sans laquelle aucun outil de communication, d’animation ou d’engagement n’est pas véritablement efficace.

Cela paraît tellement simple, le management épuré, quand on le voit mis en œuvre par des managers qui font simplement et efficacement les choses. Et pourtant c’est tellement compliqué de ne pas broder, accumuler, conceptualiser pour habiller nos défauts de management. 

ALBUS CONSEIL