Dans cette période de transition (on l’espère!) vers le post COVID, nous sommes assez tristes de constater que ce monde d’après, tant présagé et tant espéré, est finalement assez similaire au monde d’avant, et surtout dans les entreprises. En effet, si. on regarde les choses de près, outre de nouveaux accords sur le télétravail, quels grands changements, quels grands virages ont pris les entreprises ? Finalement assez peu.
Et si une pandémie mondiale ne suffit pas à créer de vertueuses ruptures pour les organisations, alors invoquons la capacité des individu – des managers aux actionnaires – à impulser des changements radicaux, pour des entreprises plus engagées, plus efficaces, plus humanistes ! Vous avez plus de pouvoir que vous ne le croyez !
Catégorie : innovation
Et si la crise nous offrait l’occasion de nous échapper du conformisme ?
Comme vous l’avez tous remarqué, le « monde d’après » n’existe pas. Les idéaux n’ont pas spécialement avancé pendant la crise et le monde n’est ni moins bon, ni meilleur qu’avant. Une crise pour rien alors ? Pas vraiment, car les indicateurs ayant tous explosés, il y a une place nouvelle pour les projets singuliers. Et si vous profitiez du monde d’aujourd’hui pour faire un projet qui vous ressemble ?
Nous sommes passés d’une course en ligne à une course d’orientation
Comme souvent dans les crises, ce qui se passe n’est jamais ce que les oracles économico-influenceurs avaient prévu. Les chiffres sont tous faux, les projections caduques, les prédictions à l’ouest. Pour autant, la crise a quand même rebattu les cartes et cela crée non seulement des opportunités business, mais aussi des opportunités managériales.
Avant la crise, bien que nous parlions du monde VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity and Ambiguity), la réalité était tout autre. Sur un même marché, les entreprises avaient la même info, suivaient les mêmes indicateurs et étaient conseillées par les mêmes personnes. Donc, les projets des concurrents étaient du pur copier-coller : digitalisation, priorité à la croissance chinoise, économie de moyens en Europe et aux US, l’agilité en intraveineuse.
Aujourd’hui, tout a changé. La crise a eu un effet centrifuge qui a projeté les entreprises d’un même marché dans des situations opposées. Hormis les grands perdants (aéronautique, événementiel, culture) et les grands gagnants (GMS, alimentaire, santé), les donnes sont bien plus diverses qu’auparavant : PSA et Renault, L’Oréal et Coty, etc. Bien sûr, certaines tendances dataient d’avant la crise mais l’écart s’est creusé incroyablement.
Et on le voit que les solutions divergent également : entre ceux qui rentrent dans une logique detox, PSE ou rigueur, qui ne sont finalement pas tout le monde ; ceux qui investissent sur un marché où les bonnes affaires sont légions ; ceux qui maintiennent le cap fixé et ceux qui changent tout.
En management aussi, il y a de nouveaux espaces
Ce n’est peut-être pas flagrant partout, mais ce qui est vrai pour les affaires se retrouve pour le management. Le budget 2020 est un lointain souvenir, celui de 2021 ressemblent plus à des scénarii qu’à un objectif clair. Les indicateurs sont perdus et les grandes démarches Corporate ont desserré leurs étaux provisoirement.
C’est vrai pour 2020, ça le sera en 2021 et peut-être même en 2022. Vous avez donc une fenêtre de tir idéale pour faire, enfin, un projet singulier, plus intuitif ou plus personnel, un projet qui ne doit pas (autant que d’habitude) cocher les cases. Profitez-en !
Nous le voyons chez nos clients : ils font ce qu’ils n’auraient pas imaginé faire il y a un an. Certains réinventent leurs relations sociales dans de grands groupes très frileux sur ces sujets, certains échangent avec des concurrents alors que cette pratique était taboue il y a peu, d’autres changent leurs programmes d’incentives ou de formation auparavant bridés par le Corporate. Un vent de fraîcheur et de liberté souffle sur certains managers et c’est un plaisir à voir.
Le risque : passer à côté d’une occasion unique
Nous sommes depuis tellement longtemps dans une prison des outils et des systèmes que nous respectons des barrières qui sont (momentanément) disparues.
Essayez, pour voir ! Lancez une idée iconoclaste sur la communication et regardez si la communication interne, la police de la pensée, intervient. Lancez une initiative avec votre concurrent sur la RSE et voyons ce qui se passe… Tentez votre chance tant que les systèmes sont désorientés, vous verrez que des espaces existent pour faire ce qui était impossible hier.
Vos équipes, vos collègues, vous-même, ne se souviendront pas du manager qui a déployé l’Agilité et le Pilotage de la performance selon les prescrits de leurs entreprises. C’est aussi pour laisser une trace, un impact positif et singulier que cette période est une opportunité à saisir !
La stratégie est morte, vive la mobilisation
Fantasmée ou redoutée, la stratégie est un sujet récurrent de conversation : qu’on ait la sensation d’en avoir une ou non, qu’on rêve d’y contribuer ou qu’on essaye de s’y soustraire, la stratégie est une notion qui semble un peu magique. Pourtant, avec l’incroyable circulation de l’information, la stratégie est moins différenciante… la vraie différence, c’est la vitesse à laquelle on l’opère.
La stratégie n’a plus sa place en entreprise
Alors évidemment, pour ne pas mettre tout dans le même sac, il faut définir la stratégie un peu plus précisément que ce qui est fait habituellement. C’est souvent un concept un peu fourre-tout, qui regroupe la vision, les enjeux, les objectifs, et les moyens.
Pour faire simple la stratégie c’est le choix d’allocation des moyens rares (le temps et l’argent principalement).
Elle nécessite une vision bien-sûr puisque le stratège à l’origine n’est que l’exécuteur du politique : le roi décide du but de guerre et le général choisit la façon de l’obtenir (la stratégie donc).
Parce qu’elle est soumise à la vision et donc à cette injonction de rapidité, la stratégie est un art malade dans les entreprises.
Dans notre monde, la vision est un grand sujet, et ceux qui arrivent à en définir une vraiment singulière sont finalement plutôt rares. Quand une entreprise a une vision vraiment différenciante, elle peut prendre de l’avance grâce aux innovations induites par la vision. Une entreprise à vision, voire à mission est un vrai plus dans notre monde.
Mais à partir de là, tout s’accélère. Parce que rares sont les innovations qui de nos jours peuvent encore constituer une barrière à l’entrée de plusieurs années : Toyota a mis une dizaine d’années avant d’être sérieusement copié sur l’hybride (Honda a sorti une hybride 2 ans après eux, mais plus confidentielle), mais Tesla n’a pas eu plus de 2 ans d’avance sur les grands constructeurs européens pour les électriques nouvelle génération.
Bref, dans un mode si rapide, l’innovation est un atout, mais pas une garantie.
Pour la stratégie, c’est encore pire. Parce qu’elle est soumise à la vision et donc à cette injonction de rapidité, la stratégie est un art malade dans les entreprises :
- Les leaders ne veulent pas prendre de retard sur les autres, et décrètent les changements à opérer sans se soucier vraiment des moyens disponibles (en tous cas dans les grands groupes). Le risque d’être largué est si fort que l’on met les équipes sous pression avec une menace hyper forte pour faire la même chose que les autres, vite vite vite.
- La subtilité et la patience (vertus premières du stratège), sont étouffées sous la volatilité des consommateurs, l’impatience des marché, la peur des dirigeants
Du coup, les modes prennent le pouvoir
Dans cette précipitation, la stratégie prise en étau est totalement phagocytée par les modes : plutôt que de réfléchir à une habile manoeuvre, singulière et adaptée à chaque détail de son contexte, le dirigeant du XXIème siècle préfère souvent le confort douillet de la mode : c’est la digitalisation qui a été la grande stratégie dans le commerce (c’est fini soi dit en passant : le digital est maintenant un basique qui ne confère aucun avantage stratégique). On a eu le lean bien sûr, le matriciel et la verticalisation des fonctions d’appui, les centres de services partagés, la délocalisation, le made in France, les organisations orientées client, etc…
Ces idées ont du bon, et contiennent de la stratégie, mais comme tout le monde les suit, elles ne contiennent en elles-mêmes, aucun avantage concurrentiel.
Et la mise en oeuvre est le dernier vrai espace de différenciation
La grande différence se fait dans la capacité à opérer la stratégie : en gros, tout le monde cherche à faire la même chose au même moment, et le gagnant est celui qui y arrive plus vite et mieux. C’est clairement l’apport de Carlos Tavarez à PSA : il a mené les transformations que cherchent à mener tous les autres constructeurs, mais y est arrivé plus vite et plus fort que les autres.
L’analyse stratégique classique à la BCG est un peu décevante, non pas parce qu’elle n’est plus pertinente mais parce que les stratégies se ressemblent énormément finalement.
La bataille se fait finalement sur la façon de les implanter. D’ailleurs, on presse le citron des équipes avec des plannings de fou et des PSE pour s’ajuster très rapidement, bien plus que pour trouver les astuces qui feront la différence pour les clients.
Évidemment, cette course effrénée sans vraiment de réflexion stratégique repose sur l’abnégation des équipes et explique probablement une partie importante de l’épuisement physique et psychologique au travail.
Pour celui qui veut remettre de la vertu dans ce monde de brutes, sans se faire irrémédiablement dépasser par tous les autres, il reste 2 options :
- Redonner les clés de la stratégie au terrain
- Faire éventuellement de la stratégie contre-intuitive
Redonner la clé de la stratégie au terrain
C’est la première solution qui me vient à l’esprit : puisqu’on n’a ni le temps ni les compétences pour de la stratégie entre la vision et l’action, mais que sans stratégie, on court comme un poulet sans tête, alors faisons la stratégie en même temps que l’action.
Le temps du top down est en train de se terminer philosophiquement mais aussi par pur pragmatisme.
Cela veut dire élever le débat sur le terrain en passant d’une exigence d’action et à une exigence de réflexion : « nous avons besoin d’arriver là, et je vous demande de trouver les solutions du quotidien pour le faire le mieux et le plus vite ». Le temps du top down est en train de se terminer philosophiquement mais aussi par pur pragmatisme.
Les équipes sont infiniment plus capables qu’on ne le croit de bâtir une stratégie parce qu’elles le font (en râlant) à la machine à café depuis des années…. Alors allez y les gars, essayez les vos solutions !
Faire de la stratégie contre intuitive
Mais si vous tenez à vous différencier par la stratégie, il reste un espace. Tellement simple et d’apparence bête qu’elle est rapide à concevoir et facile à expliquer.
Notre monde, c’est comme un bois dans lequel il y a des coins à champignons, de tailles variables. Mais comme notre bois est hyper cartographié, analysé, exploré, tout le monde sait où est le meilleur et y va sans réfléchir…
Mais du coup, il n’y a plus personne dans les coins moins fournis…
Mais la question si bête c’est : vaut-il mieux être seul dans un coin moyen que 100 dans un super coin ? La stratégie contre intuitive, c’est aller dans le coin moyen, et attendre tranquillou que les autres aillent se regrouper dans le super coin qui est si bien fléché par tous les experts de la terre, et relayé par des moyens de communication follement efficaces.
A tous les niveaux, le contre intuitif est une solution stratégique simple à concevoir (on fait l’inverse des autres), amusante à animer, et souvent vecteur de fierté pour les équipes.
J’avais conseillé à Virgin pour garder ses magasins physiques de multiplier par 3 le nombre de vendeurs pour un service hors norme. Au lieu de ça, ils les ont enlevés et se sont retrouvés face à Amazon sans avantage concurrentiel. Ne faut-il pas faire aujourd’hui la voiture thermique la plus économe du monde pendant que tout le monde se bat sur des batteries voraces en terres rares, et qui posent déjà des problèmes de recyclage et de production d’électricité ? Ne faut-il pas revenir en arrière sur la segmentation des tâches dans l’entreprise pour redonner aux gens le goût de leur métier ? Ne faut-il pas relocaliser les tâches à faible VA pour en faire un axe de différenciation pour des clients plus exigeants ?
A tous les niveaux, le contre intuitif est une solution stratégique simple à concevoir (on fait l’inverse des autres), amusante à animer, et souvent vecteur de fierté pour les équipes.
Alors, on attend quoi pour faire ce qui parait absurde ?
Plutôt qu’une réorganisation, proposez des épisodes organisationnels !
La réorganisation, un concept « has been » ? Non, si on regarde leur fréquence dans les entreprises qui n’a jamais été aussi importante. Oui, si on voit à quel point elles sont décevantes pour les acteurs qui les vivent et qui n’en attendent plus grand chose…
En fait, c’est un peu les deux. L’organisation doit bouger mais l’idée qu’une réorganisation offre LA solution au problème est illusoire. Osons parler de l’organisation évolutive, à chaque étape son organisation adaptée !
La réorganisation unique, une solution désormais inadaptée
Sans refaire l’histoire des organisations, nous sortons de deux cycles de 20 ans. Le premier cycle (1980-2000), c’est celui des organisations stables : l’organisation est pérenne (autour de 8-10 ans) mais on change des modes de fonctionnement suffisamment disruptifs pour apporter des sauts de performance sans restructuration (le lean, les nouvelles technologies, la mondialisation).
Une fois ces outils connus, quoique diversement bien utilisés, et face à l’accélération du rythme business, cela n’a plus suffi. On est donc entré dans un second cycle (2000-2020) où les organisations changent désormais tous les 3-4 ans, voire plus fréquemment encore. Aujourd’hui, quel que soit le secteur et le type d’organisation (même dans le public), ça restructure à tour de bras. Souvent, les organisations font des mouvements de balancier. Les plus taquins disent que l’on présente comme nouvelle une organisation qui existait 10 ans plus tôt, mais à y regarder le plus près on fait des allers-retours : une structure se met en place par métiers ou expertises, cela crée des silos donc on l’organise 3 ans plus tard par type de produits ou business, cela crée des doublons et on revient à la case départ.
Aujourd’hui, on arrive au bout de la logique : après 5 ou 6 allers-retours, les équipes sentent intuitivement que la structure parfaite n’existe pas et elles accueillent mi-résignées, mi-effarées les projets d’organisation survendues par leurs chefs.
Les règles ont changé
En fait, deux choses ont changé de façon telle que le concept même d’organisation est remis en cause : les marchés et les gens.
Le marché, nous ne vous l’apprenons pas, est devenu imprévisible. Il y a 3 ans encore, on était dans l’accélération mais on réussissait à peu près à planifier. Aujourd’hui, les marchés explosent ou s’écroulent sans que les leaders n’aient influencé ou prévu quoi que ce soit. Les youtubeurs influencent des pans entiers de notre économie. Comment imaginer avoir l’organisation idéale pour les 3 années à venir ?
Les gens eux, ne tiennent plus en place. Ils plaquent des boulots en or pour aller dans des start-up improbables, ou bien ils attendent de leur entreprise qu’elle leur propose des expériences différentes constamment, pour que la routine ne s’installe jamais.
En bref, l’organisation ne joue plus le même rôle qu’hier. Avant, l’organisation était une décision STRATEGIQUE : je sais quels sont mes atouts et mes perspectives, donc je décide de l’organisation gagnante qui me permettra de remplir mes objectifs.
Désormais l’organisation doit devenir un choix tactique : ne sachant pas grand-chose de ce qui m’entoure, je définis un plan d’objectifs réalistes et j’adapte mon organisation à chaque étape de ce plan.
Voici venir le temps de l’organisation plurielle et séquentielle
Plutôt qu’une organisation complexe qui veut tout concilier, pensée par des stratèges pour des opérationnels qu’ils ne connaissent pas vraiment, pourquoi ne pas envisager des épisodes organisationnels qui prennent les enjeux-clés les uns après les autres.
Plutôt que de changer l’organisation tous les deux ans en laissant imaginer que c’est « une bonne fois pour toute », pourquoi ne pas annoncer tout de suite les 3 prochaines organisations ?
Par exemple, la direction R&D d’un grand groupe industriel a annoncé trois épisodes de 18 mois chacun :
- Une organisation par expertise, pour construire les standards métier, installer les basiques et mettre en place les filières d’évolution.
- Puis une organisation qui favorise le mode projet, en s’organisant en transversal et par ligne de produit, pour travailler sur le délai de mise sur le marché et l’efficacité en cassant les silos.
- Et dans un troisième temps, une organisation qui s’organise par régions pour adapter le travail de recherche aux spécificités de chaque zone géographiques et favoriser le lien avec le business
Cela demande un travail de vision et d’alignement important mais cela redonne surtout de la crédibilité au travail de réorganisation, une meilleure convergence sur les priorités et un combat de fatalisme de ceux qui souffrent de leur position actuelle dans l’organisation.
Queen ou comment le participatif décuple l’énergie !
Bohemian Rapsody, le film de Bryan Singer retraçant la vie de Freddie Mercury est enthousiasmant à plus d’un titre.
Déjà parce que la musique y est omniprésente, parce que le parcours personnel de Freddie Mercury est touchant, mais aussi parce qu’on assiste à des moments clés de l’histoire du groupe Queen. On assiste aux débuts du groupe puis à son essor. Et ce qu’on observe est très intéressant.
Alors que le groupe commence à être assez connu, loin de se reposer sur ses lauriers et jouer la sécurité, il propose un titre de 6 minutes mêlant rock et opéra ! On leur dit que ça ne passera jamais sur les radios ; trop long et trop spécial. On connaît le succès du titre Bohemian Rapsody depuis !
Tout aussi inspirant, la démarche volontaire du groupe d’offrir « son moment » au public lors des concerts. Il est clair que Queen ne cherche pas à être « la vedette qui fait son show » mais plutôt à être en interaction avec son public, et réfléchit à des titres qui permettent au public de participer, d’être aussi un des membres du groupe à ce moment-là en intervenant dans la chanson au même titre qu’un musicien. Et on est subjugué par les images du concert de Live Aid, où Queen et son public sont au paroxysme de la symbiose et de l’énergie.
Super, mais quel rapport avec le management ?
Deux choses.
Comme avec ce choix incongru à la base de pousser le titre Bohemian Rapsody, sortir du cadre c’est une hygiène à pratiquer régulièrement en entreprise ! Sortir du cadre pour trouver de nouvelles idées pour traiter les sujets problématiques ; sortir du cadre des bureaux de temps en temps pour être dans une autre énergie ; et aussi accepter de creuser les propositions de vos collaborateurs qui paraissent hors cadre avant de les rejeter en bloc.
Évidemment, on ne peut pas comparer comme ça l’univers de la musique et celui du travail. En revanche, voir à quel point le fait de penser d’abord à ce qu’ils peuvent apporter à leur public, plutôt que se mettre en avant, enrichit la relation, décuple les énergies et peut inspirer les pratiques managériales. Aujourd’hui on a compris que performance et relation ne sont pas incompatibles. Alors quand on a un bon niveau de performance, et qu’on veut aller plus loin, passer en mode participatif peut donner des résultats fulgurants.
Surtout ne nous croyez-pas, testez !
Perdez la mémoire pour mieux manager !
A l’époque où on parle de droit à l’oubli numérique, c’est-à-dire qu’on demande à des machines d’oublier ce qu’elles savent sur des personnes, il serait peut-être temps d’évoquer le droit à l’oubli pour les managers !
Et même bien plus que le droit, car c’est finalement une question d’hygiène managériale que d’oublier ce qui n’est pas utile à l’efficacité collective ou à l’accomplissement de sa vision.
Dans un contexte de surabondance d’informations et de psychose de la traçabilité, il paraît nécessaire sinon vital de prendre le temps d’oublier.
Mais prenons d’abord le temps d’examiner ce phénomène…
Ce qu’il y a, c’est que deux facteurs viennent se combiner à cette surabondance d’informations, et ils complexifient la problématique.
Déjà, on baigne au quotidien dans l’injonction à la performance : « Il y a plus d’infos à traiter ? Eh bien traitons-en plus ! »
Et puisque cette abondance d’informations est un changement dans notre environnement, il faut suivre le mouvement, vu qu’aujourd’hui, si on refuse de s’adapter au changement, on meurt ou on passe pour un vieux con !
Alors, pour être au top, que faire ?
Apprendre à tout retenir, tracer et traiter de peur de louper l’information qui fera la différence, qui permettra de prendre la meilleure décision possible ?
Ça paraît délirant, mais le danger c’est qu’aujourd’hui nous sommes dans une époque où ça paraît possible.
Quelles données sont vraiment utiles, et quelles décisions je vais prendre selon quels critères après avoir consulté tout ça ?
Avec le big data par exemple, on stocke un nombre de données incalculable. On a tous des tas d’applis qui nous permettent de tracer ce qu’on mange, ce qu’on dort, ce qu’on bouge, le nombre de calories prises, dépensées… Aussi ce qu’on a à faire, les idées qu’on a, les trouvailles de restos, de bon vin, ou paramétrer les sujets sur lesquels on veut recevoir des informations, des mises à jour… Bref, on pourrait enregistrer l’intégralité de notre vie aujourd’hui si on le voulait ! ou encore passer notre temps à nous informer avec toutes les données disponibles en open source.
Ça paraît séduisant, comme ça, sauf que pendant qu’on fait ça, on ne vit pas, et une fois qu’on a fait ça, si on veut que ça serve à quelque chose, il faut prendre le temps de revenir sur ces données et en faire quelque chose ! C’est bien ça le problème. C’est que pour « manager » toutes ces données, ça prend du temps et de la réflexion en plus. Quelles données sont vraiment utiles, et quelles décisions je vais prendre selon quels critères après avoir consulté tout ça ?
C’est d’autant plus problématique qu’aujourd’hui la frustration n’est plus à la mode, tant nous baignons depuis des années dans une culture de l’illimité, qui ne nous oblige plus tellement à nous mettre des limites.
J’assistais l’autre jour à une conférence débat sur le big data et j’étais stupéfaite des échanges entre les responsables IT pour la plupart de grands groupes… Pas stupéfaite d’entendre qu’ils étaient très rôdés sur la collecte de données, que tout était tracé, qu’ils ne perdaient aucune des infos auxquelles ils pouvaient accéder… Mais vraiment stupéfaite d’entendre toutes leurs questions sur le : que fait-on de ces données ? Comment on choisit les données à exploiter et comment les exploiter ? ça donnait l’impression que les entreprises avaient investi des sommes astronomiques sans idée claire de ce qu’elles allaient faire de toutes les données stockées ! Sans stratégie, comme si c’était juste la course de celui qui a le plus de données !
C’est comme avoir accès à la mine d’or et ne pas avoir de piolet pour en extraire les pépites…
Cette volonté de conserver l’exhaustivité des données, ou d’utiliser cet accès illimité aux informations on le voit, mène très facilement à la noyade.
En effet, on est tellement submergé par la quantité qu’on n’arrive plus à prendre le recul nécessaire pour faire de la qualité. C’est d’autant plus problématique qu’aujourd’hui la frustration n’est plus à la mode, tant nous baignons depuis des années dans une culture de l’illimité, qui ne nous oblige plus tellement à nous mettre des limites. Donc, savoir se frustrer et choisir les données ou informations qui nous ont vraiment importantes devient quasiment impossible.
C’est comme avoir accès à la mine d’or et ne pas avoir de piolet pour en extraire les pépites…
Dommage.
Si on élargit la réflexion au fait de vouloir garder en mémoire au maximum les éléments de notre quotidien, il est intéressant de regarder l’épisode 3 de la saison 1 de la série Black Mirror. Dans cet épisode, on suit l’histoire de Liam Foxwell, un jeune avocat à la recherche d’un emploi. Comme presque tout le monde, il a une puce implantée derrière l’oreille qui lui permet de stocker ses souvenirs et de les rediffuser quand bon lui semble. Et quand il se prend à douter de la fidélité de sa femme, il utilise donc les images en sa possession pour enquêter sur ce supposé adultère et confronter les deux amants.
Cette abondance d’informations et la facilité à les tracer, c’est tellement séduisant qu’on en devient addict.
Cet accès à une mémoire artificielle et exhaustive, loin de faciliter les relations vient ici accentuer la méfiance et consolider la place des événements douloureux. Car, comme l’esprit humain est habitué de longue date à se concentrer sur ce qui est mauvais et dangereux (vestiges de l’instinct de survie !), il se concentre à revoir, revivre ces instants et entretenir le doute, la méfiance, la colère… Et vu qu’il y a un accès illimité, ça fait des dégâts !
Cette abondance d’informations et la facilité à les tracer, c’est tellement séduisant qu’on en devient addict. On le voit, qui réussit encore à résister aux notifications de son téléphone, ou à prendre mille photos à chaque instant et que l’on ne regardera sans doute jamais ? Il manque souvent derrière ces pratiques qui en soit n’ont rien de honteux, un objectif, une vision de ce qu’on va faire après avec ces éléments…
Et ce constat sociétal s’applique aussi au management. En tant que manager, on subit les mêmes causes et les mêmes conséquences pour soi et pour ses équipes.
Alors que faire ?
Et si la solution, c’était finalement de perdre la mémoire ? Oui, perdre la mémoire pour mieux manager !
Perdre la mémoire, c’est avant se donner l’opportunité de poser un regard neuf sur les situations et les personnes. Et en tant que manager, la façon dont on pose son regard sur les choses est déterminante. Oui, parce que pour prendre des décisions, arbitrer, c’est d’abord à partir de sa vision que l’on part.
Oubliez les moments de tensions !
Et pour ça, en préventif, il faut déjà dire assez vite à vos collaborateurs quand quelque chose ne vous plaît pas ! Sinon, gare au carnet de tickets ! ça permet de passer à autre chose et se concentrer sur ce qui est important maintenant. Et si vous choisissez de ne pas en parler, c’est à vous d’assumer, et de passer à autre chose. Oubliez ! De temps en temps, imaginer qu’on rencontre son équipe pour la première fois, prendre du recul ça fait du bien ! A soi et à son équipe !
Oubliez les positions !
Perdre la mémoire, c’est aussi avoir en tête que les positions des uns et des autres évoluent dans le temps. Parce qu’un allié ou un opposant, ça n’a de sens que sur un projet précis et à un instant T. Donc oublier la posture de ses collaborateurs sur le projet d’il y a 6 mois, c’est une question d’hygiène, pour permettre de démarrer sur de bonnes bases pour le nouveau projet. Et aussi avoir de bonnes surprises !
Oubliez les process !
Parce que ça fait du bien aussi la souplesse. Alors oui, il y a des éléments sur lesquels on ne peut pas déroger, comme la sécurité par exemple, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas autour des espaces où la souplesse peut se distiller à juste dose. Regardez à nouveau les grands aspects métier dont vous êtes responsable, et demandez-vous « pourquoi on a toujours fait comme ça ? ». Oublier, c’est laisser la place à une saine interrogation de ce qui se fait, dans le but d’améliorer le système.
Au final, ne trouvez-vous pas que ça paraît paradoxal de vouloir retenir le passé et le présent alors que le futur est en construction ? Bien sûr, il ne faut pas tout jeter, ce serait totalement inconscient. On apprend aussi du passé, c’est évident. Mais il est important d’avoir en tête ceci : si on choisit de garder en mémoire, d’imprimer le passé ou le présent, il faut le relier avec le futur. Au final, les éléments du passé, les données, les informations sont des outils, et ils deviennent utiles quand on leur donne du sens et qu’on les utilise dans le cadre d’une stratégie cohérente.
Avant de décider de garder une info, demandez-vous en quoi elle sert votre projet futur.
Le long terme, c’est ceux qui en parlent le plus…
A bas la dictature du court terme ! Le slogan est en vogue. Linkedin fourmille de citations emphatiques sur la nécessité du temps long : vous savez, le char qu’il faut accrocher à une étoile.
Le long terme est une sorte d’Eldorado perdu dans les entreprises… Tout le monde le souhaite, mais on ne le trouve jamais.
Pourquoi est-ce si dur ? Comment y arriver enfin ?
L’intérêt du temps long
Est-il besoin de défendre l’intérêt du long terme ?
Mais alors c’est un mystère : pourquoi une alternative si évidente aboutit si souvent à la réalité la moins vertueuse : le court terme qui bouffe tout ?
On se rend bien compte chaque jour des défauts du court terme : les décisions contredisent le bon sens des opérationnels ; on fait et on défait ; on ne tient pas compte de la nécessité de préserver des savoir-faire ; on multiplie les injonctions contradictoires (« innovez mais ne dépensez pas ») ; on brûle une énergie énorme à réduire le petit budget voyage ; etc.
Alors qu’avec le long terme, tout roule : on a le temps de former et d’organiser la transmission des savoirs ; les décisions sont cohérentes dans la durée ; on peut faire confiance aux objectifs d’une transformation.
Mais alors c’est un mystère : pourquoi une alternative si évidente aboutit si souvent à la réalité la moins vertueuse : le court terme qui bouffe tout ?
Pourquoi c’est si dur de ne pas être happé par le court terme ?
C’est structurel
L’explication la plus évidente est que le court terme change tout le temps et demande des réponses réflexes. Imaginez que vous avez décidé une politique de long terme qui privilégie les services, et que votre concurrent lance une campagne sur des super services, moins chers que les vôtres… C’est tentant de réagir dans l’urgence.
Autrement dit, la magie de notre monde c’est que des milliers de choses changent chaque jour sans vous demander votre avis… Et donc vous êtes soumis à un feu nourri de sollicitations qui vous amènent à vous adapter en permanence et donc à vivre dans le court terme.
Ça nourrit l’ego
Au delà de la nature même des actions, il se trouve que les événements du court terme ont un atout, c’est qu’ils nourrissent l’ego, le besoin de prouver sa légitimité à soi-même et aux autres, c’est l’effet pompier : les catastrophes du quotidien créent des héros alors que la prévention aura des effets supérieurs mais qu’on ne verra jamais vraiment. Le long terme ne brille pas. C’est d’ailleurs ce qui piège nos élus politiques : ils veulent être décorés et honorés maintenant (pour être réélus) alors que raisonner long terme, c’est anticiper des catastrophes avant qu’elles n’arrivent, et donc sans gloire. On ne se souvient des généraux qu’en temps de guerre, des pompiers un 11 septembre à New York… en gérant le long terme, on sombre dans l’oubli. Poincaré, quasi inconnu aujourd’hui, a évité l’hyperinflation en France (la même qui a conduit au nazisme en Allemagne), pendant que Churchill, le chef de guerre, est une figure que les enfants connaissent encore.
Et parce que la méchante finance rôde
Mais enfin, s’extraire du court terme est difficile parce que notre monde semble régi par les loi d’une finance devenu folle qui « trade » à la vitesse de la lumière et exige des rentabilités dingues sans se demander de quel business model on parle, ou si une utilité sociale se cache derrière le cours de bourse.
Je dis « semble régi », non par aveuglement, mais parce que si nous constatons fréquemment que les actionnaires ne se soucient pas du réel, il ne faut pas caricaturer. Le fameux monde de la finance n’est pas univoque : tous les comportements existent même les plus vertueux. Bref cette explication, si elle est réelle, ne doit pas être exagérée, et surtout ne pas servir d’alibi.
Comment résister efficacement ?
Evidemment, la martingale n’existe pas. Pour autant, nous constatons que dans une même entreprise, il peut y avoir des écarts immenses entre des managers qui sont submergés par le court-terme, et d’autres, à des postes comparables, qui semblent faire exister le long-terme dix fois plus. Quels sont leurs secrets ?
D’abord en étant productif
Il faut, en premier lieu, tordre le cou à une erreur très commune : la productivité n’est pas une préoccupation de court-termistes ; ni la maîtrise des coûts.
Au contraire. La productivité crédibilise le long terme. Elle permet de concentrer l’énergie sur l’essentiel. Elle crédibilise aussi vos demandes de budget ou de moyens en général : sans elle, on sait que vous donner 100 €, c’est en fait vous en donner 40 ou 50 efficaces. Si le collègue est plus productif, il attirera les investissements. Bien utiliser chaque euro dont on dispose, c’est permettre le long terme.
Ensuite en poursuivant des buts qui dépassent le contexte
C’est l’enseignement des philosophies asiatiques : on peut résister aux aléas du monde, non pas en cherchant à les prévoir mais en choisissant des buts qui sont peu ou pas du tout impactés par les aléas.
Les réflexes en Europe c’est d’être proactif, en essayant de prévoir les problèmes du lendemain… Mais on échoue (de plus en plus) face à l’ampleur de la tâche.
Le réflexe en Asie c’est d’être stable, en essayant de rester fidèle à ses buts ultimes.
- Des buts perso : Quelles sont vos convictions ? Comment pensez-vous qu’il faille manager les humains ? Quelle trace souhaitez-vous laisser ? Quel manager voulez-vous être ?
- Des buts business : Quelle finalité a votre activité ? Quels besoins fondamentaux auront encore vos clients dans 10 ans ?
Paradoxalement, le monde à 10 ans est souvent plus facile à appréhender que le monde à 3 ans… Parce que vos clients sont nombreux, agissent indépendamment de vous et prennent des décisions à court-terme… Mais à 10 ans leurs besoins sont prévisibles : si vous travaillez dans la pharma, tout peut arriver dans les 3 ans à venir (être vendu, fusionner, se réorganiser) mais à 10 ans on sait que les patients seront toujours là et voudront les meilleurs soins ; on sait que les états voudront toujours contrôler les dépenses, etc.
En management aussi. A court terme, vous ne pouvez pas connaître les besoins de vos équipes. Mais à long terme, ils auront besoin d’être reconnus, d’être fiers, de réaliser des exploits, de mieux vivre au travail et à la maison, etc.
Pour faire exister le long terme, visez ce type de but et partagez-le avec vos équipes. A la fin vous aurez avancé dans la bonne direction, peut-être pas aussi vite que prévu, malgré d’innombrables aléas.
Et puis se mettre en danger, parfois.
Défendre une stratégie à long terme implique parfois d’être à contre-courant pour défendre vos convictions et à tenir malgré les demandes venues d’en haut. C’est un risque mais ne vaut-il pas mieux être sanctionné pour avoir tenu bon qu’être félicité pour avoir tout lâché ?
Le mouvement actuel est que les salariés réclament plus de sens, sous l’impulsion des jeunes générations bien relayées par les plus anciennes… Il faut écouter cette aspiration. Et si les grandes entreprises détenues par des actionnaires borgnes perdent les éléments les plus dynamiques et entrepreneurs… tant pis pour elles.
Vive les projets peu ficelés !
« Voilà à peu près où je veux aller », « l’idée en gros c’est ça… », pour un manager ou un pilote de projet ça ne fait pas très sérieux. Une chose est sûre, ça n’est pas dans nos habitudes et on n’aime pas ça ! Et pourtant, c’est peut-être là, dans le flou, que se trouve la clef de la réussite.
On cadre bien, on ficèle tout, et ensuite on communique même si ça va à l’encontre du bon sens
« Ton projet a l’air pas mal mais ça reste assez vague, fais-moi un plan détaillé sur les deux ans à venir pour voir comment ça va se traduire ». Pour ne pas entendre ça, on a pris l’habitude de blinder nos idées et nos projets. Un projet naissant doit être accompagné d’un planning, de KPI etc. alors même qu’on ne s’est pas forcément mis d’accord sur l’idée principale. Et puis, si ça ne marche pas, on met tout à la poubelle et on recommence.
C’est un peu comme si on demandait à un bébé de naître avec un plan de carrière établi. Ou, plus proche de la réalité, comme les étudiants auxquels on demande un projet professionnel mature avant même l’entrée à l’université et qui inventent quelque chose pour plaire à leur examinateur. Au fond, on sait tous que ça ne veut pas dire grand chose et que c’est une perte de temps mais on le fait quand même. Il faut juste rentrer dans les cases.
C’est aussi le meilleur moyen de démobiliser à l’avance les personnes qui participeront à notre projet. A l’extrême quand les projets sont tout ficelés, les participants n’ont plus pour rôle que d’être des exécutants et adieu l’appropriation !
Pourquoi on fait ça alors ?
D’abord parce que notre conscience professionnelle nous fait honnir l’à-peu-près. Tant mieux, c’est une preuve de professionnalisme.
Ensuite parce qu’on a tous des mots d’ordre, dont une injonction à la perfection. On aimerait que tout ce que l’on fait soit parfait, et donc on ne montre que la partie émergée de l’iceberg, celle qui brille sous le soleil et on cache les rouages de nos réflexions et de nos turpitudes.
Enfin c’est un trait de notre société. On préfère les réponses aux questions. On n’apprécie ni le doute, ni le risque. On aime anticiper et sécuriser nos actions, s’assurer que tout est sous contrôle, d’où la culture des KPI qui prend une place de plus en plus importante.
La sécurisation est d’ailleurs symptomatique de notre système. Imaginons un peu un inventeur qui irait voir son banquier pour lui demander d’investir : « voilà j’ai peut-être une idée, je pense que ça pourrait être intéressant mais je ne sais pas du tout comment faire ». Pas sûr que le banquier lui octroie le prêt escompté. Il y a plus de chance qu’il le renvoie dans ses pénates ou, au mieux, qu’il lui demande de revenir avec un projet plus précis.
Pourtant, le modèle a déjà changé
Au niveau de la création d’entreprise en tous cas, c’est évident. Aujourd’hui quand on a un projet, on n’attend plus qu’il soit prêt à être lancé pour en parler, parce que ça ne marcherait plus, et que de toute façons il va évoluer 100 fois pour s’adapter au contexte. On lance des idées sur le marché alors qu’elles ne sont encore qu’à un stade embryonnaire et on les fait évoluer ensuite. La plupart des nouvelles entreprises ont d’ailleurs vocation à rester en « work in progress » toute leur vie. C’est le fameux « esprit Start-up » !
Pour réussir dans le système traditionnel, ces entreprises le contournent. D’abord, elles ne passent plus par les banques mais par le crowdfunding en créant une communauté de personnes qui suivent et soutiennent le projet chacun à leur façon, ensuite elles fonctionnent sur des systèmes agiles avec peu de choses fixes qui ne peuvent pas évoluer, elles acceptent de se remettre en question continuellement.
Ça a beaucoup d’avantages ! Et ceux-ci ne sont pas réservés aux fameuses start-up. Lancez des projets non ficelés et vous verrez :
Vous perdrez moins de temps
S’il faut changer quelque chose à votre projet, vous pourez le faire et au fur et à mesure et non de manière disruptive, ainsi on gagne du temps !
Vous mobiliserez plus
Comme les entrepreneurs qui utilisent le crowdfunding, vous attirerez des alliés en leur donnant un rôle dès le départ : qu’il s’agisse d’un soutien moral (en faisant de la com’ sur facebook par exemple), d’un soutien financier à la hauteur de ce qu’ils veulent donner, ou de la participation à la réflexion. D’ailleurs, peut-être le savez-vous mais beaucoup d’entrepreneurs ont recours au crowdfunding d’abord pour créer une communauté d’alliés, avant de trouver des financements.
Vous pourrez vous adapter
Vous avez un changement de Direction et donc de nouvelles priorités ? Pas de problème, vous gardez votre objectif final en tête mais la façon d’y arriver peut changer du tout au tout.
Vous serez plus créatif
Psychologiquement, car on n’a pas peur de se tromper, on a confiance en notre capacité à rectifier le tir.
Logiquement, car on ouvre la réflexion à plus de cerveaux.
Structurellement, car on n’a pas de barrière organisationnelle.
L’esprit start-up dont tout le monde parle n’est pas une question d’âge, de trottinette dans les couloirs ou de design thinking, c’est le fait de pouvoir venir avec une idée à moitié pensée et de dire « viens, si on bosse dessus ensemble, on va créer quelque chose d’extraordinaire ».
C’est donc à votre portée même dans les grandes boîtes !
Quelques exemples :
Si vous êtes managers, décidez d’accepter les nouvelles idées avec enthousiasme quelles qu’elles soient et ensuite cherchez ensemble comment les rendre plus fortes.
Choisissez aussi des KPI qui sont plus qualitatifs que quantitatifs. Est-ce que c’est nouveau ? Est-ce que c’est adapté au client ? etc.
Et puis quand vous menez vos propres projets, n’attendez pas d’avoir l’idée du siècle ou quelque chose de tout ficelé pour intégrer d’autres personnes à la réflexion. Ça demande d’accepter que ce ne soit pas votre projet à vous tout seul mais il n’y a pas de secret, ce n’est que comme ça qu’il deviendra aussi leur projet.
Liberté et exigence, pourquoi c’est compatible
Sur le papier, développer la liberté des salariés pour responsabiliser, c’est imparable… Mais dans les faits, on a peur que « ça parte dans tous les sens », que « les réalisations ne soient pas à la hauteur ».
Alors est-il possible de concilier liberté et exigence ? Quelle place pour le contrôle ?
L’utopie de la liberté
On ne peut plus à la mode ! La liberté est le nouveau concept en vogue du management… Conférences, bouquins, exemples (toujours les mêmes), et grandes déclarations. Être ouvertement contre est devenu un signal évident de conservatisme, à tendance réac.
C’est un peu la Porsche que l’on admire sincèrement, mais que l’on ne peut pas se payer et dont on se détourne sans avoir jamais vraiment songé à l’acheter.
Sur le papier, c’est vrai qu’il est difficile de lutter contre ses principes : un individu libre assumera toujours plus ses actes que s’ils lui ont été imposé. En développant la liberté, on s’impose d’accroitre la confiance, le partage des infos et des décisions, et on crée un cercle vertueux dans lequel les individus grandissent et prennent conscience de leurs responsabilités. Bref dans un monde du travail assez violent et volontiers anonyme, la liberté ressemble à la porte de sortie la plus noble, et la plus efficace, celle qui permet de se sentir à nouveau acteur.
Mais si l’on se plonge dans les entreprises, et évidemment pas les OVNI que sont Mars, Gore Tex et FAVI, la liberté fait envie mais semble inaccessible. Dans la majorité des entreprises, on impose des outils, des reportings, des organisations identiques d’un pays à l’autre, des comportements, des valeurs, etc… Et puis la pression des résultats à court terme est si forte que prendre le risque d’un résultat un peu incertain rend la liberté presque inconcevable, même pour des managers éclairés et ambitieux.
« Comment m’assurer du résultat sans brider la liberté ? »
« Comment donner de la liberté et gérer les écarts, voire les abus ? »
La liberté dans les grandes entreprises, ou même simplement dans les entreprises dans lesquelles le résultat de l’année se jouera à des détails, ressemble à une utopie.
C’est un peu la Porsche que l’on admire sincèrement, mais que l’on ne peut pas se payer et dont on se détourne sans avoir jamais vraiment songé à l’acheter.
L’impasse du contrôle
Alors pour compenser l’incertitude inhérente à la liberté, on se dit qu’il faut contrôler… Plus ou moins précisément, mais contrôler… Et l’adage « la confiance n’exclut pas le contrôle » vient le justifier.
Sauf que, confiance ou non, le contrôle n’est pas la solution.
Le contrôle est un engrenage infini, un peu comme les caméras de surveillance dans la rue. Vous posez une caméra pour sécuriser la rue… Et ça marche, on a moins d’agressions sous l’oeil de la caméra. Mais la violence se déplace parce qu’elle est rarement une opportunité pour celui qui l’exerce, c’est une nécessité. Le contrôle de vos équipes fonctionne de la même façon. Il ne réduit pas les écarts, il les déplacent.
Pire le contrôle est contre-productif dans presque 100% des cas : si l’on considère que la performance dépend de sa motivation et de sa compétence, on a donc 4 cas, et aucun où le contrôle ne fonctionne :
- Cas n°1, le contrôle est inutile, puisque sans lui, votre collaborateur avance bien et vite. Contrôler c’est au mieux lui faire perdre du temps, au pire réduire sa motivation.
- Cas n°2, le contrôle n’est pas le besoin de votre collaborateur. Il lui faut monter en compétence : il a donc besoin de formation, de votre coaching, d’apprendre.
- Cas n°3, il n’y a aucun chance qu’en le contrôlant, vous remotiviez ce type de collaborateur. Il faut négocier, trouver de nouveaux terrains de jeu. Pas contrôler.
- Cas n°4, là ça se discute. Le contrôle peut être une solution temporaire avant la sortie (du poste ou de l’entreprise) mais ne fera pas bouger ni en compétence, ni en motivation.
Bref, ne tentez pas l’alliage liberté/contrôle, c’est comme accélérer et freiner en même temps… Et c’est le frein qui gagnera.
La liberté, c’est l’exigence
Mais rassurez-vous, parce que la liberté est le mode de management le plus exigeant. Si elle fait peur, c’est parce qu’on la confond avec le « laisser-faire ».
Donner des libertés, ce n’est pas ne plus s’intéresser à ce que fait l’autre ni tout accepter.
Donner des libertés, c’est avant tout partager les enjeux pour qu’ils n’appartiennent plus qu’à vous seuls. Aussi, pour que la liberté ne se transforme pas en un grand n’importe quoi, vous devez expliquer le pourquoi, donner envie et prioriser… Exigence pour vous.
Et puis prendre des libertés, c’est avant tout inventer les meilleurs moyens pour atteindre un objectif qui est désormais le sien. Il va donc falloir choisir, agir, améliorer… Exigence pour vos collaborateurs.
Donner des libertés c’est donc décider de faire le chemin ensemble et donc d’en partager la charge. Nous l’observons chez nous : nous avons libéré le recrutement… Ca ne veut pas dire que nous recrutons qui on veut quand on veut… Ca veut dire que chacun donne un avis, se mouille, se projette dans l’intégration, ou dans ce qu’il faudra faire si malheureusement ça ne marche pas. Bref, c’est difficile, plus difficile qu’avant, et ça crée plus de comportements vertueux que de « n’importe quoi ».
Et ça s’anime
Alors si vous avez décidé de donner des libertés pour enfin centrer vos collaborateurs sur leur Valeur Ajoutée, le client, et pas sur le reporting et les calculs pour vous plaire, il va falloir animer différemment votre équipe.
D’abord, en auto-coaching, pour éviter que vos peurs ne prennent le pas. Pour que vous acceptiez que votre besoin de maîtriser ce qui se passe ne vienne pas interférer avec la nécessité de partager le plus possible.
Ensuite, il faut choisir ses combats… Parce que les exemples médiatisés de liberté au travail sont aussi réels qu’incopiables. Ne vous laissez pas leurrer par les dogmatiques (liberté sur tout, sinon rien) et demandez-vous où la liberté aura le plus de bénéfices chez vous. Choisissez 1 processus, 1 action. Pas 10.
Puis exposez la cible à atteindre, le pourquoi (rationnel et émotionnel) et mettez la en projection : dans 3 mois, voilà le résultat que j’aimerais atteindre ; dans 6 mois ; dans 9 mois ; etc. A chaque étape, fixez un moment où vous raconterez votre quête de liberté.
Enfin, ne négligez pas l’accompagnement et le « faire avec ». Parce que la liberté au travail, c’est nouveau et qu’il n’y a pas de raison pour que vos équipes y arrivent seules dès le premier coup.
Demain, le film qui nous montre comment susciter – des initiatives qui changent les choses !
L’avenir de la planète est mal engagé, OK. Et si pour une fois on en parlait de façon constructive ? C’est le parti pris du film « Demain », qui dresse un portrait brut mais optimiste des problèmes écologiques d’aujourd’hui et de leurs conséquences transversales de demain. Pour cela, le film présente des initiatives modestes (pas question de changer le monde d’un coup) mais qui récoltent des succès inespérés. Comment ? Explications.
Prenons l’exemple d’Elango, en Inde. Le maire de cette ville en faillite, et en proie à une délinquance accrue, décide de mettre en place un conseil participatif et démocratique pour ouvrir le dialogue et réfléchir à des solutions simples. Le conseil regroupe des castes qui ne se côtoient jamais et les caisses sont quasi-vides. Pourtant, l’impossible devient réalité : avec beaucoup de système D et d’huile de coude, les habitants fraternisent et rénovent la ville qui retrouve paix et prospérité pour rayonner dans le pays.
A Elango, les difficultés ont été vues comme des challenges à relever et ont, en quelque sorte, nourri la motivation.
Cette initiative pourrait se résumer à une belle histoire avec happy end, pourtant, elle est vecteur d’approches aussi basiques que fondamentales en termes de management.
Pour commencer, un projet qui fonctionne est un projet qui permet à chacun de se sentir concerné et libre de s’investir à sa mesure. C’est aussi un projet qui est construit en collectif et qui permet de travailler en transverse. Ayez cela en tête lorsque vous concevez vos projets. Dans le film, les habitants se sentent tous concernés et libres de leur implication et c’est bien la condition sine qua none de leur engagement.
Surtout : plutôt que de voir le verre à moitié vide et de focaliser sur les obstacles sur lesquels vous n’avez pas d’influence (coupe budgétaire, environnement globalement défavorable, opposition etc.), intégrez-les comme des paramètres de jeu. A Elango, les difficultés ont été vues comme des challenges à relever et ont, en quelque sorte, nourri la motivation. Ainsi, faites de la contrainte un moteur de créativité, votre action n’en sera que plus pertinente parce qu’adaptée.
Ces approches permettent de prendre une réelle hauteur de vue quand un projet se déploie, comme bien souvent, contre vents et marées.