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Les indicateurs, la nouvelle drogue des managers

C’est effrayant le nombre d’indicateurs que l’on peut trouver dans une entreprise ! Ils ont pris des formes à la mode comme les KPI projets, la Balanced Scorecard, l’Obeya dans les systèmes lean, etc. Ils sont affichés, envoyés par mail, transmis par SMS, commentés en comité de direction…

 

Les indicateurs sont partout

C’est effrayant le nombre d’indicateurs que l’on peut trouver dans une entreprise ! Ils ont pris des formes à la mode comme les KPI projets, la Balanced Scorecard, l’Obeya dans les systèmes lean, etc. Ils sont affichés, envoyés par mail, transmis par SMS, commentés en comité de direction. Ils sont affichés pour les actionnaires, pour les certifications ISO, pour les visiteurs, pour les collaborateurs. Ils sont créés par des consultants, par les fonctions support, par les managers eux-mêmes.

L’indicateur et ses objectifs, sont les stars des entreprises. Ils sont tous SMART (Simple Mesurable Ambitieux Réaliste Temporel), ou devraient l’être, sont connus de tous ou ambitionnent de l’être, sont aimés ou détestés… ils se font le plus beau possible… de vraies vedettes, parfois éphémères !

Mais sont-ils si efficaces ?

 

Ils sont trop nombreux

Les indicateurs ne sont pas mauvais en soi mais leur nombre les dessert. Même quand ils ne se contredisent pas, leur multiplication les rend inefficaces… Là où ils devraient mettre en évidence une priorité, ils deviennent souvent une ligne de plus à surveiller. 

Il arrive que des managers aient à piloter plusieurs dizaines d’indicateurs et des centaines d’objectifs. Certains reportings faits sous Excel sont impressionnants. Et ils sont publiés parfois quotidiennement, voire toutes les heures ou même en temps réel ! Ce sont des milliers de données qui sont produites… Combien sont utilisées ?

Les managers sont schizophrènes sur le sujet : il est fréquent d’entendre un manager se plaindre de l’abondance d’indicateurs et de l’impossibilité de les piloter tous ; d’un autre côté, le même manager va en ajouter un, important celui-là… à chaque fois qu’un nouveau problème émerge.

Les managers souffrent donc de l’abondance d’indicateurs mais ne savent pas comment aborder un sujet sans en créer un nouveau. Ils sont en quelque sorte dépendants !

Pourquoi un tel comportement addictif ?

 

Ils trahissent un manque de confiance

Le recours à l’indicateur et aux objectifs est parfois une réponse à la crainte des managers de « laisser faire ». C’est un moyen pratique et qui paraît adapté, par exemple dans les réunions multi-services où personne ne veut prendre de responsabilité.

L’indicateur est ainsi l’expression de la peur du manager.

La peur du dirigeant est passée sur le terrain, perturbant ceux qui doivent réussir la production ou la vente, chaque jour.

C’est le cas souvent de la sécurité : indicateur inamovible de tous les tableaux de bord. Comme si l’enlever entrainait les plus grandes catastrophes ; comme si les opérateurs n’y faisaient attention que quand l’indicateur est bien là.

Caricaturalement :

  1. Le dirigeant constate une dégradation, de la qualité par exemple.
  2. Il en parle au comité de direction, avec virulence souvent.
  3. Les managers décident de créer un indicateur, ou de renforcer la communication (la pression en fait) sur un indicateur existant.
  4. Et le message est passé aux managers de terrain qui exécutent la demande sans la comprendre complètement.

La peur du dirigeant est passée sur le terrain, perturbant ceux qui doivent réussir la production ou la vente, chaque jour.

Plutôt que de chercher la source, on surveille. Plutôt que d’agir, on affiche. La réaction à la peur du chef est visible, il est rassuré. Comme si on faisait baisser la température en regardant le thermomètre.

  

Alors, terminés les indicateurs ?

Non, disons-le tout de suite.

L’indicateur, les objectifs et leur animation sont des outils de management indispensables et responsabilisant… A condition de les utiliser avec subtilité.

Si vous voulez des acteurs responsables, autonomes, créatifs et épanouis, témoignez-leur de la confiance, et, s’agissant des indicateurs :

  • Proposer des priorités larges, et laisser chaque manager et chaque équipe le traduire concrètement sur son terrain. Par exemple « Priorité à la qualité », traduit en « une vérification à chaque lot ».
  • Limiter les indicateurs à 4 au maximum. Au-delà, ils se retiennent moins, et parfois se contredisent. Bien sûr, il faut de nombreuses données pour améliorer les choses au quotidien. Mais les indicateurs sont là pour piloter et donner du sens, pas pour tout voir, tout le temps.
  • Changer les indicateurs quand c’est nécessaire. Un indicateur qui ne change jamais devient un élément du décor qu’on ne voit plus, comme une charte des valeurs dans une salle de réunion. Une entreprise est vivante, ses indicateurs doivent changer tous les 3 ou 6 mois, pour s’adapter aux besoins.

 

Le plus difficile : enlever un indicateur

Au fond, on s’aperçoit que l’indicateur vaut parce qu’il est rare. Et dans une période où on les a multipliés, l’acte le plus marquant est de réussir à en enlever. 

Le manager qui fera tomber les dogmes remportera la mise, parce qu’il aura substitué la confiance à ses peurs. Parce qu’il aura dit « le rendement c’est capital, mais c’est votre affaire, je n’ai pas besoin de le surveiller, je vous fais confiance »…

Il sera alors bien plus crédible quand il dira « nous avons laissé dériver notre rendement, il faut le surveiller à nouveau ; quel indicateur remplace-t-on ? ».

Un indicateur, pour être efficace est un spot mis sur un acteur d’une scène. S’il y a trop de spots, aucun acteur n’est mis en avant, c’est une chorale. Le vrai pouvoir est de savoir orienter 4 spots sur les 4 priorités du moment et d’être capable de les faire changer quand les priorités évoluent.

Visions et projets en entreprise : gare aux «copier-coller»

A l’heure où les bouleversements de notre économie se succèdent à un rythme effréné, les entreprises réagissent en lançant des actions ambitieuses. Seul problème, la sensation de voir partout les mêmes objectifs, les mêmes organisations, les mêmes plans, vide tous ces projets de leur sens.

 

« Ambition 2015 » ; « Retour aux fondamentaux » ; « Plan de performance » ; « 100% Qualité »… même les titres se ressemblent d’une entreprise à l’autre.

Depuis la crise de 2008, les entreprises se lancent toutes avec détermination dans des projets de rupture, censés débloquer une situation crispée et remplir enfin un carnet de commandes souvent déprimé.

Les accents sont mis sur la qualité et l’innovation d’une part pour gagner des parts de marché, mais aussi sur la compétitivité et la performance pour baisser les coûts par rapport à la concurrence.

On copie les autres, et on se copie soi-même : souvent les projets se ressemblent et s’accumulent année après année, avec comme seule différence le volontarisme du nouveau leader qui veut faire mieux que le précédent, mais qui rarement cherche à faire autrement.

Les entreprises françaises se copient, car elles travaillent en circuit fermé

Malheureusement en France, les grandes et moyennes entreprises embauchent des cadres qui sortent des mêmes écoles, restent encore très masculins et « franco-français », font appel aux mêmes grands cabinets de stratégie et d’organisation, utilisent les benchmarks à outrance comme les politiques abusent des sondages.

On copie les autres, et on se copie soi-même : souvent les projets se ressemblent et s’accumulent année après année, avec comme seule différence le volontarisme du nouveau leader qui veut faire mieux que le précédent, mais qui rarement cherche à faire autrement.

La conséquence, les projets sont des pastiches les uns des autres. La caricature : un projet d’entreprise pour doubler le chiffre d’affaires d’ici 2020, qui met l’accent sur l’innovation de rupture et la baisse simultanée des coûts, qui veut donner plus de place aux zones et aux pays et qui repositionne les RH en « business partner ».

 

La conséquence, un manque de sens pour le terrain

Si toutes ces idées peuvent être pertinentes, elles souffrent d’être davantage issues des concurrents ou du nouveau Directeur Général, plutôt que d’être inspirées par la réalité du terrain, l’histoire de l’entreprise, des forces et des faiblesses des équipes en place.

Et cela se paye, car ces projets restent souvent des « projets de chefs », qui font rêver les dirigeants et les actionnaires par leur ambition et leur exigence, mais qui n’ont aucun sens pour le terrain. Doubler le chiffre d’affaires sans augmenter les coûts, pour le terrain cela signifie une pression supplémentaire et un quotidien qui se corse ; promouvoir l’innovation, c’est essentiel mais cela reste souvent au stade des « bonnes intentions ».

Au final, les affiches fleurissent pour promouvoir les grands axes stratégiques, les séminaires de lancement sont encourageants et le soufflé retombe très vite, faute de contributions des acteurs de terrain.

Ce qui fait la différence, c’est donc que beaucoup poursuivent un paradoxe : lancer un projet en rupture en cherchant à ne surtout pas faire de faute. Cette logique conduit à des actions « déjà vues », à des démarches
« tartes à la crème », avec très peu d’efficacité sur la durée.

L’audace se révèle souvent payante

Bien sûr, toutes les entreprises de France et d’ailleurs ne rentrent pas dans le moule des projets stéréotypés. Le groupe Adeo (Leroy Merlin, Weldom, Bricoman,…) en France ou le Groupe Swatch en Suisse sont des exemples de créateurs de projets uniques.

Le premier en poussant très loin la logique de l’homme au centre et du partage « du savoir, du vouloir, du pouvoir et de l’avoir », le second en revendiquant toujours la culture de l’indépendance face aux marchés et aux financiers spéculateurs, ont développé et leur succès au niveau business et la fierté d’appartenance de leurs équipes. Chapeau ! 

Ce qui fait la différence, c’est donc que beaucoup poursuivent un paradoxe : lancer un projet en rupture en cherchant à ne surtout pas faire de faute. Cette logique conduit à des actions « déjà vues », à des démarches « tartes à la crème », avec très peu d’efficacité sur la durée

En revanche, lancer un projet offensif et original, qui puise sa source dans les équipes et qui est porté par ses dirigeants comme un challenge personnel, voilà qui donne toutes les chances de changer réellement les choses.

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ALBUS CONSEIL