Catégorie : liberté

Le bonheur au travail comme à la télévision, c’est possible même à mon niveau

En mars, ARTE a fait parler dans toutes les entreprises avec le documentaire « Le bonheur au travail »,  qui présente des expériences de liberté en entreprise aux quatre coins du monde et qui ont largement porté leurs fruits. Les commentaires que nous avons entendu sont souvent les mêmes : fascination et envie d’un côté : « c’est inspirant », mais aussi scepticisme : « chez nous ça ne pourrait pas marcher avec toutes nos structures et nos contraintes ». Alors plutôt que de philosopher pour trancher, nous vous proposons un mode d’emploi pour vous lancer, quel que soit votre niveau de responsabilité.

 

Le bonheur au travail, c’est le pays des bisounours ?

Petit rattrapage d’abord pour ceux qui n’ont pas vu le documentaire. Le film de Martin Meissonnier part d’un postulat : les organisations hiérarchiques que l’on connaît ne sont plus adaptées en Occident. Elles étaient faites pour encadrer des salariés très peu qualifiés et inadaptés aux nouveaux métiers nés de la Révolution Industrielle. Mais aujourd’hui, les collaborateurs en Occident sont dans l’immense majorité cultivés, informés, compétents et ils ont intégré les contraintes de l’entreprise. Alors pourquoi consommer autant d’énergie à contrôler et à brider les gens quand, en retrouvant les chemins de la liberté au travail, on retrouve le bonheur en même temps que l’efficacité ? Martin Meissonnier présente ensuite plusieurs expériences qui viennent illustrer ces idées, aussi diverses qu’une biscuiterie dans le Sud Ouest (POULT), le Ministère des Transports belge ou l’entreprise Harley Davidson.

Depuis la diffusion de ce reportage, le journal Le Parisien a repris le sujet en Une ; au moins deux émissions de radio en ont fait leur sujet ; Michelin, une des références du management en France, a annoncé que ce principe constituait désormais sa cible ; et nous avons reçu de nombreuses demandes pour réfléchir à ces concepts afin de les rendre concrets chez nos clients.

Rechercher le bonheur au travail n’est pas une action RH de prévention des risques psycho-sociaux mais un choix de mobilisation des énergies.

Alors, il y aura toujours la réflexion sur le fait que c’est le « pays des Bisounours » qui y est décrit ou ceux qui pensent que « ce n’est pas si simple ».

Que répondre ? Non en effet, ce n’est pas simple. En revanche, la recherche du bonheur au travail n’est pas une utopie humaniste, c’est un choix organisationnel ! On ne le recherche pas par charité ou bonté d’âme mais parce qu’on veut trouver des leviers d’efficacité, de créativité voire de productivité.

Il faut bien se dire que comme les outils (machines ou informatiques) sont les mêmes partout dans le monde et que les méthodes d’organisation se copient (le lean partout), la seule façon de faire la différence est sur les Hommes. Or, pour le coût des hommes, en Europe occidentale, c’est perdu d’avance (et tant mieux, c’est bien de savoir que nos ouvriers peuvent vivre correctement). La seule solution consiste donc à utiliser à fond  leur intelligence et leur culture. Et comment libérer leur intelligence avec tant de contrôle, et si peu de bonheur ?

Rechercher le bonheur au travail n’est pas une action RH de prévention des risques psycho-sociaux mais un choix de mobilisation des énergies pour inventer et servir les clients sans s’encombrer des lourdeurs innombrables liées aux contrôles.

 

C’est donc un choix stratégique, dévolu au leader

Le bonheur au travail est de la stratégie pure. Cette stratégie a un coût de mise en oeuvre majeur parce qu’elle nécessite un changement de culture.  

Bref, le bonheur au travail est un choix de leader. Il est d’ailleurs frappant de voir que le point commun de toutes les expériences présentées dans le reportage repose sur l’inspiration et la ténacité d’un leader : à tel point que chez Harley Davidson, quand le visionnaire quitte son poste, le modèle s’effondre au profit d’un modèle centré sur le profit… moins profitable…

Une fois que la décision est prise, il faut accepter par avance que le chemin est largement inconnu.

Michelin annonçant par ses dirigeants son choix du bonheur au travail comme modèle organisationnel est donc sur la bonne voie. Les opérations de mise en place vont certainement prendre des années mais la condition indispensable du succès est remplie.

Une fois que la décision est prise, il faut accepter par avance que le chemin est largement inconnu. Rassurez-vous, inconnu ne veut pas dire incertain. D’ailleurs ceux qui ont tenté d’implanter le Lean ou un ERP savent que chemin connu ne veut pas dire certain. Bref, vous irez de surprise en surprise mais beaucoup seront bonnes. Pourquoi ? Parce que les humains sont intelligents et le montrent quand on les considèrent comme tels, tout autant qu’ils peuvent devenir imbéciles si on les voit ainsi.

Sauf que vous n’êtes pas forcément maître de tout ça parce que vous n’êtes pas le big boss… Alors comment faire le bonheur dans votre équipe alors que votre entreprise n’a pas décidé ce changement d’organisation ? Comment faire si au contraire, le groupe qui vous emploie continue de multiplier les contraintes, les demandes tous azimuts, les objectifs à tort et à travers ?

 

Le bonheur dans mon équipe ?

Notre client le plus avancé sur le bonheur au travail, au sein des SAV de Darty en Ile de France, a lancé bien avant le reportage d’ARTE une expérience de bonheur au travail à son échelle et sans politique globale de l’enseigne en ce sens.

Le bonheur au travail est possible à n’importe quel niveau

Il a appuyé sa tactique sur la logique du cercle d’influence versus le cercle de préoccupation : le cercle de préoccupation est l’ensemble des problèmes qui nous préoccupent et pour lesquels il faudrait avoir des solutions mais qui ne dépendent pas nécessairement de nous. Le cercle d’influence est l’ensemble des problèmes sur lesquels nous pouvons avoir une influence et proposer une solution, même partielle, à notre niveau. Le second est plus petit que le premier, bien sûr.

Avec cette logique du cercle d’influence, le bonheur au travail est possible à n’importe quel niveau, même si nous n’arriverons pas au degré de liberté absolu.

 

Comment s’y prendre ?


  • D’abord réveillez l’enfant qui sommeille en vous et affichez votre enthousiasme à vos équipes. La liberté est une attitude avant toute chose et elle est communicative. Vous allez appeler à l’intelligence permanente et sur tous les sujets.
  • Ensuite stimulez l’envie. Bien souvent, les équipes sont tellement submergées par leur cercle de préoccupation qu’elles en oublient complètement leur cercle d’influence. Faites leur ECRIRE ce qu’elles veulent réussir, évidemment pas des objectifs business, mais les réalisations collectives qui les rendront heureuses et déteindront sur les clients. L’exercice permet de voir, littéralement, que l’on peut agir.
  • Libérez vos équipes de leurs inhibitions. Vous verrez des écrits très sages et sérieux. Poussez-les à se lâcher ! Dans les mots choisis d’abord puis dans les actes. Un manager de chez Darty mesure tous les jours le moral de ses équipes en leur proposant des M&M’s Bleu (bon moral) ou rouge (mauvais moral)… et ça marche !
  • Ne laissez pas se reposer les alliés. Dans vos équipes, certains iront loin et vite. D’autres traineront. Les premiers ouvrent la voie. Poussez-les sans cesse. On peut laisser se reposer celui qui peine mais pas celui qui avance. 

Instaurer le bonheur au travail dans votre équipe est un acte de liberté à votre niveau avant de l’être au niveau de vos équipes. La liberté, c’est un peu de rébellion et de résistance et beaucoup d’enthousiasme. C’est le retour en force de l’Enfant (de l’Analyse Transactionnelle) au détriment du tout Adulte qui fait la loi dans nos organisations pyramidales et gouvernées par les chiffres et les process.

Paris 2015, luttons contre le CO2 dans le management

2015 sera peut-être, espérons-le, historique pour démarrer enfin les grandes manœuvres mondiales de la lutte contre le réchauffement climatique ! Et quel est le grand enjeu de la conférence de Paris ? L’engagement bien sûr, et surtout pas les bonnes intentions ou l’accord de principe… C’est comme dans nos entreprises, la question de passer de la bonne intention aux actes est cruciale. Nous pensons que la solution ne passe pas par le consensus mais par l’antagonisme, le désaccord ! Voyons pourquoi.


Réchauffement climatique, un enjeu consensuel 

Ce qui est le plus rageant dans la lutte contre le réchauffement climatique, c’est que l’idée fait maintenant consensus au niveau mondial. Restent quelques irréductibles Américains, mais plus ceux qui ont le pouvoir ; même les Chinois bougent.

On s’accorde à dire que le réchauffement climatique est le plus grand défi de l’Humanité pour le XXIème siècle. Il peut engendrer guerres, mouvements majeurs de population, maladies, destructions d’espèces… Mais peut-être aussi les plus grandes coopérations entre nations que l’on ait connues. 

Bref, alors que tout le monde est d’accord sur le but, on ergote, on négocie des volumes de rejets et des dates d’inversion de courbe, et finalement on donne le sentiment de passer à côté de l’action.

La solution passera par l’acceptation des désaccords

Le problème est que personne ne veut perdre : on calcule et on fait des concessions pour que chacun garde ses intérêts intacts… C’est une effroyable fuite en avant ! On préserve de petits avantages à l’échelle des siècles par rapport aux difficultés immenses que l’on se promet.

L’envie commune est utopique, la mise sous contraintes aussi

La gouvernance mondiale est trop faible pour signer des accords contraignants : qui punira la Chine ou les Etats-Unis s’ils ne les respectent pas ? Personne.

Un pouvoir qui présiderait vraiment aux destinées de 8 milliards d’humains est soit irréaliste, soit totalitaire.

Non, l’accord contraignant ne doit pas être une cible de Paris 2015. Les pays ne s’y résoudront pas ou alors pour des objectifs très en-deçà de ce qui est nécessaire.

Vouloir poser les bases d’une gouvernance forte n’est pas souhaitable non plus, parce qu’un pouvoir qui présiderait vraiment aux destinées de 8 milliards d’humains est soit irréaliste, soit totalitaire. Les humains sont si différents dans leurs modes de vie et cultures. 

Faire émerger une envie commune (et donc des compromis) est plus enthousiasmant mais tout aussi utopique : parce qu’il n’y a aucune chance que les plus privilégiés renoncent à leur confort et que, par ailleurs, refuser aux pays en développement certains éléments de confort dont nous jouissons est impossible.

Comment dépasser ces égoïsmes ?

Comme les désaccords sont certains et structurels, faisons avec. 

Nous ne devons pas attendre les autres. Les Chinois et les Américains signent un accord ? Parfait, cela va dans le bon sens. D’autres ne font rien ? Tant pis. Ils vont se mettre en marge, voire assisteront à la fuite de leurs élites ; c’est vraisemblablement une des motivations de la Chine qui constate que ses villes deviennent invivables.

C’est une seconde révolution industrielle qu’il faut lancer.

Ce n’est pas une convergence qu’il faut encourager mais des efforts tous azimuts. La question de la protection de notre planète est celle des expériences et de l’audace. C’est une seconde révolution industrielle qu’il faut lancer, un chemin dont on ne connait pas vraiment la nature mais qui conduira à la fois à des conditions de vie meilleures pour les plus pauvres et des modes de vie plus sobres pour les plus riches.

Aussi, Paris 2015 pourrait être une foire aux initiatives plutôt qu’un round de négociation. Et donc une scène pour les rebelles, les non alignés. 

On le voit déjà d’ailleurs : la France a baissé ses émissions de 12% depuis 2000. Les Danois surtout n’attendent pas des accords mondiaux pour faire ce qu’ils pensent juste. Alors certes, le Danemark seul ne changera rien mais en agissant comme ils le font, ils montrent que c’est possible, sans renoncer à leur mode de vie.

Le Danemark a été classé pays le plus vertueux du monde par un collectif de 700 ONG (qui note toutefois ses efforts encore insuffisants). La particularité du Danemark tient en 3 points :

  • Politiquement, ils ont pris des engagements au-delà de toutes les contraintes mondiales et européennes.
  • Économiquement, ils ont développé une stratégie commerciale axée sur le domaine des économies d’énergie pour concilier croissance et diminution des rejets.
  • Socialement, ils concentrent leurs efforts sur le point faible (les transports routiers) et demandent des efforts à tous, simultanés et hyper concrets.

En entreprise, idem : Sus à l’alignement !

Dans les entreprises, on vit quotidiennement ce double paradoxe :

  • Des grandes phrases sur le leadership d’un côté et de l’autre, des organisations et des processus toujours plus contraignants.
  • Un rêve de l’initiative mais tout autant de l’alignement des équipes.

Nous arriverons à faire bouger les entreprises si nous revalorisons le non-alignement, les marginaux, les rebelles plus que les soldats.

L’alignement des équipes… cette expression seule nous fait frémir ! L’alignement est une posture d’attente, défensive. Il faut encourager le mouvement. Cela nécessite un cap clair (comme la lutte contre le réchauffement) mais aussi du désordre et des désaccords. Jacques Attali le montre dans un brillant essai qui fait éloge du nomadisme par rapport à la sédentarité (L’Homme Nomade) : les nomades ont créé les plus grandes nouveautés parce qu’ils sont en conquête versus les sédentaires qui cherchent à préserver.

Bien sûr, le nomadisme s’entend maintenant au niveau intellectuel plutôt que géographique mais l’on comprend le parallèle avec notre sujet : nous arriverons à faire bouger les entreprises si nous revalorisons le non-alignement, les marginaux, les rebelles plus que les soldats.

Concrètement, « faire du Danemark » dans nos entreprises c’est :

  • Collectivement, affirmer un cap commun.
  • Individuellement, faire choisir une cause et une seule à chacun (ou à chaque équipe). Une cause qui enthousiasme et contribue au cap. Ensuite la cause se divisera en combats adaptés, concrets, inscrits dans le temps et valorisés pour eux-mêmes et pas dans une compétition avec les autres.

Au fond, plutôt que le dogme de la compétition qui pousse à être premier mais pas toujours à se dépasser (si le second est très loin, pourquoi continuer à accélérer ?), le Danemark propose l’émulation dans lequel la comparaison se fait avec un rêve, une ambition par rapport à laquelle chaque pas, petit ou grand, peut avoir sa valeur.

ALBUS CONSEIL