Catégorie : managementdeprojet

Optimisme et pessimisme : mode d’emploi

L’optimisme et le pessimisme : deux énergies, deux ambiances . En entreprise, comme ailleurs, on les oppose très souvent et l’une serait manifestement préférable à l’autre. Pourtant est-ce le cas ? Pas si sûr.
Parce que oui, les deux ont leur utilité ! L’optimisme rend les projets séduisants et génère l’enthousiasme tandis que le pessimisme permet de les rendre plus robustes.
Alors au lieu de chercher à faire gagner l’une sur l’autre, on vous invite à réfléchir à comment utiliser intelligemment ces deux énergies dans vos équipes !

Et vous le pressentez… cela peut vite devenir un vrai casse-tête managérial : « Comment parvenir à faire co-exister ces deux énergies dans mon équipe ? », « Quelles doses d’optimisme ou de pessimisme dois-je mettre, et à quel moment ? », « Comment faire en sorte que les uns puissent être entendus par les autres ? ».
Tout n’est pas qu’une question de « savants mélanges » en recherche d’une moyenne un peu molle entre optimisme et pessimisme.
Aujourd’hui, on vous livre notre mode d’emploi… défi managérial garanti !

 

* Pour aller plus loin *

// A lire //

Le moment des projets positifs
Heureusement qu’il y a des contradictions
Optimisme, caricature ou art de vivre ?

// A voir //

La série Borgen, disponible sur Netflix

// Les extraits //

Astérix et Obélix, Mission Cléopâtre
Nicolas Hulot chez C à vous
Message à caractère informatif, « un excellent produit »

Au micro : Camille Riou et Patrick Bois

A la réalisation : Mathieu Driot

La noblesse du management transverse

Aujourd’hui le mode projet est roi dans les grandes entreprises. C’est logique, le temps s’accélère, et il faut s’adapter de plus en plus vite aux nouvelles données du contexte, en impliquant tous les services. Et pour piloter tous ces projets, il faut des chefs de projet, qui se trouvent donc en situation de manager en transversal.

Déjà que manager une équipe dans le cadre de relations hiérarchiques n’est pas forcément évident, là, le management transverse amène des contraintes supplémentaires, ce qui le rend d’autant plus délicat… mais aussi enthousiasmant !

 

Quand on gère un projet impliquant des collaborateurs de différents services, ça peut être coton !

C’est sûr que pour les personnes contributrices à votre projet, l’engagement qu’on leur demande en plus de leur opérationnel cœur de métier, c’est du temps en plus qu’ils n’ont déjà pas. En gros, ils peuvent se dire qu’ils ont autre chose à faire… Et ils ont droit de le penser en plus !

Sans compter que parfois, les résultats liés à ce projet ne font pas toujours partie de leurs objectifs annuels… donc quel serait leur intérêt de se mobiliser particulièrement pour votre projet ?

Un intérêt d’autant plus difficile à susciter en l’absence de lien hiérarchique entre le chef de projet et les contributeurs. Eh oui, inconsciemment, les demandes émanant de quelqu’un qui n’est pas directement dans la ligne hiérarchique ont moins de poids, et les actions sont parfois effectuées après « tout le reste », tardivement.

Cette absence de lien hiérarchique, ça veut aussi dire que chacun de vos contributeurs a lui aussi un manager… Complexe, car il faut aussi gérer les relations avec ces managers … et ils sont parfois nombreux ! Ce co-management informel est générateur de quiproquos et de tensions, et il paraît inconcevable de prévoir un temps avec chaque manager pour se caler. 

Là, on a simplement regardé les problématiques de relations individuelles, mais si on prend l’angle de vue du collectif, c’est manager une équipe dont les membres ont des objectifs et des besoins différents, voire contradictoires. Si par exemple vous demandez leurs avis à une personne du commercial et à une personne du SAV, il est évident que leurs enjeux sont presque opposés sur certains sujets, et il sera compliqué d’arriver à un consensus. Aïe! Ça semble bien mal parti !

Et face à tous ces pièges… en général on n’utilise qu’un nombre très limité de solutions

Au début, pour tenter de « séduire » les contributeurs, on essaie de minimiser le temps que ça va prendre, la difficulté que ça représente. En gros, on n’est pas très honnête et on essaie d’occulter le fait que participer à ce projet amène des contraintes.

Ça, ça ne peut durer qu’un temps, parce qu’au bout d’un moment, les gens se rendent bien compte que ça pèse dans leur agenda, et que c’est parfois compliqué… Et comme on leur a dit le contraire, ils se sentent un peu floués, et la confiance s’érode.

Du coup, une fois que les relations sont un peu tendues, il est difficile de mobiliser et de donner envie de contribuer aux projets. Donc souvent, dans ces cas-là, le manager du projet sollicite la hiérarchie pour faire agir les gens… Soit quelqu’un du top management soit le manager du contributeur pour obtenir ce dont il a besoin. On finit par imposer, et c’est dommage, parce qu’on tue d’un coup toute possibilité de créer de l’envie et de la motivation pour le projet ! 


Mais comment sortir du réflexe de faire appel à la hiérarchie ? Créer les conditions de la motivation plutôt que stimuler !

La première bonne pratique à mettre en place quand on sait qu’on va devoir demander quelque chose à quelqu’un, c’est d’inverser la logique ! Au lieu de se dire « ils devraient faire ça pour moi » c’est se poser plutôt la question « qu’est-ce que je peux faire pour eux ? ». Ça implique de se mettre à la place des contributeurs et d’imaginer ce qui pourrait leur être utile. Car si vous voulez faire d’une équipe votre alliée, vous devez commencer par devenir son allié. Et attention, être allié ça ne signifie pas être sympa, ça signifie poser des actes concrets en faveur du projet de la personne. 

Faites des difficultés du projet une source de motivation. En effet, on a tendance à croire que minimiser les difficultés est une bonne idée, alors que ce dont les gens ont besoin, c’est de vivre de vraies victoires et d’être fiers de ce qu’ils accomplissent. Alors valorisez ce qui est complexe et difficile dans ce projet, et surtout, pensez à célébrer ensemble les réussites au fur et à mesure de l’avancement du projet.

Soyez clairs sur les moyens mis à disposition pour débloquer les situations. Évidemment, valoriser les difficultés ne suffit pas… Pensez à mettre en place un dispositif clair pour aider les personnes qui peuvent se retrouver bloquées à une étape du projet. Communiquez régulièrement sur ce dispositif, car demander de l’aide n’est pas toujours un réflexe pour tout le monde, et peut même être coûteux pour certains.

Utilisez les avantages du mode projet. On l’a vu, le mode projet pose de nombreuses contraintes, mais il comporte aussi des aspects positifs qui donnent l’opportunité de donner envie. Oui, car un projet transverse, ça permet de décloisonner les services et d’échanger avec des collègues qu’on ne connaît pas. C’est aussi un espace où on peut bosser différemment. Pensez à proposer des façons novatrices et stimulantes de travailler ensemble au sein de votre équipe projet, comme le co-développement par exemple.

Votre rôle de manager transverse, comme celui de tout manager, c’est aussi de donner du feedback. On oublie trop souvent que les collaborateurs aiment savoir se situer et être rassurés d’être dans la bonne direction. C’est agréable de travailler avec quelqu’un qui s’intéresse à votre progression, non ?

De manière générale, dans votre façon de fonctionner avec votre équipe projet, il sera plus efficace de solliciter l’engagement des contributeurs que d’imposer une marche à suivre.

On constate que les solutions ne manquent pas pour simplifier et fluidifier le management transverse… on constate également que toutes ces solutions sont aussi celles qu’on recommande dans le cadre d’un management classique et hiérarchique. Ce type de management apparaît finalement comme le plus vertueux de tous, car en l’absence de lien hiérarchique, il incite à se demander « comment je peux faire pour donner envie et offrir un cadre de travail motivant au collaborateur ? ». Ce qui est finalement la question clé que tout manager devrait se poser en premier.

Le management transverse est le plus noble, c’est celui qui fait grandir, celui qui permet au manager d’être adulte et autonome dans ses relations avec son équipe, sans s’appuyer sur la soi-disant autorité de quelqu’un d’autre. Celui qui demande du courage.

Alors, que vous ayez un lien hiérarchique ou non avec vos collaborateurs, faites comme si vous n’en aviez pas, ça vous poussera à être un meilleur manager !

La petite poule rousse

Il y a 2 histoires qui portent le même nom ; celle qui nous intéresse aujourd’hui est la suivante : c’est une petite poule rousse qui trouve un grain de blé et qui propose à ses amis le canard, le cochon et le renard de l’aider à les semer. Mais ses amis ne veulent pas venir l’aider car ils sont tous très occupés… Alors elle se débrouille toute seule, et lorsqu’elle a planté, récolté, moulu, pétrit et cuit son pain, ses amis se présentent pour le manger, elle refuse alors et garde le pain pour elle seule.

Toute ressemblance avec un chef de projet qui veut faire agir ses collaborateurs n’est pas si fortuite que ça !

Si nous faisions du conseil pour animaux, nous pourrions expliquer à La Petite Poule Rousse qu’elle a fait 2 erreurs de management :

D’abord pour chaque étape besogneuse de transformation du blé, elle demande aux animaux de l’aider et tous refusent à chaque fois. Mais elle ne leur explique jamais ce que ce grain de blé pourrait devenir. Elle gagnerait sûrement des supporters en essayant de les faire rêver : la vision d’un bon pain bien chaud qu’ils dégusteraient tous ensemble…

Ensuite à la fin de l’histoire elle veut leur donner une leçon en refusant de partager son pain avec les autres animaux. Mais c’est une vision un peu court-termiste des choses car la sanction qui tombe ne va pas forcément donner envie aux animaux d’aider la fois suivante. Elle gagnerait sûrement sur le long terme en faisant vivre aux animaux un bon repas qu’elle pourra leur rappeler la prochaine fois qu’elle demandera de l’aide. 

Nous pourrions donc proposer une autre version de La Petite Poule Rousse : c’est une petite poule rousse qui trouve un grain de blé.

Elle réunit le canard, le cochon et le renard et leur demande leur avis sur l’ambiance de la ferme ; ils échangent sur le fait que c’est de plus en plus « chacun pour soi » et que l’hiver approchant il faudrait penser à faire des réserves. La Petite Poule Rousse explique alors son projet : lancer un cours de cuisine sur le thème « savoir faire son pain » ; le cochon et le canard sont emballés. Trois rendez-vous sont pris : un 1er le lendemain pour le cours de cuisine, un 2ème le jour suivant pour la dégustation, un 3ème à la fin de la semaine pour imaginer d’autres ingrédients à cuisiner, rendez-vous auquel se joint finalement le renard. Et devinez quoi : au printemps suivant ils ouvraient tous les 4 un restaurant.

Sentez-vous libre de lire cette version de l’histoire à vos enfants pour leur apprendre à être de futurs managers astucieux !

L’agilité n’est pas un projet

Ne tombez pas dans le piège qui consiste à faire de l’agilité votre projet d’entreprise !

Si « agilité » est votre projet, soit vous avez fait une erreur de marketing qui va desservir votre véritable projet, soit vous avez confondu votre projet d’entreprise et une solution pour atteindre vos objectifs. 

Pourquoi l’agilité ne peut pas être votre projet d’entreprise ?

On rencontre beaucoup de managers qui nous parlent de l’agilité comme de leur projet d’entreprise. Bien sûr, c’est un sujet majeur de notre époque pour être au diapason de changements de plus en plus rapides, et d’une concurrence de plus en plus mondiale et digitale. Pour toutes les entreprises, surtout les plus grandes et les plus anciennes, être agile est une condition de survie.

Alors, pourquoi donc l’agilité, si importante dans nos entreprises modernes ne peut-elle pas être votre projet d’entreprise ?

Parce que l’agilité est une SOLUTION ! Une solution pour s’adapter au monde qui change, mais une solution. Le projet d’entreprise doit évidemment proposer une solution, mais surtout lui donner du sens la liant à une vision. Il est donc essentiel de définir ce que votre entreprise doit devenir (être une entreprise agile n’est pas une finalité), la façon dont elle devra servir ses clients (et quels clients) pour que l’on comprenne pourquoi l’agilité est essentielle.


Mais alors que faire de l’agilité dans un projet d’entreprise ?

Si vous lancez un projet d’entreprise, c’est pour orienter les efforts de tous les collaborateurs vers un but commun. Du coup, il doit être spécifique à votre entreprise, donner de la visibilité sur la destination, être enthousiasmant.


1/ Etre spécifique

Qu’est-ce qui fait que le projet d’entreprise de Suez n’est pas celui de Veolia alors que toutes deux travaillent dans la valorisation de la matière et l’environnement et qu’elles ont également un enjeu d’agilité ? C’est que chacune définit un but singulier et oriente ses propres forces pour déterminer son projet d’entreprise. De même, tous les constructeurs automobiles généralistes doivent proposer plus de modèles plus souvent tout en les rentabilisant ; ils doivent donc tous développer leur agilité. Mais PSA, Renault-Nissan, Toyota, Volkswagen, Fiat ont chacun des visions différentes à atteindre pour donner du sens à l’agilité. 

C’est leur projet d’entreprise qui rend l’agilité nécessaire et non l’agilité qui est le cœur de leur projet.

2 / Montrer la destination

L’agilité est un moyen au service de votre destination. C’est une solution qui permet d’atteindre le cap que vous vous êtes fixés. Ce qui nécessite le changement, ce sont les marchés que vous voulez conquérir, les nouveaux clients.

Le projet d’entreprise doit essentiellement clarifier cet objectif et expiliciter les enjeux stratégiques de l’entreprise. Centrer le projet sur l’agilité (ou la digitalisation), ce n’est pas faux, mais c’est faire de l’ombre à ce qui fera le sens de votre quête. Alors que votre projet doit susciter une mobilisation lucide sur un enjeu stratégique, vous risquez de faire passer votre travail pour une mode, et donner le sentiment de manquer de hauteur.

3 / Etre enthousiasmant pour tous

Enfin, tous vos collaborateurs qu’ils soient cadres, agents de maîtrise, employés ou opérateurs doivent se sentir concernés par votre projet d’entreprise. Votre projet d’entreprise doit susciter une succession de « Yes, we can ! ». Il doit aussi permettre la traduction, pour chacun, du projet en actes concrets : « je sais ce que je dois faire ». 

 L’agilité peut inspirer ces actions mais pas pour tous les collaborateurs.

Or l’agilité est forcément restrictive. D’abord parce qu’il y a sûrement d’autres aspects importants ; dans certains services, l’objectif secondaire peut même devenir la priorité absolue. Axer sur une solution, c’est moyenniser le projet et risquer une appropriation imparfaite partout. 

Le principe du projet d’entreprise, c’est de donner la cible à tous, et de laisser les équipe chercher leur façon de contribuer au mieux. L’agilité peut inspirer ces actions mais pas pour tous les collaborateurs.


Si l’agilité est centrale ; attention aux pièges !

Maintenant, nous ne disons pas qu’une solution comme l’agilité ne doit en aucun cas figurer dans votre projet. Elle peut en être un élément emblématique. Alors si le contexte de votre marché et le fonctionnement de votre organisation fait de l’agilité un point-clé des prochaines années, sachez-le situer au bon endroit.  

C’est du comment, c’est simple, c’est fun

Bon, vous avez bien basé votre projet sur le Pourquoi, sur la cible. Maintenant, votre agilité bien-aimée est non-négociable : vous la mettez donc au coeur des solutions à mettre en place dans les années à venir : ok ! 

La meilleur façon de la vendre selon nous est de la faire briller comment un nouveau « comment », plus excitant que l’actuel ! Et c’est le cas… L’agilité, c’est de savoir faire ce qui est nécessaire, et pas plus. L’agilité c’est tenir compte des contraintes des autres, et donc de communiquer, challenger, élargir son spectre. L’agilité c’est de raisonner fréquemment hors du cadre, trouver des solutions nouvelles. L’agilité, c’est donc une super opportunité de changer les relations de travail et de développer ce fameux esprit start-up dont tout le monde rêve. 

C’est avant tout ce futur enviable qu’il faut vendre.

Et surtout pas un process

Parce que l’agilité, ça peut aussi  être la soupe à la grimace : ce sont des habitudes qu’il faut changer, des territoires qui se percutent, un « qui fait quoi » mouvant. Et ça, peu de gens aiment. 

L’agilité c’est aussi des pouvoirs plus dilués, du management transversal, une nécessaire maturité des équipes. Des défis qui font jolis dans les articles de management, mais en vrai, un chemin de croix pour les équipes.

L’agilité en résumé, c’est Docteur Jekyll et Mr. Hyde : le début de la liberté et du bonheur au travail, où le chemin le plus court vers la perte de repère et la pression à 360°. A vous d’en faire un défi collectif et pas un mal nécessaire.

Le temps faible, meilleur ami de vos projets

Quand on regarde un planning de projet, on a souvent l’impression d’un sprint asphyxiant pour aller du constat aux livrables. On se donne quelques mois pour résoudre un manque ou un dysfonctionnement souvent historique, et toutes les semaines sont exploitées. Sauf que, dans les faits, c’est toujours plus long, souvent plus difficile et malheureusement moins pérenne qu’annoncé. Et si on rajoutait de l’oxygène dans tout ça ?

Pourquoi met-on toujours les projets dans des seringues ?

Cela est vrai quelle que soit l’entreprise, le type de projet ou son responsable, c’est comme un réflexe : quand on lance un projet, on lance une course. D’abord parce que quand on planifie un projet, on regarde ce qu’il faut faire pour réussir sans tenir compte de l’environnement, de ses limites et de ses contraintes. On se projette toujours dans un futur idéal où il n’y aura ni grève, ni crise, ni imprévu.

Il faut l’avouer, c’est difficile de se dire « oui mais dans les 3 prochains mois, il y aura bien une crise logistique qui nous occupera tous pendant une semaine ». Pourtant, c’est ce qui arrive (ça ou autre chose) et fait exploser les prévisions.

Ensuite, il y a le volontarisme parfois un peu mégalo mais surtout très courtisan des responsables de projet qui veulent faire plaisir au chef. On sait que son/sa supérieur(e) voudrait un livrable ambitieux et rapide et on a très envie de lui faire plaisir. Résultat, alors même parfois que le sujet traîne depuis plusieurs années et que l’on a mis un semestre à se mettre d’accord, on promet un aboutissement en trois mois. Satisfaisant sur le coup, mais intenable.

Enfin, on constate que l’on prend souvent les gens pour des machines, qui n’auraient besoin ni de temps ni d’itérations pour se mobiliser ou se mettre d’accord. Et pourtant, il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton pour que s’obtienne l’adhésion.

L’action intensive appauvrit l’efficacité des projets

Comme en agriculture, l’action intensive sur les projets appauvrit l’énergie disponible et crée un nombre incalculable de difficultés. Cela génère de la tension car au fur et à mesure que les jours défilent, on se rend compte que le projet prendra, comme toujours, plus de temps qu’on ne le pense, et commence alors le doute des parties-prenantes, la démobilisation et parfois la recherche de coupables.

Au-delà de cela, un timing trop serré et des étapes qui s’enchaînent laissent moins de place au co-développement des solutions, qu’on tend à imposer pour aller plus vite, on a moins de temps pour prendre des initiatives ou tester des options différentes.

A force de vouloir tenir le timing, on finit alors par préférer finir vite un projet dégradé plutôt que de prendre le temps de le mener à fond. Quitte à ce que le projet ne change rien et que son action ne dure pas, on préfère sauver la face. 

Et si on assumait les temps faibles, voire les temps morts ?

Fort de tous ces constats, nous vous conseillons de fractionner vos projets. Comment ? en injectant régulièrement des temps faibles dans le planning de vos projets, comme une terre que l’on laisse une saison en jachère pour renouveler son sol.

Anticiper des moments où vous savez que les gens auront la tête à autre chose, et pas qu’au mois d’août, en fonction des saisonnalités de votre entreprise. Assumer aussi que certaines étapes nécessitent de convaincre et de mobiliser des gens et que ce ne sera probablement pas simple, qu’il faudra y revenir à plusieurs fois.

Accepter enfin une règle universelle et qui a même un nom désormais, la loi de Hofstadter, expliquant avec humour qu’il est quasiment impossible de prévoir le temps nécessaire à la réalisation d’une tâche complexe : « Cela prend toujours plus de temps qu’on ne le pense, même en tenant compte de la loi de Hofstadter ».

Et pourquoi ne pas aller jusqu’à intégrer un temps mort dans le projet ? Cela peut être très utile pour ancrer une avancée intermédiaire avant de passer à l’étape suivante, pour renouveler l’énergie ou la fraicheur des acteurs impliqués en les laissant faire une pause. Pour laisser les gens réfléchir, tout simplement.

A deux conditions : ne pas subir et tenir une cadence !

Ces temps faibles ou morts peuvent être bénéfiques, mais s’ils sont décidés, anticipés et annoncés. Sinon, ils génèrent des doutes chez les acteurs du projet qui imaginent que le projet est abandonné, ou a minima qu’il a du plomb dans l’aile. Mais en choisissant de programmer ces temps d’oxygénation, vous faites en sorte que tous en profitent pour recharger leurs batteries.

En créant le planning du projet, pensez-y. N’enchaînez pas deux temps forts en vous disant que « ça va passer » car ça ne passe jamais. Il est beaucoup plus facile de prévoir un calendrier aéré que de chercher de l’air en cours de route.

Si vous assumez et expliquez que vous devez tenir compte du rythme des hommes et de temps de respiration, vous ne passerez pas forcément pour un fou mais plutôt comme un homme sage et responsable.

Par ailleurs, temps faibles et temps morts ne doivent pas empêcher de garder une cadence. En n’en faisant pas des temps trop longs et en maintenant les rituels existants pour rythmer les échanges, vous en tirerez le maximum d’efficacité sans risque. Dites-vous que même si rien ne se passe, on a des choses à se dire.

Si, si, le management participatif est un but en soi !

Le management participatif est à la mode. C’est l’accessoire du manager comme les lunettes du comptable ou la barbe du vrai hipster. Et comme c’est à la mode, certains se singularisent en le critiquant et en prônant le retour du « patron qui patronne ». 

Alors, le participatif n’est-il qu’une mode ?


On a plein de « bonnes » raisons de se méfier du mode participatif

Si on cherche bien, on peut facilement trouver des arguments justifiant de ne pas faire trop participer son équipe. En voici une liste non exhaustive :

  • Au sein de l’équipe, il y a beaucoup de points de vue contradictoires sur le sujet donc ça va être difficile pour eux de se mettre d’accord sur une démarche commune ;
  • L’équipe n’a pas toutes les informations ou compétences requises pour construire des propositions adaptées aux enjeux du sujet ; et puis il y a des contraintes de confidentialité ;
  • Le brainstorming ouvrirait la boîte de Pandore dans l’équipe et l’on risquerait de se retrouver avec des distributions de primes en guise de solutions ;
  • Et puis finalement donner des responsabilités à son équipe dans la construction de solutions stratégiques pourrait leur générer du stress inutile…

Et puis, même si on est décidé à faire du participatif, on se dit « Si j’ai de bonnes idées et que je les garde pour moi juste parce que je suis le manager c’est vraiment dommage ; je devrais quand même en faire profiter le groupe pour sa réflexion… »

Finalement toutes ces raisons sont bonnes pour ne pas faire de participatif. Le seul souci c’est que, mis bout à bout, cela fait des excuses pour presque tous les sujets… et donc cela fait très peu de participatif !


Et sans participatif peu de constructif

Les managers déclarent qu’il faut faire du management participatif mais pour les raisons précédemment citées, et pour d’autres, ils ne le font en réalité que sur un périmètre très restreint et sécurisé : la reconstruction de la salle de repos, la préparation des fêtes commémoratives, ou alors on propose à son équipe de choisir une stratégie parmi une présentation d’options négociables et non négociables très précises, ou même on organise une session de brainstorming à l’issue de laquelle le manager ou le Codir décidera seul.

Le participatif devrait être systématique quand on veut mobiliser ses équipes ; mais il faut chercher les moyens de le faire véritablement et efficacement.

Il y a 2 conséquences principales à cette manière de faire :

  • D’abord les collaborateurs ne sont pas dupes et comprennent très vite que le « participatif » annoncé n’est qu’une façade ; ça ne rendra donc aucun d’entre eux fier d’avoir réfléchi et mis en œuvre un projet soi-disant « co-construit »
  • Ensuite les collaborateurs ne comprendront pas mieux leurs managers, notamment les contraintes qui peuvent entourer une question ; ça ne permettra donc pas non plus d’apaiser le dialogue avec le management.

Et puis une dernière conséquence et pas des moindres : en ne faisant pas participer les collaborateurs aux décisions ou en donnant ses propres idées au lieu de laisser l’équipe réfléchir, non seulement on se prive d’un éclairage différent sur la question mais en plus on ne peut pas identifier le réel positionnement de ses collaborateurs. En effet, lorsqu’un manager présente ses idées on voit souvent que, d’une part il y a des personnes qui n’osent pas challenger, et d’autre part il y en a qui disent non par principe. 

Cela nous fait dire que sans participatif, il est presque impossible d’engager d’autres acteurs que ceux qui sont naturellement alliés. Où est alors la valeur ajoutée du management ?

Et donc oui, le participatif devrait être systématique quand on veut mobiliser ses équipes ; mais il faut chercher les moyens de le faire véritablement et efficacement.

 

Le participatif un état d’esprit plus qu’une obligation de moyens

Une fois qu’on a pris conscience que sans participatif c’est pire et qu’avec cela peut être 10 fois mieux, comment fait-on ?

D’abord, ce n’est pas parce que l’on fait du participatif que l’on ne prépare pas et qu’on n’accompagne pas. On a toujours l’impression que participation = laisser faire. Certainement pas ! En tant que manager vous n’avez pas la responsabilité des propositions qui vont être émises mais cela ne vous fera pas gagner du temps, au contraire.

Bien sûr, vous savez déjà qu’il faut donner du sens en expliquant l’ambition liée au sujet traité. Bien sûr, vous savez aussi qu’il faut aider le groupe à échanger…

On oublie davantage d’autre éléments indispensables :

  • Il faut amener du rythme au processus participatif : en fixant des moments dédiés, pas trop espacés, en fixant dès le démarrage la date à laquelle on devra choisir parmi les propositions, etc. La lenteur est le fossoyeur du participatif. 
  • Ensuite, il faut adopter la posture la plus transparente possible ! Oui, pour que la discussion soit efficace il faut fournir au groupe tous les éléments de contraintes connus sur le sujet. A l’extrême on peut faire participer à des sujets sensibles comme l’attribution des primes mais si et seulement si on explicite les prérequis de justice sociale et d’équilibre économique de l’entreprise.
  • Enfin , on peut proposer le participatif mais on ne peut pas l’imposer. Le principe associé au participatif c’est la liberté ; en ouvrant à vos collaborateurs la démarche de manière facultative vous aurez les plus motivés dans votre camp.

En bref, le participatif est un but en soi, probablement le seul levier efficace de mobilisation mais un état d’esprit difficile à faire vivre.

Libérez-vous de la dictature de la validation !

« Il faut toujours faire valider, re-valider, ensuite untel re-valide… » Qui ne s’est jamais senti enfermé dans la spirale des validations au sein d’un projet ?  La sacro-sainte validation est partout dans nos entreprises… Et si on s’en passait ?


Un mal qui fait souffrir vos équipes…

Prenons l’exemple de Marc, chef de projet. Quand sa chef, Sophie, vient le voir un beau matin de mai pour lui demander de lancer un nouveau chantier, Marc s’empresse de lui faire une proposition originale et créative. Sophie accueille avec amusement certaines de ses propositions, fait ses modifications et demande à Marc de faire relire la démarche au reste de l’équipe. Puis de lui re-soumettre, afin d’intégrer ses retours, qui vont parfois à l’encontre de ce que l’équipe avait proposé. 3 semaines après, Sophie soumet enfin le document à son chef, qui envoie ses retours par mail. Marc ne les comprend pas tous, mais démotivé, intègre machinalement les remarques. Il essaie de reprendre goût en se disant que bientôt, il pourra passer à l’action ! Quand il lance les invitations pour le kick-off de la démarche, Sophie accourt dans son bureau : « T’as fait valider par le siège ? ».

On a tous vu des projets mettre des mois à obtenir une validation alors que tout le monde s’accordait sur leurs nécessités !

Après 2 mois, une cinquantaine d’échanges par mail, une dizaine de réunions, 1000 retours contradictoires, 16 décalages de planning et versions différentes, la démarche est enfin validée. Comme on est en juillet, on attendra octobre pour éviter les vacances et la surcharge de la rentrée. Marc, épuisé, se confie auprès d’un collègue : « Moi, j’adhère plus du tout à la démarche, j’ai même plus envie de le faire, ce chantier ». 

 Et si on essayait de contourner les contraintes des organisations, pour mettre toute l’énergie des équipes dans la réussite des projets ?

Vous trouvez que c’est caricatural ? Pourtant, on a tous vu des projets mettre des mois à obtenir une validation alors que tout le monde s’accordait sur leurs nécessités ! On voit que ce mode de fonctionnement a plusieurs conséquences destructrices, pour le projet, décalé en permanence, mais surtout pour le collaborateur, qui n’ose plus la créativité, la prise d’initiatives et n’est plus engagé dans ses projets.

Et qui vous fait souffrir aussi….

Le pire, c’est qu’en tant que manager, vous souffrez aussi de la situation. De la peur de ne pas tout maîtriser, on est passé à une inondation de validations à donner. On a créé un goulot d’étranglement. C’est une surcharge de travail pour vous, mais surtout, ce n’est pas très valorisant… On entend beaucoup de managers se plaindre : « ils ne viennent jamais avec des idées, ils ne viennent qu’avec des problèmes et me demandent de décider pour eux ce qu’ils veulent faire » ou bien « on me demande de choisir entre deux solutions sur lesquelles je n’ai aucune connaissance… ». En fait, on ne vous demande plus uniquement de valider, mais bien de décider sur tout, constamment…

Du coup, qu’est-ce qu’on perdrait à supprimer toutes ces strates de validation ? Et si on essayait de contourner les contraintes des organisations, pour mettre toute l’énergie des équipes dans la réussite des projets ?

 

Comment on sort de cette matrice ?

Alors, que faire ? Nous rêvons d’une validation qui ne réduirait pas la volonté d’agir du collaborateur, qui lui permettrait de prendre toute la responsabilité de l’action, et d’être profondément engagé dans cette action. Sauf que, par nature, une validation, ça ruine forcément un peu le rythme, la responsabilité, et l’adhésion. Il faut donc repenser le concept même de validation.

Reconsidérer la validation pour qu’elle ne soit plus une fin mais un moyen

Il faut aussi repenser la validation pour qu’elle ne soit plus une sanction qui marque la fin d’un cycle, mais plutôt :

  • Un coup de pouce que vous donnez à vos équipes, en amont ou tout au long d’une démarche. Par exemple, en répartissant des actions, en donnant des ressources supplémentaires dans le projet, ou tout simplement en donnant des conseils à vos équipes pour les challenger et surtout, leur permettre de choisir la meilleure stratégie pour atteindre leurs objectifs.
  • Une validation de soutien quand il y a un risque d’effet-tunnel dans la mise en œuvre : organisez des moments pendant la démarche pour faire le point, mais surtout pour, en bon coach, maintenir l’enthousiasme et relancer la motivation si besoin. Cette validation est davantage la marque d’un engagement auprès de vos collaborateurs, dans la logique d’un « sponsoring ». 
  • Une validation pour donner un cap à vos équipes. Expliquer-leur le « why » et laisser-les se charger du « how ». En expliquant clairement la vision, ils sauront construire le chemin. On est là dans le cas d’une validation davantage stratégique qu’opérationnelle, plutôt en début de projet.

 

Rétablissez la confiance : annoncez par avance que vous ne validerez rien… et que vous accepterez tout !

Cela suppose aussi de changer votre posture. Après avoir annoncé des objectifs clairs, laissez vos équipes revenir vers vous avec leur proposition, voire laissez-les démarrer une petite action. Prenez le temps d’en parler avec elles, d’écouter leur point de vue, et de le confronter au vôtre avec bienveillance et dans une logique de co-construction. Sortez de la logique « Go/No Go » et favorisez le « oui et ». Pour cela, expliquez-leur vos contraintes, mais en les associant à la recherche de la solution et à la prise de décision.  Au début, vous pouvez proposer un cadre de travail suffisamment large pour que les collaborateurs aient la liberté nécessaire pour proposer, et uniquement les contraintes qui leur permettront de décider seuls. Petit à petit, cela désamorcera les peurs et redonnera envie à vos collaborateurs d’être audacieux !

En fonctionnant ainsi, votre rôle de manager dans la validation des projets prendra davantage de sens, vos équipes gagneront en autonomie et surtout, c’est leur enthousiasme qui validera le projet !

ALBUS CONSEIL