Catégorie : mindset

Samson et Dalila

Qui ne connaît pas Samson et Dalila ? Récit biblique tiré de l’ancien testament et repris en opéra, en film… Cette histoire nous invite à repenser le rapport à nos ennemis, non pas en termes de morale ou par amour du prochain, mais par pure stratégie et pragmatisme

Samson a pour mission de libérer Israël de l’esclavage des Philistins. Au cours de sa quête, il tombe amoureux de Dalila qui le trahit et le livre à ses ennemis. Samson est alors enfermé, ses yeux sont crevés et il devient l’objet des railleries de ses geôliers. Jusqu’au moment où, poussé à bout, il retrouve un instant sa force d’antan, s’appuie aux colonnes du temple et le détruit d’un coup : Samson meurt mais les Philistins aussi et les Hébreux sont vengés.

En entreprise, c’est pareil ; même si la concurrence, interne ou externe, n’est (heureusement) pas toujours aussi violente, le mécanisme est identique. 

C’est une leçon originale de management que nous inspire cette histoire autour du manque de stratégie des Philistins. Oui, ils ont réussi à réduire à néant la force de leur ennemi par la ruse mais, ils ruinent leurs efforts en l’accablant. C’est parce qu’ils poussent Samson au désespoir que ce dernier, retrouve sa force et accepte de mourir pour venger son peuple.

En entreprise, c’est pareil ; même si la concurrence, interne ou externe, n’est (heureusement) pas toujours aussi violente, le mécanisme est identique. Accabler son adversaire, c’est le mettre en position de force : le pouvoir du désespoir.  Il n’a plus rien à perdre tandis que nous si. A l’inverse, en le ménageant, on atténue sa résistance.

Mais ménager son adversaire, ça veut dire quoi ? 

On s’oppose à votre projet de manager ? Ecoutez vos opposants (récalcitrants) pour réduire l’énergie qu’ils vont mettre à saper vos efforts.

Le dialogue social est compliqué ? Accordez-leur des victoires pour éviter que la tension ne monte.

Vous voulez défendre les intérêts de votre service vente vs ceux du marketing ? Commencez par vous demander ce dont le marketing a besoin.

Bref… climat social, compétition, influence, et j’en passe : comme au jeu de Go, ceux qui gagnent sont ceux qui ont un projet évidemment, mais surtout ceux qui laissent un espace de vie à leurs adversaires et leurs projets.

Etre tactique c’est aussi improviser – Les 3 Royaumes

Ce mois-ci, nous vous proposons de jeter un oeil aux Trois Royaumes de Woo. Le film est un manuel de guerre à lui seul dont la plus grande leçon est que les meilleures stratégies ne sont rien sans l’intuition et la transgression.

Au 3ème siècle, la Chine est divisée en 3 royaumes. Le premier ministre, homme ambitieux et avide de pouvoir, prévoit d’unifier le pays en attaquant les royaumes de Shu et de Wu. Ces deux derniers concluent alors une alliance.

Le film est une montagne d’intelligence stratégique où l’on retrouve quasiment tous les principes du jeu de Go mais, à la dernière bataille, tout risque de s’écrouler à cause de deux heures qui manquent pour que la météo permette une attaque par le feu.

C’est un des personnages (la femme du chef de guerre) qui fait alors basculer la victoire en jouant un gigantesque coup de poker : elle se rend en catimini dans le camp ennemi et joue de ses charmes auprès du premier ministre pour retarder le moment de la bataille. Pendant ce temps, le vent tourne et le feu peut se propager dans le bon sens.

Son intuition et son courage l’ont conduite hors des lignes pour apporter cette initiative sans laquelle le génie des stratèges n’aurait pas remporté la victoire.

La leçon de l’histoire c’est que, même avec les stratégies les plus brillantes, c’est dans l’improvisation et la capacité à sortir du cadre que tout se joue.

Alors, bien sûr, vous ne pourrez pas décider des initiatives de vos équipes, mais, c’est en partageant votre vision et votre stratégie avec tous, y compris ceux dont vous pensez ne rien attendre, que vous leur donnerez la possibilité d’improviser.

Et vous verrez, ça vient parfois (ou souvent) des plus faibles, de là où on s’y attend le moins et, surtout, de ce qu’on ne contrôle pas.

Alexis Pinturault serait un bon manager !

Ce mois-ci, découvrons une interview illustrant le travail de neurophysiologistes sur la simulation mentale dans le ski. Pour la voir : http://education.francetv.fr/videos/simulation-mentale-et-precision-du-geste-sportif-v106370

Lobservation des skieurs de haut niveau par les neurophysiologistes a permis de comprendre quil leur est impossible de traiter consciemment l’ensemble des informations sensorielles (la trajectoire idéale, langle, la vitesse, etc.) pendant les épreuves ! Alors comment font-ils ?

Un skieur professionnel, comme tout sportif, sentraîne inlassablement sur le parcours de sa prochaine course. Pendant son entraînement, de manière inconsciente, son cerveau emmagasine et enregistre les informations nécessaires au bon déroulement de la compétition.

Lors de la course, le cerveau du sportif simule ces informations mémorisées, les compare à la réalité sans que le sportif y pense et lui permet de gérer tous les paramètres de son épreuve.

Tel un sportif, le manager ne peut pas maitriser tous les éléments externes, lors d’une réunion par exemple. En conséquence, lors de moments managériaux-clés, seule votre préparation (répétition à blanc, simulation du moment sur les lieux, etc.) vous permet de garder lesprit libre et d’être concentré sur linstant.

Puis, le moment venu, faites-vous confiance ! Votre cerveau fera le travail sans que vous ayez à y penser.

Bernard, 55 ans, génération Y, qui s’en occupe ?

Alerte ! Les jeunes de la génération Y débarquent dans les entreprises et ça va faire mal : pas de fidélité à l’entreprise, comportement instable, égoïsme, équilibre pro/perso qui penche clairement vers la vie perso…  

Et si c’était l’air du temps et non une question de génération ?

 

C’est quoi la génération Y ?

C’est un concept démographique désignant ceux qui sont nés entre 1980 et 2000. Son nom n’a pas d’origine claire : il représenterait le Y du câble des écouteurs sur le torse, ou, phonétiquement, le « why » de la génération qui se questionne. Admettons, cela n’a pas beaucoup d’importance de toute façon.

Cette génération a quelques caractéristiques objectives : elle est entrée sur le marché du travail avec internet, n’a pas connu la guerre froide, n’a pas connu les relations amoureuses sans le SIDA et n’a pas connu le marché du travail sans chômage.

Après c’est une suite de clichés que tous les scientifiques ou presque dénoncent. Oui sauf que dans les entreprises, ce sont ces clichés dont on parle. Les scientifiques n’ont pas passé l’accueil et le tourniquet des sièges sociaux.

Alors pêle-mêle, qu’entend-on ?

  • Désimpliqués, ils auraient un rapport utilitariste à l’entreprise et s’inquièteraient de la qualité de la mutuelle plus que des défis de la société qu’ils rejoignent.
  • Ils voudraient le plaisir avant tout et négligeraient les valeurs de rigueur et de fiabilité, apanages de leurs trop sérieux parents.
  • Ils militeraient pour l’équilibre vie pro/vie perso… ce qui est compris par les managers plus âgés comme « ils privilégient la vie perso à la vie pro ».

On exagère ?

Non, même pas, regardez plutôt : http://madame.lefigaro.fr/societe/management-mots-pour-booster-generation-171013-444444

 

Pourquoi ce concept n’a aucun sens ?

D’abord parce que les limites sont imprécises. Que dire de ceux qui sont nés en 1975 ?

Ensuite parce que la génération n’est évidemment pas homogène. Entre ceux nés en 1983 et ceux nés en 1995… Même au sein d’une même année : l’éducation, la personnalité, le parcours personnel, la culture sont heureusement bien plus importantes que l’année de naissance.

Aussi, toute la génération Y n’est pas fan de Facebook et de jeux vidéos. Il y en a qui écoute Brassens, aime le foot au stade avec leurs parents ou veulent faire leur trou dans l’entreprise… C’est comme si on disait que les enfants des années 50 étaient tous hippies en 70 et que ceux des années 60 ne pensaient qu’au fric en 85… Absurde !

 

Mais alors que faire du management générationnel ?

Ce n’est pas parce que les clichés de la génération Y sont ineptes que les dirigeants ne doivent pas se questionner sur l’évolution du management.

D’où vient-on ? 

Le marché du travail des 30 glorieuses s’est caractérisé par le plein emploi et la nécessité de reconstruire et de bâtir un pays moderne. La valeur travail est alors centrale et l’abnégation va avec la sécurité de l’emploi (même dans le privé).

L’explosion du chômage au milieu des années 70 ne change pas les mentalités immédiatement. D’abord parce qu’on a cru à une crise cyclique et que personne n’imaginait que le chômage deviendrait si structurel.

Ensuite parce qu’il y a d’énormes effets d’inertie, les mentalités mettent plusieurs générations à s’adapter aux nouvelles donnes. Les dirigeants et cadres sup d’aujourd’hui sont entrés sur le marché du travail dans les années 80/90 et ont donc été modelés par les dirigeants des 30 glorieuses, tout en apprenant à vivre sans la croissance et avec le chômage.

Les quinqua d’aujourd’hui sont de plus en plus de la génération Y : combien en connaissons-nous qui ont plaqué un boulot sécurisé et bien payé pour une aventure entrepreneuriale, artisanale, artistique, et souvent hasardeuse ? 

Aujourd’hui, la donne a changé pour tout le monde

A ce jour, plus personne n’a réellement connu les années fastes.  

Le manager doit comprendre cette transformation, quels que soient son âge et les générations représentées dans son équipe, et en tirer les conséquences :

  • Il est logique et même sain que les salariés d’aujourd’hui ne soient plus viscéralement liés à leur entreprise : c’est une protection contre d’éventuelles décisions futures (PSE ou autre).
  • Il est salutaire que face à un monde de moins en moins lisible, chaque personne, quel que soit son âge, se pose des questions sur son utilité dans ce monde et sur le sens profond de ce qu’il fait.
  • Il est enthousiasmant de vivre à une époque où les femmes obtiennent de plus en plus de postes à responsabilité. Il faut inventer des solutions pour faire coexister cette aspiration avec celle, toujours vive notamment en France, d’avoir et d’élever correctement des enfants.
  • Il est heureux de vouloir s’éloigner de la mauvaise habitude qui fait que depuis les années 80, les managers travaillent de plus en plus, très, très loin des 35h, avec une vie perso qui en souffre forcément.

Ces changements sont en grande partie positifs même s’ils ont des inconvénients. Mais surtout, ils n’ont rien à voir avec l’âge.

Les quinqua d’aujourd’hui sont de plus en plus de la génération Y : combien en connaissons-nous qui ont plaqué un boulot sécurisé et bien payé pour une aventure entrepreneuriale, artisanale, artistique, et souvent hasardeuse ? Combien twitte, poste sur Facebook ? Combien veulent rentrer chez eux pour diner, et sans être exténué si possible ? Combien aspirent à plus de sens dans leur vie ?

 

Comment s’adapter ? 

Nous préférons l’idée d’un management moderne, c’est-à-dire adapté à son monde, plutôt qu’un management générationnel qui serait nécessairement clivant.

Aussi, traitons les individus, jeunes ou vieux, non par rapport à leurs âges mais par rapport à ce qu’ils doivent affronter aujourd’hui… Et vous allez voir que les motifs d’inquiétude sont souvent les mêmes à 25 et 55 ans :

  • Peur de l’exclusion du marché de l’emploi… Vrai dans les 2 cas.
  • Inquiétude liée au peu de perspectives et de garanties à long terme… Vrai dans les 2 cas.
  • Volonté de réussir sa vie perso faute de pouvoir tout miser sur la pro… Vrai dans les 2 cas.

 

Nous proposons 2 axes de travail pour le manager :

  • Travailler avec une équipe en admettant que ses membres sont de passage et là pour apprendre, se développer et vivre un moment fort sous votre management… Ce qui marchera tout aussi bien pour celui qui restera longtemps à son poste.
  • Proposer une relation au travail moins scientifique, et en tous les cas plus enthousiasmante, non pour fidéliser mais pour tirer le meilleur de tout le monde pendant le temps de votre collaboration.

Managez des missions courtes, excitantes, comme si tous, y compris vous, étaient en CDD… et si les gens restent plus longtemps, c’est tout bénef. 

 

La morale de l’histoire 

On le voit, poser la question depuis l’angle du management générationnel, c’est prendre le risque de vouloir reproduire un modèle ancien qui ne correspond plus à la réalité.

Nous sommes tous de la génération Y, et les prochains jeunes qui viendront sur le marché du travail nous emmèneront plus loin encore. Adaptons-nous ! 

Ainsi, nous aurons tous appris quelque chose de cette confrontation des rapports au monde… jeunes et vieux…

La communauté de l’anneau – codir parfait

Si vous êtes lassé des références quotidienne au rugby, ou au « capitaine dans la tempête », intéressez-vous au seigneur des anneaux. Loin de l’objet culte des geeks (avec Star Wars), l’œuvre de Tolkien est un puits d’enseignements tant son auteur était méticuleux et soucieux de raconter le monde et les hommes dans son univers fantastique.

Ce mois-ci, nous défendons la communauté de l’anneau comme image d’un codir idéal. D’abord parce qu’elle est victorieuse malgré un rapport de force infiniment défavorable ; ensuite parce que cette équipe de gens qui ne se choisissent pas, ont des rôles différents et décident pour tous ressemblent furieusement à un codir.

Que nous apprend ce codir-là ? 

Que ce qui fonde un codir, c’est ce qu’il a à accomplir. Si l’objet de la quête est de valeur et qu’il est partagé par tous, alors il peut même aplanir les inimitiés héréditaires. Cela peut paraître évident mais les codirs ne réactualisent pas leurs ambitions à chaque changement de tête, et bien souvent se contentent de piloter des objectifs et pas des ambitions.

Que les moins forts a priori peuvent détenir la clé du succès si l’on s’appuie sur leur force au lieu d’essayer sans cesse de compenser leurs faiblesses : les hobbits sont utilisés pour leur innocence et pas pour leurs aptitudes au combat. Nous pensons qu’il ne faut pas toujours chercher à ramer contre les courants et concevoir les tactiques en fonction de ce qui est possible dans la réalité.

2 enseignements dont tout codir serait bien inspiré de tenir compte.

Stop à l’opacité des salaires

Le salaire est en France l’objet de tous les conflits, de tous les scandales, de tous les fantasmes. Comme tous les fantasmes, ils sont attisés par ce qui est invisible… Voyons comment la transparence totale des salaires fera progresser les managers, le dialogue social, les performances de l’entreprise.


Montrer les salaires c’est un peu de morale

Disons le d’emblée, ce n’est pas par moralisme que nous prônons la transparence. Les excès ne sont pas si nombreux et il faut arrêter de diaboliser les dirigeants. Tous ne sont pas payés des millions avec des clauses qui leur assurent des primes gigantesques, même en cas d’échec ou de résultats décevants. D’ailleurs si les raisons sont purement morales (comme c’est le cas pour nos parlementaires) la transparence n’apporte finalement pas plus de justice, juste un peu plus de bonne conscience, et une jolie dose de voyeurisme.

Il faudra en effet expliquer une rémunération, défendre une augmentation ou une non augmentation, faire de la pédagogie… Copinage intenable, évaluation « à la tête du client » difficile.

En entreprise, la transparence des salaires peut néanmoins limiter certains excès et, plus fréquemment, éviter des inégalités trop évidentes entre des personnes occupant les mêmes postes. De fait, la transparence oblige à une certaine équité.

  

C’est surtout très vertueux managérialement

C’est là en effet le principal bénéfice de la transparence des salaires. Lorsque vous avez une grille des salaires publique, avec des rémunérations variables annoncées à l’avance sur des critères publics également, la rémunération devient à la fois un vrai levier managérial tout en étant beaucoup moins vecteur de jalousie.

Il faudra en effet expliquer une rémunération, défendre une augmentation ou une non augmentation, faire de la pédagogie… Copinage intenable, évaluation « à la tête du client » difficile.

Mais surtout, la transparence va rigidifier le système, obligeant le manager à développer ses actions hors du sujet salarial (puisqu’il n’est pas totalement libre). C’est ce point qui est particulièrement vertueux, parce que les managers ont trop souvent la certitude que la rémunération est le principal (parfois le seul) levier de motivation. Or c’est un des plus faibles. Car la rémunération est toujours vécue comme normale et parfaitement justifiée par celui qui la touche ; elle ne mobilise donc pas, puisqu’elle est vécue comme une rétribution des efforts passés et pas des effort à venir. De même, lorsqu’elle est variable, elle récompense plus souvent la performance (et encore, seulement ses aspects les plus évidents) que la motivation et la contribution à l’effort collectif. C’est ainsi que, dans la distribution, des vendeurs deviennent souvent des chasseurs de primes, qui vendent ce qui est rentable pour eux, mais rechignent à toutes les autres tâches.

Rendre la rémunération totalement transparente c’est inciter le manager à trouver de nouveaux leviers. C’est évidemment exigeant, mais toujours source de dialogue, de finesse et d’adaptation.

Rendre les rémunérations transparentes, c’est aussi remettre du rationnel dans le dialogue ; sortir des dogmes. 

Et c’est aussi utile dans le dialogue social 

Le salaire est un des sujets (sinon le sujet) les plus générateurs de conflits sociaux. Ces conflits sont souvent fondés sur un regard très subjectif et irrationnel de la rémunération. L’émotion peut monter sur ce thème symbolique, alors même que les montants en jeu sont parfois faibles.

Rendre les rémunérations transparentes, c’est aussi remettre du rationnel dans le dialogue ; sortir des dogmes.

C’est un lieu commun que de dire que la France nourrit un complexe à parler des rémunérations. Nous pensons qu’il faut s’attaquer à ce principe parce qu’il est un frein aux progrès des entreprises, à la qualité du dialogue et du management.

Et oui, ça fait peur, ça choque parfois, mais que l’on nous dise ce qu’il y a à perdre…

Les fonds de pension, diable ou alibi ?

Comme a priori une majorité d’entre vous, nous avions plutôt en tête que l’arrivée d’un fond de pension au capital d’une entreprise était une mauvaise nouvelle. Pourtant, certains clients nous confient qu’ils seraient preneurs d’une participation, majoritaire ou minoritaire, de ce type d’acteurs. Pas par appât du gain, nos clients sont managers et non actionnaires, mais pour qu’ils apportent un regard différent, plus objectif et froid, sur la stratégie de l’entreprise. Alors, le fond de pension, cauchemar ou opportunité ?

C’est de toute façon une donne du marché

Beaucoup d’entreprises sont détenues par des fonds ; américains, chinois, français également. C’est une réalité. Au lieu de prendre des positions de principes, regardons ce qui s’y passe. 

Leurs objectifs de rentabilité sont très élevés ; pas toujours atteints d’ailleurs. Ils s’installent en général pour 3 à 5 ans (ou plus, quand ils n’arrivent pas à revendre) et cherchent à générer du cash pendant cette période, pour améliorer la valorisation à la revente et se verser des dividendes d’ici là… Il faut bien que les retraités du Wisconsin touchent leurs pensions.

Notre propos n’est pas moral ; dans un monde parfait, nous préférerions comme beaucoup des actionnaires au long cours, qui demandent de la rentabilité, certes, mais raisonnablement (c’est combien, au fait ?), qui se soucient de la pérennité de l’entreprise avant tout et contribuent à sa compétitivité à long terme ; bref, le modèle de la famille Mulliez pour Auchan. Mais, notre système n’est pas ainsi et il faut faire avec les fonds de pension. Et si ce n’était pas si grave….

  

C’est grave, docteur ?

Et disons le franchement, les fonds de pension, ce n’est pas l’enfer ; pas tous, en tous les cas. 

D’abord parce qu’ils sont prévisibles : on sait parfaitement ce qu’ils veulent : « du cash ». On sait qu’ils veulent vendre dans 90% des cas et veulent donc valoriser l’entreprise. Bref, c’est sans surprise.

 Ensuite parce que ces objectifs ne sont pas mauvais en soi. Bien sûr, il y a des fonds qui assèchent des entreprises, mais dans la plupart des cas, ce n’est pas dans leur intérêt. Les objectifs qu’ils poursuivent sont aussi des indicateurs de bonne santé. Qu’une entreprise génère du profit est une bonne chose, fond de pension ou pas. D’ailleurs, encore largement détenu par la famille Peugeot, le groupe PSA a exactement les mêmes objectifs que Darty, détenu par un fond. Ce qui est plus contestable c’est l’utilisation des bénéfices ; mais là encore, ne soyons pas naïfs, les actionnaires familiaux ne sont pas toujours aussi vertueux qu’on l’imagine.

les fonds ont intérêt à ce que les entreprises qu’ils détiennent se développent

Enfin, parce qu’ils ne sont pas idiots. A partir du moment où la rentabilité est démontrée, les fonds savent investir. Et là aussi, à part dans l’aéronautique et la très lourde industrie, combien d’entreprises investissent à plus de 5 ans ? Croyez-vous qu’un actionnaire familial investit sans regarder la rentabilité ? Bien sûr que non.

Nous ne disons pas que les fonds sont un actionnaire de rêve ; mais ce n’est probablement pas un cauchemar non plus.

 

Donner de la vision (malgré) les fonds

Quand bien même l’actionnaire ne serait pas vertueux, il faut se demander qui peut être impacté par lui. En principe, c’est le président, et, pourquoi pas, son comité exécutif. Eux rendent compte de la stratégie et sont responsables des résultats ; ils doivent les défendre et subissent en effet les décisions de l’actionnaire.

Et pour les équipes ?

Elles ont naturellement besoin de sens et de perspectives, mais le fait d’appartenir à un fond n’empêche pas d’avoir un cap, sur le produit, la façon de traiter les clients, les services, l’utilité de l’entreprise plus globalement. Les fonds cherchent à vendre les entreprises, pas à les tuer ; elles auront une vie après.

C’est là que nous disons que les fonds sont souvent un alibi, conscient ou pas : « la société ne se développe pas parce qu’elle est détenue par un fond ». Non, les fonds ont intérêt à ce que les entreprises qu’ils détiennent se développent. Certes, il faut argumenter, montrer la rentabilité, tenir ses engagements, corriger les erreurs… mais c’est ce que l’on attend d’un manager, dans tous les cas.

Nous sommes personnellement inquiets de la financiarisation du monde mais notre esprit de consultant nous dit qu’il est possible de faire mieux, avec et même parfois de progresser grâce à la finance. Il y a des diables dans la finance, mais elle a parfois raison. Ne soyons pas dogmatiques, ne fuyons pas nos responsabilités.

Prouvons qu’il est possible de faire plus de cash en raisonnant long terme. Pourquoi pas ?

Kaamelott Saison 6 – Une certaine idée du leadership

« Des chefs de guerre, il y en a de toutes sortes. Des bons, des mauvais, des pleines cagettes il y en a. Mais une fois de temps en temps, il en sort un. Exceptionnel. Un héros. Une légende. Des chefs comme ça, il y en a presque jamais. Mais tu sais ce qu’ils ont tous en commun ? Tu sais ce que c’est, leur pouvoir secret ? Ils ne se battent que pour la dignité des faibles. »

César, joué par Pierre Mondy, Kaamelott, saison 6.

Alexandre Astier nous invite, tout au long de sa série, à rire de l’exercice du pouvoir… Mais à y réfléchir aussi ; parce que sa série est, sous son air purement humoristique, très documentée et érudite.

Il oppose 2 visions du pouvoir, caricaturées pour nous faire rire :

  • Celle d’Arthur, fidèle à la vision de César, qui veut réussir avec ceux qu’il a.
  • Celle de Lancelot qui veut réussir à tout prix.

Nous penchons comme Arthur et César pour un leadership qui cherche à rendre meilleur les équipes plutôt qu’à tenir l’objectif quoi qu’il en coûte.

Cela ne veut pas dire un manque d’exigence ou d’ambition, mais cela veut dire une absence de cloisonnement, une humilité face à la difficulté des métiers du bas de l’échelle.

C’est aussi donner beaucoup de responsabilité aux forts pour qu’ils aident les autres.

C’est enfin se rappeler que la valeur ajoutée se fait sur le terrain et que ce sont les équipes qui détiennent la clé de la qualité, de la productivité et des principaux indicateurs de l’entreprise.

Si la culture d’entreprise devient mortelle, changez-la !

Pourquoi la culture est-elle une intouchable ?

Cette sacralisation des racines, des grandes croyances, des principes de fonctionnement les plus ancrés, bref de la culture, est assez logique.

Il est communément admis que la culture d’une entreprise ne peut ni ne doit être changée, au risque de perdre son âme ; a contrario un projet d’entreprise qui ressemble à un retour aux sources est souvent très populaire et recueille une forte adhésion ; par ailleurs nos prospects nous demandent souvent comment nous intégrons la culture à nos méthodes.

Cette sacralisation des racines, des grandes croyances, des principes de fonctionnement les plus ancrés, bref de la culture, est assez logique.

La culture d’une entreprise se forme avec le temps et dans les années de succès. Les « anciens » savent expliquer ses origines ; elles se trouvent dans la personnalité des fondateurs, un concept ou un produit révolutionnaire, une victoire marquante. On peut citer Darty, fondé sur le service après-vente qui a irrigué toute sa culture ; le mythe Bill Gates pour Microsoft ; le succès de la traction ou de la DS pour Citroën ; ou même les succès des années 70 avec Platini pour les verts de Saint-Etienne. 

La culture d’une entreprise, c’est une mythologie avec un mythe fondateur, des croyances, des légendes, des héros ; c’est ce qui fait la personnalité d’une société au-delà de son organisation rationnelle. Comme le corps et l’esprit pour l’humain, l’entreprise est un corps rationnel et un esprit, culturel et irrationnel.

Quand les transformations sont fortes, il arrive que ce qui a fait le succès passé devienne une menace. Ce cas est même assez fréquent.

Mais quand les contextes évoluent, la culture peut devenir une menace

Les marchés évoluent tous et souvent de plus en plus vite. Les consommateurs deviennent de plus en plus matures, les produits se diversifient, mutent ; des concurrents disparaissent, d’autres arrivent. Les forces de Porter sont en marche et rares sont les entreprises qui ne sont pas soumises à des transformations de leur environnement.

Quand ces transformations sont fortes, il arrive que ce qui a fait le succès passé devienne une menace. Ce cas est même assez fréquent.

Par exemple l’enseigne Virgin a fait son succès sur une grande technicité produit, un large choix et le mythe de Branson. Mais le marché fut attaqué avec une violence inouïe par le téléchargement et la dématérialisation en général. Il aurait fallu, pour résister, développer un goût et une maîtrise de la vente qui auraient permis d’offrir au client une valeur ajoutée par rapport à Amazon. Mais ce changement se heurtait à la culture maison symbolisée dans cette phrase : « Un produit culturel, ça ne se vend pas, ça s’achète »… Ils s’achètent maintenant ailleurs… Ce n’est peut-être pas la culture qui a tué Virgin, mais pour l’avoir vue de l’intérieur, elle y a contribué.

 

2 réactions communes dans ces cas-là

Au cœur des transformations d’un marché, le dirigeant est donc face à un dilemme :

  • Je dois changer la culture mais je risque de casser mes points forts.
  • Je peux préserver ma culture mais je risque de perdre mes marchés.

Ces dernières années, 2 attitudes sont les plus fréquentes face à ce dilemme :

1. Les entreprises qui abandonnent la culture passée sans en faire un sujet en soi

C’est par exemple le cas de Sanofi qui a fait face à la fin de la période des blockbusters et qui a dû passer d’une culture de pharmacien pur à une culture pharmacien/financier pour gérer les marges (ce qui était inutile avant). Dans ce cas précis, pas de grand soir, mais juste une évolution progressive des attentes exprimées au management, et une transformation qui finit par devenir une réalité de fait, aidée par les fusions successives. Aujourd’hui le groupe est plus « froid » qu’avant mais a progressé sans trop de casse, et malgré une nostalgie qui existe toujours.

Parfois c’est plus grave, comme chez France Telecom ou La Poste (probablement les deux entreprises qui ont muté de la façon la plus spectaculaire ces dernières décennies en France). Là, l’ancienne culture a été balayée, pour le bien de l’entreprise (aujourd’hui 2 leaders européens) mais avec des conséquences dramatiques sur les employés.

 

 2. Celles qui la préservent

 Par peur ou par prudence, d’autres entreprises, pourtant acculées au changement, se sont enfermées dans un conservatisme forcené et se sont éteintes ou presque. Quand le monde change l’immobilisme est impossible. On a cité Virgin, mais c’est aussi le cas de Nokia ou même de Sony qui sont restés sur leur ancien cœur de marché, le matériel, alors que la valeur ajoutée dans ce secteur s’était déplacée vers le software.

C’est le syndrome « Empire Romain », qui refusa de changer à cause de sa gloire passée et finit par mourir de ce qui a fait son succès. 

Ces 2 attitudes sont également négatives.

 

Comment changer la culture sans casse ?

Il nous paraît évident que le changement de culture, dans les cas de grandes transformations de marché, est une nécessité vitale. Mais nous nous sommes demandé comment le réussir sans drame ni traumatisme, ou même sans affaiblissement du lien à l’entreprise.

Les évolutions de culture ne peuvent être approuvées et mises en œuvre que dans le cadre d’un projet transparent, qui propose aux collaborateurs de participer à l’aventure de la refondation des us et coutumes.

La réponse est dans la mise en œuvre de ce changement : tout le monde est capable de comprendre que face à un monde qui change, il faut aussi changer en interne. Mais l’erreur consisterait à faire comme si c’était tellement évident et qu’il était inutile de l’accompagner. Les équipes peuvent abandonner des pans entiers de leur culture d’entreprise, si c’est demandé clairement et si l’on propose un nouveau mythe fondateur ; car c’est à ça que sont attachés les collaborateurs. 

Dans tous les exemples que nous avons cités, aucune entreprise n’a fait le choix d’exposer clairement les limites de l’entreprise et de sa culture et de proposer un nouveau mythe. Ils ont avancé à marche forcée, avec une communication corporate, trop rationnelle.

Nous pensons que la clé de réussite d’un tel défi est l’honnêteté pour exposer le changement de culture nécessaire et le courage de proposer une nouvelle mythologie :

  • Ce que l’on peut garder de l’ancienne (« ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain »).
  • Le nouveau mythe fondateur.
  • Les nouvelles légendes internes.
  • Les nouveaux héros.

Concrètement cela veut dire que les évolutions de culture ne peuvent être approuvées et mises en œuvre que dans le cadre d’un projet transparent, qui propose aux collaborateurs de participer à l’aventure de la refondation des us et coutumes.

Ce défi est rapidement exaltant si le patron en parle ouvertement avec émotion et envie, et qu’il fait des difficultés rencontrées les occasions pour les collaborateurs de se distinguer et d’y trouver de la fierté.  

Peu d’entreprises ont réussi ce type de mutations. Probablement Volkswagen (et Audi en particulier) qui a vraiment pris le virage du XXIème siècle ; avec une mutation culturelle interne obligatoire, mais sans drame apparent.

Mais dans ce domaine, l’histoire reste à écrire. Et nous serons particulièrement mobilisés pour les entreprises qui voudront être pionnières dans le changement de culture interne pour une 2ème vie de succès.

L’optimisme : caricature ou art de vivre ?

Dans l’épaisseur d’une morosité ambiante portée comme un fardeau par l’Europe vieillissante, certains acteurs du monde politique et économique jouent la carte de l’optimisme.

Projetant un avenir radieux, interprétant le moindre signe comme la preuve flagrante d’une reprise en marche, ils provoquent des sourires railleurs et des répliques sarcastiques. Entre enthousiasme et méthode Coué, que faut-il donc penser de l’optimisme comme mode de management ?

 

L’optimisme, une posture suspecte

La majorité des économistes font la course à qui prédira l’avenir le plus noir pour l’Europe et le monde.

De tous temps, l’optimisme a généré de la méfiance, voire du mépris. Incarné par Pangloss dans le « Candide » de VOLTAIRE, les optimistes sont vus comme des naïfs ou bien des lâches, refusant de se confronter aux problèmes et aveuglés par une vision bornée du monde qui les entoure. 

A contrario, les pessimistes ont bonne presse car ils offrent un exutoire à nos paniques, à nos phobies qui dans nos sociétés actuelles sont toujours plus nombreuses.

Les ouvrages disséquant la crise, ses drames et ses futures répercussions font recette, la majorité des économistes font la course à qui prédira l’avenir le plus noir pour l’Europe et le monde.

En entreprise, c’est la même chose. L’optimisme est suspect car il est interprété souvent comme une faiblesse. Ainsi un manager plein d’optimisme génère souvent les réactions suivantes : 

  • « Il ne prend pas la mesure de la situation… » : l’optimisme est vu dans ce cas comme un défaut d’analyse, une faiblesse intellectuelle.
  • « Il nous ment ! » : l’optimisme est jugé manipulatoire, un artifice de communication pour abrutir les équipes et cacher la vérité.
  • « Il se ment à lui-même… » : l’optimisme dans ce cas serait un déni de réalité, un manque de courage face à une situation qui nécessiterait d’agir avec fermeté.

Et si nous sous-estimions les vertus des optimistes et de l’optimisme ? 

 

Un outil indéniable de mobilisation

Dans son livre « L’éloge de l’optimisme » paru en 2010 chez Saint-Simon, Philippe GABILLIET met en exergue cette valeur et sa capacité à faire bouger le monde.

Dans cet ouvrage, nous comprenons qu’il est souvent très facile d’être purement réaliste. Voir la situation telle qu’elle est et imaginer les solutions les plus logiques pour y répondre, voilà qui semble inattaquable. Par exemple : ma société vit une situation économique compliquée, il est donc logique de mener une politique de réduction drastique des dépenses et d’engager dans mon équipe un manager qui saura mener cet effort avec rigueur et fermeté .

  • L’optimisme, c’est d’abord la capacité à croire en ses chances, à rendre possible que les choses se passent comme on le souhaite. L’optimisme est donc d’abord forgé d’Ambition.
  • Il comprend aussi la capacité à donner du souffle à son projet, à mettre en route une dynamique positive qui valorise les idées les plus simples qui vont dans la direction de l’amélioration, à autoriser l’erreur sans s’y attarder. L’optimisme, c’est aussi l’enthousiasme.
  • Il nécessite enfin de croire dans les capacités de l’autre à réussir, à surmonter les difficultés. En cela, il propose un autre regard sur les faiblesses et les problèmes, qui deviennent des occasions de progresser. L’optimisme, c’est donc également de la confiance. 

Il ne suffit donc pas de vouloir être optimiste, il faut savoir l’être !

Abordons donc l’optimisme non plus comme une posture facile, naïve, mais voyons le côté exigeant et courageux de la démarche, et surtout sa capacité à créer de la mobilisation. L’optimisme bien employé peut et doit être contagieux.

  

Etre optimiste, ça s’apprend

L’optimisme n’est pas seulement un état d’esprit, c’est aussi une manière d’analyser une situation, de communiquer, de décider, de construire. Il ne suffit donc pas de vouloir être optimiste, il faut savoir l’être !

Pour cela, quelques axes de travail :

1. Assumer son envie personnelle. Nous avons tous en nous trois manières de voir les difficultés : avec l’analyse neutre des faits, avec la peur de ce qu’elles pourraient entraîner, avec la confiance en notre capacité à les vaincre. Etre un manager vous oblige à exprimer l’une de ces trois visions à votre équipe. Etre un manager optimiste, c’est choisir d’exprimer sa confiance.

Ex : Steve Jobs dont nous parlons dans l’autre article a toujours communiqué sa confiance dans sa capacité à « changer le monde », malgré les peurs et les doutes qu’il a forcément ressentis vus les nombreux obstacles qu’il a rencontrés.

2. Jouer en extension. Comme dans le jeu de Go ou dans la sociodynamique, l’optimisme est basé sur une stratégie de conquête plutôt que de défense. La logique consiste à privilégier l’animation des initiatives au combat des oppositions et à jouer sur la dynamique de contagion.

Ex : Dominique Schelcher, président de Système U, défend en période de crise une attitude de consommation plus responsable, qui pourrait paraitre néfaste à ses propres magasins, mais qui devient un motif de ralliement de nouveaux clients.

3. Assumer de tout regarder avec optimisme, même les difficultés. Le piège dans l’optimisme serait de ne regarder que les côtés positifs et de nier les obstacles, tombant ainsi dans la méthode Coué et justifiant les critiques formulées plus haut dans cet article. L’optimiste doit être lucide et offensif, ne pas nier les obstacles et les difficultés mais au contraire les cerner et faire de leur combat le moteur de l’action, le motif de fierté à venir.

En nous éloignant des poncifs traduisant l’optimisme comme la posture confortable du « tout va pour le mieux, dans le meilleur des mondes possibles », ayons donc parfois – nous aussi – le courage d’être optimiste.

ALBUS CONSEIL