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EA : Entretien annuel, Echec annoncé ?

  • « Après son entretien annuel, le collaborateur a été tellement marqué par les remarques du manager que le RH a dû refaire un point de 2h pour expliquer à nouveau les messages »
  • « Dans mon entretien annuel, je n’ai pas pu en placer une, c’est un comble ! »
  • « Tu as ton entretien annuel dans 10 minutes ? Et bien, bon courage… »

L’entretien annuel est souvent vu comme un mauvais moment à passer pour un collaborateur, mais aussi pour son manager qui doit, en une ou deux heures, résumer le travail d’une année entière, donner un avis et faire le lien avec les décisions de reconnaissance financière à venir. Autant dire, mission impossible !

Redouté avant mais aussi souvent décevant après, soit que les doutes aient été confirmés dans les faits, soit que la discussion n’ait abouti à rien. 

 

Une question simple se pose alors : pourquoi le faire ?

Cette interrogation n’est pas rhétorique, une bonne partie des mauvaises pratiques de l’EA vient de son systématisme. Parce que qu’il est fixe, on attend parfois l’entretien annuel pour traiter un sujet humain qui aurait pu, dû être discuté avant ; parce que c’est une figure imposée, la spontanéité des échanges est impossible (tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous), d’ailleurs c’est souvent le manager qui monopolise la parole.

Est-ce que cela veut dire que l’entretien annuel ne sert à rien ? Oui, dans 90% des cas il est inutile voire contre-productif car il déstabilise le collaborateur. Il est trop formel, trop ponctuel, trop partial pour être un bon outil managérial.

Si on le fait parfois par obligation, on le fait aussi « faute de mieux ». C’est un système visible et a priori implacable pour contrôler que le manager manage, que le collaborateur collabore et que les objectifs de l’année sont fixés, ouf ! Le problème, c’est que l’on ne contrôle pas que le manager écoute et passe les bons messages, ou que le collaborateur s’approprie les points de progrès. 

Est-ce que cela veut dire que l’entretien annuel ne sert à rien ? Oui, dans 90% des cas il est inutile voire contre-productif car il déstabilise le collaborateur. Il est trop formel, trop ponctuel, trop partial pour être un bon outil managérial.

Dans un système où faire progresser les autres est une priorité, ou au moins plus prioritaire que de se conformer aux règles du système en place, il est donc contre-productif de normer l’entretien annuel. Il doit être volontaire, avoir lieu quand c’est nécessaire, durer le temps qu’il faut, ne surtout pas être trop écrit en phase de préparation.

  

Quand on doit le faire, comment le faire bien ?

Mais, dans la plupart des entreprises pour lesquelles nous travaillons, l’entretien annuel et sa forme ne sont pas négociables. 

Systématiquement, un temps important est consacré à la préparation : recherche des éléments, écriture du dossier, préparation de l’entretien.

Malgré ce travail consciencieux, les erreurs rencontrées sont souvent les mêmes. La première dans la construction de l’entretien : le défaut d’une rigoureuse préparation, c’est souvent qu’elle rigidifie les éléments de fond et qu’elle incite le manager à trop parler. Alors disons-le, il n’existe aucun entretien annuel où le collaborateur se dise « il me laisse décidément trop parler », donc la préparation et la construction de l’entretien doivent l’inciter à s’exprimer, à formuler ses attentes, ses propres perceptions de l’année écoulée, ses réussites et ses échecs.

Ensuite, parce que l’entretien annuel est souvent plus une évaluation qu’un entretien, la discussion tourne beaucoup autour des objectifs chiffrés : ceux de l’année passée, ceux de l’année à venir. C’est là que le décalage se fait entre un manager qui veut analyser objectivement (donc froidement) les chiffres et le collaborateur qui voit derrière les indicateurs la réalité de son travail, les bons et mauvais moments de son année que son chef n’a pas forcément vu directement et qu’il ne peut deviner. Alors limitons s’il vous plaît la discussion sur les chiffres, parlons des actions, on peut même sortir du bureau et aller voir sur le terrain la réalisation concrète, le travail réalisé. Si, si, c’est permis !

Enfin, soyez humble sur les objectifs de l’entretien. Si 2h une ou deux fois par an pouvait suffire à motiver un collaborateur, convenir avec lui des enjeux de sa mission et des compétences à développer tout en lui permettant de se projeter avec lucidité et envie dans sa carrière, les journées du manager serait beaucoup plus courtes. Il faut choisir un objectif et s’y tenir.

 

Et si on inventait autre chose que ce que l’on a toujours fait ?

Mars Chocolat, c’est ceux qui en parlent le moins qui managent le mieux ?

Tout le monde connaît les produits de Mars, des barres chocolatées à l’alimentation animale (Royal Canin, etc).

Ce que l’on sait un peu moins c’est que l’entreprise est 100% familiale et se place au 4ème rang des groupes alimentaires mondiaux.

Ce que l’on ignorait c’est que c’est l’une des trois entreprises, en France, où les collaborateurs se sentent les plus heureux.

Et quand on creuse, on découvre un modèle managérial remarquable pour une entreprise de cette taille :

  • La transparence et l’équité y sont très présentes : pas de privilège pour les patrons, tout le monde dans l’open space, des interpellations directes et régulières des collaborateurs vers les top managers, etc.
  • La proximité et la responsabilité : sur les 70 000 personnes de l’entreprise, seules 50 se trouvent au siège social près de Washington. Les initiatives sont prises en local, valorisées et partagées en transversal.
  • L’engagement au-delà du business : dans la dernière enquête « Best Place to Work », 86% du personnel a répondu que leur travail chez Mars avait un sens particulier, au-delà de la simple notion d’emploi…

Ci-joint une interview passionnante de Thierry Gaillard, PDG de Mars Chocolat France :

http://www.dailymotion.com/video/xytsvk_thierry-gaillard-mars-etre-compatible-avec-nos-valeurs-familiales_news

Voici un nouvel exemple d’entreprise innovante sur le plan managérial, et pour chacun d’entre nous un réservoir de bonnes idées pour 2014 !

Les fonds de pension, diable ou alibi ?

Comme a priori une majorité d’entre vous, nous avions plutôt en tête que l’arrivée d’un fond de pension au capital d’une entreprise était une mauvaise nouvelle. Pourtant, certains clients nous confient qu’ils seraient preneurs d’une participation, majoritaire ou minoritaire, de ce type d’acteurs. Pas par appât du gain, nos clients sont managers et non actionnaires, mais pour qu’ils apportent un regard différent, plus objectif et froid, sur la stratégie de l’entreprise. Alors, le fond de pension, cauchemar ou opportunité ?

C’est de toute façon une donne du marché

Beaucoup d’entreprises sont détenues par des fonds ; américains, chinois, français également. C’est une réalité. Au lieu de prendre des positions de principes, regardons ce qui s’y passe. 

Leurs objectifs de rentabilité sont très élevés ; pas toujours atteints d’ailleurs. Ils s’installent en général pour 3 à 5 ans (ou plus, quand ils n’arrivent pas à revendre) et cherchent à générer du cash pendant cette période, pour améliorer la valorisation à la revente et se verser des dividendes d’ici là… Il faut bien que les retraités du Wisconsin touchent leurs pensions.

Notre propos n’est pas moral ; dans un monde parfait, nous préférerions comme beaucoup des actionnaires au long cours, qui demandent de la rentabilité, certes, mais raisonnablement (c’est combien, au fait ?), qui se soucient de la pérennité de l’entreprise avant tout et contribuent à sa compétitivité à long terme ; bref, le modèle de la famille Mulliez pour Auchan. Mais, notre système n’est pas ainsi et il faut faire avec les fonds de pension. Et si ce n’était pas si grave….

  

C’est grave, docteur ?

Et disons le franchement, les fonds de pension, ce n’est pas l’enfer ; pas tous, en tous les cas. 

D’abord parce qu’ils sont prévisibles : on sait parfaitement ce qu’ils veulent : « du cash ». On sait qu’ils veulent vendre dans 90% des cas et veulent donc valoriser l’entreprise. Bref, c’est sans surprise.

 Ensuite parce que ces objectifs ne sont pas mauvais en soi. Bien sûr, il y a des fonds qui assèchent des entreprises, mais dans la plupart des cas, ce n’est pas dans leur intérêt. Les objectifs qu’ils poursuivent sont aussi des indicateurs de bonne santé. Qu’une entreprise génère du profit est une bonne chose, fond de pension ou pas. D’ailleurs, encore largement détenu par la famille Peugeot, le groupe PSA a exactement les mêmes objectifs que Darty, détenu par un fond. Ce qui est plus contestable c’est l’utilisation des bénéfices ; mais là encore, ne soyons pas naïfs, les actionnaires familiaux ne sont pas toujours aussi vertueux qu’on l’imagine.

les fonds ont intérêt à ce que les entreprises qu’ils détiennent se développent

Enfin, parce qu’ils ne sont pas idiots. A partir du moment où la rentabilité est démontrée, les fonds savent investir. Et là aussi, à part dans l’aéronautique et la très lourde industrie, combien d’entreprises investissent à plus de 5 ans ? Croyez-vous qu’un actionnaire familial investit sans regarder la rentabilité ? Bien sûr que non.

Nous ne disons pas que les fonds sont un actionnaire de rêve ; mais ce n’est probablement pas un cauchemar non plus.

 

Donner de la vision (malgré) les fonds

Quand bien même l’actionnaire ne serait pas vertueux, il faut se demander qui peut être impacté par lui. En principe, c’est le président, et, pourquoi pas, son comité exécutif. Eux rendent compte de la stratégie et sont responsables des résultats ; ils doivent les défendre et subissent en effet les décisions de l’actionnaire.

Et pour les équipes ?

Elles ont naturellement besoin de sens et de perspectives, mais le fait d’appartenir à un fond n’empêche pas d’avoir un cap, sur le produit, la façon de traiter les clients, les services, l’utilité de l’entreprise plus globalement. Les fonds cherchent à vendre les entreprises, pas à les tuer ; elles auront une vie après.

C’est là que nous disons que les fonds sont souvent un alibi, conscient ou pas : « la société ne se développe pas parce qu’elle est détenue par un fond ». Non, les fonds ont intérêt à ce que les entreprises qu’ils détiennent se développent. Certes, il faut argumenter, montrer la rentabilité, tenir ses engagements, corriger les erreurs… mais c’est ce que l’on attend d’un manager, dans tous les cas.

Nous sommes personnellement inquiets de la financiarisation du monde mais notre esprit de consultant nous dit qu’il est possible de faire mieux, avec et même parfois de progresser grâce à la finance. Il y a des diables dans la finance, mais elle a parfois raison. Ne soyons pas dogmatiques, ne fuyons pas nos responsabilités.

Prouvons qu’il est possible de faire plus de cash en raisonnant long terme. Pourquoi pas ?

Pourquoi la démocratie ne marche-t-elle pas en entreprise ?

Il est curieux de voir que l’entreprise semble échapper à la démocratie. Le modèle d’organisation des entreprises est quasiment toujours hiérarchique et les expériences de co-gestion réelle, si elles sont généralement efficaces, n’en sont pas moins des exceptions et ne peuvent constituer un modèle tant elles sont marginales ; d’ailleurs, c’est probablement en partie parce qu’elles sont rares et plutôt spontanées (ex : les ex-Lejaby) qu’elles fonctionnent : le sentiment d’exception est un moteur formidable.

Pourtant l’aspiration existe, et est exprimée tant sur le terrain que par les syndicats et les politiques. 

La démocratie ne serait-elle pas désirée pas les managers ?

On se heurte très vite au refus des responsabilités : « Ce n’est pas mon boulot » ; « Ils sont payés pour décider, ce n’est pas à moi de faire ».

Concrètement, les managers soucieux de démocratie commencent par la tester en ouvrant à la « co-construction » certains sujets ; et déjà, la difficulté est grande. On sait donner la parole mais il est très difficile de trier et de mettre en œuvre des idées qui ne soient pas accessoires. Et surtout, on se heurte très vite au le refus des responsabilités : « Ce n’est pas mon boulot » ; « Ils sont payés pour décider, ce n’est pas à moi de faire ».

Comme si la soumission en entreprise était consentie, parce que nécessaire. On fait d’ailleurs souvent référence au « capitaine dans la tempête » pour justifier le recours à l’autorité.

 

Pourtant elle est maintenant nécessaire

Mais cette supériorité du pouvoir d’un seul n’est plus vraie. Elle était probablement justifiable dans des périodes de fortes croissances et dans un marché où l’offre dominait la demande :

  • Parce que la forte croissance nécessite des décisions rapides pour saisir les opportunités avant les concurrents et arriver les premiers sur un marché.
  • Parce qu’avant la généralisation d’internet, l’entreprise était à la fois l’expert et la solution. Aussi, on avait « juste » à créer le besoin. Le processus de production du bien ou du service était clé et les décisions devaient être centralisées pour maintenir l’efficacité de ce processus.
  • Parce qu’avant les années de crise, les dirigeants bénéficiaient généralement d’une confiance de principe, et leurs décisions étaient rarement contestées.

 

Mais ces équilibres ne tiennent plus :

  • La réactivité reste importante mais elle est surpassée par l’innovation, la relation avec les clients.
  • Le client est maintenant un expert grâce à internet et ses demandes sont de plus en plus pointues et personnalisées.
  • L’autorité naturelle due au poste ne suffit plus, notamment à cause des années de crises et des fautes de certains patrons emblématiques qui ont beaucoup décrédibilisé l’autorité.

La solution, ce serait naturellement de donner plus de pouvoir au bas de la pyramide : bref, la démocratie…

Ces modifications sont profondes et vont dans le même sens : le pilotage des entreprises est de plus en plus complexe. Le monde d’aujourd’hui impose des micro-modifications en temps réel, et des prises de décisions innombrables pour s’adapter en permanence aux clients et se réinventer.

Or une ligne hiérarchique classique (c’est pire si c’est matriciel) ne peut pas absorber ce besoin : les systèmes de validation des décisions par le supérieur sont une perte d’efficacité intolérable pour répondre au marché… Soi-disant nécessaires, les boucles de validation ne sont que du retard pour répondre aux clients. La solution, c’est naturellement de donner plus de pouvoir au bas de la pyramide : bref, la démocratie. 

La démocratie en entreprise ce n’est pas la république 

Comment réussir à mettre enfin en place la démocratie en entreprise ?

Ceux qui ont essayé se heurtent à des freins qui les font renoncer bien vite ; en particulier le vote, la séparation des pouvoirs sont des concepts qui ont tendance à ralentir la décision, ce qui est mortel dans notre économie si concurrentielle.

Il faut donc admettre que ce ne sont pas les outils de la démocratie qu’il faut copier mais son esprit. Aussi, nous définissons la démocratie en entreprise comme : La liberté des collaborateurs de prendre part aux décisions qui concernent leur relation au client et la relation de leur entité au client. 

Par conséquent, la démocratie en entreprise est un système qui :

  • Développe la liberté au quotidien et favorise l’auto-contrôle.
  • Nécessite donc une fluidité et une transparence d’information quasi totales sur le marché, la stratégie, les produits.

La stratégie n’est pas une exception : c’est le domaine de liberté du dirigeant et de son équipe la plus proche.

Les entreprises doivent comprendre que la démocratie en entreprise, c’est la liberté !

La démocratie est un pari que nous faisons

Nous faisons le pari que supprimer 50 % des temps de contrôle pour les consacrer au client sera largement plus profitable que les quelques erreurs supplémentaires qui seront faites.

Nous faisons le pari que la liberté et la confiance développeront les compétences, la responsabilité et la performance.

Nous faisons le pari que le temps des règles centrales est révolu et que le monde d’aujourd’hui impose souplesse, réactivité et originalité.

Nous faisons le pari que les entreprises qui auront compris que la démocratie en entreprise c’est la liberté, auront un avantage décisif sur leurs concurrents parce qu’elles auront des milliers de cerveaux qui chercheront à satisfaire les clients et pas quelques poignées de décideurs et créatifs.

 

Ne cherchez pas à faire voter, à créer des parlements, ou à séparer les pouvoirs. La démocratie c’est la liberté, ce n’est pas un outil.

Ne copiez pas Steve Jobs

Que l’on aime Steve Jobs ou pas, que l’on aime Apple et Pixar ou pas, force est de constater que les 2 entreprises qu’il a dirigées sont parmi les plus grands succès industriels de ces 50 dernières années, au point qu’on le compare volontiers à Ford. Il a d’ailleurs fait l’objet d’un film, ce qui n’est pas si fréquent pour un patron d’entreprise.


Des résultats qui font rêver

Avec un tel succès, beaucoup de dirigeants dans le monde se demandent quel est son secret pour avoir eux aussi une réussite de cet ordre.

Un de nos clients, patron et propriétaire d’une grande entreprise le cite régulièrement et en fait un modèle. Alexandre de Juniac aussi, PDG d’Air France le convoque explicitement pour justifier sa méthode de management. La biographie de Jobs, écrite par Walter Isaacson, est le livre de chevet de nombreux managers grisés par le succès d’Apple, qui rêvent de devenir un peu meilleurs en lisant ces pages.

  

Oui mais voilà… Steve Jobs était fou !

Indubitablement, Steve Jobs n’est pas un bon manager, comme en rêvent les employés. Il était colérique, manipulateur, insultant parfois, volontiers cruel comme son biographe (pourtant officiel) le montre.

Il faut pourtant bien expliquer le succès de ses entreprises, malgré sa folie.

Il était aussi totalement hermétique à ses actionnaires, ses financiers et ses partenaires, au point d’ailleurs de se faire sortir d’Apple en 1985, avant d’y revenir en 1997.

Steve Jobs avait d’énormes défauts, insupportables aux dires de ses proches eux-mêmes, qu’il compensait par quelques qualités hors du commun. Steve Jobs était un génie ; pas un modèle. Comme d’autres génies tels Churchill, Dali ou Eugène Schueller (fondateur de L’Oréal), Steve Jobs n’est pas duplicable. 

Il faut pourtant bien expliquer le succès de ses entreprises, malgré sa folie.

Il a ainsi construit un dispositif complet, de la philosophie à la mise en œuvre en passant par le management comme l’ont fait Ford et Toyota avant lui.

De sa maniaquerie est née la cohérence

Jobs ne faisant confiance à personne, il a très tôt voulu tout contrôler (cela se retrouve dans la philosophie de ses produits : fermés) et a bâti, seul, un système cohérent de A à Z. Il a ainsi construit un dispositif complet, de la philosophie à la mise en œuvre en passant par le management comme l’ont fait Ford et Toyota avant lui.

Dans l’histoire, les entreprises qui ont eu le plus de succès ont adopté des principes simples, souvent en rupture, et les ont poussés le plus loin possible, le plus longtemps possible. C’est le cas d’Apple dont le système entier repose sur la simplicité, la confrontation des idées, et la préoccupation du client ; mais c’est aussi celui de son alter ego, Microsoft, qui a n’a jamais bougé ses stratégies d’un iota jusqu’au départ de Bill Gates ; c’est le cas de Zara, qui a fait de son patron l’homme le plus riche du monde en construisant un système global pour changer le rapport à la mode ; c’est le cas d’Hermès qui contrôle plus que tout autre sa production et ses canaux de vente, de Porsche ou de Lego qui développent de véritables mythes en s’appuyant sur un système complet de production et de commercialisation très cohérent.

Il est d’ailleurs intéressant de voir que lorsque ces systèmes sont partiellement copiés, les résultats sont très inférieurs au modèle : c’est le cas de Renault qui copiait le système de production de Ford mais sans développer son pendant social (et donc sa future clientèle).

Jobs a toujours œuvré pour son graal, quitte à se séparer violemment de tous ceux qui ne partageaient pas sa vision ou ne lui paraissaient pas à la hauteur.

De sa vanité est née l’ambition

Jobs n’a jamais eu la moindre gêne à affirmer qu’il ne travaillait que pour CHANGER LE MONDE, pas moins. Les produits Apple sont faits pour les gens différents, qui pensent différemment : « Think different ». Il n’a pas toujours réussi, mais n’a jamais fait de compromis avec cette ambition.

On retrouve un graal fort, permanent et absolu dans toutes les entreprises gagnantes sur le long terme : DHL qui veut rapprocher les Hommes, Michelin avec son management et sa philosophie si particulière faite d’humilité extrême et de culture technique. Les principes de la famille Mulliez, ont permis de créer un leader mondial de la distribution et au moins 3 enseignes majeures en Europe (Auchan, Décathlon, Leroy Merlin).

Jobs a toujours œuvré pour son graal, quitte à se séparer violemment de tous ceux qui ne partageaient pas sa vision ou ne lui paraissaient pas à la hauteur.

Au contraire, les groupes préoccupés d’abord par leur rentabilité mais sans raison d’être ont souvent échoué : Vivendi, GM depuis les 80’s, etc.

  

De son aveuglement maladif est né l’indépendance 

Puisqu’il voulait changer le monde, en changeant les habitudes des gens, il ne voulait entendre qu’une seule chose : l’expérience client avec le produit. Il n’a jamais accepté que quiconque négocie avec cette obsession du client. Il insultait ouvertement les gens qui le contredisaient sur ce point.

Steve Jobs ne faisait pas d’étude clients, n’écoutait pas ses contrôleurs de gestion qui s’inquiétaient du coût des produits, refusait de copier ceux qui avaient du succès. Cette particularité (aux frontières de l’aveuglement) a préservé l’intégrité de son projet, et de sa promesse client. Et il a résisté grâce à cet entêtement.

Il est frappant de voir que les entreprises qui ont de grands succès sur la durée ne sacrifient pas tout à la rentabilité immédiate mais à leur stratégie : Toyota est devenu le n°1 mondial en travaillant les produits, la qualité, plutôt qu’en recherchant la rentabilité à tout prix. Décathlon écrase le marché du sport en cherchant la technicité et le meilleur prix (mais pas le plus bas), et rapatrie sa production de vélos en France pour mieux la contrôler.

Mais aujourd’hui, combien sont les patrons qui sont prêts à sacrifier leur rentabilité immédiate ou à refuser les modes pour garantir l’intégrité de leur projet ? Toutes les entreprises veulent « remettre le client au centre » … Mais sont-elles vraiment prêtes à en assumer les conséquences ? C’est pourtant la clef des succès d’Apple et Pixar.

Il n’y a donc pas à copier Jobs lui-même, génie excessif et inimitable, qui a réussi à mettre ses pathologies au service d’un extraordinaire projet d’entreprise. C’est le projet qu’il faut copier, pas l’instigateur : il est indispensable d’avoir de l’ambition, de la cohérence et de l’indépendance pour réussir… l’idéal serait d’y arriver sans être vaniteux, égocentrique et maniaque dans son management.

HARRY POTTER – un modèle parfait d’aventure

A tous les managers qui voudraient animer leurs projets comme des aventures pour que leurs équipes se mobilisent et trouvent de la fierté dans leurs actions, nous recommandons la saga Harry Potter comme récit idéal :

  • Identifiez bien ce qui mérite que l’on prenne des risques pour le préserver… Harry peut mourir certes, mais devrait retrouver son horrible famille d’adoption si le monde des sorciers disparaissait…Voilà pourquoi il se bat tant.
  • Proposez votre aventure à tous sans préjuger de qui seront les héros… Les amis d’Harry ne sont pas tous des « graines de champions », Londubat par exemple est un élève maladroit et gaffeur, et pourtant il devient indispensable à la fin de la saga… il est finalement un héros, comme Harry. Ce qui compte, c’est d’abord l’engagement et attention aux préjugés.
  • Ne faites pas faire le travail aux magiciens. Les professeurs de Poudlard, qui sont pourtant les meilleurs sorciers, n’infligent pas la moindre défaite à Voldemort mais aident les héros à réussir. Dans la saga, leur position est explicite : ils ont fait la guerre précédente (en temps que héros) et passent la main. Le plus important dans l’aventure est de combattre les dragons POUR LA PREMIERE FOIS. Ensuite, il faut aider les suivants à réussir.
  • Rythmez votre histoire de façon simple. L’année scolaire est un rythme évident, incontestable. Il ne demande pas d’effort au spectateur pour être intégré. Tout le monde le connaît.

Le storytelling, bien plus qu’une technique de communicant !

A l’instar de l’ouvrage de Christian Salmon paru en 2007, le storytelling a bien souvent mauvaise presse. Décrit comme une « machine à raconter des histoires et formater les esprits », il ne serait qu’une technique créée par les politiques et les capitalistes ; les uns voulant se faire élire et les autres voulant faire acheter (ce qui revient au même), ils auraient inventé dans les années 1990 un outil de manipulation des masses cherchant à endormir les résistances des gens en leur racontant des histoires.

Comme tout outil diabolique « de distraction massive », il aurait été inventé aux Etats-Unis, avec Reagan en inspirateur et les grandes entreprises comme avides clients.

Fait avec honnêteté et esprit de conquête, le storytelling est donc, bien plus qu’une astuce marketing, un puissant levier de mobilisation.

Sortons des caricatures !

Il est vrai qu’il n’y a pas de fumée sans feu, et que plusieurs exemples navrants, en politique comme dans le marketing, nous montrent les dérives du storytelling.

Citons par exemple la référence à « Joe le plombier » dans la campagne électorale américaine de 2008. Obama et McCain avaient alors fait référence plus de 25 fois à « Joe » et à son histoire pour marquer leur intérêt aux difficultés de l’américain moyen, de l’Amérique profonde. Prendre un cas très particulier pour en faire un argument général et récurrent est une récupération contestable, d’autant que nous avions finalement appris qu’il ne s’appelait pas Joe, qu’il n’était pas plombier et fraudait le fisc…

Il est vrai qu’il n’y a pas de fumée sans feu, et que plusieurs exemples navrants, en politique comme dans le marketing, nous montrent les dérives du storytelling.

Pour autant, il serait malhonnête de réduire le storytelling à ces extrémités et nous pouvons déjà battre en brèche 3 idées reçues sur le storytelling :

  • Il n’est pas né en 1990, il a toujours existé. La définition du storytelling étant l’utilisation des récits pour convaincre et faire passer une idée, son emploi est immémorial. On en trouve des traces partout : chez les grands orateurs de l’antiquité, dans la bible avec les paraboles, dans les fables de la fontaine, dans les discours aux armées de Napoléon à Austerlitz ou en Egypte ou pour valoriser les marques de Luxe comme Hermès ou Vuitton depuis plus d’un siècle, etc.
  • Il n’est donc pas américain, mais universel même s’il est vrai que Steve Denning, un des anciens dirigeants de la banque mondiale, est reconnu comme son théoricien principal.
  • Il n’est pas qu’un outil de communication manipulatoire car il répond à l’aspiration profonde des individus en quête de sens. Nous voyons sans cesse des projets qui échouent ou peinent à avancer par manque d’histoire. Prenons par exemple le cas de l’Europe qui piétine et ne remporte pas l’adhésion des peuples parce qu’elle n’a pas trouvé d’objet de valeur collectif qui fédèrerait les nations, elle ne propose pas d’histoire commune.

Fait avec honnêteté et esprit de conquête, le storytelling est donc, bien plus qu’une astuce marketing, un puissant levier de mobilisation.

 

Proposer à vos collaborateurs de rallier une aventure

Dans notre métier, nous utilisons régulièrement la structure des contes pour aider les managers à réussir leurs changements. Loin de l’utilisation marketing des récits, nous nous appuyons sur eux pour bâtir un projet qui respecte les canons d’un projet mobilisateur.

Nous tirons des récits 4 enseignements principaux :

  • Proposer un graal : pour donner aux équipes l’envie de se battre pour votre projet, vous devez leur révéler une raison qui dépasse les objectifs chiffrés. Doubler le chiffre d’affaires ou mener à bien un projet type ERP ne provoque pas l’envie de vos équipes. Vous devez trouver le graal qui permet de faire comprendre à chacun ce qu’il peut y gagner, ce qui le rendra fier d’avoir participé.
    • Un exemple très simple : les managers d’une usine automobile, qui avait traversé une « annus horribilis » avec une grève de plusieurs semaines, un mort accidentel et des indicateurs dans le rouge, se sont posés la question de définir un nouveau graal pour repartir de l’avant. Ils ont choisi une phrase simple : « retrouver le plaisir de réussir ensemble », mais qui chez eux, étant donné les épreuves récentes, était une aspiration profonde et qui a permis de booster les équipes.
  • Veiller à la répartition des rôles : les récits nous apprennent que tout le monde n’a pas le même rôle, que tous sont importants et doivent être définis et respectés. Dans le Roi Arthur par exemple : un roi qui fixe le graal, des héros qui combattent les difficultés, des magiciens qui fournissent les bons outils pour faire réussir les héros. De cela nous tirons des enseignements précieux sur les rôles attendus d’une direction générale, des opérationnels et des fonctions supports.
  • Imprimer le rythme : pour éviter d’endormir les participants à votre aventure, vous devez définir des épisodes courts, clairement délimités et qui représentent, chacun, un enjeu précis. A la manière des chapitres d’un récit, votre projet doit proposer la réalisation de défis successifs qui le rythmeront jusqu’à son aboutissement.
  • Parler des difficultés : le réflexe que nous avons face aux difficultés, c’est de les minimiser aux yeux de nos équipes. Pourtant, les afficher telles qu’elles sont et chercher à les vaincre avec vos collaborateurs est un moteur d’action formidable. C’est du combat des difficultés que nait le sentiment de succès et la fierté.

 

C’est ainsi que nous promouvons l’utilisation du storytelling. Plutôt que d’utiliser une histoire pour vendre un produit, nous pensons qu’il faut écrire l’histoire avec votre équipe, pour vivre ensemble une aventure enthousiasmante. De toute façon, les équipes n’acceptent pas, ou plus, qu’on leur raconte n’importe quoi !

Les indicateurs, la nouvelle drogue des managers

C’est effrayant le nombre d’indicateurs que l’on peut trouver dans une entreprise ! Ils ont pris des formes à la mode comme les KPI projets, la Balanced Scorecard, l’Obeya dans les systèmes lean, etc. Ils sont affichés, envoyés par mail, transmis par SMS, commentés en comité de direction…

 

Les indicateurs sont partout

C’est effrayant le nombre d’indicateurs que l’on peut trouver dans une entreprise ! Ils ont pris des formes à la mode comme les KPI projets, la Balanced Scorecard, l’Obeya dans les systèmes lean, etc. Ils sont affichés, envoyés par mail, transmis par SMS, commentés en comité de direction. Ils sont affichés pour les actionnaires, pour les certifications ISO, pour les visiteurs, pour les collaborateurs. Ils sont créés par des consultants, par les fonctions support, par les managers eux-mêmes.

L’indicateur et ses objectifs, sont les stars des entreprises. Ils sont tous SMART (Simple Mesurable Ambitieux Réaliste Temporel), ou devraient l’être, sont connus de tous ou ambitionnent de l’être, sont aimés ou détestés… ils se font le plus beau possible… de vraies vedettes, parfois éphémères !

Mais sont-ils si efficaces ?

 

Ils sont trop nombreux

Les indicateurs ne sont pas mauvais en soi mais leur nombre les dessert. Même quand ils ne se contredisent pas, leur multiplication les rend inefficaces… Là où ils devraient mettre en évidence une priorité, ils deviennent souvent une ligne de plus à surveiller. 

Il arrive que des managers aient à piloter plusieurs dizaines d’indicateurs et des centaines d’objectifs. Certains reportings faits sous Excel sont impressionnants. Et ils sont publiés parfois quotidiennement, voire toutes les heures ou même en temps réel ! Ce sont des milliers de données qui sont produites… Combien sont utilisées ?

Les managers sont schizophrènes sur le sujet : il est fréquent d’entendre un manager se plaindre de l’abondance d’indicateurs et de l’impossibilité de les piloter tous ; d’un autre côté, le même manager va en ajouter un, important celui-là… à chaque fois qu’un nouveau problème émerge.

Les managers souffrent donc de l’abondance d’indicateurs mais ne savent pas comment aborder un sujet sans en créer un nouveau. Ils sont en quelque sorte dépendants !

Pourquoi un tel comportement addictif ?

 

Ils trahissent un manque de confiance

Le recours à l’indicateur et aux objectifs est parfois une réponse à la crainte des managers de « laisser faire ». C’est un moyen pratique et qui paraît adapté, par exemple dans les réunions multi-services où personne ne veut prendre de responsabilité.

L’indicateur est ainsi l’expression de la peur du manager.

La peur du dirigeant est passée sur le terrain, perturbant ceux qui doivent réussir la production ou la vente, chaque jour.

C’est le cas souvent de la sécurité : indicateur inamovible de tous les tableaux de bord. Comme si l’enlever entrainait les plus grandes catastrophes ; comme si les opérateurs n’y faisaient attention que quand l’indicateur est bien là.

Caricaturalement :

  1. Le dirigeant constate une dégradation, de la qualité par exemple.
  2. Il en parle au comité de direction, avec virulence souvent.
  3. Les managers décident de créer un indicateur, ou de renforcer la communication (la pression en fait) sur un indicateur existant.
  4. Et le message est passé aux managers de terrain qui exécutent la demande sans la comprendre complètement.

La peur du dirigeant est passée sur le terrain, perturbant ceux qui doivent réussir la production ou la vente, chaque jour.

Plutôt que de chercher la source, on surveille. Plutôt que d’agir, on affiche. La réaction à la peur du chef est visible, il est rassuré. Comme si on faisait baisser la température en regardant le thermomètre.

  

Alors, terminés les indicateurs ?

Non, disons-le tout de suite.

L’indicateur, les objectifs et leur animation sont des outils de management indispensables et responsabilisant… A condition de les utiliser avec subtilité.

Si vous voulez des acteurs responsables, autonomes, créatifs et épanouis, témoignez-leur de la confiance, et, s’agissant des indicateurs :

  • Proposer des priorités larges, et laisser chaque manager et chaque équipe le traduire concrètement sur son terrain. Par exemple « Priorité à la qualité », traduit en « une vérification à chaque lot ».
  • Limiter les indicateurs à 4 au maximum. Au-delà, ils se retiennent moins, et parfois se contredisent. Bien sûr, il faut de nombreuses données pour améliorer les choses au quotidien. Mais les indicateurs sont là pour piloter et donner du sens, pas pour tout voir, tout le temps.
  • Changer les indicateurs quand c’est nécessaire. Un indicateur qui ne change jamais devient un élément du décor qu’on ne voit plus, comme une charte des valeurs dans une salle de réunion. Une entreprise est vivante, ses indicateurs doivent changer tous les 3 ou 6 mois, pour s’adapter aux besoins.

 

Le plus difficile : enlever un indicateur

Au fond, on s’aperçoit que l’indicateur vaut parce qu’il est rare. Et dans une période où on les a multipliés, l’acte le plus marquant est de réussir à en enlever. 

Le manager qui fera tomber les dogmes remportera la mise, parce qu’il aura substitué la confiance à ses peurs. Parce qu’il aura dit « le rendement c’est capital, mais c’est votre affaire, je n’ai pas besoin de le surveiller, je vous fais confiance »…

Il sera alors bien plus crédible quand il dira « nous avons laissé dériver notre rendement, il faut le surveiller à nouveau ; quel indicateur remplace-t-on ? ».

Un indicateur, pour être efficace est un spot mis sur un acteur d’une scène. S’il y a trop de spots, aucun acteur n’est mis en avant, c’est une chorale. Le vrai pouvoir est de savoir orienter 4 spots sur les 4 priorités du moment et d’être capable de les faire changer quand les priorités évoluent.

ALBUS CONSEIL